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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 03 MARS 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/18456 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BITO6
[M] [F] [D]
C/
S.A.S. [8]
S.A.S. [7]
Caisse CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Djibril NDIAYE
– Me Pierre OBER
– Me Elodie KHAROUBI-MATTEI
– Me Stéphane CECCALDI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 18 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01365.
APPELANT
Monsieur [M] [F] [D], demeurant [Adresse 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/013538 du 17/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),
représenté par Me Djibril NDIAYE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A.S. [8], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON
S.A.S. [7], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Elodie KHAROUBI-MATTEI, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [F] [D], salarié intérimaire de la société [7] (groupe [6]), a été victime le 02 novembre 2010, alors qu’il était mis à disposition de la société [8], d’un accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle.
La caisse primaire d’assurance maladie du Var lui a versé des indemnités journalières jusqu’au 05 janvier 2011.
Par jugement en date du 13 janvier 2016, frappé d’appel, le tribunal de correctionnel de Toulon, a, notamment déclaré coupables des faits commis le 2 novembre 2010 à Toulon au préjudice de M. [M] [F] [D]:
* la société [8] et la la société [5] de:
– blessures involontaires par personne morale avec incapacité n’excédant pas 3 mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, commis le 2 novembre 2010 à [Localité 9],
– exécution de travaux par entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalable conforme,
* M. [O] [X], président de la société [8], et M. [P] [H], cadre de la société [5] et responsable du site des délits de:
– blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas 3 mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, commis le 2 novembre 2010 à [Localité 9],
– exécution de travaux par entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalable conforme.
Ce jugement a reçu M. [M] [F] [D] en sa constitution de partie civile et l’a débouté de ses demandes.
M. [D] a saisi le 30 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8] dans son accident du travail.
Par jugement en date du 18 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:
* déclaré irrecevable M. [D] dans son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de l’accident du travail du 2 novembre 2010,
* débouté la société [7] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [D] aux dépens.
M. [D] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
En l’état de ses conclusions visées par le greffe le 2 novembre 2022, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [D] sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
* débouter la société [8], la société [7] et la caisse primaire d’assurance maladie du Var de l’intégralité de leurs demandes,
* le déclarer recevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de l’accident du travail du 2 novembre 2010,
* juger que la société [8] et la société [7] ont commis une faute inexcusable engageant leur responsabilité,
* condamner la société [8] et la société [7] à indemniser ses préjudices,
* condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Var à lui verser la somme à parfaire correspondant à la majoration de la rente,
* ordonner une expertise médicale afin d’évaluer ses préjudices complémentaires,
* condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En l’état de ses conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2023, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [7] sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle lui demande:
* déclarer irrecevable l’action de M. [D] en reconnaissance de faute inexcusable,
* débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes
A titre infiniment subsidiaire, en cas de reconnaissance de faute inexcusable, elle lui demande de:
* juger que la faute inexcusable est exclusivement imputable à la société [8],
* déclarer recevable et bien fondée son action en garantie à l’égard de la société [8],
* juger que les conséquences financières de la faute inexcusable devront être intégralement supportées en principal, intérêts, et frais par la société [8],
* condamner la société [8] à la garantir de toutes les éventuelles condamnations, en principal, intérêts, et frais qui seraient prononcées à son encontre,
* rejeter la demande d’expertise, et ‘à défaut’, limiter la mission de l’expert à la détermination des postes de préjudices listés,
En tout état de cause, elle demande à la cour de:
* juger qu’en cas de reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de l’employeur, la caisse primaire d’assurance maladie du Var sera tenue de faire l’avance des condamnations ordonnées et la condamner à ce titre,
* débouter M. [D] de toutes autres demandes
* condamner la partie succombante à payer à l’exposante la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En l’état de ses conclusions remises par voie électronique le 21 juin 2022, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [8] sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
* débouter M. [D] de l’ensemble de ses autres demandes,
* condamner M. [D] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de quitter les lieux.
En l’état de ses conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2023, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d’assurance maladie du Var indique s’en remettre sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ainsi que sur la majoration de la rente, sur la provision et sur l’expertise médicale sollicitées, tout en demandant de limiter cette dernière aux postes de préjudices qu’elle liste.
Dans l’hypothèse où la faute inexcusable serait retenue, elle demande à la cour de:
* ne pas mettre à sa charge les frais d’expertise,
* dire que la société [7] devra lui rembourser les sommes dont elle serait tenue de faire l’avance.
MOTIFS
Aux termes des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il résulte de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités pour accidents du travail ou maladies professionnelles se prescrivent par deux ans à dater du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière et qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L.452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
Pour déclarer irrecevable l’action en reconnaissance de faute inexcusable, les premiers juges ont retenu que la caisse primaire d’assurance maladie a versé des indemnités journalières jusqu’au 05 janvier 2011 à la suite de l’accident du travail du 02 novembre 2010, qui ont suspendu le cours de la prescription biennale, que la saisine de la caisse le 30 octobre 2012 pour mettre en oeuvre une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a, à nouveau, suspendu la prescription jusqu’au procès-verbal de non conciliation du 17 juin 2013, que cette date a fait courir un nouveau délai de deux ans, et que l’exercice de l’action pénale est susceptible d’interrompre la prescription si elle est destinée à voir reconnaître l’existence d’un accident du travail et la responsabilité de l’employeur, mais que le jugement du tribunal correctionnel de Toulon ne vise pas la société [7] et le salarié ne justifie d’aucun acte susceptible d’interrompre la prescription.
