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ARRÊT DU
29 Septembre 2023
N° 1152/23
N° RG 21/01896 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T5XZ
LD/VCL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER
en date du
11 Octobre 2021
(RG F20/00190 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 29 Septembre 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [C] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [Y] [X] (Défenseur syndical)
INTIMÉE :
Association FOYER [5] DIT FOYER [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Raphaël TACHON, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS : à l’audience publique du 08 Juin 2023
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2023, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Mai 2023
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
La FONDATION OEUVRE DES ORPHELINATS CATHOLIQUES [5] (ci-après Foyer [5]) a engagé M. [C] [T] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 octobre 1991 en qualité d’éducateur technique d’internat.
Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Se prévalant du non-octroi de jours de récupération en contre partie du travail les jours fériés et sollicitant un rappel de salaire au titre d’une mauvaise application de l’échelon d’ancienneté, M. [C] [5] a saisi le 17 décembre 2020 le conseil de prud’hommes de Boulogne sur Mer .
Une transaction est intervenue concernant les jours de récupération en contre partie du travail les jours fériés.
Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne sur Mer a rendu la décision suivante :
-déboute M. [C] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamne M. [C] [T] à payer au Foyer [5] 1 200 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne M. [C] [T] aux entiers dépens de l’instance.
M. [C] [T] a relevé appel de ce jugement par procès verbal de déclaration d’appel du 29 octobre 2021.
Vu les dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2021 au terme desquelles M. [C] [T] demande à la cour de :
-infirmer la décision entreprise et dire que M. [T] aurait dû être placé au coefficient 450 au mois d’août 1994 et bénéficier du déclenchement des points d’ancienneté selon le calendrier annexé aux conclusions,
-à ce titre, condamner l’employeur à lui payer les sommes de :
– 3192 euros de rappel de salaire, correspondant à la période démarrant en janvier 2017, date de la réclamation de M. [T] et ce jusqu’à août 2021, date à laquelle il aura rattrapé le coefficient maximum, qu’il convient de majorer d’un dixième au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés soit 319,20 euros,
– 13 000 euros de dommages et intérêts (le préjudice subi par M. [T] se chiffre sur la période d’août 1994 à décembre 2016 à 13 026,40 euros)
– 931 euros à titre de rappel d’indemnité de départ en retraite
– 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [C] [T] expose que :
– Le 11 juillet 1994, est entrée en vigueur une nouvelle grille de classification pour la profession.
-Or, en août 1994, il disposait déjà d’une ancienneté de deux ans et onze mois dans son poste mais sa qualification a été reclassée au coefficient de départ de la grille, soit le coefficient 421, et non au coefficient 450 normalement attribué à un salarié ayant plus de deux ans et moins de 3 ans d’ancienneté.
– Les changements de coefficient lui ont, ensuite et tout au long de sa carrière, été attribués non pas en référence à la date de son embauche mais à celle de la mise en oeuvre de la nouvelle grille de classification.
– Il a subi une différence de traitement et un avancement de son coefficient d’ancienneté moins favorable par rapport aux salariés embauchés après l’entrée en vigueur de la nouvelle grille de classification.
– Il a, ainsi, subi un préjudice lié au déclenchement tardif de ses points de coefficient dû au titre de l’ancienneté et qu’il convient de réparer par un rappel de salaire dans les limites de la prescription et des dommages et intérêts.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 janvier 2022 dans lesquelles la Fondation Oeuvre des Orphelinats Catholiques [5], intimée, demande à la cour de :
-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-Débouter M. [T] de sa demande nouvelle relative à un complément de prime de départ en retraite,
Y ajoutant,
-Condamner M. [T] au paiement d’une somme de 2 400 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
A l’appui de ses prétentions, la fondation soutient que :
– La demande nouvelle de complément d’indemnité de départ en retraite est irrecevable, compte tenu de la suppression du principe de l’unicité de l’instance et de l’article 564 du code de procédure civile. Cette prétention n’est, en outre, motivée ni en fait ni en droit.
-En outre, M. [T] tente de contourner la règle de la prescription triennale des salaires en sollicitant des dommages et intérêts d’un montant de 13 000 euros. Cette demande doit, par suite, être rejetée comme étant prescrite.
– L’accord collectif critiqué est conforme à la convention collective et a fixé comme élément de référence le salaire et non l’ancienneté, de sorte que M. [T] ne peut prétendre faire évoluer son ancienneté issue de la convention collective initiale avec la nouvelle classification de 1994.
– Le salarié n’a pas perdu de salaire et a bénéficié d’un passage immédiat au coefficient supérieur.
– En outre, il a été favorisé financièrement par cette nouvelle classification, le maintien de l’ancienne grille de classification l’aurait , en outre, conduit à un salaire moindre.
– M. [T] ne démontre pas non plus une différence de traitement en sa défaveur par rapport à d’autres salariés.
– Aucun employé embauché après le 11 juillet 1994 dans des fonctions identiques ne bénéficie d’un coefficient supérieur au sien, ce d’autant qu’ayant été embauché en qualité d’éducateur technique d’internat, il ne dispose pas du diplôme nécessaire à la fonction de moniteur éducateur, ce qui constitue une différence objective de situation.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de la demande de rappel d’indemnité de départ en retraite :
La fondation Oeuvre des Orphelinats Catholiques [5] dit Foyer [5] se prévaut de l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées en cause d’appel et en particulier de la demande de rappel d’indemnité de départ en retraite, ce en application de l’article 564 du code de procédure civile et compte tenu de la suppression du principe de l’unicité de l’instance en matière prud’homale.
L’article 8 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a, en effet, entrainé la suppression de l’article R1452-7 du code du travail, lequel disposait que “Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L’absence de tentative de conciliation ne peut être opposée.
Même si elles sont formées en cause d’appel, les juridictions statuant en matière prud’homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence.”.
La nouvelle procédure est, ainsi, applicable aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 et est, par conséquent, applicable à l’espèce.
Il résulte, en outre, de l’article 564 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la demande de rappel d’indemnité de départ en retraite a été formulée pour la première fois en cause d’appel. Il n’est pas non plus soutenu qu’elle tendrait à opposer compensation, à faire écarter les prétentions adverses ou à faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Par conséquent, cette demande nouvelle formée en cause d’appel par M. [C] [T] relative au rappel d’indemnité de départ en retraite est irrecevable.
Sur le rappel de salaire pour la période de janvier 2017 à août 2021 :
Conformément à l’article 24 de l’avenant n°250 du 11 juillet 1994 à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, le reclassement sera prononcé à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent classement. En outre, lorsque ce reclassement, dans le nouvel échelon, ne lui procurera pas une augmentation supérieure à celle résultant de l’avancement normal dans l’ancien échelon, l’intéressé bénéficiera d’un changement d’échelon à la date à laquelle serait intervenu le changement dans l’ancien classement.
Cet avenant a, ainsi, posé comme critère d’application du coefficient de reclassement, non pas l’ancienneté mais la rémunération.
– Sur l’application de la convention collective :
En application de ces dispositions, il résulte des pièces produites que M. [C] [T] a été classé le 1er octobre 1994 au coefficient 421 puis les 1er août 1995, 1er août 1996, 1er août 1997, 1er août 1999, 1er août 1er août 2001, 1er août 2003, 1er août 2005, 1er août 2008, 1er août 2011, 1er août 2014, 1er août 2017 et 1er août 2021 aux coefficients supérieurs prévus par la grille indiciaire.
Surtout, lors du passage à la nouvelle grille indiciaire, le salarié qui disposait auparavant d’un coefficient de 411 rémunéré à hauteur de 8474,76 francs bruts, s’est vu attribuer le coefficient immédiatement supérieur de 425 avec une rémunération perçue de 8942,04 francs bruts soit une augmentation de 467,28 francs bruts par mois.
Par ailleurs, la comparaison de l’ancienne grille de classification et de la grille instaurée en 1994 conduit à relever que, tout au long de sa carrière au sein du Foyer [5], M. [C] [T] a bénéficié d’un salaire plus élevé que celui qu’il aurait perçu dans le cadre de l’ancienne grille.
En outre, l’ancienne classification prévoyait un plafonnement au coefficient 571 au bout de 20 ans d’ancienneté, alors que la nouvelle grille n’envisage un tel plafonnement qu’au bout de 28 années d’ancienneté mais avec un coefficient bien supérieur de 665.
Il en résulte que le reclassement de M. [C] [T] dans le nouvel échelon a bien procuré au salarié une augmentation supérieure à celle résultant de l’avancement normal dans l’ancien échelon.
– Sur la différence de traitement :
Concernant la différence de traitement et l’avancement allégué de son coefficient d’ancienneté moins favorable par rapport aux salariés embauchés après l’entrée en vigueur de la nouvelle grille de classification, il est rappelé que tout employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
S’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Si l’application du principe « à travail égal, salaire égal » nécessite une comparaison entre des salariés de la même entreprise, la comparaison n’est pas limitée à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur.
M. [C] [T] se prévaut, ainsi, de la situation de Mme [Z] [F] dont il produit un unique bulletin de salaire du mois de mars 2021 et qui exerçait tout comme lui la fonction de moniteur éducateur.
Il ressort de ce document que l’intéressée est entrée au service du Foyer [5] le 15 août 1994 soit immédiatement après l’entrée en vigueur de la nouvelle grille indiciaire. Au mois de mars 2021, elle bénéficiait au regard de sa rémunération d’un coefficient de 630, après 26 années d’ancienneté.
Pour sa part, l’appelant produit son bulletin de salaire du mois de novembre 2020 duquel il résulte qu’il bénéficiait du même coefficient que Mme [F] avec une ancienneté de 29 ans.
Néanmoins, le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l’avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu’ils ne bénéficient à aucun moment, comme en l’espèce, d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.
Il n’est, par ailleurs, soumis aucun autre élément comparatif avec d’autres salariés embauchés après l’entrée en vigueur de la nouvelle grille.
Par conséquent, il en résulte que M. [C] [T] qui invoque une inégalité de traitement ne soumet aucun élément de fait susceptible de caractériser une inégalité de rémunération.
Il convient, dès lors, de le débouter de sa demande de rappel de salaires.
Le jugement entrepris est confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts :
M. [C] [T] sollicite la condamnation du Foyer [5] à lui verser 13 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Conformément aux dispositions de l’article L3245-1 du code du travail , « L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».
En l’espèce, M. [C] [T] fonde expressément cette demande sur le préjudice subi du fait de la classification appliquée sur la période d’août 1994 à décembre 2016 et de la prescription des salaires pour cette période.
Cette prétention ne vise, dès lors, en réalité qu’à contourner les règles applicables en matière de prescription salariale, ce d’autant qu’il résulte des développements repris ci-dessus qu’il n’est pas fait droit à sa demande principale de rappel de salaires, faute d’application erronée de la convention collective et de son avenant ou encore d’inégalité de traitement.
L’appelant est, par conséquent, débouté de sa demande de dommages et intérêts formée au titre des rappels de salaire prescrits.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens de première instance sont confirmées mais infirmées concernant l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant à l’instance, M. [C] [T] est condamné aux dépens d’appel.
L’équité commande, toutefois, de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
DIT que la demande nouvelle en cause d’appel de rappel d’indemnité de départ en retraite est irrecevable ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne sur Mer le 11 octobre 2021, sauf en ce qu’il a condamné M. [C] [T] à payer à la Fondation Oeuvre des Orphelinats Catholiques [5] 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [C] [T] aux dépens d’appel ;
LAISSE à chaque partie la charge des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu’en cause d’appel ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Angelique AZZOLINI
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL