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ARRET
N°
[T]
C/
[F]
MS/VB
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TROIS OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/00435 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVB3
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Madame [M] [T]
née le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Ludovic BROYON de la SELARL LEFEVRE-FRANQUET ET BROYON, avocat au barreau de SOISSONS
APPELANTE
ET
Madame [K] [F]
née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent LANDRY, avocat au barreau de SOISSONS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 27 juin 2023, l’affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 octobre 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 03 octobre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [T] est propriétaire depuis 1980 d’une maison à usage d’habitation, située à [Adresse 8], à laquelle est accolé le garage de la maison voisine, située au n° 17 de la même rue et acquise le 8 juillet 2005 par Mme [F].
Se plaignant de l’inesthétisme du pignon de ce garage, resté en parpaing brut non enduit et visible depuis l’entrée de sa propriété, Mme [T] a sollicité, le 6 juillet 2021, son assureur de protection juridique, qui a diligenté une expertise amiable. Deux rapports ont été établis les 12 octobre et 29 novembre 2021, le dernier en présence du père de Mme [F].
Après l’échec de la tentative de conciliation, Mme [T] a assigné Mme [F], par acte du 9 juin 2022, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Soissons, afin d’obtenir sa condamnation à la réalisation de l’enduit du pignon ainsi qu’une provision.
Par ordonnance du 25 novembre 2022, le juge des référés a :
– rejeté les demandes de Mme [T],
– condamné Mme [T] aux dépens,
– condamné Mme [T] à payer à Mme [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 9 janvier 2023, Mme [T] a fait appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions du 14 février 2023, Mme [T] demande à la cour :
– d’infirmer l’ordonnance,
– de condamner Mme [F] à procéder à l’enduit du pignon de sa maison, dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision et au besoin sous peine d’une astreinte d’un montant de 50 euros par jour de retard,
– de condamner Mme [F] à lui payer une provision d’un montant de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait des troubles anormaux du voisinage,
– de débouter Mme [F] de ses demandes,
– de condamner Mme [F] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
– le garage de Mme [F] a été construit en méconnaissance du règlement d’urbanisme en vigueur, puisque son pignon est en parpaing brut sans enduit et comporte des trous à différents endroits, ce qui est constitutif d’un trouble manifestement illicite,
– le garage a été construit en 1992, contrairement aux allégations de Mme [F], soit depuis moins de trente ans,
– le refus réitéré de Mme [F] de réaliser les travaux d’enduit, sans motif légitime, ne peut s’expliquer que par une intention de nuire à sa voisine.
Dans ses conclusions du 27 février 2023, Mme [F] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance sauf en sa disposition relative aux frais irrépétibles,
– condamner Mme [T] à lui payer la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,
– condamner Mme [T] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.
Elle réplique que :
– le caractère inesthétique du pignon, qui est discutable, ne peut justifier le prononcé de mesures en référé,
– la présence de nuisibles du fait de trous dans le pignon n’est pas établie,
– la construction est ancienne de plus de trente ans sans réaction de Mme [T],
– Mme [T] ne prouve aucun préjudice en lien avec l’état du pignon.
MOTIVATION
1. Sur la demande de réalisation de travaux d’enduit
Vu l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile ;
Le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Mme [F] invoque l’ancienneté de la construction du garage de plus de trente ans sans en tirer de conséquence sur la prescription de l’action aux fins de mise en conformité au règlement d’urbanisme. En tout état de cause, il n’est pas établi que le garage a été construit en 1989, en même temps que la maison principale. La demande de permis de construire déposée le 18 novembre 1988 concerne une maison individuelle et ne mentionne ni garage ni annexe. Dans ces conditions, il convient de retenir que le garage a été construit en 1992 comme indiqué par Mme [T].
Le plan d’occupation des sols approuvé le 8 mars 1984, en vigueur à la date de la construction, dispose, à sa page 23 :
« – Les garages et annexes
Les annexes et garage devront, dans la mesure du possible, être intégrés ou accolés à la construction principale ou rattachés à elle par un élément de liaison en maçonnerie. Ils doivent, de toute manière, être traités en harmonie avec celle-ci du point de vue de la nature et de la mise en oeuvre des matériaux […] »
Le projet d’arrêté proposé le 27 janvier 1989 au maire de la commune de [Localité 7] dans le cadre de la demande de permis de construire de la maison principale mentionne, en son article 2, la présence d’un enduit projeté à grain fin de couleur beige soutenu légèrement rosé.
Les rapports d’expertise amiable des 12 octobre et 29 novembre 2021, corroborés par des photographies, démontrent que le pignon est en parpaing brut, sans enduit et comporte plusieurs trous.
Le défaut d’harmonie du pignon du garage avec la construction principale est établi et constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser.
Ce pignon est visible depuis l’entrée de la propriété de Mme [T] qui est donc bien fondée à en demander la mise en conformité.
L’ordonnance est infirmée. Mme [F] sera condamnée à procéder à l’enduit du pignon de son garage, dans un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte d’un montant de 50 euros par jour de retard pendant deux mois.
2. Sur la demande de provision
Vu l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il convient de relever que si la construction du garage date de 1992, Mme [T] a attendu l’année 2021 pour se plaindre d’un défaut de conformité au règlement d’urbanisme. Le caractère anormal du trouble visuel éventuellement subi relève de l’appréciation du juge du fond. Aucun préjudice n’est démontré avec l’évidence requise en référé.
L’ordonnance est confirmée.
3. Sur les frais du procès
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
Partie perdante, Mme [F] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme l’ordonnance sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de provision,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne [K] [F] à procéder à l’enduit du pignon de son garage, dans un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte d’un montant de 50 euros par jour de retard pendant deux mois,
Condamne [K] [F] aux dépens de première instance et d’appel,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne [K] [F] à payer à [M] [T] la somme de 1 500 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT