Tentative de conciliation : 29 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/02233

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Tentative de conciliation : 29 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/02233
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Arrêt n° 23/00229

29 Juin 2023

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N° RG 22/02233 – N° Portalis DBVS-V-B7G-F2DH

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

19 Mars 2021

19/00554

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt neuf Juin deux mille vingt trois

APPELANTE :

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [X] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par l’association [3], prise en la personne de Mme [N] [S], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial

L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

[4]

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de [Localité 8] prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée par M. [F], muni d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 04.04.2023

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Mme MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 20 juin 1954, M. [X] [J] a travaillé en tant que mineur au sein des [6] (« [6] ») aux droits desquelles vient l’EPIC [5] (« [5] »). Il a occupé des fonctions suivantes au fond entre le 12 janvier 1976 et le 31 janvier 2000 : apprenti mineur, bowetteur galerie horizontale, chef de poste, boutefeu et piqueur boutefeu au rocher. M. [J] a été ensuite placé en congé charbonnier de fin de carrière du 1er février 2000 au 31 janvier 2005.

M. [J] a déclaré le 9 juillet 2018 à la [4] (dite la caisse) être atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, fournissant, à l’appui de sa déclaration, un certificat médical initial du 19 juin 2018 établi par le docteur [V], faisant état d’épaississements pleuraux bilatéraux et dyspnée d’effort.

Par décision en date du 24 décembre 2018, [4] a admis le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 5 avril 2019, la caisse a notifié à l’assuré l’attribution d’une indemnité en capital d’un montant de 1 977,76 euros correspondant à un taux d’incapacité permanente partielle de 5 % à la date du 26 mai 2018, lendemain de la date de consolidation.

Selon quittance subrogative du 30 septembre 3019, M. [J] a accepté l’offre du Fonds d’indemnisation des Victimes de l’amiante (ci-après « FIVA ») d’indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle due à l’amiante se décomposant comme suit :

‘ 14 600 euros au titre du préjudice moral,

‘ 200 euros au titre du préjudice physique,

‘ 1 100 euros au titre du préjudice d’agrément.

Au 27 septembre 2019, date de l’offre effectuée par le FIVA, le préjudice d’incapacité fonctionnelle était en attente d’évaluation par le FIVA.

Après échec de la tentative de conciliation introduite le 5 février 2019, M. [J] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz, devenu depuis le 1er janvier 2020 Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, selon demande enregistrée au greffe le 1er avril 2019, aux fins d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier de l’indemnisation qui en découle.

La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] (ci-après « CPAM »), qui agit pour le compte de la [4] (« [4] ») depuis le 1er juillet 2015, a été mise en cause.

Le FIVA est intervenu volontairement à l’instance, ainsi que l’Agent Judiciaire de l’Etat (« AJE »), qui agit pour le compte des [5] dont la clôture de la liquidation est intervenue, le 31 décembre 2017 et dont les droits et obligations ont été transférés à l’Etat.

Par jugement du 19 mars 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a statué de la façon suivante :

– déclare le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8], agissant pour le compte de la [4] ;

– déclare M. [J] recevable en son action ;

– déclare le FIVA, subrogé dans les droits de M. [J], recevable en son action ;

– reçoit l’Agent Judiciaire de l’Etat en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des [5] venant aux droits des [6] ;

– dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [J] inscrite au tableau 30B est due à la faute inexcusable de l’EPIC [5] venant aux droits des [6] ;

– ordonne à la CPAM de [Localité 8] agissant pour le compte de la [4], de majorer au montant maximum le capital versé en application de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1 977,76 euros ;

– dit que cette majoration sera versée à M. [J], par la CPAM de [Localité 8], agissant pour le compte de la [4], et au besoin l’y condamne ;

– dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M.[J], en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès de M.[J] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

– déboute le FIVA, subrogé dans les droits de M. [J], de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice de souffrances physiques, morales et du préjudice d’agrément 

– condamne l’AJE, venant aux droits de [5], anciennement [6], à rembourser à la CPAM de [Localité 8], agissant pour le compte de la [4], l’ensemble des sommes, que l’organisme social sera tenu d’avancer à M. [J] au titre de la majoration de la rente ;

– condamne l’AJE à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonne l’exécution provisoire du jugement ;

– condamne l’AJE aux entiers frais et dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par acte déposé au greffe le 8 avril 2021, le FIVA a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR du 22 mars 2021.

Par conclusions datées du 22 septembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté le FIVA subrogé dans les droits de M. [J], de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice de souffrances physiques, morales et du préjudice d’agrément de la victime ;

– le réformer de ce chef,

Et, statuant à nouveau,

– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de M. [J] comme suit :

souffrances morales 14 600 euros

souffrances physiques 200 euros

préjudice d’agrément  1 100 euros

TOTAL : 15 900 euros

– dire que la CPAM de [Localité 8], pour le compte de la [4], devra verser cette somme de 15 900 euros au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;

Y ajoutant,

– condamner l’AJE à payer au FIVA une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 11 avril 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, M. [J] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 19 mars 2021 rendu par le Pôle Social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a dit et jugé que la maladie professionnelle de M.[J], inscrite au tableau 30B, était due à la faute inexcusable de son employeur, [5] représenté par l’AJE ;

Statuer ce que de droit quant aux demandes du FIVA ;

– débouter l’AJE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner l’AJE à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 13 septembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :

A TITRE D’APPEL INCIDENT ET A TITRE PRINCIPAL :

– juger l’AJE recevable et bien fondé en son appel incident ;

– infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Metz en date du 19 mars 2021 en ce qu’il a dit que la preuve d’une exposition de M. [J] au risque au sens du tableau n°30B était rapportée ;

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz en date du 19 mars 2021 en ce qu’il a dit que l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant était rapportée ;

PAR CONSEQUENT ET STATUANT A NOUVEAU :

– juger que la preuve d’une exposition de M. [J] au risque au sens du tableau n°30B n’est pas rapportée ;

– juger que la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’ancien exploitant n’est pas rapportée ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si la faute inexcusable venait à être retenue :

– confirmer le jugement rendu le 19 mars 2021 en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [J] ainsi qu’au titre d’un préjudice d’agrément ;

– plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes du FIVA au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [J] ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– déclarer infondée la demande présentée par M. [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’en débouter ;

subsidiairement, réduire toute condamnation qui pourrait être prononcée à l’encontre de l’AJE de ce chef à la somme de 500 euros ;

– déclarer infondée la demande présentée par le FIVA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’en débouter ;

– dire n’y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 16 juin 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de [Localité 8] agissant pour le compte de [4] demande à la cour de :

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à l’AJE ;

Le cas échéant :

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par le FIVA ;

– en tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1977,76 euros ;

– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [J] ;

– constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [J] consécutivement à sa maladie professionnelle ;

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [J] ;

– le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle 30B de M. [J] ;

– en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, de confirmer le jugement en date du 19 mars 2021 en ce qu’il a condamné l’AJE à rembourser à la caisse les sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue d’avancer sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [J] inscrite au tableau 30B.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE

SUR L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE

L’AJE soutient que la caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies et conteste l’exposition de M. [J] au risque d’inhalation des poussières d’amiante durant l’exercice de ses emplois successifs au sein des [5], anciennement [6].

L’AJE fait valoir que M. [J] ne rapporte aucunement la preuve d’une exposition au risque et critique l’imprécision et la stéréotypie des attestations produites, notamment en ce que les témoins n’indiquent pas suffisamment les postes qu’ils ont occupés et leur lien direct de travail avec M. [J] et ne produisent pas leur relevé de carrière.

Il insiste sur le fait que les [6] puis [5] avaient mis en ‘uvre des mesures efficaces, permettant d’exclure une pollution généralisée à l’amiante au fond de la mine et donc toute exposition au risque amiante : systèmes de freinage métalliques sans amiante des convoyeurs blindés, enfermement des systèmes de freinage des treuils et palans avec amiante dans des capots, système d’aération, d’arrosage’

M. [J] et le FIVA estiment que les conditions légales pour présumer l’origine professionnelle de la maladie se trouvent réunies, notamment par les attestations produites d’anciens collègues.

La caisse s’en remet à la sagesse de la cour.

********************

Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l’employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [J] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée par l’AJE l’exposition professionnelle de M. [J] au risque d’inhalation de poussières d’amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l’inhalation de poussières d’amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d’entraîner les affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante .

Il ressort du relevé de périodes et d’emplois de l’ANGDM du 10 septembre 2018 (pièce n°4 de la caisse) que M. [J] a exercé au fond de la mine entre le 12 janvier 1976 et le 31 janvier 2000, dans l’unité d’exploitation Wendel jusqu’au 11 octobre 1987 puis dans celle de La Houve, aux fonctions suivantes : apprenti mineur, bowetteur galerie horizontale, chef de poste, boutefeu et piqueur boutefeu au rocher.

Dans le questionnaire assuré qu’il a rempli le 20 août 2018 (pièce n°3 de la caisse), il expose avoir été exposé à l’amiante du fait des dégagements de poussières provenant des différents outils du mineur de fond et véhicules équipés de freins et/ou d’embrayage en amiante, et notamment les marteaux perforateurs, marteaux piqueurs, treuils, locomotives , transport du personnel et du matériel. Il précise qu’il y avait des poussières de charbon et de silice, des poussières et des fibres d’amiante en permanence en suspension dans l’atmosphère, et qu’ainsi, même lorsqu’il ne manipulait pas directement des machines et véhicules équipés d’amiante, il se trouvait à proximité immédiate et quotidienne de collègues qui eux utilisaient ces machines et véhicules dégageant des poussières et fibres d’amiante.

Dans le questionnaire employeur rempli à la demande de la caisse le 10 septembre 2018, l’ANGDM précise notamment que M. [J], quand il occupait le poste de piqueur boutefeu entre le 12 octobre 1987 et le 31 janvier 2000, abattait le charbon à l’aide d’outils pneumatiques (piqueur) et mettait en ‘uvre les tirs à l’explosif (boutefeu). Elle ajoute que M. [J] utilisait habituellement des outils tels que le marteau-piqueur, le marteau-perforateur, la pelle, le matériel de levage, de manutention, de soutènement, la perforatrice, les explosifs et l’outillage électrique de boutefeu, et qu’il travaillait dans un milieu empoussiéré, bruyant, avec une chaleur humide, des manutentions lourdes et des fumées de tirs.

La réalité des conditions de travail décrites par M. [J] est également confirmée par l’un de ses anciens collègues de travail, en la personne de M.[H] (pièce n°8 de M. [J]).

Celui-ci précise qu’il était « agent de maîtrise exploitation fond » au siège puis à l’UE de la Houve aux [6] de 1978 à 1999 et ajoute que M. [J] a travaillé sous sa responsabilité dans les chantiers qu’il décrit. Sur les conditions de travail, il confirme l’utilisation des outils utilisés tels que décrits par M. [J] et indique :

« D’octobre 1987 à décembre 1987 puis de 1990 à 1993, M. [J] a occupé l’emploi de piqueur boutefeu. Sa tâche consistait alors au sein d’équipe de six mineurs à effectuer les travaux de mise en ‘uvre du tir à l’explosif pour l’abattage de la roche. Il était également amené à participer aux autres opérations telles que la foration des trous de mine, chargement de la roche abattue, mise en place du soutènement, transport de matériel.

Pendant ces opérations il utilisait de l’outillage pneumatique tel que perforatrice, marteau perforateur, clé à choc, chargeuse, treuil de manutention et de halage.

De 1988 à 1990 M. [J] a occupé l’emploi de piqueur boutefeu affecté au creusement du puits Ouest. Les travaux ont été effectués pour moitié dans des terrains congelés à une température de moins 27°C.

La ventilation de ces chantiers en cul de sac était assurée par un ventilateur secondaire installé dans une galerie où circulait l’aérage principal (primaire) et de gaines (ventubes) qui suivaient la progression du chantier sur toute sa longueur soit plusieurs centaines de mètres.

Le débit d’air circulant dans les galeries variait en fonction de la puissance du ventilateur de la longueur du chantier.

Les travaux effectués étaient générateurs de poussière, en particulier les travaux d’abattage et le chargement surtout lorsque la section de creusement comportait des bancs de roche et ce malgré l’arrosage. De plus, les installations de ventilation de l’époque ne comportaient pas de dépoussiéreurs.

Le personnel travaillant ou circulant dans ces galeries était exposé et inhalait la poussière générée par la marche des chantiers. »

Si les trois autres témoins, dont les attestations sont produites par M. [J] et par la caisse (Mrs [D], [W] et [R]), ne précisent pas qu’ils ont directement travaillé avec M. [J], ne donnent pas suffisamment d’éléments précis quant aux postes qu’ils occupaient quand ils travaillaient en contact avec M. [J], ni quant à la raison de l’inefficacité des mesures individuelles et collectives de protection fournies par l’employeur, l’attestation de M. [H] est suffisamment précise et circonstanciée pour lui conférer un caractère probant, M. [H] apportant en outre des indications spécifiques permettant de se convaincre qu’il s’agit d’un collègue de travail direct de M. [J] sans qu’il ne soit nécessaire qu’il produise un relevé de sa carrière.

Le caractère probant de cette attestation sera donc retenu par la cour, et la description des conditions de travail ainsi faite expose parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu’en 1996, date à laquelle l’utilisation de l’amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d’amiante, du fait non seulement de la manipulation de produits amiantés (tresses, joints en amiante pour l’étanchéité des conduites au fond) mais également de l’usage ou du travail à proximité d’engins dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d’amiante en fonctionnant (treuils, palans).

Ce témoignage n’est pas contredit par les pièces de l’AJE telle que l’étude réalisée par le Dr [O] du centre d’études des poussières HBCM sur les risques éventuels de pollution par fibres d’amiante par les systèmes de freinage dans les chantiers du fond, qui mentionne l’existence de poussières fines contenant de l’amiante déposées sur les carters de freins des chargeurs transporteurs [10] et d’une pollution par des fibres d’amiante localisée dans le carter du système de freinage des treuils monorail, même si elle fait état d’une pollution par fibres d’amiante négligeable et minime (pièce n° 31 de l’AJE).

Il apparaît ainsi constant que la friction des organes de freins des différentes installations et machines utilisées au fond de la mine à la période d’emploi de M. [J] a été de nature à exposer habituellement l’intéressé à l’inhalation de poussières d’amiante durant ses nombreuses années d’activité au fond, tout au moins jusqu’à son interdiction en 1996, et ce dans un contexte de confinement résultant de la configuration de la mine.

Les éléments présentés par l’AJE, qui concluent à une pollution minime au regard de l’inhalation de poussières d’amiante pour certains matériels, ne sauraient écarter la présomption d’imputabilité qui découle de l’établissement de l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau n°30 ne fixant pas de seuil d’exposition à l’agent nocif.

Dès lors, la présomption d’imputabilité de la maladie au travail trouve à s’appliquer, et l’AJE n’apportant pas la preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [J] est établi à l’égard de l’établissement public [5] auquel l’AJE est substitué.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

M. [J] et le FIVA sollicitent l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable était établie à l’encontre des [5]. Ils soutiennent que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L’AJE expose que les [6] puis les [5] ne pouvaient avoir conscience du danger, en l’état des connaissances scientifiques certaines et de la réglementation en vigueur et qu’ils ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, sur le plan collectif et individuel.

Il critique l’imprécision des attestations précédemment citées des collègues de M.[J] et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de M. [J] et de ses témoins.

La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.

********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat. Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.

Sur la conscience du danger par les [5]

La dangerosité de l’amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l’inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [M] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l’empoussièrement. A partir de 1935 d’autres publications ont fait un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d’amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d’amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d’entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de la fibre d’amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n’était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu’alerter à nouveau les [5] sur la nocivité de l’amiante. D’ailleurs, il résulte des pièces même produites par l’AJE que les [5] disposaient d’un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [E], entré dans l’entreprise en 1977, l’intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecin sur l’amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l’existence au sein des [5] d’un centre d’études et de recherche (le CERCHAR) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l’époque de la période d’emploi de M. [J], des risques sanitaires graves, d’ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, compte tenu de ce qui vient d’être développé et compte tenu des emplois exercés par M. [J] au fond des mines, il en résulte que les [5] ne pouvaient ignorer le risque encouru par l’intéressé.

C’est donc par des motifs sérieux et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont caractérisé la conscience du danger qu’avaient ou auraient dû avoir les Charbonnages de France, des effets nocifs de l’amiante sur la santé de M. [J].

Sur les mesures prises par [5]

Il apparaît que M. [J], dans son questionnaire assuré, a indiqué qu’il n’avait bénéficié d’aucune consigne concernant les dangers de l’amiante pour la santé et qu’il n’existait aucune protection respiratoire individuelle ou collective efficace contre les poussières d’amiante.

Ses allégations sont démontrées par l’attestation produite par la caisse déjà évoquée de son collègue direct de travail, M. [H], qui témoigne en des termes suffisamment explicites, de ce que « les installations de ventilation de l’époque ne comportaient pas de dépoussiéreurs » et que «des masques anti poussières étaient mis à la disposition de chacun mais le port de ces masques n’était pas systématique et il n’y avait pas d’obligation réglementaire à le porter. De plus il n’y avait pas d’information ou de prévention spécifique concernant les dangers liés à la manipulation de matériaux et machine contenant de l’amiante..

Compte tenu des arguments présentés par l’AJE sur le souci affiché par les [5] de protéger la santé de ses salariés, il appert que la carence relatée par M. [J] et par ce témoin en terme de prévention et d’information des risques encourus ne se justifie pas.

L’Agent Judiciaire de l’Etat ne peut par ailleurs sans contradiction prétendre que l’établissement public [5] ne pouvait pas avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1996 et en même temps affirmer qu’il a pris les mesures nécessaires pour protéger M. [J] contre ce risque.

De plus, l’examen des pièces générales produites par l’AJE établit que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.

Si l’AJE fait valoir que les médecins du travail de [5], notamment les docteurs [A] et [T], ont mené plusieurs exposés quant aux dangers des poussières d’amiante, et s’il produit des comptes – rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, il ne justifie aucunement d’une diffusion large et accessible de ces informations à ses salariés, notamment en la personne de M. [J].

Ces documents ne sont en effet pas de nature à contrecarrer le témoignage produit par la victime et à démontrer qu’elle a été informée des dangers de l’amiante sur sa santé et a bénéficié de protections efficaces, alors d’une part, que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu’il ressort d’autre part, d’une annexe au compte rendu de la réunion du Comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n° 72 de l’AJE).

Quant aux dispositifs de prévention médicale mis en avant par l’AJE, il apparaît nécessaire de rappeler que si ces dispositifs permettaient de détecter une éventuelle pathologie et d’en éviter potentiellement l’aggravation, ils n’avaient aucunement pour vocation de prévenir l’apparition des maladies. En outre, il n’est pas établi que M. [J] en aurait personnellement bénéficié.

En l’état de l’ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les [5], qui avaient conscience du danger auquel M. [J] était exposé, n’ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l’en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.

Il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30B dont est victime M.[J] doit être déclarée due à la faute inexcusable de [5] et que le jugement du 19 mars 2021 est donc confirmé sur ce point.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la majoration de l’indemnité en capital

Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l’article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité […] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».

Aucune discussion n’existe à hauteur de cour concernant la majoration de l’indemnité en capital allouée à M. [J].

En l’espèce, compte tenu du taux d’incapacité qui lui a été reconnu (5%), M. [J] s’est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit 1 977,76 euros.

Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M.[J] et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l’assuré consécutivement à sa maladie professionnelle.

Cette majoration sera versée par la caisse directement à M. [J], le FIVA n’ayant rien versé à l’assuré au titre de l’incapacité fonctionnelle au jour de ses dernières conclusions.

Sur les préjudices personnels de M. [J]

Sur les souffrances physiques et morales

Le FIVA sollicite l’indemnisation du préjudice moral de M. [J] à hauteur de 14 600 euros, et de son préjudice physique à hauteur de 200 euros.

Il fait valoir qu’il résulte de la rédaction de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d’IPP.

Il ajoute que l’existence de souffrances physiques est caractérisée par la dyspnée et la toux que subit M. [J], et que son préjudice moral résulte de la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution.

L’AJE fait valoir que seules les souffrances physiques et morales non déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation et donc pendant la maladie traumatique, peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire. L’AJE souligne qu’en l’espèce, la date de consolidation de M. [J] coïncidant avec celle du certificat médical initial, il en résulte que M. [J] ne peut se prévaloir d’une période de maladie traumatique et donc revendiquer l’existence d’un préjudice physique et moral non déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. Il ajoute enfin que M. [J] n’apporte aucun élément de preuve au soutien de ses prétentions.

La caisse s’en rapporte à la sagesse de la cour.

*******************

Aux termes de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. »

ll résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

En l’espèce, la victime, en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vu attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales .

Dès lors le FIVA, subrogé dans les droits de M. [J], est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances endurées, sous réserve qu’elles soient caractérisées.

S’agissant des souffrances physiques, il est versé aux débats un compte rendu d’une scanographie thoracique datée du 25 mai 2018 (pièce n°6 du FIVA). Si ce certificat fait apparaître les premiers signes de la maladie, il ne décrit aucune souffrance physique.

De même, le rapport médical d’évaluation du taux d’IPP en MP réalisé le 14 décembre 2018 (pièce n°8 du FIVA) conclut, quant à lui, à l’existence de plaques pleurales sans retentissement fonctionnel, sans préciser non plus l’existence de souffrances physiques, soulignant que le trouble ventilatoire obstructif constaté chez M. [J] n’est pas en rapport avec la maladie professionnelle Tableau n°30B caractérisée par les plaques pleurales.

Aussi le FIVA sera-t-il débouté quant à la sa demande présentée au titre des souffrances physiques subies par M. [J].

S’agissant du préjudice moral, M. [J] était âgé de 63 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de calcifications pleurales. L’anxiété liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois de forme plus graves ou sont décédés et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l’allocation d’une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de M. [J] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice d’agrément

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne fait état que « d’activités privées habituelles » dont serait privé M. [J], sans rapporter la preuve de la pratique régulière par M. [J], antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit.

La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.

SUR L’ACTION RÉCURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

Les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L.452-3.

Dès lors, l’organisme de sécurité sociale est fondé à exercer son action récursoire à l’encontre de l’AJE. Le jugement entrepris est, à ce titre confirmé.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L’issue du litige conduit la cour à condamner l’AJE à payer au FIVA et à M. [J] la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel, les dispositions prises à ce titre par le pôle social étant confirmées.

Enfin, l’AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 19 mars 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu’il a débouté le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X] [J], de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice de souffrances morales .

En conséquence, statuant à nouveau sur ce point,

FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par M. [X] [J] à la somme de 10000 euros et DIT que cette somme devra être versée au FIVA, créancier subrogé, par [4].

Y ajoutant,

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à payer au FIVA et à M. [X] [J] la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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