Tentative de conciliation : 3 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05703

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Tentative de conciliation : 3 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05703
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 03 mars 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/05703 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5P6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mai 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 18/00450

APPELANTE

SAS [7]

[Adresse 5]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Julien FOURAY, avocat au barreau d’EPINAL substitué par Me Alexandra PONCELET, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

RUBELLES

[Localité 3]

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Marion PIPARD, avocat au barreau de MEAUX, Toque : 18

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre,

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller,

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 10 février 2023, prorogé au vendredi 03 mars 2023,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la SAS [7] (la société) d’un jugement rendu le 3 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux, Pôle social, dans un litige l’opposant à M. [H] [V] et à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine et Marne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le 23 septembre 2015, M. [H] [V], salarié de la société [7] à compter du 18 novembre 2013, en qualité de directeur commercial international, a complété une déclaration de maladie professionnelle mentionnant ‘dépression-burn out professionnel’ ; que le certificat médical initial établi le 13 janvier 2015 faisait état de ‘syndrome anxio dépressif sévère, une souffrance au travail, des troubles majeurs du sommeil et un burn out’ ; qu’après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Ile-de-France, la caisse a pris en charge la pathologie déclarée au titre de la législation professionnelle par décision du 15 juillet 2016 ; que l’état de santé de M. [V] a été déclaré consolidé le 30 juin 2016 et qu’un taux d’incapacité permanente partielle de 25 % lui a été attribué ; que le 12 juillet 2018, M. [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle.

Par jugement en date du 3 mai 2021 le tribunal judiciaire de Meaux auquel le dossier a été transféré a :

– rejeté l’ensemble des exceptions et fins de non recevoir soulevées par la société ;

– dit que la maladie professionnelle, déclarée par M. [H] [V] le 23 septembre 2015 et prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels le 15 juillet 2016, est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [7] ;

– ordonné la majoration de la rente servie à M. [H] [V] à son maximum aux conditions et dans les limites fixées par l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale ;

– dit que la caisse a la faculté d’en récupérer le montant auprès de l’employeur, la société [7], ainsi que le montant de toutes les sommes dont elle devra faire l’avance ;

Avant dire droit :

– ordonné une expertise médicale de M. [H] [V] et commis pour y procéder le docteur [U] [Y] ;

– dit que la caisse fera l’avance des frais d’expertise ;

– alloué à M. [H] [V] une provision de 2 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

– dit que la caisse versera directement à M. [H] [V] la somme due au titre de la provision allouée ;

– dit que la caisse pourra recouvrer à l’encontre de la société [7] le montant de la provision et des indemnisations à venir allouées à M. [H] [V] et condamné la société [7] à ce titre, ainsi qu’au remboursement du coût de l’expertise ;

– condamné la société [7] à payer à M. [H] [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

La société a le 15 juin 2021 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui n’apparaît pas au dossier.

L’expert a procédé à ses opérations et a rédigé son rapport le 17 février 2022.

Par ses conclusions écrites déposées à l’audience par son conseil qui s’y est oralement référé, la société [7] demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré, de :

In limine litis,

– déclarer incompétent territorialement le tribunal judiciaire de Meaux au profit du tribunal judiciaire d’Epinal et encore incompétent matériellement au profit du tribunal judiciaire d’Epinal;

– renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire, pôle social d’Epinal ;

En tout état de cause,

– juger M. [H] [V] et la caisse tant irrecevables qu’infondés en l’ensemble de leurs réclamations ;

– débouter M. [H] [V] et la caisse de l’intégralité de leurs demandes ;

– les condamner à payer à la société [7] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux éventuels dépens de l’instance.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, M. [H] [V] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu ;

– lui allouer une provision complémentaire à valoir sur l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 20 000 euros, en l’état du rapport rendu par le docteur [Y] en date du 17 février 2022;

– dire que la caisse lui versera directement la somme due au titre de la provision allouée ;

– dire que la caisse pourra recouvrer à l’encontre de la société [7] le montant de la provision et des indemnisations à venir allouées ;

– condamner la société à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– condamner la société aux éventuels dépens de l’instance et notamment des frais de justice susceptibles d’être exposés au titre des frais d’huissier de justice aux fins de recouvrement des sommes non avancées par la caisse telles que la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par les observations orales de son conseil à l’audience, la caisse demande à la cour de :

– confirmer le jugement sur les dispositions relatives aux exceptions et irrecevabilités soulevées;

– dire qu’elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur le principe de la faute inexcusable ;

– dire qu’elle bénéficie d’une action récursoire à l’encontre de l’employeur.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 8 décembre 2022, pour la société [7] et M. [V].

SUR CE :

Sur les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle :

La société invoque que l’article R.142-12 du code de la sécurité sociale détermine en tant que juridiction compétence territorialement, le tribunal judiciaire d’Epinal, dès lors que son siège social est situé dans le ressort de celui-ci ; que telle a été la position du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux qui par jugement en date du 26 juin 2017 s’est déclaré incompétent territorialement, au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale des Vosges ; que contrairement à ce que soutient M. [V], le domicile du bénéficiaire ne détermine pas la compétence territoriale s’agissant d’une instance engagée avant le 1er janvier 2020 ; que de surcroît le lieu de travail de M. [V] et d’exercice des activités de la société déterminent la compétence de la juridiction d’Epinal.

Par ailleurs la société invoque qu’en application de l’article L.452-4 du code de la sécurité sociale la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale n’est pas compétente pour statuer sur les demandes présentées par la caisse à l’encontre de l’employeur ; que compte tenu des demandes dont était saisi le tribunal judiciaire de Meaux, il aurait dû se déclarer incompétent matériellement au profit du tribunal judiciaire d’Epinal.

M. [V] réplique qu’en application des dispositions de l’article R.142-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur, le litige opposant un bénéficiaire à l’employeur, le tribunal compétent est celui de son domicile alors situé à [Adresse 6]), de sorte que le tribunal judiciaire de Meaux était territorialement compétent, le jugement rendu le 26 juin 2017 relatif à une instance opposant la société à la caisse étant sans incidence.

L’article R.142-12 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la saisine du tribunal prévoyait que :

‘ Le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le domicile du bénéficiaire ou de l’employeur intéressé ou le siège de l’organisme défendeur en cas de conflit entre organismes ayant leur siège dans le ressort de juridictions différentes.

Toutefois, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle se trouve :

1°) le lieu de l’accident ou la résidence de l’accidenté, au choix de celui-ci, en cas d’accident du travail non mortel ;

2°) le dernier domicile de l’accidenté en cas d’accident du travail mortel ;

3°) la résidence du bénéficiaire en cas de différend entre celui-ci et l’employeur ;

4°) l’établissement de l’employeur en cas de différend portant sur des questions relatives à l’affiliation et aux cotisations des travailleurs salariés ;

5°) l’établissement concerné de l’entreprise de travail temporaire pour les contestations relatives à l’application des deux premiers alinéas de l’article L. 241-5-1 du présent code et du premier alinéa de l’article L. 751-14 du code rural et de la pêche maritime ;

6° Le siège de l’organisme de recouvrement auprès duquel l’employeur verse ses cotisations et contributions sociales lorsqu’il est fait application de l’article R. 243-6-3 ou de l’article R. 243-8;

7° Le siège de la caisse chargée de la liquidation des pensions de retraite du régime général dans la circonscription de laquelle se trouve l’établissement de l’employeur ou le dernier établissement en cas de changement d’employeur en cours d’année ou l’établissement dans lequel le salarié exerce son activité principale pour les contestations relatives à l’application du deuxième alinéa de l’article L. 4162-14 du code du travail.

Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l’agriculture détermine le tribunal compétent pour statuer lorsque le domicile du demandeur n’est pas compris dans le ressort d’un des tribunaux prévus à l’article L. 142-2.’

Le litige relatif à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de la maladie professionnelle constituant un différend entre un ‘bénéficiaire’ et ‘l’employeur’, le domicile de M. [V] étant alors situé à Bussy-Saint-Georges, c’est à juste titre que le tribunal judiciaire de Meaux a retenu sa compétence territoriale, peu important que dans l’instance distincte opposant l’employeur à la caisse, relatif à l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux se soit déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Epinal.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société, la juridiction de la sécurité sociale est compétente matériellement pour connaître de la demande présentée à l’encontre de l’employeur par la caisse dans le cadre de son action récursoire en remboursement des sommes dont elle doit faire l’avance en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, par application des dispositions de l’article L.452-4 du code de la sécurité sociale. Ainsi c’est à bon droit que le tribunal judiciaire de Meaux a retenu sa compétence matérielle.

Par suite, les dispositions du jugement ayant rejeté les exceptions d’incompétence seront confirmées.

Sur la recevabilité des demandes :

La société se prévaut de l’irrecevabilité des demandes de M. [V] au motif que ce dernier, dans le cadre de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, présente des demandes directement contre elle, alors qu’il sollicite par ailleurs que la caisse procède à l’avance des indemnisations dont il réclame le bénéfice, que l’exception d’Estoppel peut être opposée à M. [V] qui présente des demandes contradictoires ; qu’il n’est pas justifié qu’une tentative de conciliation ait été mise en oeuvre préalablement à l’action engagée ; qu’en application des dispositions de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale, l’action se prescrit par deux ans, le point de départ étant la date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, que le caractère professionnel de la maladie ayant été reconnu le 15 juillet 2016 et la société n’ayant été convoquée devant la juridiction de la sécurité sociale que le 2 décembre 2019, l’action est prescrite ; que la caisse n’a conclu est présenté des demandes à son encontre qu’en janvier 2020 soit plus de deux ans après la reconnaissance de la maladie et qu’enfin, par décision définitive du tribunal de grande instance d’Epinal en date du 27 mars 2019, la reconnaissance par la caisse a été déclarée inopposable à l’égard de la société, de sorte que toute demande dirigée contre elle est irrecevable.

M. [V] réplique qu’il résulte des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que le débiteur de l’obligation et de la contribution à la dette est bien l’employeur et ce même si en application des articles L.452-1 à L.452-5 du code de la sécurité sociale la caisse procède à l’avance des fonds ; qu’en outre depuis 2013, une décision d’inopposabilité de la prise en charge d’une maladie professionnelle est sans incidence ni sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ni sur l’action récursoire de la caisse ainsi qu’il résulte de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale ; que le caractère professionnel de la maladie a été reconnu le 15 juillet 2016 et la saisine du tribunal a été reçue le 12 juillet 2018, de sorte que l’action n’est pas prescrite.

Il convient de relever que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être dirigée contre l’employeur, la réparation des préjudices étant versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ainsi qu’il résulte de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale. Par suite, c’est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société au titre des demandes formées par M. [V] qui sollicitait bien que la caisse lui verse les condamnations à charge d’en solliciter le remboursement auprès de la société, sans que l’exception de l’estoppel ne puisse être valablement invoquée, dès lors qu’en tout état de cause, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable la caisse qui doit faire l’avance des réparations dispose d’une action récursoire à l’encontre de l’employeur.

Le tribunal a de plus à bon droit rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré de l’absence de tentative préalable de conciliation, dès lors que ladite tentative de conciliation n’est pas prévue à peine d’irrecevabilité de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

L’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable à l’espèce, dispose que : ‘Quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.’

En application des dispositions susvisées, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur emporte l’obligation pour ce dernier de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale, peu important que par une décision passée en force de chose jugée du tribunal de grande instance d’Epinal en date du 27 mars 2019, la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de M. [V] ait été déclarée inopposable à la caisse au regard d’une méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction de la demande de prise en charge.

Par ailleurs, force est de constater qu’il n’est pas contesté que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est intervenue le 15 juillet 2016, que M. [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur le 12 juillet 2018, ainsi qu’il résulte des mentions du jugement que, par suite, aucune prescription de l’action n’est encourue par application des dispositions de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale, peu important que la société n’ait été convoquée que 2 décembre 2019 et que la caisse n’ait présenté des demandes à l’encontre de la société qu’en janvier 2020.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions du jugement ayant rejeté les fins de non recevoir soulevées par la société doivent être confirmées.

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur :

La société soutient que M. [V] ne peut alléguer une faute inexcusable qui reposerait sur des éléments matériels injustifiés et qui ont été rejetés par la juridiction prud’homale par décision définitive, la Cour de cassation dans son arrêt du 24 novembre 2021 ayant rejeté son pourvoi ; que les premiers juges ne pouvaient pour caractériser la faute inexcusable se fonder sur les griefs et les éléments présentés par M. [V] qui avaient déjà été définitivement écartés dans le cadre de l’instance prud’homale ; qu’en tout état de cause ces éléments ne sont pas susceptibles de caractériser une faute inexcusable ; que M. [V] ne démontre pas que la société, compte tenu de son effectif, était tenue d’établir un règlement intérieur ; que M. [V] invoque à tort une violation de l’obligation de résultat pour établir la faute inexcusable en raison d’une absence d’établissement du document unique d’évaluation des risques, alors que la Cour de cassation a consacré l’abandon de cette obligation de sécurité de résultat et que le seul manquement de l’employeur, à le supposer établi, ne suffit pas à caractériser sa faute inexcusable.

M. [V] réplique en substance qu’en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par la mise en oeuvre d’actions de prévention des risques, d’actions de formation et d’information et par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ; qu’il doit retranscrire son évaluation dans un document unique d’évaluation des risques selon l’article R.4121-1 du même code ; qu’à défaut d’avoir établi un tel document, la faute inexcusable est reconnue ; qu’en matière de risques psychosociaux, l’accord interprofessionnel du 2 juillet 2008 étendu par arrêté du 23 avril 2009 reprend ces principes dans ses articles 5 et 6 ; que l’article L.4644-1 du code du travail impose à l’employeur la désignation d’un référent santé sécurité au travail, que par ailleurs l’article L.1321-1 du même code prévoit un règlement intérieur ; que la conscience du danger de la société est caractérisée par les différentes alertes reçues tant de lui même que du médecin du travail et qu’il démontre que la société n’a pris aucune mesure pour préserver sa santé et sa sécurité en ce qu’aucune politique de prévention des risques n’a jamais été mise en oeuvre au sein de l’entreprise pour prévenir les risques liés à la surcharge de travail, la société ne disposant d’aucun règlement intérieur, n’ayant jamais établi de document unique d’évaluation des risques ; que la société appliquait des méthodes de management qui ne pouvaient que conduire à un épuisement professionnel ; que l’arrêt de la cour d’appel de Nancy qui n’a pas statué sur l’existence d’un manquement à l’obligation générale de sécurité de l’employeur ne peut être invoqué pour établir que la société n’aurait commis aucune faute inexcusable, qu’au contraire la société a été définitivement condamnée au titre du paiement d’heures supplémentaires.

Il résulte de l’application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié ou de la maladie l’affectant ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

Il incombe néanmoins au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur dont il se prévaut ; il lui appartient en conséquence de prouver, d’une part, que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d’autre part que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l’employeur est une cause certaine et non simplement possible de l’accident ou de la maladie.

La conscience du danger exigée de l’employeur s’apprécie in abstracto par rapport ce que doit savoir, dans son secteur d’activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.

Il convient de relever que M. [V] établit avoir alerté son employeur sur sa surcharge de travail ainsi qu’il résulte du courriel du 4 avril 2014 de M. [D] adressé à M. [V] qui mentionne ‘sois sur que je comprends tes complaintes sur ta charge et ta désorganisation de travail’ (pièce n° 18 des productions de M. [V]), du courriel du samedi 26 avril 2014, dans lequel il soulignait qu’il travaillait ‘encore ce week end’ (pièce n°19 des productions de M. [V]), du courriel de M. [V] du 18 mai 2014, précisant ‘depuis 6 mois que je travaille à Salveco, je compte en moyenne 10 H de travail/jours + tous les week-end environ 5 H par week-end (…) Merci de ton aide et ta compréhension pour me préserver un peu (…) On en reparle quand tu veux mais je sens que la pression est trop importante’ (pièce n° 20 des productions de M. [V]). Force est de constater que la société a également été alertée par le médecin du travail sur l’apparition de pathologies en relation avec des facteurs de risques psychosociaux, lequel rappelle les responsabilités des employeurs en matière d’évaluation et de prévention des risques , ainsi qu’il résulte du courrier du 5 novembre 2014, sans qu’il apparaisse de cet écrit que seul le comportement de M. [V] serait à l’origine de ce courrier (pièce n° 6 des productions de la société et pièce n° 27 des productions de M. [V]).

Il apparaît ainsi que l’employeur a été alerté sur les risques psychosociaux apparaissant dans son entreprise et sur les risques pesant sur la santé de ses salariés, y compris s’agissant de M. [V].

Pour autant, M. [V] établit que son employeur n’a pris aucune mesure pour éviter les risques susvisés, évoquant sans être contredit que la société n’a établi aucun document d’évaluation des risques qui lui aurait ainsi permis de définir les mesures nécessaires pour éviter les risques psychosociaux liés à la surcharge de travail. Au contraire, il apparaît que l’employeur considérait la surcharge de travail comme partie intégrante de l’organisation du travail au sein de l’entreprise ainsi qu’il résulte du courriel du 4 avril 2014, M. [D] faisant état de ce que ceux qui l’ont rejoint depuis quelques années ‘ont su faire de ce fardeau un moteur’ (pièce n°18 des productions de M. [V]), ou de la réponse de M. [D] du dimanche 27avril 2014 selon laquelle il remercie M. [V] de son retour alors qu’il est en week-end et mentionne ‘ je crois que c’est la malédiction des cadres de PME’et que pour sa part, il ne lui est pas inconfortable ‘de devoir travailler tôt le matin, tard le soir, le week-end et même en congés’ (pièce n° 19 des productions de M. [V]). Il convient de relever enfin que par arrêt définitif la cour d’appel de Nancy a condamné la société à payer à M. [V] la somme de 28 906,79 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, ce qui détermine que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires en matière d’organisation du travail de son salarié, afin d’éviter une surcharge de travail ainsi que les risques pour sa santé.

Il résulte de ce qui précède que la société qui avait ou aurait dû avoir conscience du risque d’une surcharge de travail sur la santé de son salarié et qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour les éviter, a manqué à son obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle elle était tenue et que ce manquement a été la cause nécessaire de la maladie de M. [V] constatée médicalement le 13 janvier 2015.

Par suite, les dispositions du jugement ayant retenu que la maladie professionnelle déclarée par M. [V], et prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels le 15 juillet 2016, est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [7], doivent être confirmées.

Sur les conséquences de la faute inexcusable :

C’est à bon droit que le tribunal a ordonné la majoration de la rente à son maximum dans les conditions fixées par l’article L.452- du code de la sécurité sociale et dit que la caisse pourra en récupérer le montant auprès de l’employeur, ainsi que toutes sommes dont elle devra faire l’avance.

C’est aussi à bon droit que le jugement a, au regard des éléments médicaux, alloué à M. [V] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, la caisse devant en faire l’avance.

Par suite, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il n’y a pas lieu au regard du rapport d’expertise du docteur [Y], d’allouer à M. [V] une provision complémentaire, dans l’attente de la liquidation de son préjudice à intervenir.

Succombant en son appel, comme telle tenue aux dépens, la société sera condamnée à payer à M. [V] la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE M. [H] [V] de sa demande de provision complémentaire ;

DÉBOUTE la SAS [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [7] à payer à M. [H] [V] la somme complémentaire de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [7] aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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