L’appelant conteste être forclos en son action, soutenant que l’action pénale mise en mouvement dès la survenance de son accident du travail a interrompu la prescription et que moins de deux années séparent le jugement du tribunal correctionnel de sa saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 30 mars 2017.
Il soutient que le fait que le jugement pénal ne concerne pas la société [7] ne peut suffire à lui seul à écarter l’interruption de la prescription, soulignant que l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale vise expressément la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qui se sont substitués dans la direction, et qu’il avait été mis par son employeur, la société [7], à la disposition de la société utilisatrice [8] et qu’il exécutait son travail sous la direction de cette dernière, prévenue, ainsi que son dirigeant, devant le tribunal correctionnel et qui est partie à la procédure.
Son employeur lui oppose l’absence d’acte effectué à son encontre susceptible d’interrompre la prescription. Il relève n’avoir été partie à la procédure qu’en janvier 2021, à la demande de la caisse primaire d’assurance maladie, la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable ayant été initiée à l’origine exclusivement à l’encontre de la société utilisatrice et que la preuve n’est pas rapportée d’un acte interruptif de la prescription avant le 17 juin 2015. Il souligne ne pas avoir été impliqué pas plus qu’un de ses dirigeants dans la procédure pénale et que l’appelant ne verse aux débats aucune preuve d’une action engagée à son encontre pour des faits susceptibles d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable avant l’expiration de la prescription biennale dans le délai de deux ans à compter du procès-verbal de non conciliation dressé par la caisse primaire d’assurance maladie.
L’entreprise utilisatrice lui oppose également la prescription, en soulignant d’une part que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être engagée qu’à l’encontre de l’employeur juridique du salarié mis à disposition, et qu’en l’espèce les demande ont été dirigées par conclusions uniquement à son encontre, l’entreprise de travail temporaire n’ayant été appelée en cause qu’en 2021.
En cause d’appel, la caisse primaire d’assurance maladie ne conclut pas sur la fin de non recevoir tirée de la prescription.
Il résulte de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale que le point de départ de la prescription biennale de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable dans l’accident du travail dont le salarié a été victime est le jour de l’accident du travail ou de la cessation du versement des indemnités journalières.
Si la prescription est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou par l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, ce qui s’entend de l’exercice par le salarié victime de l’accident du travail (ou de ses ayants droit) de la mise en oeuvre d’une action pénale, c’est à dire par plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instructions ou par citation directe dirigée contre son employeur, par contre les poursuites pénales décidées par le procureur de la République à l’encontre de l’entreprise utilisatrice et de la société exploitant le site, lieu de l’accident du travail, ne sont pas de nature à l’interrompre, étant rappelé que le salarié n’est pas, en pareille hypothèse, privé de son droit d’engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la caisse primaire d’assurance maladie a versé jusqu’au 05 janvier 2011 des indemnités journalières, point de départ du délai de la prescription biennale.
Il résulte du jugement du tribunal correctionnel de Toulon, en date du 13 janvier 2013, bien que son caractère définitif ne soit pas établi, eu égard aux mentions des appels interjetés, que les poursuites pénales, notamment des chefs de blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas 3 mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, commis le 2 novembre 2010 à Toulon au préjudice de M. [M] [F] [D], l’ont été sur citations par le procureur de la République, et que ni la société [7], ni l’un de ses dirigeants n’ont été poursuivis pour ces faits.
Il s’ensuit que cette procédure pénale n’a pu avoir un effet interruptif sur la prescription biennale.
La circonstance qu’il résulte des dispositions de l’article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l’entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l’article L.452-1, à l’entreprise de travail temporaire et que l’article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, elle est responsable des conditions d’exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, est inopérante à interrompre la prescription biennale pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable laquelle doit nécessairement être initiée par le salarié et doit être dirigée à titre principal contre l’employeur.
Il est établi que par courrier en date du 17 juin 2013, la caisse primaire d’assurance maladie du Var a informé M. [M] [F] [D] que la tentative de conciliation n’a pas abouti.
La saisine de la caisse pour tentative de conciliation a pour effet d’interrompre (et non suspendre) la prescription biennale.
La notification du résultat de celle-ci ayant fait courir à nouveau le délai de deux ans, il incombe à l’appelant de justifier à compter du 18 juin 2013 d’un acte interruptif de ce délai.
Or pas plus qu’en première instance, il ne justifie en cause d’appel d’un acte interruptif de la prescription dans les deux années qui ont suivi cette absence de conciliation.
Il s’ensuit que l’action de M. [M] [F] [D] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable dans son accident du travail, de surcroît dirigée uniquement à l’encontre de la société utilisatrice, la société [8], engagée le 30 mars 2017, l’a été à une date à laquelle la forclusion était acquise, ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris.
Succombant en ses prétentions M. [D] doit être condamné aux dépens et ne peut utilement solliciter l’application à son bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais exposés pour leur défense.
PAR CES MOTIFS,
– Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
y ajoutant,
– Dit n’y avoir lieu à application, au bénéfice de quiconque, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne M. [M] [F] [D] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d’aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président