Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2023
N°2023/69
Rôle N° RG 19/12493 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWJI
[V] [H]
C/
[B] [I]
[G] [C]
SELARL SELARL [H] [I] [C]
Société SELARL DES NEPHROLOGUES [I] [C]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Maxime PLANTARD
Me Marie paule VERDIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 17 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/001090.
APPELANT
Monsieur [V] [H]
né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 12] (TURQUIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Catherine CABANNE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [B] [I]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 10] (Algérie), demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté de Me Marie Paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON
Monsieur [G] [C]
né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 13] (Roumanie), demeurant [Adresse 7]
représenté et assisté de Me Marie Paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON
SELARL [H] [I] [C], dont le siège est sis [Adresse 8]
représentée et assistée de Me Marie Paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON
Société SELARL DES NEPHROLOGUES [I] [C], dont le siège est sis [Adresse 9]
représentée et assistée de Me Marie Paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les docteurs [H] et [I], médecins néphrologues, ont constitué en 2004 une SELARL qui a conclu un contrat d’exercice professionnel libéral avec le centre de dialyses d'[Localité 11].
En 2008, la SELARL a conclu une convention avec l’association Aider afin de développer une activité de dialyse dans le département de la Lozère, qui sera exercée par le docteur [H].
Le docteur [C] a intégré la SELARL en 2009.
M. [H] a quitté temporairement la SELARL dans le cadre d’une convention de portage de ses parts sociales, entre le 1er mai 2010 et le 31 janvier 2012, période pendant laquelle il a exercé à titre individuel en Lozère. Il a réintégré la société le 1er février 2012.
Un différend est apparu entre les associés concernant les relations financières entre M. [H], l’association Aider et la SELARL.
M. [H] s’est notamment vu reprocher par ses associés de percevoir directement de l’association Aider des indemnités de territoire, de ne pas respecter les décisions communes en matière de rémunération et de répartition des charges et d’effectuer des prélèvements indus sur la trésorerie de la SELARL.
Une assemblée générale du 28 février 2014 a fixé des règles de répartition des charges entre la SELARL et les associés gérants ainsi que la rémunération annuelle brute de chaque gérant, désigné le docteur [C] en qualité de seul mandataire pour intervenir auprès de la banque et décidé de faire appel à un avocat pour régulariser la situation entre le docteur [H] et la SELARL concernant les indemnités versées par l’association Aider.
M. [H] a quitté la réunion sans prendre part au vote.
Le docteur [H] a saisi le conseil de l’ordre départemental des médecins par LRAR du 25 mars 2014 d’une plainte à l’encontre du docteur [C] pour attitude non confraternelle, reprochant à ce dernier d’avoir fait bloquer son compte bancaire personnel.
Un procès-verbal de conciliation constatant le retrait de la plainte a été établi le 23 avril 2014.
Une nouvelle plainte a été déposée le 17 avril 2014 par le conseil du docteur [H], ce dernier reprochant à ses associés un changement unilatéral des modalités de rémunération et une atteinte à l’affectio societatis.
Le 2 juillet 2014, le représentant du conseil de l’ordre a constaté l’absence des parties à la réunion de conciliation et lors de la séance du 7 juillet 2014, les membres du conseil de l’ordre ont décidé de transmettre la plainte à la chambre disciplinaire de première instance qui par décision du 7 décembre 2015 s’est déclarée incompétente pour en connaître.
Entre temps, les associés de la SELARL se sont réunis en assemblée générale le 12 juin 2014 et ont voté contre la dissolution de la société en l’absence d’accord sur la prise en charge du passif et pour la révocation du docteur [H] de ses fonctions de cogérant.
Par LRAR adressée le 1er juillet 2014 à la SELARL et à ses associés, le docteur [H] a pris acte de son exclusion de la SELARL.
Le 10 mars 2015, les docteurs [C] et [I] ont voté la mise en sommeil de la SELARL [H] [I] [C].
Ils ont par ailleurs créé une nouvelle structure, la SELARL des néphrologues [I] et [C], qui a poursuivi la collaboration avec le centre de dialyse d'[Localité 11] dans le cadre d’une nouvelle convention.
Par acte des 11 mai et 16 juin 2016, M. [V] [H] a fait assigner la SELARL [H] [I] [C], MM [B] [I] et [G] [C], et la SELARL des néphrologues [I] et [C] devant le tribunal de grande instance de Tarascon.
Il sollicitait la condamnation des défendeurs à lui payer les sommes de :
– 79500 euros en réparation du préjudice lié à la perte de la valeur de ses parts,
– 15000 euros au titre de son préjudice moral.
Il sollicitait en outre que soit ordonnée la dissolution de la SELARL [H] [I] [C] avec désignation d’un administrateur judiciaire en qualité de liquidateur amiable.
La SELARL [H] [I] [C] demandait reconventionnellement la condamnation de M. [H] à lui payer la somme de 77342,04 euros au titre d’un préjudice financier résultant de la perception directe d’indemnités kilométriques et de territoires, de la perception directe d’honoraires de la CPAM et d’honoraires divers et d’un trop perçu de rémunération par rapport aux autres associés.
Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance de Tarascon a statué comme suit :
– déclare irrecevable la demande de M. [H] et l’en déboute,
– déclare irrecevable la demande reconventionnelle des défendeurs et les déboute,
– condamne M. [H] à payer pour tous les défendeurs, la SELARL [H] [I] [C], M. [I], M. [C], la SELARL des néphrologues [I] [C] la somme globale de 1500 euros,
– condamne M. [H] aux entiers dépens de l’instance,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– que M. [H] n’a pas respecté l’article 24 des statuts de la SELARL, qui bien qu’entaché d’une erreur matérielle puisque c’est le conseil national et non le conseil départemental de l’ordre qui est habilité à la mise en place d’un arbitrage, constitue une clause compromissoire et non une simple invitation à une tentative de conciliation,
– que M. [H] a saisi par erreur la chambre disciplinaire qui n’a pu que relever son incompétence,
– qu’il n’a pas saisi l’ordre pour une conciliation préalable mais pour une plainte,
– que l’inobservation de la clause de conciliation préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui ne peut faire l’objet d’une régularisation.
M. [V] [H] a interjeté appel de ce jugement le 30 juillet 2019.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 juillet 2022, l’appelant demande à la cour, vu les articles 122 du code de procédure civile, L.223-22 du code de commerce, 1382 et 1134 anciens du code civil, d’infirmer le jugement du tribunal de Tarascon en date du 17 mai 2019 et statuant à nouveau :
– sur la recevabilité de l’action du docteur [H] :
– à titre principal :
dire et juger que le docteur [H] a bien respecté l’obligation de conciliation préalable prévue à l’article 24 des statuts,
– à titre subsidiaire :
juger que la clause de conciliation préalable prévue à l’article 24 des statuts n’est pas obligatoire compte tenue de sa rédaction elliptique en termes très généraux ou à défaut nul, compte tenu de son absence de clarté, de précision et de son ambiguïté,
en conséquence, déclarer recevable l’action du docteur [H],
– à titre infiniment subsidiaire, si la cour déclarait irrecevable l’action du docteur [H],
déclarer irrecevables les demandes des intimés au titre de leur prétendu préjudice moral et indemnités de territoires et kilométriques,
statuer sur la demande de dissolution de la SELARL [H] [I] [C],
– sur le fond :
débouter la SELARL [H] [I] [C] les docteurs [I] [C] et la SELARL des néphrologues [I] et [C] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– sur le rachat des parts du docteur [H] et son préjudice moral :
– à titre principal :
juger l’exclusion de fait du docteur [H] de la SELARL [H] [I] [C] aux torts exclusifs des docteurs [I] et [C], juger que la SELARL [H] [I] [C] ayant été mise en sommeil et sa clientèle transférée à la SELARL des néphrologues [I] [C] le rachat des parts sociales du docteur [H] conformément à l’article 13 des statuts est devenu sans objet, en conséquence,
condamner la SELARL [H] [I] [C] les docteurs [I] [C] et la SELARL des néphrologues [I] et [C] in solidum au paiement de la somme de 79500 euros au profit du docteur [H], assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, au titre de son préjudice résultant de son exclusion, ce préjudice correspondant à la valeur de ses parts arrêtée au 12 juin 2014,
condamner les docteurs [I] et [C] au paiement de la somme de 15000 euros au profit du docteur [H] au titre de son préjudice moral compte tenu du caractère abusif de son exclusion,
ordonner la dissolution de la SELARL [H] [I] [C] et désigner tel administrateur judiciaire pour occuper les fonctions de liquidateur amiable avec une mission générale de liquidation amiable de la SELARL [H] [I] [C] et rejeter la demande adverse de voir nommer le docteur [I] en qualité de liquidateur amiable,
– à titre subsidiaire (concernant l’évaluation des parts sociales) :
si la cour estimait ne pas disposer d’éléments suffisants pour fixer le préjudice du docteur [H], il lui est demandé de nommer un expert judiciaire qui aura pour mission de :
– constater le détournement de clientèle de la SELARL [H] [I] [C] au profit de la SELARL des néphrologues [I] et [C],
– évaluer le préjudice subi par le docteur [H] du fait de son exclusion de fait de la SELARL [H] [I] [C] par ses associés,
– pour ce faire, évaluer le montant des parts de la SELARL [H] [I] [C] au 12 juin 2014, date de son départ,
– faire toutes les observations utiles à la compréhension du litige,
– donner son avis sur les responsabilités encourues,
– répondre, conformément aux dispositions de l’article 276 du code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées,
– avant d’émettre la vie sur le dossier, transmettre aux parties un pré-rapport,
– sur les demandes reconventionnelles adverses :
– à titre principal :
débouter la SELARL [H] [I] [C], les docteurs [I] [C] et la SELARL des néphrologues [I] et [C] in solidum de leur demande aux fins de condamnation du docteur [H] à la somme de 77342,04 euros au titre des indemnités de territoires et de 10000 euros chacun au titre de leur prétendu préjudice moral,
– à titre subsidiaire, si la cour estimait que les indemnités de territoires et indemnités kilométriques auraient dû être facturées et encaissées par la SELARL [H] [I] [C] et condamnait le docteur [H] au paiement de la somme de 77342,04 euros,
dire et juger qu’en vertu de la reconduction tacite d’une pratique instituée par les associés en 2008 et 2009 et suspendue pendant la durée de la convention de portage entre mai 2010 et février 2012, la SELARL [H] [I] [C] doit rembourser au docteur [H] les indemnités de territoires et indemnités kilométriques,
en conséquence, condamner la SELARL [H] [I] [C] au paiement de la somme de 77342,04 euros au titre des indemnités de territoires et indemnités kilométriques non perçues pour 2012, 2013 et 2014,
– à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne retenait pas la solution précédente :
juger que le docteur [H] ne pourra pas être condamné à régler une somme supérieure à 51561,36 euros (77’342,04 euros x 2/3), 1/3 lui revenant dans la mesure où il était associé de la SELARL [H] [I] [C] et qu’il aurait dû en tout état de cause percevoir sa part sur ce produit,
condamner la SELARL [H] [I] [C] réglée au docteur [H] la somme de 37840 euros au titre des frais de logement et des indemnités kilométriques non perçues pour 2012, 2013 et 2014,
– en toute hypothèse :
condamner la SELARL [H] [I] [C], les docteurs [I] [C] et la SELARL des néphrologues [I] et [C] in solidum au paiement de la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Par conclusions déposées et notifiées le 28 décembre 2022, les intimés demandent à la cour, vu les articles 122, 1455 du code de procédure civile, de :
déclarer M. [H] mal fondé en son appel et l’en débouter,
déclarer la SELARL [H] [I] [C], la SELARL des néphrologues [I] [C], M. [I] et M. [C] bien fondés en leur appel incident et leurs demandes et y faire droit,
– à titre principal sur l’irrecevabilité :
confirmer le jugement en date du 17 mai 2019
– à titre très infiniment subsidiaire et d’appel incident :
débouter M. [H] de toutes ses demandes fins et conclusions, à savoir de sa demande d’indemnisation d’un montant de 79’500 euros au titre du préjudice résultant de son exclusion et correspondant à la valeur des parts sociales, de sa demande d’indemnisation d’un montant de 15’000 euros au titre du préjudice moral compte tenu du caractère abusif de son exclusion, à défaut la ramener à de plus justes proportions,
ordonner la dissolution anticipée de la SELARL [H] [I] [C],
à ce titre il conviendra de désigner M. [B] [I] en qualité de liquidateur avec pour mission de clôturer les comptes de liquidation dont notamment réclamer le paiement à M. [H] de la somme de 3602 euros (compte courant débiteur) et de procéder au partage des dettes proportionnellement aux droits des associés,
– à titre subsidiaire :
s’il venait à être désigné un administrateur ad hoc, ce dernier sera aux frais avancés de M. [H],
s’il était fait droit à la demande d’expertise, intégrer dans la mission de l’expert la prise en compte du rapport de M. [S] du 28 juin 2016,
condamner M. [H] à payer à la société [H] [I] [C] la somme de 77’342,04 euros au titre du préjudice financier,
condamner M. [H] à payer à M. [I] et à M. [C] une somme de 10’000 euros chacun au titre du préjudice moral,
– en toute hypothèse :
condamner M. [H] à payer solidairement à M. [I] M. [C], à la SELARL [H] [C] (sic) et à la SELARL des néphrologues [I] [C] la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
La procédure a été clôturée le 14 février 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l’action intentée par M. [H] :
Les statuts de la SELARL [H] [I] [C] comportent un article 24 rédigé comme suit :
‘Sous réserve des compétences des juridictions disciplinaires, toutes contestations qui pourraient surgir, concernant l’interprétation ou l’exécution des statuts ou relativement aux affaires sociales, entre les associés ou entre les associés et la société, pendant la durée de la société ou de sa liquidation, sont soumises en premier lieu à l’arbitrage du Conseil Départemental de l’Ordre des médecins et en cas de désaccord persistant aux tribunaux civils compétents.’
Les parties s’opposent sur la nature de la clause, les intimés soutenant la qualification de clause compromissoire, contestée par l’appelant.
Conformément aux dispositions de l’article 1156 du code civil, dans sa version applicable à l’espèce, soit celle antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il convient de rechercher la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.
Aux termes de l’article 1442 alinéa 2 du code de procédure civile, la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats.
Il s’évince des dispositions des articles 1442 et suivants et notamment de l’article 1478 que pour recevoir la qualification de clause d’arbitrage ou clause compromissoire, la convention doit prévoir que la résolution du conflit est confiée à un tiers investi d’un pouvoir juridictionnel dont la décision présente un caractère obligatoire et s’impose aux cocontractants.
Tel n’est pas le cas lorsque la clause impose le recours à l’intervention d’un tiers pour la recherche d’un dénouement amiable du litige, dont la mission n’est pas de nature juridictionnelle.
En l’espèce, la formulation de la clause selon laquelle le litige est soumis ‘en premier lieu’ au conseil départemental de l’ordre, et ‘en cas de désaccord persistant’ aux tribunaux civils compétents, est incompatible avec la définition de l’arbitrage et fait apparaître que les parties ont entendu instituer une procédure de tentative préalable de résolution amiable du litige confiée au conseil départemental de l’ordre.
L’interprétation selon laquelle les parties ont entendu confier au conseil départemental de l’ordre non pas une mission d’arbitrage mais une mission de conciliation est au contraire cohérente avec les dispositions de l’article R.4127-56 du code de la santé publique aux termes duquel ‘un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l’intermédiaire du conseil départemental de l’ordre.’
La circonstance, soulignée par l’appelant, qu’il n’existe pas de chambre d’arbitrage de l’ordre au niveau départemental vient corroborer cette interprétation.
Il résulte de ce qui précède que M. [H] n’était tenu par aucune clause compromissoire envers ses associés ou la SELARL [H] [I] [C], mais qu’il avait l’obligation de rechercher une conciliation préalable.
Il ressort des pièces versées aux débats que par courrier du 17 avril 2014 référencé [H] / SELARL [H] [I] [C], avec en objet : plainte ordinale, saisine de la commission de conciliation, accompagné d’un mémoire, le conseil de M. [H] a saisi le 17 avril 2014 le conseil départemental de l’ordre en vue d’une conciliation entre le docteur [H] et ses associés, sur le litige lié aux indemnités de territoires, aux décisions prises en matière de rémunération et de répartition des charges portant atteinte à l’affectio societatis, sur l’éventuelle dissolution de la société.
La SELARL [H] [I] [C] a communiqué, en réponse à ce mémoire, un mémoire aux termes duquel elle énonce différents griefs à l’encontre du docteur [H] et sollicite expressément, conformément à l’article 24 des statuts, l’arbitrage préalable du conseil de l’ordre.
Une réunion en vue d’une conciliation a été fixée pour le 2 juin 2014 au siège du conseil départemental de l’ordre, reportée au 30 juin 2014.
Le conseil de M. [H] a communiqué le 27 juin 2014 au conseil de l’ordre un mémoire en vue de l’audience de conciliation du 30 juin 2014, aux termes duquel il évoque également les conséquences de sa révocation de ses fonctions de gérant intervenue le 12 juin 2014.
Le 2 juillet 2014, le représentant du conseil de l’ordre a établi un procès-verbal de carence, mentionnant que le docteur [I] avait sollicité le 26 juin 2014 un nouveau report du fait de l’indisponibilité du docteur [C] et qu’informé par téléphone de l’absence de la partie adverse, M. [H] ne s’était pas non plus présenté.
Lors de la séance du 7 juillet 2014, les membres du conseil de l’ordre ont décidé de transmettre la plainte à la chambre disciplinaire de première instance qui par décision du 7 décembre 2015 s’est déclarée incompétente pour en connaître.
Il résulte de ce qui précède que M. [H] a effectivement saisi le conseil départemental de l’ordre d’une demande de conciliation sur le litige qui l’oppose à ses associés et à la SELARL [H] [I] [C].
L’absence de conciliation et la décision du conseil de l’ordre de transmettre le dossier à la chambre disciplinaire, indépendantes de la volonté de M. [H], sont sans incidence sur la recevabilité de l’action intentée par ce dernier devant le tribunal de grande instance de Tarascon.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. [H] ainsi que les demandes reconventionnelles des défendeurs.
Sur le fond :
Sur les demandes indemnitaires de M. [H] :
Aux termes du dispositif de ses écritures, M. [H] demande à la cour de ‘condamner la SELARL [H] [I] [C] les docteurs [I] [C] et la SELARL des néphrologues [I] et [C] in solidum au paiement de la somme de 79500 euros au profit du docteur [H], assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, au titre de son préjudice résultant de son exclusion’ et de ‘condamner les docteurs [I] et [C] au paiement de la somme de 15000 euros au profit du docteur [H] au titre de son préjudice moral compte tenu du caractère abusif de son exclusion.’
Ainsi, selon les prétentions énoncées au dispositif de ses conclusions qui seules saisissent la cour conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les préjudices dont M. [H] demande réparation sont ceux résultant de son exclusion de la SELARL [H] [I] [C].
Il lui appartient en conséquence de démontrer qu’il a effectivement fait l’objet d’une exclusion de la société.
L’article 13.1 des statuts de la SELARL est rédigé comme suit :
‘L’associé exerçant son activité au sein de la société peut être exclu :
– lorsqu’il est frappé d’une sanction entraînant une interdiction d’exercice ou de dispenser des soins aux assurés sociaux, égale ou supérieure à trois mois ;
– lorsqu’il contrevient aux règles de fonctionnement de la société.
Cette exclusion est décidée par les associés à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, calculée en excluant, outre l’intéressé, les associés ayant fait l’objet d’une sanction pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, l’unanimité des autres associés exerçant au sein de la société et habilité à se prononcer en l’espèce devant être recueillie.
Aucune décision d’exclusion ne peut être prise si l’associé n’a pas été régulièrement convoqué à l’assemblée générale, quinze jours au moins avant la date prévue et par lettre recommandée AR, et s’il n’a pas été mis à même de présenter sa défense, par lui-même ou par mandataires, sur les faits précis qui lui sont reprochés.
Les parts de la société exclue sont soient achetées par un acquéreur agréé dans les conditions de l’article 10 ci-dessus, soit achetées par la société qui doit alors réduire son capital.
À défaut d’accord sur le prix de cession des parts ou sur leur valeur de rachat, il est recouru à la procédure de l’article 1843-4 du code civil.’
Par LRAR du 17 mai 2014 versée aux débats M. [H] a été convoqué pour une assemblée générale prévue le 3 juin 2014 à l’effet de délibérer sur l’ordre du jour suivant :
– dissolution anticipée de la société et fixation du siège de la liquidation, du lieu où la correspondance doit être adressée et où les actes et documents doivent être notifiés,
– nomination d’un liquidateur et détermination de ses pouvoirs et obligations,
– révocation de M. [V] [H], cogérant,
– pouvoir pour dépôt et publication.
La convocation mentionne en pièces jointes le rapport de la gérance et mémoire, le projet du texte des résolutions.
Le 3 juin 2014 la réunion de l’assemblée générale a été reportée au 12 juin 2014, date à laquelle elle s’est effectivement tenue, en présence de M. [H] assisté de son conseil.
Il ressort du procès-verbal des délibérations que la résolution relative à la dissolution anticipée et à la liquidation amiable de la SELARL a été rejetée et que l’assemblée générale a voté la révocation de M. [H] de ses fonctions de gérant.
Aucune résolution relative à l’exclusion de M. [H] en tant qu’associé n’a été soumise au vote de l’assemblée générale.
M. [H] a adressé le 1er juillet 2014 à la SELARL [H] [I] [C] à l’attention de MM [I] et [C], un courrier rédigé en ces termes :
‘Messieurs les gérants,
vous avez cru devoir annuler la réunion de conciliation au conseil de l’ordre de ce jour.
Par ailleurs, l’assemblée générale de notre société en date du 12 juin 2014 a procédé à la révocation de ma fonction de gérant, me privant de tout statut dans la société.
Enfin, à ce jour, je n’ai pas reçu la rémunération qui m’est due pour le mois de juin 2014, correspondant au travail que j’ai effectué pour la SELARL au mois de mai 2014, seuls 1994,00 euros correspondant aux honoraires de mon activité clinique étant versés à ce jour.
L’ensemble de ces faits valent pour moi décision d’exclusion de votre fait de notre société au sens de l’article 13 des statuts.
Je reprends donc ma liberté et considère ne plus exercer au sein de la SELARL à compter du 12 juin 2014.
Je considère néanmoins que cette exclusion est totalement abusive et j’en tirerai les conséquences qui s’imposent (…).’
M. [H] a par ailleurs poursuivi à titre individuel sa collaboration avec l’association Aider et signé avec cette structure un nouveau contrat d’exercice libéral, suivant acte sous seing privé produit par les intimés, prenant effet dès le lendemain de sa révocation.
Contrairement à ce qu’affirme le docteur [H], sa révocation de ses fonctions de cogérant n’entraîne pas automatiquement son exclusion de la société et ne lui permet pas de se prévaloir de l’article 13 des statuts alors que la situation de fait qu’il invoque résulte de sa propre décision de reprendre sa liberté et ne plus exercer au sein de la SELARL.
M. [H], qui ne démontre pas qu’il a effectivement fait l’objet d’une exclusion de la société, sera débouté de ses demandes d’indemnisation de préjudices résultant de son exclusion de la SELARL ainsi que de sa demande subsidiaire tendant à la désignation d’un expert pour ‘évaluer le préjudice subi par le docteur [H] du fait de son exclusion de fait de la SELARL [H] [I] [C] par ses associés’.
Sur la dissolution anticipée de la SELARL [H] [I] [C] :
Les parties s’accordent sur le principe de la dissolution anticipée de la SELARL [H] [I] [C], justifiée par la disparition de l’affectio societatis.
La mésentente grave entre M. [H] et les deux autres associés a conduit à l’impossibilité pour l’assemblée générale réunie le 12 juin 2014 de prendre les décisions relatives à la mise en oeuvre d’une liquidation amiable.
Il apparaît dès lors nécessaire de désigner un liquidateur extérieur à la société, comme il sera dit au dispositif.
Sur les demandes reconventionnelles des intimés :
Les intimés versent aux débats un rapport d’expertise judiciaire établi le 22 juin 2016 par M. [N] [S], expert-comptable.
Cet expert avait été désigné le 16 octobre 2014 par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Montpellier, saisi par la SELARL [H] [I] [C], aux fins d’éclaircir les relations financières entre l’association Aider, la SELARL et le docteur [H], de 2012 à 2014.
L’expert rappelle, sans être contredit par les parties sur ce point :
– que le docteur [H] a dans un premier temps effectué, pour le compte de la SELARL dont il était membre, des prestations médicales en Lozère, dans un cadre défini par une convention signée entre la SELARL et l’association Aider en juin 2008,
– que pendant cette première période, le chiffre d’affaires réalisé par le docteur [H] auprès de l’Aider était perçu par la SELARL, laquelle facturait également à l’association des indemnités kilométriques qu’elle reversait à l’intéressé,
– qu’entre le 1er mai 2010 et le 31 janvier 2012, M. [H] est sorti de la SELARL et a poursuivi son activité auprès de l’Aider à titre personnel en vertu d’un nouveau contrat d’exercice libéral modifié par 4 avenants,
– que pendant cette période M. [H] a perçu de l’Aider, en sus des honoraires rémunérant son activité médicale, des sommes intitulées ‘indemnités de territoires’ d’un montant mensuel forfaitaire porté à 4500 euros au 1er mars 2011, ainsi que des indemnités kilométriques, qui selon le bénéficiaire, étaient destinées à compenser les désagréments liés aux conditions plus difficiles d’exercice en Lozère et les frais de double résidence,
– qu’à compter du 1er février 2012 le docteur [H] a réintégré la SELARL mais aucune convention n’a été régularisée entre l’Aider et la SELARL, et si les honoraires ont été versés directement à la SELARL par l’Aider, le docteur [H] a continué à percevoir directement de l’Aider les indemnités de territoires, dont le montant mensuel a été réduit à 2550 euros à compter du 1er septembre 2012 lorsque le praticien n’était présent en Lozère que 15 jours par mois, ainsi que les indemnités kilométriques,
– qu’à compter du 1er janvier 2014, les indemnités de territoire et indemnités kilométriques ont été versées à la SELARL.
Selon le rapport d’expertise, M. [H] a perçu directement de l’Aider :
– 5744,64 euros d’indemnités kilométriques et 31500 euros d’indemnités de territoire pour la période courant de février à août 2012,
– 1417,02 euros d’indemnités kilométriques et 6750 euros d’indemnités de territoire pour la période de septembre à décembre 2012,
– 4248,30 euros d’indemnités kilométriques et 20250 euros d’indemnités de territoire pour la période courant de janvier à septembre 2013.
Les intimés reprochent à M. [H] d’avoir directement perçu ces indemnités en contravention des règles de fonctionnement de la société et en sollicitent le remboursement par ce dernier à la SELARL.
Il sera cependant relevé que la situation à l’origine de ce différend est imputable à l’incurie de la SELARL [H] [I] [C] qui n’a formalisé aucune nouvelle convention définissant précisément les conditions de la reprise de sa collaboration avec l’Aider à compter du 1er février 2014.
Par mail du 5 janvier 2012 adressé en copie au docteur [I] et au conseil de la SELARL, M. [H], qui s’apprêtait à réintégrer la SELARL le 1er février 2012, faisait part de son intention de conserver le montant de l’indemnité de territoire compte tenu du fait qu’il devait assurer l’activité de la SELARL en Lozère.
La SELARL n’a pris jusqu’en 2014 aucune décision pour clarifier les relations financières entre la société Aider, le docteur [H] et elle-même et s’opposer à la perception directe par ce dernier des indemnités de territoire et kilométriques, cette modalité se substituant à la pratique antérieure au 1er mai 2010 selon laquelle la SELARL reversait à M. [H] des indemnités kilométriques et des indemnités de logement, ainsi qu’il résulte des extraits du grand livre de la SELARL pour les années 2008 et 2009 produits par l’appelant.
En considération de ces éléments, la demande de remboursement formée par la SELARL n’apparaît pas fondée et sera rejetée.
MM [I] et [C] seront également déboutés de leur demande en dommages et intérêts, à défaut de rapporter la preuve suffisante d’un préjudice moral en lien de causalité avec une faute du docteur [H].
Chacune des parties succombant partiellement sur ses prétentions conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel sans qu’il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre partie.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,
Déclare M. [V] [H] recevable en ses demandes,
Déclare la SELARL [H] [I] [C], MM [B] [I] et [G] [C], et la SELARL des néphrologues [I] et [C] recevables en leurs demandes reconventionnelles,
Au fond, déboute M. [V] [H] de ses demandes d’indemnisation des préjudices résultant de son exclusion de la société ainsi que de sa demande d’expertise à titre subsidiaire,
Déboute SELARL [H] [I] [C], MM [B] [I] et [G] [C] de leurs demandes respectives à l’encontre de M. [H],
Ordonne la dissolution anticipée de la SELARL [H] [I] [C],
Désigne en qualité de liquidateur la SAS les mandataires représentée par Maître [T] [W], [Adresse 6], pour une durée ne pouvant excéder trois ans, renouvelable dans les conditions prévues à l’article L.237-21 du code de commerce,
Dit que le liquidateur procédera comme il est dit aux articles L.237-23 à L.237-25 du code de commerce,
Dit que les frais et honoraires dus au liquidateur seront supportés par MM [V] [H], [B] [I] et [G] [C], chacun à concurrence d’un tiers,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d’appel par elle exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT