Tentative de conciliation : 3 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00502

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Tentative de conciliation : 3 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00502
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ARRÊT N°66/2023

N° RG 22/00502 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OTBF

AB/AR

Décision déférée du 06 Décembre 2021 – Pole social du TJ d’AGEN – 19/00410

S.TRONCHE

Société [13]

C/

[R] [I]

[F] [I]

[E] [I]

[Z] [I]

Société [12]

Caisse CPAM DU LOT ET GARONNE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 3 02 2023

à Me Benoît CHAROT

Me Anthony PEILLET

Me Elisabeth LEROUX

Me Florence GUARY

CCC délivrée aux parties

par LRAR

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Société [13] anciennement dénommée

[13], venant aux droits de la société [10]

prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 4]

représentée par Me Benoît CHAROT du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Arnaud RIVOAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame [R] [I]

[Adresse 11]

Monsieur [F] [I]

Monsieur [E] [I]

Monsieur [Z] [I]

[Adresse 1]

Représentés tous les quatre par Me Elisabeth LEROUX de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Société [12] anciennement dénommée [6] prise en la personne de Maître [J] [M] en qualité de commissaire à l’éxécution du plan, domicilié audit siège sis [Adresse 2]

Représentée par Me Florence GUARY de l’ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me ST GENIEST, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU LOT ET GARONNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de:

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [I] a été embauché successivement par la société [10] aux droits de laquelle vient la société [13], puis la société [6] devenue la société [12], en qualité de superviseur, du 1er août 1963 au 3 août 2001.

La société [12] a été placée en redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Nanterre le 30 avril 2003, qui, par jugement du 31 juillet 2003 a autorisé la cession de son fonds de commerce et de ses actifs à la société [7], qui ont été en suivant cédés à la société [9]. A ce titre, la société [12] assistée par Me [M] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, n’a plus aucune activité.

Suivant certificat médical initial, M. [I] a adressé à la CPAM du Lot une déclaration de maladie professionnelle liée à l’exposition à des poussières minérales, à savoir un cancer broncho-pulmonaire, inscrite au tableau 25A des maladies professionnelles.

Par décision du 10 août 2018, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la pathologie mentionnée dans ce certificat médical initial. Après examen par le médecin conseil, l’état de santé de M. [I] a été considéré consolidé le 23 octobre 2017, avec séquelles indemnisables. Compte tenu des séquelles liées à sa pathologie, un taux d’incapacité permanente partielle de 70% lui a été attribué à compter du 24 octobre 2017.

M. [I] a formulé auprès de la CPAM une demande de conciliation dans le cadre d’une procédure visant à voir reconnaître la faute inexcusable de ses anciens employeurs.

Cette tentative de conciliation n’ayant pas abouti, M. [I] a saisi par requête du 27 septembre 2019 le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable des anciens employeurs, la société [13] et la société [12].

La CPAM a été mise en cause par M. [I] afin de garantir les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable.

Le 7 décembre 2019, M. [I] est décédé. Ses ayants droit ont repris l’instance engagée par M. [I].

Par jugement du 6 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen a:

– déclaré recevable et non prescrite l’action introduite par les consorts [I], en reconnaissance de la faute inexcusable des anciens employeurs de [G] [I], la société [13] et la société [12], représentée par Maître [M], dans la contraction de sa pathologie professionnelle mortelle ;

– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie du Lot-et-Garonne ;

– dit que la maladie professionnelle contractée par [G] [I] et à l’origine de son décès est due à la faute inexcusable de ses anciens employeurs, la société [13] et la société [12] ;

– ordonné la majoration maximale de la rente servie à Madame [D] veuve [I] par la caisse primaire d’assurance maladie du Lot-et-Garonne, en sa qualité de conjoint survivant de [G] [I] ;

– rejeté la demande d’une indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

– condamné in solidum la société [13] et la société [12] à payer aux consorts [I] au titre de l’action successorale sur l’indemnisation des préjudices complémentaires de [G] [I] :

* La somme de 40 000 euros au titre de l’indemnisation des souffrances physiques et morales endurées,

* La somme de 2 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice d’agrément,

* La somme de 5 000 euros au titre du préjudice physique,

* La somme de 1 680 euros au titre de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire,

– condamné in solidum la société [13] et la société [12] à payer à Madame [D] veuve [I] la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral ;

– condamné in solidum la société [13] et la société [12] à payer à Monsieur [F] [I] et à Monsieur [A] [I] la somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

– condamné in solidum la société [13] et la société [12] à payer à Monsieur [E] [I] et à Monsieur [Z] [I] la somme de 10 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

– dit que les sommes allouées au titre de l’indemnisation complémentaire des préjudices personnels de [G] [I] et de l’indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit s’élèvent à 128 680 euros ;

– dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Lot-et-Garonne versera directement aux ayants droit de [G] [I] la somme de 128 680 euros, et au besoin la condamne en ce sens ;

– dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Lot-et-Garonne bénéficie d’une action récursoire à l’encontre de la société [13] et de la société [12] ;

– dit que leur part de responsabilité dans les conséquences financières de la faute inexcusable s’établit pour 65% pour la société [13] et 35% pour la société [12];

– condamné in solidum la société [13] et la société [12] à verser aux consorts [I] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– rejeté les demandes de la société [13] ;

– condamné la société [13] et la société [12] aux dépens;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

La société [13] a relevé appel de cette décision par lettre recommandée du 20 janvier 2022.

Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 10 novembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [13] demande à cette cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social,

– Faire droit à l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre principal,

– juger que la société [13], anciennement dénommée [13], n’a commis aucune faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle de Monsieur [I],

En conséquence,

– rejeter toutes les demandes formées à l’encontre de la société [13].

A titre subsidiaire,

– débouter les ayants droit de Monsieur [I] de l’ensemble de leurs demandes tant au titre des préjudices de Monsieur [I] qu’en leur nom propre ou, à tout le moins, les ramener à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

– juger que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie est seule redevable des sommes dues aux ayants droit de Monsieur [I] et qu’elle ne pourra pas exercer son action récursoire à l’encontre de la société [13],

A défaut,

– juger que la caisse primaire d’assurance maladie ne dispose pas de son action récursoire à l’encontre de la société [13] concernant l’allocation forfaitaire et le capital représentatif de la majoration de rente d’ayant droit;

– juger que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie n’aura de recours à l’encontre de la société [13] qu’à concurrence de 65% du montant des indemnités allouées aux ayants droit de Monsieur [I] ;

– rejeter la demande de la CPAM de voir condamner in solidum les sociétés [13] et [12].

La société [13] soutient que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies. D’une part, elle expose qu’au regard de la législation existante et des données scientifiques connues durant la relation professionnelle, elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel étaient exposés les salariés. Elle précise, par ailleurs, que les ayants droit de M. [I] ne rapporte pas la preuve d’une exposition au risque durant la période pendant laquelle il a travaillé pour son compte; les pièces produites sont postérieures à 1988.

D’autre part, elle indique que la preuve de mesures nécessaires prises par l’employeur pour préserver la santé des salariés face au risque, n’est pas rapportée.

En outre, elle conteste l’indemnisation sollicitée par les ayants droit au titre des souffrances endurées en ce que la rente versée par la CPAM indemnise déjà ce poste de préjudice. Elle considère que la réalité des préjudices d’agrément et esthétique n’est pas établie et que les sommes sollicitées par les ayants droit du salarié décédé au titre de son préjudice moral sont injustifiées et excessives.

Par ailleurs, elle s’oppose à l’action récursoire de la CPAM à son encontre dans la mesure où d’une part, le caractère professionnel de la maladie n’est pas établi dans ses rapports avec la caisse et d’autre part, le taux d’IPP attribué à M. [I] ne lui a pas été notifié. Elle ajoute que la CPAM n’a aucunement chiffré la majoration des rentes d’ayants droit de sorte que son action en récupération de celles-ci est irrecevable.

Enfin, si la CPAM devait disposer de son action récursoire, elle soutient que celle-ci devra s’exercer à concurrence de 65 % du montant des indemnisations allouées aux ayants droit, eu égard à la faute inexcusable de la société [12] qui devra être reconnue, ce qui commande en outre de rejeter toute demande de condamnation in solidum.

Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 4 novembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, les ayants droit de M. [I] demandent à cette cour :

Vu les articles L 452-1, L 452-2 et L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

Vu le jugement rendu par le pôle social du Tribunal judiciaire d’AGEN,

Le confirmer en ce qu’il a :

– jugé que la maladie dont Monsieur [G] [I] est décédé est la conséquence de la faute inexcusable des sociétés [13] et [12].

– Ordonné la majoration de la rente de conjoint survivant versée à Madame veuve [I] conformément aux dispositions de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale,

– Fixé l’indemnisation des préjudices complémentaires subis par les ayants droit de Monsieur [G] [I], au titre de l’action successorale, selon les modalités suivantes :

– en réparation du déficit fonctionnel temporaire : 1680 €,

– en réparation de son préjudice esthétique : 50 000 €,

– Fixé l’indemnisation des préjudices complémentaires subis par les ayants droit de Monsieur [G] [I], en leur nom propre, selon les modalités suivantes :

– 30 000 euros à Madame veuve [I] au titre de son préjudice moral,

– 15 000 euros chacun à Messieurs [F] et [A] [I] au titre de leur préjudice moral,

– 10 000 euros chacun à Messieurs [E] et [Z] [I] au titre de leur préjudice moral.

– Condamné les sociétés [13] et [12] à verser aux ayants droit de Monsieur [T] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant de nouveau,

– Fixer au maximum légal la majoration de la rente attribuée à Monsieur [I] de son vivant par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot-et-Garonne qui devra être versée sous forme d’arriérés aux ayants droit de Monsieur [G] [I] au titre de l’action successorale,

– Accorder aux consorts [I] l’allocation forfaitaire prévue à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de l’action successorale,

– Fixer la réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis par de Monsieur [G] [I] au titre de l’action successorale de la façon suivante :

– en réparation des souffrances physiques et morales : 80 000 €,

– en réparation de son préjudice d’agrément : 10 000 €,

– condamner in solidum les Sociétés [13] et [12] venant aux droits et obligations de la Société [12] à verser aux consorts de Monsieur [G] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Les ayants droit de M. [I] soutiennent que l’employeur avait connaissance du danger et qu’il n’a pas mis en ‘uvre les moyens de protection nécessaires pour préserver la santé des salariés alors que dès 1894 un décret prescrivait des mesures de sécurité sur la prévention de l’inhalation des poussières en général complété par les décrets de 1913, 1948, 1950 et 1969. Ils soulignent surtout que la législation a reconnu définitivement le risque lié à l’exposition aux poussières de silice en inscrivant la silicose au tableau n°25 des maladies professionnelles par ordonnance du 3 août 1945.

Ils soutiennent également qu’au-delà de la connaissance théorique sur ces dangers, l’employeur ne pouvait ignorer que les salariés y étaient effectivement exposés compte tenu de la nature des matériaux utilisés, des missions dévolues, des alertes du syndicat et du CHSCT. Ils indiquent que M. [I] travaillait en contact permanent de poussières minérales, dans des locaux empoussiérés, sans protection, ni information.

Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 25 octobre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [12], assistée par Maître [M] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, demande à cette cour :

Vu notamment les articles L.452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale,

– déclarer recevable mais mal fondé l’appel principal interjeté par la Société [13] en ce qu’il tend à remettre en cause le principe d’un recours de la CPAM à son encontre et subsidiairement à faire juger que ce recours ne pourrait être exercé qu’à 50% des indemnités allouées aux ayants droits de Monsieur [I].

– Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident de la Société [12].

En conséquence,

– débouter les ayants droits de Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Société [12] et à tout le moins cantonner les indemnisations sollicitées.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait admise,

– dire et juger que la Société [13] est responsable des conséquences de la faute inexcusable au regard de l’exposition de Monsieur [I] à l’amiante sur le site de [7] avant la cession de sa filiale [6] devenue [12] au [8],

– dire et juger qu’il doit y avoir en conséquence un partage de responsabilité entre les Sociétés [12] et [13] au prorata de la période d’exposition,

– juger en cas de condamnation in solidum des sociétés [13] et [12] au titre de la faute inexcusable qu’il y a lieu de retenir un partage de responsabilité entre elles à hauteur de 65% pour la société [13] et 35% pour la société [12].

A titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que les Sociétés [12] et [13] seront tenues in solidum des conséquences de la faute inexcusable.

Elle conclut à l’absence de démonstration d’une faute inexcusable à son égard par les ayants droit de M. [I] à qui incombe la charge de la preuve.

Par ailleurs, elle indique que les souffrances morales et physiques ne constituent qu’un seul et même préjudice sans pouvoir être distinguées et ne peuvent être indemnisées que jusqu’à la date de consolidation. Elle expose que le préjudice d’agrément nécessite de démontrer une activité spécifique de loisirs ou sportive et que le préjudice doit être évalué en considération de son existence avant la consolidation de l’état de la victime.

Enfin, dans l’hypothèse de reconnaissance d’une faute inexcusable, elle affirme qu’un partage de responsabilité est justifié au prorata du temps de présence du salarié dans les effectifs des deux sociétés étant observé que la société [10] doit être tenue responsable jusqu’au 31 décembre 1987, date de filialisation du site de [7].

Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 16 novembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM du Lot et Garonne demande à cette cour de :

-recevoir la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot-et-Garonne en ses présentes écritures,

Ainsi,

– constater que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot-et-Garonne s’en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,

Et dans l’hypothèse où la Cour confirmerait l’existence de la faute inexcusable,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris par le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen,

Alors,

– confirmer la condamnation de la société [13] au remboursement des sommes dont la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot-et-Garonne aura été amenée à faire l’avance au titre de l’indemnisation complémentaire définitive des préjudices de la victime et au titre de la majoration à son taux maximum du capital versé.

Aussi,

– confirmer l’action récursoire de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Lot-et-Garonne à l’encontre de la société [13].

Elle indique que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable à l’encontre de la société [13] est recevable, en sa qualité d’ancien employeur.

La CPAM s’en remet à justice sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur et sur la question de la réparation et de la fixation des préjudices.

Enfin, elle soutient que son action récursoire est recevable au motif que lorsque que la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, ce dernier doit rembourser à l’organisme de sécurité sociale la totalité des sommes dues à la victime, liées à la reconnaissance de la faute inexcusable, y compris la majoration de rente servie ou du capital versée et l’allocation forfaitaire.

MOTIFS :

Sur l’existence de la faute inexcusable :

Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Le manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident subi par le salarié. Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée, alors même que d’autres fautes, en ce compris celle de la victime, auraient concouru au dommage.

Hormis pour certaines catégories de travailleurs qui bénéficient d’un régime probatoire particulier, il incombe en principe au salarié agissant en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur de prouver que ce dernier, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En l’espèce, il appartient à cette cour de déterminer si les sociétés [13] et [12], avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel M. [I] était exposé, au regard de la réglementation existante, des connaissances scientifiques et des conditions de travail de ce dernier et le cas échéant si ses employeurs ont pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Sur la connaissance du risque lié à l’inhalation de poussières minérales :

Tel que rappelé dans l’exposé du litige, M. [I] a été embauché successivement par la société [10] aux droits de laquelle vient la société [13], puis la société [6] devenue la société [12], du 1er août 1963 au 3 août 2001; il travaillait sur le site de [7].

La CPAM a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [I]. La cour observe qu’aucun des employeurs n’émet de contestation sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée, sa désignation au tableau, la liste limitative des travaux ou la durée d’exposition. La désignation de la maladie déclarée et retenue par la caisse est bien celle figurant au tableau n°25A. La maladie déclarée par M. [I] présente donc bien un caractère professionnel à l’égard des sociétés [13] et [12].

Ces sociétés étaient spécialisées dans la fonderie et l’usinage de pièces mécaniques.

La présence de poussières de silice sur le site de [7] est établie par les témoignages de Messieurs [N] et [U] dont les termes ne font l’objet d’aucune contestation par les sociétés. Il ressort de ces témoignages, établis par les collègues de travail de M. [I], que ce dernier a occupé plusieurs postes sur le chantier ‘fonderie chemises’ dont les matériaux utilisés contenaient de la silice. L’usine de [7] faisait une utilisation massive de sable de silice.

Par ailleurs, l’exposition à l’inhalation de poussières minérales n’est pas contestée par les sociétés, ayant tel que précité, exploité successivement le site de [7] et ayant été employeurs de M. [I].

En revanche, la société [13] soutient que les éléments produits par le salarié relatifs à l’inhalation de poussières minérales ne concernent pas la période durant laquelle il a travaillé pour son compte de sorte qu’elle ne pouvait avoir conscience du danger.

Or, d’une part, il ressort de l’étude réalisée par le médecin du travail sur le poste occupé par M. [C], également affecté à la ‘fonderie chemises’ à compter de 1982, période où le site de [7] appartenait à société [13], que celui-ci était exposé aux poussières de silice. Le médecin du travail relevait notamment la présence de silice sur le matériel ‘wet spray’, utilisé également par M. [I].

D’autre part, plusieurs textes légaux et réglementaires ont précisé les obligations de l’employeur en terme de sécurité à apporter aux salariés qui sont exposés aux poussières d’une manière générale, tels que la loi du 12 juin 1893 (propreté, hygiène, salubrité, poussières), le décret du 10-11 mars 1894 (poussières et gaz insalubres ou toxiques), le décret du 10 juillet 1913 (nettoyage du sol) ou encore le décret du 13 décembre 1948 (masques individuels et dispositifs spécifiques contre les poussières).La législation professionnelle a reconnu le risque lié à l’inhalation de poussières de minérales en inscrivant notamment la silicose par ordonnance du 3 août 1945, au tableau n°25 des maladies professionnelles.

Par ailleurs, ces sociétés, au regard de leur envergure, étaient nécessairement au fait des risques liés à l’utilisation de sable dans le processus de fabrication industrielle et avaient une connaissance complète des risques qu’elles ont fait prendre à M. [I], compte tenu de la législation précitée, qui travaillait sur des postes en fonderie au contact de poussières minérales renfermant de la silice.

Enfin, la cour relève qu’à compter de 1998, plusieurs alertes ont été émises par le CHSCT et la CRAM à la société [12] sur la présence de silice dans les matériaux utilisés par les salariés et les risques sur leur santé.

Il ressort des éléments ainsi examinés, d’une part, que M. [I] était habituellement exposé aux poussières minérales tout au long de sa carrière et d’autre part, que les sociétés employeurs successifs avaient ou auraient dû avoir connaissance du danger auquel a été exposé le salarié.

Sur les mesures prises par les deux sociétés pour préserver la santé de M. [I]:

Le décret n°97-331 du 10 avril 1977, applicable au 1er juillet 1998, relatif à la protection de certains travailleurs exposés à l’inhalation de poussières siliceuses sur leur lieu de travail, a fixé de nouvelles valeurs d’exposition à ces poussières.

Par ailleurs, ce décret a impliqué que des contrôles d’empoussièrement soient effectués par les entreprises dans un délai de 6 mois à compter de sa publication, puis régulièrement renouvelés dans le cadre général «des obligations du chef d’établissement à évaluer et à surveiller les expositions aux risques chimiques» lors de toute modification des procédés de travail pouvant entraîner une modification de la constitution des poussières.

En outre, au moins à partir du décret du 17 août 1977, mais plus généralement dès le décret du 13 décembre 1948 (protection individuelle) et notamment le décret du 10 avril 1997, pareilles entreprises avaient obligation de prendre les mesures de protection collective et individuelle nécessaires pour garantir la sécurité et la santé à leurs employés.

Les sociétés [13] et [12] ne produisent aucun élément permettant de faire la preuve de mesures de prévention pour prévenir ou limiter les risques liées à l’inhalation de poussières minérales.

En tout état de cause, il ressort des témoignages produits, tel que relevé et exposé par les premiers juges, dont les termes ne font l’objet d’aucune contestation par les sociétés, l’absence de remise aux salariés d’équipements de protection individuelle (tels que des masques) et collectifs (tel qu’un système d’aspiration des poussières).

Les sociétés [13] et [12] ont ainsi commis un manquement fautif à leur obligation de prévention des risques auxquels M. [I] a été exposé, manquement constitutif de la faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle qui en est résulté. Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

Sur les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur :

Sur la majoration de la rente :

Il résulte de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale que la majoration de rente constitue une prestation de sécurité sociale due par l’organisme social dans tous les cas où la maladie professionnelle consécutive à une faute inexcusable entraîne le versement de la rente. Par suite, en cas de maladie suivie de mort, le conjoint survivant bénéficie de la majoration de la rente qui lui est attribuée en application des articles L431-1, 4° et L434-8 du code précité alors même que la victime a bénéficié d’une majoration de sa propre rente.

Seule la faute inexcusable de la victime ‘ entendue comme une faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience – est susceptible d’entraîner une diminution de la majoration de la rente.

La société [13] s’y oppose en affirmant que la majoration de rente attribuée à la victime ne peut pas se cumuler avec celle bénéficiant aux ayants-droits et que M. [I] étant décédé, seule la majoration de la rente de la conjointe survivante peut être accordée.

Or, en application des dispositions susvisées les ayants-droits de la victime et sa veuve en qualité de conjointe survivante sont fondés à réclamer respectivement, d’une part, au titre de l’action successorale, la majoration de la rente qui doit être servie à la victime jusqu’à son décès et, d’autre part, la majoration de la rente de conjointe survivante dont est créancière Mme [I].

Le jugement déféré a uniquement statué sur la majoration de la rente versée à Mme [I], en qualité de conjointe survivante. Il a omis de statuer sur la demande formée par les ayants droit de M. [I] portant sur la majoration au taux maximal légal de la rente servie à celui-ci jusqu’à son décès.

Seule la faute inexcusable de l’employeur étant reconnue à l’exclusion de toute faute de même nature de la victime, il convient d’ordonner, par ajout au jugement déféré, au titre de l’action successorale, la majoration au taux maximal légal de la rente qui a été servie à M. [I] du 24 octobre 2017 jusqu’à son décès, en application de l’article L 452-2 susvisé.

Sur l’indemnité forfaitaire :

Aux termes de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale : « (…) Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. (…) ».

Les ayants droit de M. [I] soutiennent qu’au regard de la gravité de la pathologie et de la prise en charge du décès par la caisse, M. [I] était atteint d’un taux d’incapacité permanente partielle de 100%.

La société [13] s’y oppose au motif que M. [I] ne présentait pas un taux d’IPP de 100%.

En l’espèce, la CPAM a notifié à M. [I] un taux d’incapacité permanente de 70% à compter du 24 octobre 2017.

Ainsi, antérieurement au décès, la CPAM s’était déjà prononcée sur le taux d’incapacité permanente partielle après consolidation, par une décision qui n’a pas fait l’objet d’une contestation ; de sorte que cette décision s’impose à cette cour, sans qu’elle dispose du pouvoir de l’écarter.

Le fait que la CPAM ait pris en charge le décès de M. [I] ne constitue aucunement une notification de révision du taux d’IPP, qui porterait celui-ci à 100%.

Cette cour ne peut donc fixer après le décès le taux à 100% en se fondant sur des éléments tirés de la gravité estimée de la pathologie, ni allouer l’indemnité forfaitaire aux ayants droits. Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

Sur l’indemnisation des préjudices complémentaires au titre de l’action successorale:

Aux termes de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et ce jusqu’à la date de consolidation, fixée par la caisse au 23 octobre 2017.

Dans le cadre d’une maladie professionnelle, la date à prendre en considération pour le début de la période à indemniser du déficit fonctionnel temporaire est celle retenue par le médecin conseil de la caisse au titre de la première constatation médicale de la maladie, soit le 4 mai 2017.

Les éléments issus des différents examens médicaux conduisent la cour à retenir, malgré le peu d’éléments sur l’incidence de cette maladie sur l’état physique de M. [I] avant la date de consolidation, l’existence d’une perte de qualité de vie et de ses joies usuelles liées aux très nombreux examens médicaux et soins lourds effectués durant cette période.

Au regard des éléments produits, la cour confirmera l’indemnisation allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire ; en revanche il y a lieu de l’infirmer sur le principe de la condamnation des sociétés à payer directement cette somme au salarié, dans la mesure où il s’agit d’une fixation de la créance, avancée par la CPAM, et que les sociétés sont condamnées à rembourser à cette dernière au titre de l’action récursoire comme dit au dispositif.

Sur les souffrances physiques et morales :

La question qui se pose en l’espèce porte sur l’indemnisation des souffrances physiques et morales, visées à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, pour la période postérieure à la consolidation.

L’article L.434-2 du code précité indique aux termes de son premier alinéa que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Le barème visé par cet article est mentionné aux termes de l’annexe 1 du code de la sécurité sociale. Ce barème précise les conditions d’application de ce texte. Il ne modifie en aucune façon le champ d’application des éléments précités, destinés à la détermination du taux d’IPP et ne comprend aucune mention relative aux souffrances physiques et morales.

La rente ou le capital versés après consolidation à la victime d’une maladie professionnelle sont ainsi déterminés par les éléments mentionnés dans l’article précité, lesquels indemnisent un préjudice physiologique et éventuellement un préjudice professionnel.

En conséquence, la rente ou le capital versés ne peuvent indemniser les souffrances endurées par la victime, raison pour laquelle le législateur a complété l’indemnisation par les chefs de préjudice énoncés et codifiés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Cet article indique « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

La cour observe tout d’abord que le terme “indépendamment” utilisé souligne la volonté du législateur d’indemniser de façon distincte les préjudices liés à la rente ou au capital de ceux visés dans cet article.

En outre, la cour relève que cet article ne fait aucunement référence à la notion de consolidation concernant les chefs de préjudice indemnisables.

Ainsi, le code de la sécurité sociale opère expressément d’une part, une distinction entre les “facultés physiques et mentales” visées à l’article L.434-2 et les “souffrances physiques et morales” mentionnées à l’article L.452-3 et d’autre part, prévoit une indemnisation distincte pour ces chefs de préjudices.

Il résulte de ce qui précède que l’indemnisation des souffrances physiques et morales ne peut être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation alors qu’elles ne sont pas réparées par la rente ou le capital dont l’objet est différent.

Par conséquent, les souffrances physiques et mentales causées et éprouvées par M. [I] depuis sa maladie professionnelle peuvent être indemnisées de façon distincte, pour autant qu’elles soient caractérisées.

Les premiers juges ont rappelé l’âge de M. [I] lorsqu’il a su qu’il était malade et la maladie dont il était victime.

Les ayants droit de M. [I] demandent à cette cour d’infirmer le chef de dispositif du jugement qui a fixé l’indemnisation de ce préjudice à hauteur de 40 000 € ; ils sollicitent pour ce chef de préjudice, la somme de 80 000 €.

Tel que relevé par les premiers juges, il ressort des éléments médicaux, des témoignages et attestations produits que M. [I] a souffert physiquement de ses difficultés respiratoires compte tenu de sa capacité pulmonaire totale réduite.

Au niveau médical, [I] a subi une lobectomie supérieure gauche avec suites opératoires douloureuses et un traitement de chimiothérapie, étant également mis sous oxygénothérapie. Il a été hospitalisé à plusieurs reprises suite à des douleurs thoraciques aigues, des douleurs au niveau de sa cicatrice, des difficultés respiratoires et cardiaques. Une pompe à morphine a été implantée dans le thorax de M. [I].

Lors de sa dernière hospitalisation, il a enduré des hémorragies intra-alvéolaire et internes, des hématuries, une adénomégalie au niveau de la trachée, il a perdu la parole, et subi une intubation et ventilation.

Par ailleurs, ces souffrances ont été associées à la souffrance psychologique liée à la dégradation irréversible de son état de santé, celui-ci ayant nécessairement conscience de l’évolution de son affection en pathologie mortelle.

Dans ces conditions, la cour allouera aux ayants droit de M. [I] la somme

de 60 000 € au titre des souffrances physiques et morales, par infirmation du jugement entrepris. En outre, il y a lieu d’infirmer également ledit jugement sur le principe de la condamnation des sociétés à payer directement cette somme aux ayants droit du salarié, dans la mesure où il s’agit d’une fixation de la créance, avancée par la CPAM, et que les sociétés sont condamnées à rembourser à cette dernière au titre de l’action récursoire comme dit au dispositif.

Sur le préjudice d’agrément :

Le préjudice d’agrément s’entend de l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Il appartient en outre à la victime de justifier d’une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure à l’accident.

Les ayants droit de M. [I] demandent à cette cour d’infirmer le chef de dispositif du jugement qui a fixé l’indemnisation de ce préjudice à hauteur de 2 000 € ; ils sollicitent pour ce chef de préjudice la somme de 10 000 €.

Or, les premiers juges ont relevé, au regard d’une juste appréciation des pièces et témoignages produits, que la maladie professionnelle dont il était victime l’empêchait de pratiquer ses activités de loisirs à la suite de la dégradation de son état de santé jusqu’à son décès et notamment la pratique du golf, sa participation bénévole au sein d’un club de rugby ou encore l’accompagnement de ses petits-enfants aux matchs de rugby.

Aucune nouvelle pièce n’étant produite aux débats, la cour confirmera l’indemnisation allouée par les premiers juges au titre du préjudice d’agrément, laquelle est de nature à réparer le préjudice subi ; en revanche il y a lieu de l’infirmer sur le principe de la condamnation des sociétés à payer directement cette somme aux ayants droit du salarié, dans la mesure où il s’agit d’une fixation de la créance, avancée par la CPAM, et que les sociétés sont condamnées à rembourser à cette dernière au titre de l’action récursoire comme dit au dispositif.

Sur le préjudice esthétique :

Ce poste de préjudice indemnise les conséquences physiques altérant l’apparence ou l’expression de la victime et prend en compte la localisation des cicatrices, l’âge de la victime, sa profession et sa situation personnelle.

Les premiers juges ont relevé, au regard d’une juste appréciation des pièces et témoignages produits, que la maladie professionnelle dont est victime M. [I] lui a causé un préjudice esthétique.

Au vu de ces éléments, la cour confirmera l’indemnisation allouée par les premiers juges au titre du préjudice esthétique, laquelle est de nature à réparer le préjudice subi; en revanche il y a lieu de l’infirmer sur le principe de la condamnation des sociétés à payer directement cette somme aux ayants droit du salarié, dans la mesure où il s’agit d’une fixation de la créance, avancée par la CPAM, et que les sociétés sont condamnées à rembourser à cette dernière au titre de l’action récursoire comme dit au dispositif.

Sur le préjudice moral des ayants-droit :

Selon l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale les ascendants et descendants d’une victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dus à une faute inexcusable de l’employeur, et qui n’ont pas droit à une rente au sens des articles L.434-7 à L.434-14 du même code, peuvent prétendre à l’indemnisation de leur préjudice moral selon les dispositions de l’article L.452-3 alinéa 2.

Contrairement aux affirmations de la société [13], les premiers juges ont parfaitement évalué, au regard d’une juste appréciation des pièces produites, le préjudice moral de chaque ayant droit.

En conséquence la cour confirme l’indemnisation allouée aux ayants droits de M. [I] au titre du préjudice moral; en revanche il y a lieu de l’infirmer sur le principe de la condamnation des sociétés à payer directement cette somme aux consorts, dans la mesure où il s’agit d’une fixation de la créance, avancée par la CPAM, et que les sociétés sont condamnées à rembourser à cette dernière au titre de l’action récursoire comme dit au dispositif.

Sur le partage de responsabilités :

La cour confirmera le jugement entrepris sur le partage de responsabilités entre les deux sociétés employeurs, [13] et [12], dans la mesure où ce partage correspond à la durée effective de la relation contractuelle au cours de laquelle les fautes ont été respectivement commises par les deux employeurs et donc à la durée d’exposition au risque professionnel litigieux.

Sur l’action récursoire de la CPAM :

Il résulte de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale que la caisse primaire d’assurance maladie dispose d’une action récursoire contre l’employeur dont la faute inexcusable est reconnue dans l’accident du travail ou la maladie professionnelle du salarié, pour les sommes dont elle a été amenée à faire l’avance au titre de la réparation des préjudices ainsi qu’au titre de la majoration de la rente.

Par application des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable.

Il résulte donc de ces dispositions cumulées que lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, ce dernier doit rembourser à la caisse la totalité des sommes dues à la victime, liées à la reconnaissance de la faute inexcusable, y compris la majoration de la rente.

En l’espèce, le pôle social a considéré que la caisse est recevable en son action récursoire dirigée in solidum à l’encontre des deux employeurs successifs les sociétés [13] et [12], ayant jugé qu’ils ont tous deux commis une faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle, et ce pour l’intégralité des sommes allouées à ses ayants droit, y compris la majoration de la rente s’y substituant.

La société [13] sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur ce point, et demande à la cour à titre principal de rejeter toute action récursoire de la CPAM à son égard, tandis que les ayants droit de M. [I] et la CPAM concluent à la confirmation du jugement ayant accueilli l’action récursoire de la CPAM pour l’ensemble des sommes allouées. La société [12] n’a pas conclu sur ce point.

En premier lieu, la société [13] oppose aux autres parties le fait que le caractère professionnel de la maladie du salarié ne serait pas établi dans ses rapports d’employeur avec la CPAM, puisque la caisse ne l’a pas informée de la reconnaissance de ce caractère professionnel de la pathologie en cause.

Cependant, contrairement à ce que soutient la société [13], l’instruction d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par la CPAM ne fait pas peser sur celle-ci une obligation de caractérisation de la maladie déclarée à l’égard des employeurs successifs, puisque la caisse a pour seule obligation de vérifier si les conditions posées par le tableau des maladies professionnelles applicable à la situation sont réunies ou non.

En application des dispositions de l’article R441-11 du code de la sécurité sociale, la caisse instruit le dossier de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l’employeur unique ou du dernier employeur de l’assuré, peu important qu’il l’expose effectivement au risque.

Au surplus, il est constaté que la société [13] ne discute pas du caractère professionnel de la maladie du salarié dans ses relations avec celle-ci, seule l’existence d’une faute inexcusable étant en litige.

Dans ces conditions, ce premier moyen sera écarté.

En deuxième lieu, la société [13] oppose que la CPAM ne saurait disposer d’une action récursoire à son égard en ce qui concerne le capital représentatif de la majoration de rente du salarié jusqu’à son décès, et l’allocation forfaitaire de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, dans la mesure où la décision fixant le taux d’incapacité permanente partielle de M. [I] ne lui a pas été notifiée, de sorte que ce taux ne lui est pas opposable.

Néanmoins, lorsque la CPAM instruit le dossier de reconnaissance de maladie professionnelle et fixe le taux d’incapacité permanente partielle du salarié, cette instruction n’est diligentée qu’à l’égard du seul ou dernier employeur ainsi qu’il l’a été dit précédemment, et aucun texte n’impose à la CPAM de notifier le taux d’incapacité permanente partielle du salarié à tous ses précédents employeurs.

Sur ce point, la société [13] se prévaut d’une jurisprudence de la cour de cassation du 17 mars 2022, statuant sur une espèce différente dans la mesure où l’arrêt concernait un salarié dont le taux d’incapacité permanente partielle avait été déjà notifié à son unique employeur, puis avait été modifié dans les rapports entre la caisse et le salarié sans notification de cette modification à l’employeur.

Or en l’espèce, la société [13] n’est pas le dernier employeur de M. [I] et il n’est pas discuté entre les parties que le taux d’IPP de ce salarié ait été régulièrement notifié à son dernier employeur.

Ainsi, s’imposent à la société [13] les dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable ; ces sommes dont il est redevable incluent la majoration du capital représentatif de la rente majorée allouée aux ayants droit de M. [I].

Enfin, la société [13] soutient subsidiairement que, si la cour devait accueillir l’action récursoire de la CPAM à son encontre, celle-ci ne pourrait s’exercer qu’à concurrence de 65% des sommes allouées aux ayants droit de M. [I] dans la mesure où le partage de responsabilité admis par la cour entre elle et la société [12] doit être pris en compte.

La cour vient de juger que la maladie professionnelle de M. [I] est due à la faute inexcusable commise par ses employeurs successifs, lesquels ont commis une faute dans leur obligation de prévention du risque auquel ce salarié a été exposé.

Ainsi, la condamnation in solidum des sociétés [13] et [12] au remboursement à la caisse primaire d’assurance maladie à des indemnisations des préjudices dont elle est tenue de faire l’avance doit être confirmée. Le partage de responsabilité retenu par les premiers juges et validé par cette cour ne vaut que dans les rapports des deux employeurs entre eux, et non dans leurs rapports avec la CPAM.

Il n’y a donc pas lieu à limiter l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de chacun des employeurs à une partie seulement des sommes avancées par elle.

Il s’ensuit que la caisse est recevable en son action récursoire dirigée à l’encontre des deux employeurs successifs de M. [I] , la cour venant de juger qu’ils ont tous deux commis une faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a accueilli l’action récursoire de la CPAM exercée in solidum à l’égard de la société [13] et de la société [12] pour l’ensemble des sommes dont elle aura fait l’avance au titre de l’indemnisation de tous les préjudices de M. [I] et de ceux de ses ayants droit.

Sur les frais et dépens :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser aux ayants droit de M. [I] les frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’engager pour leur défense en appel. La société [13], appelante, sera donc condamnée à payer aux ayants droit de M. [I] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel. Elle sera par ailleurs condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– Déclaré recevable et non prescrite l’action introduite par les ayants droits de M. [I], en reconnaissance de la faute inexcusable de ses anciens employeurs, la société [10] aux droits de laquelle vient la société [13] et la société [12] ;

– Déclaré le jugement commun à la CPAM du Lot-et-Garonne ;

– Dit que la maladie professionnelle dont a été victime M. [I], un cancer broncho-pulmonaire primitif, inscrite au tableau n°25A des maladies professionnelles, était imputable à la faute inexcusable de ses anciens employeurs successifs, la société [10] aux droits de laquelle viennent la société [13] et la société [12] ;

– Ordonné la majoration à son taux maximum de la rente versée à Mme [D], veuve M. [I], en sa qualité de conjointe survivante, par la CPAM du Lot-et-Garonne ;

– Rejeté la demande d’une indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

– Dit que la CPAM du Lot-et-Garonne fera l’avance des sommes dues aux ayants droits de M. [I] au titre de l’indemnisation des préjudices subis par celui-ci et au titre de l’indemnisation de leurs préjudices moraux ;

– Dit que la CPAM du Lot-et Garonne bénéficiait d’une action récursoire à l’encontre de la société [13] et la société [12] ;

– Dit que leur part de responsabilité dans les conséquences financières de la faute inexcusable s’établit pour 65% pour la société [13] et 35%pour la société [12] ;

– Condamné in solidum la société [13] et la société [12] à verser aux ayants droit de M. [I] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

– Ordonne la majoration au taux maximal de la rente qui a été servie à M. [I] du 24 octobre 2017 jusqu’à son décès et dit que ce montant sera avancé par la CPAM du Lot-et-Garonne,

Fixe les indemnisations des préjudices subis par M. [I] de la façon suivante :

* 60 000 € au titre des souffrances morales et physiques endurées, 

* 2 000 € au titre du préjudice d’agrément,

* 5 000 € au titre du préjudice physique,

* 1 680 € au titre de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire,

Fixe ainsi les indemnisations des préjudices moraux subis, respectivement par :

– Mme [D], veuve de M. [I], à 30 000 €,

– Messieurs [F] [I] et [A] [I], fils de M. [I], à 15 000 € à chacun,

– Messieurs [E] [I] et [Z] [I], petits-enfants de M. [I], à 10 000 € à chacun,

Condamne in solidum les sociétés [13] et [12] à rembourser à la CPAM du Lot-et-Garonne les sommes dont elle aura fait l’avance au titre de l’indemnisation des préjudices subis par M. [I] et des préjudices moraux de ses ayants droit, y compris la majoration à son taux maximum de la rente d’ayant droit versée à Mme [D], veuve de M. [I],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société [13] à payer aux ayants droit de M. [I] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne la société [13] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


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