Tentative de conciliation : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00526

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Tentative de conciliation : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00526

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT AVANT-DIRE-DROIT

N° 36 DU 30 JANVIER 2023

N° RG 22/00526

N° Portalis DBV7-V-B7G-DOHH

Décision déférée à la cour : jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 2 mai 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 21/02135.

APPELANTS :

Madame [Z] [A]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001622 du 22/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Basse-Terre.

Madame [R] [A]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/001159 du 08/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Basse-Terre.

Monsieur [O] [B]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant tous pour avocat Me Patrice Tacita, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIMEE :

La SARL Compagnie Agricole du Comté de Lohéac

Dont le siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Louis-Raphaël Morton de la SCP Morton & Associés, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant Monsieur Frank Robail, chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposé, puis mise en délibéré devant la cour composé de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 janvier 2023 ; par avis du même jour, les parties ont été avisées de la prorogation de ce délibéré au 30 janvier 2023.

GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame Armélida Rayapin, greffière.

ARRÊT :

– Contradictoire et avant-dire-droit prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La S.A.R.L. COMPAGNIE AGRICOLE DU COMTE DE LOHEAC, ci-après désignée ‘la société CACL’, anciennement dénommée ‘COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET AGRICOLE DU COMTE DE LOHEAC’, est propriétaire à [Localité 6], d’une parcelle de terre y cadastrée sous le n° [Cadastre 1] de la section AB d’une contenance de 45 ha 02 a 41 ca ;

A la fin de la récolte de 1987, la société CACL a verbalement consenti à M. [W] [U] [J] un bail à colonat partiaire sur une partie de cette parcelle ;

Courant 1989, une construction à usage d’habitation a été réalisée sur cette même parcelle ;

Par acte sous seing privé du 8 octobre 1991, M. [J] a ‘(reconnu) avoir vendu une partie’ de l’exploitation de ladite parcelle au profit de M. [K] [C] ‘pour la somme de 45 000″ francs ;

Par acte d’huissier de justice du 28 janvier 2011, la même société a fait assigner M. [J] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE aux fins de voir, avec exécution provisoire :

– constater l’existence d’une construction sur ladite parcelle, en violation des dispositions du contrat départemental de colonat partiaire,

– constater la violation des dispositions du contrat type départemental de colonat partiaire relatives à l’interdiction de céder l’exploitation donnée à bail,

– prononcer la résiliation du bail à colonat partiaire qui a débuté après la récolte de 1987 et renouvelé tacitement jusqu’alors,

– condamner M. [J] à libérer les lieux dans un délai de 30 jours suivant la signification du jugement, avec, si besoin, l’assistance de la force publique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard,

– condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, en ce compris le procès-verbal de constat ;

Par jugement du 27 juillet 2012, ce tribunal, sur échec de la tentative de conciliation obligatoire préalable :

– a rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [J],

– a dit que les parties sont liées par un contrat verbal de bail à colonat partiaire ayant pris effet après la récolte de 1987, portant sur une partie de la parcelle cadastrée secion AB n° [Cadastre 1] lieudit [Adresse 3] à [Localité 2],

– a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur l’application des articles L 462-1 à L 462-21 du code rural relatifs aux baux à colonat partiaire et notamment sur les conditions de résiliation prévues à l’article L 462-5,

– a invité les parties à préciser le mois de prise d’effet du bail en 1987 et à se prononcer sur la date d’expiration de ce bail au regard des renouvellements successifs intervenus depuis sa prise d’effet,

– et a sursis à statuer sur le surplus des demandes, réservant les dépens en fin de cause ;

Appel avait été relevé de ce jugement, lequel a fait l’objet d’une caducité constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 janvier 2013 ; ledit jugement est donc irrévocable ;

Par jugement du 12 décembre 2013, le même tribunal partitaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE, sur reprise de l’instance après ce sursis à statuer :

– a constaté que le bail à colonat partiaire liant la S.A.R.L. COMPAGNIE AGRICOLE DU COMTE DE LOHEAC à M. [J] a été converti de plein droit en bail à ferme à la date du 28 janvier 2011,

– a dit encore qu’en édifiant une maison d’habitation sans autorisation sur la parcelle objet de ce bail, M. [J] a commis un abus de jouissance compromettant la bonne exploitation du fonds,

– a dit qu’en concluant une cession partielle de ce même bail sans autorisation, M. [J] a commis un autre abus de jouissance qui compromet la bonne exploitation du fonds,

– a donc prononcé la résiliation de ce bail,

– a ordonné l’expulsion de M. [J] de la susdite parcelle, avec, si besoin, le concours de la force publique,

– a dit n’y avoir lieu à astreinte,

– a débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts,

– a mis les dépens d’instance à sa charge,

– l’a condamné à payer à la société CACL la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– et a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

Sur appel de ce jugement par M. [J], et par arrêt contradictoire n° 857 du 29 décembre 2014, la cour d’appel de ce siège l’a infirmé, a rejeté la demande de résiliation du bail rural liant les parties et d’expulsion de M. [J] et de tous occupants de son chef, ainsi que toute autre demande, a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la société CACL aux entiers dépens, sous distraction ;

La cour de cassation, par un arrêt n° 895 FS-D du 8 septembre 2016, a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel sus-visé dans toutes ses dispositions, a remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées pour être fait droit, devant la cour d’appel de FORT-DE-FRANCE ;

Cet arrêt de cassation a été signifié à M. [J] le 23 septembre 2016 et, en l’absence de saisine de la cour de renvoi, le directeur du greffe de cette dernière a délivré un certificat de non saisine le 7 juin 2017, si bien que le jugement du 12 décembre 2013 a acquis force de chose jugée et irrévocabilité ;

Une procédure d’expulsion a été engagée à l’encontre de M. [J] en suite de ce certificat de non saisine de la cour de renvoi, et ce par un commandement de quitter les lieux délivré le 31 juillet 2017 ;

En réponse à cette procédure d’expulsion :

1°/ M. [J], au milieu de 37 autres requérants, chacun pour la parcelle le concernant, et par acte d’huissier de justice du 20 octobre 2017, a fait assigner la société CACL devant le tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE à l’effet de se voir reconnaître la propriété de la partie de la parcelle AB n° [Cadastre 1] acquise, selon lui, par usucapion ;

Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE a constaté notamment qu’aucune demande n’était réellement formulée au bénéfice de M. [J] ; celui-ci en a relevé appel le 1er avril 2021, mais par ordonnance du 19 octobre 2021, la cour d’appel de ce siège a constaté le désistement d’appel de M. [J] ;

2°/ Mme [Z] [A], compagne de M. [J], par acte d’huissier du 31 mai 2019, a fait assigner la société CACL devant le tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE à l’effet de voir :

– dire recevable sa tierce-opposition au jugement du 12 décembre 2013,

– surseoir à statuer sur la demande de résiliation du bail et d’expulsion,

– condamner la défenderesse à lui payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

Par jugement du 17 septembre 2020, ce tribunal a dit irrecevable la tierce-opposition de Mme [A] et l’a condamnée à payer à la société CACL une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;

Mme [A] en a interjété appel le 30 octobre 2020, mais seulement en ce que le tribunal l’a condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la cour d’appel de céans, par arrêt du 27 septembre 2021, a réduit à 1 000 euros la condamnation de Mme [A] à ce titre ;

3°/ M. [J] et Mme [Z] [A], par acte d’huissier du 18 décembre 2017, ont fait appeler la même société CACL devant cette fois le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de POINTE-A-PIRE aux fins de voir :

– A titre principal, annuler cette procédure d’expulsion :

*** en raison de la présence sur le lieu d’expulsion de sa compagne [Z] [A] non visée par le jugement du 12 décembre 2013,

*** en ce que son exécution est impossible en raison de l’inexistence du lieu-dit ‘[Adresse 3]’,

*** en raison de la mission de famille d’accueil qu’exerce sur le lieu d’expulsion sa compagne sus-nommée,

*** et en raison de son âge et de son état de santé,

– A titre subsidiaire, ordonner la suspension de son expulsion en raison de la procédure de revendication de la propriété par usucapion en cours ;

Par jugement du 9 décembre 2019, le juge de l’exécution a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes de la société CACL dans l’attente de l’issue des procédures en cours devant le tribunal de grande instance et le tribunal paritaire des baux ruraux du même siège les 20 octobre 2017 et 31 mai 2019 et dit qu’il appartiendrait à la partie la plus diligente de solliciter la remise au rôle de l’affaire dès l’intervention de ces décisions ;

Sur réinscription de cette affaire au rôle du juge de l’exécution à la demande de la société CACL après que les susdits jugements et arrêts eurent été rendus sur les actions qui avaient généré le sursis à statuer sus-rappelé, ce juge, par jugement contradictoire n° 2022/69 du 2 mai 2022 :

– a dit n’y avoir lieu à surseoir à nouveau à statuer, à l’encontre de la nouvelle demande en ce sens des consorts [J]-[A],

– a débouté ces derniers de leur demande tendant à l’annulation de la procédure d’expulsion diligentée à l’encontre de M. [J] [W] [U],

– a débouté la société CACL de sa demande tendant à voir assortir la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE 12 décembre 2013 d’une astreinte et de sa demande de dommages et intérêts,

– et a condamné solidairement M. [J] et Mme [A] à payer à la société CACL la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

4°/ Par requête du 5 novembre 2021, Mme [Z] [A], Mme [R] [A] (fille de M. [J]) et M. [O] [B], ‘représenté par sa tutrice légale Mme [L] [X]’, ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE d’une tierce-opposition au jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du même siège en date du 12 décembre 2013, Mme [Z] [A] et M. [O] [B] prétendant vivre sur le terrain dont M. [J] a été expulsé alors même que ledit jugement n’ordonne pas l’expulsion de ‘tous occupants de son chef’, et Mme [R] [A], qu’elle est l’héritière de M. [J] et qu’à ce titre ce même jugement porte atteinte à ses droits ;

Par jugement n° 2022/79 du 2 mai 2022, le juge de l’exécution :

– a déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par Mme [Z] [A], Mme [R] [A] et M. [O] [B] l’encontre du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE du 12 décembre 2013,

– les a déboutés de leur demande tendant à l’annulation de la procédure d’expulsion diligentée à l’encontre de M. [J],

– et les a condamnés solidairement à payer à la société CACL la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

***

Par déclaration remise au greffe par voie électronique le 23 mai 2022, Mme [Z] [A], Mme [R] [A] et M. [O] [B], ès noms et sans mention de sa tutrice légale, ont relevé appel de ce jugement en y visant expressément, au titre des chefs de jugement critiqués, les dispositions par lesquelles le juge de l’exécution :

– a déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par Mme [Z] [A], Mme [R] [A] et M. [O] [B] l’encontre du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE du 12 décembre 2013,

– les a déboutés de leur demande tendant à l’annulation de la procédure d’expulsion diligentée à l’encontre de M. [J],

– et les a condamnés solidairement à payer à la société CACL la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Par ordonnance du 13 juin 2022, le président de chambre a orienté cet appel à bref délai et fixé l’affaire à l’audience de dépôt des dossiers (en réalité audience du conseiller rapporteur) du 24 octobre 2022 ;

Avis en a été donné le même jour aux appelants, qui ont fait signifier à l’intimée, par acte d’huissier de justice du 21 juin 2022, leur déclaration d’appel, ladite ordonnance et ledit avis, en suite de quoi cette intimée a constitué avocat par déclaration RPVA du 13 juillet 2022 ;

Mesdames [Z] [A] et [R] [A] ont justifié du bénéfice qui leur a été accordé de l’aide juridictionnelle totale ou partielle et sont donc dispensées du droit de timbre ;

La société CACL, après sa constitution d’avocat du 13 Juillet 2022, a justifié du paiement de son droit de timbre ;

En revanche, M. [O] [B], dont il a été prétendu lors des débats du 24 octobre 2022, qu’il avait obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle par décision du 20 octobre 2022, ne justifie ni de cette décision ni du paiement du droit de timbre subséquemment obligatoire ;

Les appelants, dont M. [B] cette fois représenté par sa tutrice légale Mme [L] [X], ont remis leurs conclusions au greffe le 12 juillet 2022 par voie électronique et les ont notifiées au conseil adverse, par même voie, les 19 juillet et 12 août 2022, tandis que l’intimée a remis au greffe et notifié aux appelants, par RPVA, ses conclusions d’intimée le 18 août 2022 ;

L ‘affaire a été retenue à l’audience du conseiller rapporteur du 24 octobre 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 9 janvier 2023, par mise à disposition au greffe ; à cette date, les parties ont été avisées par le greffe de la prorogation de ce délibéré à ce jour ;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

1°/ Par leurs conclusions remises au greffe et notifiées à l’adversaire les 12 juillet, 19 juillet et 12 août 2022, les appelants souhaitent voir :

– annuler le jugement déféré,

– dire recevable leur tierce-opposition,

– annuler par suite la procédure d’expulsion à l’encontre de M. [J] :

** ‘en raison de la présence sur le lieu d’expulsion de sa compagne Mme [Z] [A], non visée au jugement du 12 décembre’,

** en raison de la présence sur le lieu d’expulsion de sa fille, Mme [R] [A] non visée au jugement du 12 décembre 2013,

** en raison de la mission de famille d’accueil qu’exerce sur le lieu d’expulsion sa compagne Mme [Z] [A],

– condamner la société CACL ‘au paiement de 2 500 euros’ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

Ces appelants précisent à ces fins notamment :

– que le juge de l’exécution, qui a jugé irrecevable la requête en tierce-opposition pour des motifs tirés de son incompétence, ‘semble douter de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux en employant le conditionnel’,

– qu’il a en effet écrit ceci en son jugement : ‘ces règles de compétence étant d’ordre public et si l’on considère qu’il s’agit d’une tierce-opposition incidente, les demandeurs auraient dû saisir le TPBR’,

– et qu’ ‘il appartiendra à la cour d’appel d’éclaircir cette question de compétence’ ;

Pour le surplus de leurs explications, il est expressément référé aux conclusions des consorts [A]- [B] ;

2°/ Par ses dernières écritures d’intimée, remises et notifiées le 18 août 2022, la société CACL conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des articles 582 et 587 du code de procédure civile, L 411-1, L 412-3, L 412-4 et R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens ;

Elle fait valoir en ce sens et en substance :

– que la tierce-opposition est en effet irrecevable comme non régularisée par voie d’assignation,

– et qu’elle aurait de toute façon dû être portée devant la juridiction qui a rendu le jugement frappé de cette voie de recours, puisqu’en application de l’article 582 du code de procédure civile elle tend à faire rétractr ou réformer le jugement au profit du tiers qui l’attaque ;

Pour le surplus des explications de l’intimée, il est expressément référé à ses dernières écritures ;

MOTIFS DE LA DECISION

1°/ Attendu qu’il est constant que l’appel des consorts [A]-[B] entre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts et que, dès lors, en application des dispositions de l’article 963 du code de procédure civile, les parties à l’instance d’appel doivent justifier, soit du bénéfice de l’aide juridictionnelle qui les exonère de plein droit du droit de timbre, soit du paiement de ce droit ;

Attendu qu’en l’espèce, Mesdames [Z] et [R] [A] justifient du bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ou partielle par la production des décisions y relatives et sont donc dispensées du droit de timbre ;

Attendu qu’en revanche, si, lors des débats à l’audience du conseiller rapporteur, le conseil de M. [B] a pu indiquer que son client avait obtenu l’aide juridictionnelle par décision du bureau dédié du 20 octobre 2022, la décision en ce sens n’est toujours pas versée aux débats ;

Attendu qu’il en résulte que son appel est irrecevable ; qu’il s’agit d’une fin de non recevoir d’ordre public comme touchant aux finances de l’Etat, laquelle ne peut d’ailleurs être soulevée par les parties au procès d’appel, mais par la seule cour ;

Attendu que par suite, la cour de céans doit soulever d’office l’irrecevabilité, soit du seul appel de M. [B] à raison du non paiement du droit de timbre par celui des trois appelants qui ne justifie pas bénéficier de l’aide juridictionnelle, soit de l’entier appel des trois appelants à raison du non paiement du droit de timbre par M. [B] en cas d’indivisibilité de la présente instance d’appel, laquelle indivisibilité est susceptible de résulter de ce qu’il existerait, en l’espèce, une impossibilité juridique d’exécution simultanée des deux décisions envisageables, celle du premier juge qui deviendrait irrévocable à l’égard de M. [B] dont seul l’appel serait irrecevable et celle de la cour à l’égard des deux autres appelantes, s’il s’agissait d’une infirmation, tenant à leur possible contrariété irréductible ;

Mais attendu qu’en application du principe du contradictoire imposé au juge comme aux parties par l’article 16 du code de procédure civile, il n’est pas permis de statuer sur le bien ou mal fondé de cette fin de non recevoir ainsi soulevée d’office, sans permettre aux parties d’en débattre contradictoirement ; qu’il convient subséquemment de rouvrir les débats pour ce faire et de renvoyer cause et parties à une audience ultérieure ;

2°/ Attendu que cette réouverture des débats s’impose derechef à raison d’un second moyen que la cour entend soulever d’office à titre subsidiaire; qu’en effet, il résulte de la déclaration d’appel des trois appelants que M. [B], pourtant co-tiers-opposant en première instance en la personne de sa tutrice légale, a seul relevé appel du jugement déféré, alors même que, incapable majeur, il ne dispose pas du droit d’agir, ses droits patrimoniaux ne pouvant être exercés que par sa tutrice ; qu’il est permis par suite d’en inférer l’irrecevabilité de son appel, laquelle, pour pouvoir être le cas échéant prononcée, appelle les observations contradictoires de toutes les parties ou en tout cas la possibilité pour elles d’en débattre en respect de l’article 16 sus-rappelé ;

3°/ Attendu que la cour entend soulever d’office un troisième moyen, qui mérite lui aussi d’être soumis au débat contradictoire, relativement, cette fois, à l’articulation des demandes des appelants en leurs ‘conclusions d’appelant’ au regard de leur déclaration d’appel limitée aux dispositions du jugement critiqué par lesquelles le juge de l’exécution :

– a déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par Mme [Z] [A], Mme [R] [A] et M. [O] [B] ç l’encontre du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de POINTE-A-PITRE du 12 décembre 2013,

– les a déboutés de leur demande tendant à l’annulation de la procédure d’expulsion diligentée à l’encontre de M. [J],

– et les a condamnés solidairement à payer à la société CACL la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Attendu qu’en effet, il en résulte en premier lieu qu’aucune demande d’annulation du jugement déféré n’y est présentée et que, partant, la cour, qui ne peut être valablement saisie que par ladite déclaration, n’est pas régulièrement saisie d’une telle demande, alors même qu’en leurs écritures d’appelants, ces derniers demandent d’abord cette annulation; que cette demande apparaît dès lors être exclue de l’effet dévolutif opéré par la seule déclaration d’appel, cependant que ce moyen ainsi soulevé d’office doit être soumis lui aussi au débat contradictoire des colitigants ;

Attendu qu’en second lieu, il est à rappeler que la cour de cassation estime et juge, sur le fondement des articles 542 et 954 al 3 du code de procédure civile, que le dispositif des conclusions des appelants remises au greffe dans le délai de l’article 908 du même code, doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation et la réformation de la décision querellée (ou son annulation lorsque celle-ci a été demandée dans la déclaration d’appel) et qu’à défaut, la cour d’appel, en ce qu’elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif de ces conclusions, ne peut que confirmer ladite décision ou déclarer la déclaration d’appel caduque ;

Or, attendu qu’aux termes de leurs uniques conclusions, les appelants ne formulent aucune demande tendant à l’infirmation ou la réformation du jugement déféré, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire ; qu’ils ne demandent en réalité que l’annulation dudit jugement, alors que cette annulation n’a pas été déférée à la cour dans le cadre de leur déclaration d’appel ; qu’il s’en déduit que seule la confirmation des chefs de jugement critiqués ou la caducité de la déclaration d’appel est envisageable ; mais qu’en respect du principe du contradictoire sus-évoqué, il est impératif de permettre aux parties d’en débattre dans le cadre de la réouverture des débats ici ordonnée ;

Attendu que les demandes des parties, y compris celles au titre des dépens et frais irrépétibles, seront réservées en fin de cause ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et avant-dire-droit, rendu par mise à disposition au greffe,

Vu l’article 16 du code de procédure civile,

– Avant-dire-droit sur l’effet dévolutif de l’appel principal, la recevabilité de l’appel de M. [B], ès noms, la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel principal,

– Ordonne la réouverture des débats et renvoie cause et parties à l’audience collégiale du 13 mars 2023 à 9 heures,

– Invite pour cette date les parties à s’exprimer contradictoirement le cas échéant sur les moyens et fins de non recevoir suivants que la cour entend soulever d’office à titre principal ou à titre subsidiaire :

** d’une part, soit l’irrecevabilité du seul appel de M. [O] [B] à raison du non paiement du droit de timbre qui s’imposait dès lors qu’il ne justifie pas bénéficier de l’aide juridictionnelle, soit l’irrecevabilité générale de l’appel des trois appelants à raison du non paiement du droit de timbre par M. [B] joint à la possible indivisibilité de la présente instance d’appel,

** de seconde part, l’irrecevabilité de l’appel de M. [O] [B] en ce qu’il l’a régularisé seul et non pas par sa tutrice légale,

** et de troisième et dernière part, l’absence d’effet dévolutif résultant de la déclaration d’appel en ce qui est de la demande première des appelants, en leurs ‘conclusions d’appelant’, tendant à l’annulation du jugement déféré ET l’obligation pour la cour, en cas de recevabilité de l’appel des consorts [A]-[B], de confirmer purement et simplement le jugement déféré en ses dispositions critiquées, ou de déclarer la déclaration d’appel caduque sur le fondement des dispositions combinées des articles 908, 542 et 954 al 3 du code de procédure civile,

– Réserve les demandes des parties, notamment dépens et frais irrépétibles, en fin de cause.

Et ont signé,

La greffière Le président

 


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