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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00289 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IKIP
VH
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES
14 décembre 2021 RG :21/00202
[W]
[J]
C/
[B]
[F]
Grosse délivrée
le
à Me Castelbou-Dourlens
Me Alliez
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 14 Décembre 2021, N°21/00202
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Madame Virginie HUET, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 13] (30)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représenté par Me Carole CASTELBOU-DOURLENS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [K] [J]
née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 12] (59)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Carole CASTELBOU-DOURLENS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Madame [P] [B] épouse [F]
née le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 10] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 6] / FRANCE
Représentée par Me Camille ALLIEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [C] [F]
né le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 6] / FRANCE
Représenté par Me Camille ALLIEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Avril 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 29 Juin 2023.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [C] [F] et son épouse Mme [P] [B] ont résidé avec leur fils dans une maison avec jardin et piscine, située au [Adresse 9] à [Localité 7] (Gard).
Se plaignant du comportement de leurs voisins, M. [E] [W] et Mme [K] [J], les époux [F] exposent qu’ils ont décidé de déménager et de mettre en vente leur bien immobilier.
Après avoir vainement procédé à une tentative de conciliation, notamment par l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception adressé à leurs voisins par l’intermédiaire de leur assureur protection juridique, puis auprès d’un conciliateur de justice, et estimant que le comportement de M. [E] [W] et Mme [K] [J] est constitutif d’un trouble anormal de voisinage, les époux [F] ont fait assigner ces derniers devant le tribunal judiciaire de Nîmes, afin de les voir condamner, principalement, au paiement de dommages et intérêts.
Le tribunal judiciaire de Nîmes par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, a :
– Condamé in solidum M. [E] [W] et Mme [K] [J] à verser à Mme [P] [B] épouse [F] et M. [C] [F] une somme de 4.000 euros en réparation des préjudices liés aux troubles anormaux de voisinage dont ils sont à l’origine ;
– Débouté Mme [P] [B] épouse [F] et M. [C] [F] du surplus de leurs demandes ;
– Condamné in solidum M. [E] [W] et Mme [K] [J] à verser Mme [P] [B] épouse [F] et M. [C] [F], une somme totale de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [E] [W] et Mme [K] [J] aux dépens de l’instance.
Par acte du 24 janvier 2022, M. [E] [W] et Mme [K] [J] ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 19 février 2023, la clôture de la procédure a été fixée au 6 avril 2023, l’affaire a été appelée à l’audience du 2 mai 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 29 juin 2023.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 août 2022, M. [E] [W] et Mme [K] [J], appelants, demandent à la cour de :
Vu l’appel interjeté le 24 janvier 2022,
– Le dire fondé et recevable,
– Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des époux [F],
– Juger que Monsieur [W] et Madame [J] rapportent la preuve de fautes imputables aux époux [F],
En conséquence,
– Condamner in solidum les époux [F] à leur verser la somme de 5.000 € à titre de réparation des préjudices liés aux troubles anormaux de voisinage dont ils sont à l’origine,
– Juger que les époux [F] seront condamnés in solidum à la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que :
– les époux [F] ne rapportent pas la preuve qu’ils auraient commis des actes de harcèlement à leur égard, les attestations versées aux débats étant des témoignages de convenance qui ne sont pas corroborés par des éléments matériels tels que des photographies, des enregistrements ou des vidéos, qu’ils font un usage normal de leur terrasse et de leur balcon, que les cris des enfants étaient récurrents lorsqu’ils étaient dans la piscine et qu’ils ne pouvaient pas profiter de leur extérieur, que le témoignage du nouvel occupant des lieux sur un événement isolé ne permet pas de rapporter la preuve de la persistance de leur comportement à l’égard des nouveaux acquéreurs, que les messages qui auraient été publiés sur le site de l’agence immobilière ne sont pas produits et n’existent pas,
– les époux [F] ne démontrent pas le lien de causalité entre les actes qui leur sont reprochés et leur situation médicale ainsi que celle de leur enfant,
– la plainte déposée par Mme [F] portant sur les actes de harcèlement, tant à leur égard qu’envers les intervenants à l’acte de construire, a été classée sans suite, aucune pièce pénale ne venant étayer leur propos,
– les époux [F] ne justifient pas du fait qu’ils ont dû accepter « une offre d’achat à un prix nettement inférieur au prix estimé compte tenu du comportement des consorts [W] [J] », ne produisant pas l’estimation initiale du bien, ni le prix du marché pour un bien similaire, ni l’attestation notariée pour en connaître le prix,
– les conditions d’application de l’article 1240 du code civil ne sont pas réunies à leur égard, qu’ils justifient des difficultés relationnelles qu’ils ont rencontrées avec les époux [F] dont ils ont été victimes ; qu’hormis les amis des époux [F], aucun voisin ne témoigne dans le sens de ces derniers, qu’ayant acquis leur maison en 2015, ils ont vécu paisiblement jusqu’à l’arrivée des époux [F], lesquels ont fait édifier leur maison en 2017 et une piscine en 2018, que la configuration des lieux est telle que leurs terrasses donnent directement sur le jardin des époux [F], de sorte que ces derniers ne peuvent leur reprocher d’user normalement de celles-ci et de les traiter de voyeurs et de harceleurs, que M. [W] a été contraint de déposer une main courante le 25 août 2020 afin de relater les incivilités de ses voisins, qu’ils ont souffert de ces accusations et de la plainte qui a été déposée à leur encontre pour violation de la vie privée et diffamation publique,
– qu’ils justifient de leur préjudice moral en versant aux débats des attestations et un certificat médical.
En l’état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, M. [C] [F] et Mme [P] [B] épouse [F], intimés, demandent à la cour de :
Vu les articles 544, 651 et 1240 du code civil,
– Infirmer le Jugement du 14 décembre 2021,
– Dire et Juger que les actes de harcèlements perpétrés par les consorts [W] [J] à l’encontre des époux [F] et de leur fils a constitué un trouble anormal du voisinage,
– Condamner in solidum Monsieur [E] [W] et Madame [K] [J] à payer à Madame [P] [B] épouse [F] et à Monsieur [F] la somme de 6000 €,
– Débouter Monsieur [E] [W] et Madame [K] [J] de toutes leurs demandes,
– Condamner in solidum Monsieur [E] [W] et Madame [K] [J] à payer à Madame [P] [B] épouse [F] et à Monsieur [C] [F] 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner in solidum Monsieur [E] [W] et Madame [K] [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les intimés font valoir que :
– sur le fondement des articles 544 et 651 du code civil, les consorts [W] [J], qui ont vécu pendant plusieurs années dans une maison isolée et qu’ils n’ont pas supporté la modification de leur environnement tenant notamment à la construction de leur immeuble, ont commis des actes de harcèlement constitutifs d’un trouble anormal du voisinage en ce qu’ils n’ont cessé de contester la régularité de la construction alors que celle-ci a été déclarée régulière par le service d’urbanisme, ont injurié les différents corps de métiers qui ont participé au chantier, pris des photos quand ils étaient dans le jardin avec leur fils, demandé à ce dernier et aux autres enfants qui se baignaient avec lui d’arrêter de faire du bruit et de sauter dans l’eau alors que dans un lotissement les bruits d’enfants sont parfaitement normaux, injurié Mme [F] en présence de son fils, les ont épiés quand ils se baignaient, publié des commentaires calomnieux et négatifs lorsque l’annonce de la mise en vente de leur bien a été publiée sur le site d’une agence immobilière, n’ont pas cessé d’importuner les acquéreurs potentiels afin d’éviter toute transaction, que contrairement à leurs allégations, ils ne se contentaient pas de s’installer en toute sérénité sur leur terrasse mais les importunaient ainsi que les personnes venant à leur domicile, ce qui est confirmé par les attestations de tiers, que suite au dépôt de plainte de Mme [F] le 23 août 2020, le procureur de la République a prononcé un rappel à la loi à l’encontre des consorts [W] [J], que ces derniers ont adopté le même comportement à l’égard des nouveaux occupants de l’immeuble, et qu’ils ont été contraints d’accepter une offre d’achat à un prix nettement inférieur au prix estimé en raison du comportement des consorts [W] [J],
– ils ont subi, ainsi que leur fils, un préjudice moral, à l’appui de certificats médicaux, et qu’ils ont été contraints de déménager suite aux actes de harcèlement perpétrés par leurs voisins qui les ont traumatisés, justifiant l’octroi de dommages-intérêts,
– les consorts [W] [J] ne justifient pas de leur préjudice moral en l’absence de faute démontrée à leur encontre et du lien de causalité entre leur situation médicale et le comportement qui leur est reproché, que les consorts [W] [J] présentent « une intolérance aux bruits normaux du voisinage dans un lotissement », rencontrant à nouveau des problèmes avec les nouveaux occupants des lieux,
– les bruits dénoncés, consistant uniquement dans le bruit d’enfants sautant dans l’eau, ne constituent pas un trouble anormal du voisinage, s’agissant d’un lotissement, de sorte que les consorts [W] [J] ne rapportent pas la preuve de nuisances qui excèdent les inconvénients normaux de voisinage.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION :
Sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage subi par la famille [F] :
En vertu de l’article 1240 du code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
Il est par ailleurs constant que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue en vertu de l’article 544 du code civil, est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à autrui de dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.
Il appartient à celui qui se prévaut de troubles de cette nature d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, il résulte des cinq attestations d’amis des époux [F] versées aux débats, que ces derniers ont subi des troubles anormaux du voisinage. Comme l’a relevé justement le premier juge, ce trouble anormal est caractérisé par :
– L’attitude d’hostilité chronique à l’endroit des membres de la famille [F] lorsque ces derniers recevaient des amis ou entendaient profiter de leur piscine
– La mise en ‘uvre d’un comportement harcelant à l’égard du jeune enfant du couple qui n’osait plus sortir dans le jardin
Il est aussi établi un dénigrement face à d’éventuel acheteurs de la maison des époux [F] ayant des enfants en bas âge, comme en atteste précisément un acheteur potentiel qui a renoncé à l’achat de cette maison qu’il qualifiait pourtant de « parfaite » après avoir rencontré M. [W].
Les attestations versées aux débats relatant des faits précis et circonstanciés, différents dans chaque attestation, sont corroborées par les certificats médicaux qui témoignent du retentissement psychologique sur l’enfant du couple et le père, ayant nécessité un traitement médicamenteux pour le père et un suivi psychologique pour l’enfant. Le psychologue atteste de manière détaillée et circonstanciée du stress important subi par le jeune enfant qu’il suit en consultation en lien avec « l’attitude harcelante vis-à-vis de ses parents et de lui-même » des voisins. Il décrit un enfant apeuré qui se cache pour ne pas faire de bruit dans « un contrôle excessif de son comportement ». Il conclut que l’enfant est « victime et témoins d’attitudes tyranniques incompréhensibles pour lui du fait de son cadre familiale et éducatif bienveillant et respectueux. Les symptômes de stress sont importants (‘) » (sic).
De surcroit, le couple [W]-[J], suite à la plainte pénale déposée par la famille [F], a fait l’objet d’un rappel à la loi pour les faits du 22 aout 2020.
Enfin, il est établi que ce comportement hostile a perduré après le départ de la famille [F], comme en atteste le nouveau propriétaire de la maison.
Le moyen tiré du défaut de preuve est donc inopérant et le jugement doit être confirmé dans son principe mais aussi dans son quantum, aucun élément ne permettant de venir faire droit à une somme supérieure à 4 000 euros.
Sur la demande reconventionnelle du couple [W]-[J] :
Le couple affirme avoir été agressé et insulté mais ne verse aux débats que ses propres affirmations. Les trois attestations produites aux débats ne sont que des témoignages indirects de ce que Mme [J] est déprimée ou de ce qu’ils sont un couple de retraités tranquilles. Ils échouent à rapporter une quelconque preuve des faits allégués dont ils supportent pourtant la charge.
Ils se plaignent aussi d’avoir été agressés par le nouveau voisin M. [T], dont la plainte ne pourrait en tout état de cause être imputables aux époux [F], mais vient au contraire renforcer la démonstration que leur comportement est seul à l’origine des troubles anormaux de voisinages subis par les époux [F].
Le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [W]-[J] de cette demande indemnitaire.
Sur les frais du procès :
M. [E] [W] et Mme [K] [J] succombant, ils seront tenus aux entiers dépens.
Ils seront en équité condamnés à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros aux époux [F].
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
– Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
– Condamne M. [E] [W] et Mme [K] [J] à payer à Mme [P] [B] épouse [F] et M. [C] [F] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel,
– Condamne M. [E] [W] et Mme [K] [J] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,