Tentative de conciliation : 28 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01639

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Tentative de conciliation : 28 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01639
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28 MARS 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 20/01639 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FPS2

[B] [S]

/

S.A.R.L. ARVERNE BET

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 07 octobre 2020, enregistrée sous le n° f 19/00396

Arrêt rendu ce VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [B] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mélissa LAURENT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.R.L. ARVERNE BET

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 30 janvier 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société ARVERNE BET a été créée en 2012. Spécialisée dans le secteur de l’ingénierie, elle regroupe un bureau d’études techniques tous corps d’état et est basée à [Localité 4] (63).

Monsieur [B] [S], né le 3 décembre 1974, a été embauché le 5 décembre 2016 par la société ARVERNE BET, en qualité d’ingénieur structure béton, catégorie cadre, suivant un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation contractuelle entre les parties est régie par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs-conseils, société et conseils du 15 décembre 1987.

Au cours de l’année 2018, les parties ont entamé des négociations en vue d’une rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [S]. Dans ce cadre, le salarié a été convoqué à un entretien fixé au 29 octobre 2018 au cours duquel les parties ont régularisé un formulaire de demande d’homologation d’une rupture conventionnelle. La rupture du contrat de travail est intervenue le 8 décembre 2018.

Par courrier recommandé dont l’avis de réception est daté du 18 décembre 2018, Monsieur [S] a sollicité auprès de son employeur le paiement d’heures supplémentaires, en joignant un décompte des heures accomplies.

Par courrier en date du 18 décembre 2018, la SARL ARVERNE BET lui a opposé un refus, rappelant que le salarié n’a jamais formulé de demande en ce sens lors des négociations et estimant que le décompte produit par le ce dernier était totalement imprécis.

Monsieur [B] [S] a renouvelé sa demande par courrier recommandé avec avis de réception en date du 24 décembre 2018.

Par requête réceptionnée au greffe le 1er août 2019, Monsieur [S] a saisi le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins de voir juger nulle la rupture conventionnelle de son contrat de travail à raison d’un vice de son consentement par violence, outre dire que celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir l’indemnisation afférente.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 21 octobre 2019 et, comme suite au constat d’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 7 octobre 2020 (audience du 29 juin 2020), le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– débouté Monsieur [B] [S] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté la société ARVERNE BET de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [B] [S] aux entiers dépens.

Le 16 novembre 2020, Monsieur [S] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 24 octobre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 26 janvier 2021 par Monsieur [B] [S],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 mars 2021 par la SARL ARVERNE BET,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 2 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [B] [S] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND du 7 octobre 2020 en ce qu’il l’a débouté :

– de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

– de sa demande de paiement au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

– de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

– dire et juger ses demandes recevables et bien fondées ;

– débouter la SARL ARVERNE BET de toutes prétentions contraires ;

– condamner la SARL ARVERNE BET à lui porter et payer les sommes suivantes:

– 10.511,52 euros au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

– 1.051,15 euros de congés payés y afférents ;

– 25.000 euros au titre de l’indemnisation pour travail dissimulé ;

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; outre sa condamnation aux entiers dépens de l’instance.

– dire que les sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la

demande pour les sommes à caractère de salaire, à compter de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire.

Monsieur [B] [S] expose tout d’abord avoir effectué un nombre significatif d’heures supplémentaires à raison de la charge importante de travail à laquelle il était soumis et n’ayant jamais donné lieu à contrepartie financière. Il précise que l’employeur ne pouvait raisonnablement ignorer son amplitude horaire de travail dès lors qu’il l’a alerté à plusieurs reprises sur sa charge de travail et les difficultés auxquelles il était confronté s’agissant du respect des délais impartis et qu’il lui communiquait régulièrement ses feuilles de présence. Il ajoute que les heures ainsi accomplies au-delà de sa durée contractuelle de travail l’ont été sur demande de l’employeur dès lors notamment que celui-ci fixait des rendez-vous professionnels en dehors de ses horaires de travail tels qu’ils sont contractualisés entre les parties. Il indique ensuite produire des relevés d’heures sur lesquels figurent l’ensemble de ses heures de travail ainsi que des tableaux récapitulatifs des sommes dues par l’employeur et relève l’absence de production par l’employeur de tout élément de nature à justifier de ses horaires de travail effectivement réalisés. Il estime ainsi ne pas avoir été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de salaire et sollicite un rappel d e salaires.

Monsieur [B] [S] soutient ensuite que l’employeur a volontairement dissimulé une partie de son temps de travail en ne rémunérant pas l’ensemble des heures de travail pourtant accomplies sur sa demande et ce alors même que celui-ci avait parfaitement connaissance de la réalité de son temps de travail dès lors qu’il était destinataire de ses feuilles de présence et qu’il adressait de nombreux courriels en dehors de ses horaires contractuels de travail, tant à des clients de l’entreprise qu’aux autres membres du personnel de l’entreprise. Il ajoute avoir même été convoqué à un entretien individuel annuel en dehors de ses horaires de travail. Il rappelle enfin qu’il est constant que la mention sur le bulletin de paie du salarié d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué emporte caractérisation de la dissimulation d’emploi salarié et ouvre droit en faveur de ce dernier au versement d’une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire. Il sollicite en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer ladite indemnité.

Dans ses dernières écritures, la société ARVERNE BET conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de condamner Monsieur [S] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société ARVERNE BET objecte tout d’abord, concernant la demande de rappel de salaire formulée par le salarié et dont elle conteste le bien fondé, que celui-ci n’a jamais formulé la moindre revendication en ce sens au cours de la relation salariale et ce alors même notamment qu’il lui a été indiqué, lors de l’entretien préalable à la régularisation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, qu’il pouvait formuler l’ensemble des griefs qu’il pouvait potentiellement adresser à la société et qu’il n’a émis aucune contestation de ce chef. Elle relève ensuite l’absence de précision suffisante pour qu’elle puisse utilement y répondre du décompte versé aux débats par le salarié. Elle conteste en tout état de cause avoir sollicité du salarié la réalisation d’heures supplémentaires et excipe de l’utilisation par ce dernier de l’outil internet mis à sa disposition sur son temps de travail et à des fins étrangères à ses fonctions en sorte que celui-ci apparaît mal fondé à soutenir qu’il aurait travailler au-delà des 35 heures contractuellement prévues. Elle conclut ainsi au débouté du salarié de sa demande de rappel de salaires sur heures supplémentaires ainsi que de sa demande subséquente au titre du travail dissimulé en l’absence de toute réalisation d’heures supplémentaires et de toute intention de sa part de dissimuler l’emploi de l’appelant.

Elle relève enfin que le salarié ne soutient aucune contestation en cause d’appel relativement à la validité de la rupture conventionnelle mais entend néanmoins contester l’existence d’un prétendu vice du consentement qui aurait contraint la volonté de Monsieur [S].

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail –

Il doit être constaté que Monsieur [B] [S] ne sollicite pas l’infirmation du jugement en ce qu’il a été débouté de sa demande tendant à voir déclarer nulle la rupture conventionnelle de son contrat de travail et à voir condamner la société ARVERNE BET à lui payer diverses sommes à titre d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’absence de toute demande à ce titre en cause d’appel, le jugement sera donc confirmé sur ce point.

– Sur la demande au titre des heures supplémentaires –

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et qu’il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande mais il incombe aussi à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

En l’espèce, Monsieur [B] [S], dont les bulletins de salaire ne font pas état d’heures supplémentaires, soutient avoir accompli des heures de travail au-delà de la durée légale, non récupérées et non réglées, entre le mois de décembre 2016 et le mois de décembre 2018 pour un montant total de 10.511,52 euros brut.

Monsieur [B] [S] justifie, par un document intitulé ‘affichage obligatoire code du travail’ que les horaires de travail au sein de l’entreprise était de 9h à 12h et de 13h30 à 17h30 le lundi, de 8h à 12h et de 13h30 à 17h00 du mardi au jeudi, de 8h à 12h le vendredi.

Il verse aux débats des relevés d’heures correspondant à l’ensemble de la période considérée sur lesquels figurent les heures de début et de fin du travail pour chaque jour de la semaine avec la mention des heures supplémentaires effectuées, comptabilisées chaque semaine et récapitulées chaque mois. Il produit également un tableau récapitulatif faisant ressortir, semaine par semaine, le nombre d’heures supplémentaires décomptées avec le rappel de salaire correspondant tenant compte des majorations de 25%, et le cas échéant de 50%, applicables.

A l’appui de ses prétentions, il verse aux débats de nombreux courriels (plus de 80) de nature professionnelle mentionnant une heure d’envoi qui se situe, pour la plupart, entre 18h et 19h, voire, pour certains à 20h et même 21h. Quelques uns ont été envoyés le matin avant le début de l’horaire de travail ou le samedi.

Pour soutenir que l’employeur n’ignorait pas l’existence d’heures supplémentaires, Monsieur [B] [S] produit deux courriels auxquels sont joints un relevé des heures de travail de la semaine écoulée (37 heures et 43 heures) et il justifie de courriels adressés à divers interlocuteurs, dont son supérieur hiérarchique, par lesquels il se plaint de sa charge de travail et invoque des conditions de travail ‘au-delà de l’imaginable’, une ‘pression phénoménale’.

L’employeur ne conteste pas les horaires de travail du salarié tels qu’ils résultent de l’affichage dont il fait état mais il fait valoir que les décomptes produits sont imprécis et il conteste les indications fournies par les relevés d’heures que lui a envoyés Monsieur [B] [S] par courriel en s’appuyant sur l’attestation d’un salarié pour soutenir qu’il avait seulement été demandé de communiquer le temps passé sur chaque affaire aux fins de facturation. Cependant, quelle que soit la finalité de ces envois, les relevés d’heures ainsi versés aux débats (qui, au demeurant, font état de temps de travail hebdomadaires supérieurs à la durée contractuellement prévue), tendent à corroborer les indications fournies par les autres éléments produits par le salarié lesquelles doivent être pris en compte globalement.

Or, les documents fournis par Monsieur [B] [S] comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées. Ils sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire et sont donc, conformément aux exigences de l’article L 3171-4 précité, de nature à étayer les prétentions du salarié quant à l’exécution des heures supplémentaires alléguées de sorte qu’il incombe à l’employeur d’y répondre en apportant des éléments justificatifs des horaires effectués de manière à permettre à la juridiction d’apprécier la valeur probante des éléments apportés de part et d’autre, sans imposer au seul salarié la charge de la preuve.

En l’espèce, alors que Monsieur [B] [S] verse aux débats deux relevés de ses heures de travail hebdomadaires qu’il adressait à son employeur, ce qui est de nature à démontrer l’existence d’un dispositif de nature à fournir des indications sur le temps de travail réalisé, il convient de relever que la société ARVERNE BET, qui ne conteste pas la pratique consistant pour le salarié à lui adresser ses relevés d’heures hebdomadaires, n’en produit aucun, se bornant à soutenir qu’ils ne servaient qu’à la facturation.

L’employeur fait valoir qu’il n’avait aucune obligation d’établir un décompte du temps de travail, Monsieur [B] [S] étant soumis à un horaire collectif. Cependant, s’il est vrai que l’obligation d’enregistrer quotidiennement les heures de début et de fin du travail avec récapitulation hebdomadaire n’est édictée que pour les salariés ne travaillant pas selon le même horaire collectif, il n’en reste pas moins qu’en application de l’article D. 3171-1 du code du travail, aucun salarié travaillant selon le même horaire collectif ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions relatives aux heures supplémentaires. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription applicable.

Pour s’opposer à la demande, la société ARVERNE BET verse aux débats le procès-verbal de constat établi à sa demande, le 9 janvier 2019, par un huissier de justice pour soutenir que, durant ses journées de travail, Monsieur [B] [S] ne cessait de faire un usage personnel de l’ordinateur mis à sa disposition pour consulter des sites Internet sans relation avec son travail.

Selon ce procès-verbal, il a été procédé à la vérification, sur l’ordinateur attribué à Monsieur [B] [S], de la liste des sites Internet consultés avec l’indication des adresses, des dates et des horaires de connexion. Il en ressort que l’huissier de justice a noté la consultation de sites Internet ‘non professionnels’ en dehors des heures de travail (6 avril 2017 à 20h27, 6 février 2017 à 18h19, 9 mars 2017 à 17h34) et qu’il en a été consulté certains pendant les heures de travail.

Ainsi, disant procéder ‘par sondage’, l’huissier de justice a noté :

– dans la période du 7 mars au 23 mars 2017, la consultation d’un site à caractère sportif le 7 mars 2017 à 16h07 et la consultation de deux sites à caractère pornographique le 14 mars 2017 à 13h46 pour le premier, à 13h48 pour le second,

– dans la journée du 10 avril 2017, 48 connexions, entre 9h19 et 18h27, à des sites relatifs à des jeux et des services postaux, ainsi qu’à des sites à caractère sportif ou d’information,

– dans la journée du 20 juin 2017, 4 connexions, entre 14h05 et 14h06, à des sites d’information,

– dans la journée du 24 novembre 2017, plusieurs connexions, entre 13h56 et 13h57, à des sites de jeux,

– dans la période du 5 janvier 2018 au 19 janvier 2018, des connexions à des sites à caractère sportif.

L’huissier a constaté que certaines connexions se succèdent les unes à la suite des autres à une même date, sans lien avec l’activité professionnelle, pendant les horaires de travail, en prenant les exemples des journées du 20 juin 2018, 24 novembre 2018 et 7 décembre 2018. Il indique également avoir relevé que certains fichiers, sans rapport avec l’activité professionnelle, ont été supprimés en mentionnant les adresses de trois des sites concernés (dont un établissement bancaire et un organisme de sécurité sociale). Il mentionne enfin l’existence d’une application correspondant à un jeu d’argent et téléchargée sur l’ordinateur en relevant des connexions effectuées le 23 avril 2018 de 11h05 à 11h09.

Alors que Monsieur [B] [S] nie être l’auteur de l’intégralité des connexions litigieuses en soulignant que son poste de travail se trouvait dans un bureau commun et que son poste informatique était accessible à un grand nombre de personnes, l’employeur fait valoir que le salarié avait modifié son mot de passe pour le rendre inaccessible.

Selon le procès-verbal de constat, le supérieur hiérarchique de Monsieur [B] [S] a expliqué à l’huissier de justice que l’ingénieur de l’entreprise avait pu ‘déverrouiller’ l’ordinateur et qu’il avait donc pu ‘accéder aux fichiers contenus dans cet ordinateur’. Il n’est pas sérieusement contestable que les fichiers ou les connexions enregistrés doivent de manière certaine être attribués à l’action de Monsieur [B] [S]. Ce dernier n’apporte, en effet, aucun élément permettant de laisser penser qu’une partie des connexions enregistrées ne seraient pas de son fait alors que le procès-verbal est accompagné des listings répertoriant les connexions enregistrées avec leur date et qu’il ne nie pas avoir modifié le mot de passe.

Il convient, au demeurant, de relever que le débat ne porte pas sur l’usage régulier ou non de l’ordinateur confié au salarié mais qu’il s’agit seulement de déterminer l’existence d’heures de travail réalisées au-delà de la durée rémunérée et de vérifier l’existence de périodes de temps non travaillées susceptibles de remettre en cause, en tout ou en partie, la réalisation d’heures supplémentaires.

Il est, en effet, admis que les salariés peuvent jouir du respect de leur vie privée résiduelle sur leur lieu de travail et durant le temps de travail et qu’ils peuvent utiliser le matériel informatique fourni par l’employeur pour consulter des sites sur Internet dès lors que cet usage est modéré, sans risque pour l’entreprise et compatible avec les obligations professionnelles de l’intéressé. Il convient, d’ailleurs, de constater qu’en l’espèce, il existait une certaine tolérance au sein de l’entreprise puisque Monsieur [B] [S] justifie, sans être contesté sur ce point, par le courriel émanant de son supérieur hiérarchique en date du 9 juillet 2018, qu’un classement était établi par celui-ci concernant les pronostics sportifs composés par les salariés participants.

Les consultations sur Internet doivent donc être considérées comme licites dès lors qu’elles ne dépassent pas un délai raisonnable. Elles ne peuvent s’opposer à une demande de paiement d’heures supplémentaires que si elles ont atteint une telle ampleur qu’elles ont fait obstacle à ce que l’activité professionnelle de l’intéressé soit accomplie à l’intérieur des horaires de travail.

Monsieur [B] [S] fait valoir, à juste titre, que certaines consultations, relevées par l’huissier de justice, au titre des ‘consultation de sites Internet non professionnels en dehors des heures de travail’, ont été effectuées à des heures non incluses dans les heures supplémentaires revendiquées (par exemple, des connexions ont été relevées le 6 avril 2017 à partir de 20h27 alors qu’il ne sollicite un rappel de salaire que pour un dépassement d’horaire jusqu’à 20h).

Il y a, en outre, lieu de relever que le procès-verbal recense, certes, de nombreuses connexions mais les heures de connexions sont indiquées sans précision quant à leur durée, ce qui ne permet pas de déterminer le temps passé par Monsieur [B] [S] à des occupations sans lien avec son activité professionnelle. Ainsi, le 10 avril 2017, il a été relevé 48 connexions litigieuses mais la consultation de la liste de ces connexions fait apparaître que 28 d’entre elles concernent le site de ‘La Poste’, et ont été réalisées entre 9h19 et 9h22, soit en 3 minutes, 3 d’entre elles concernent un site de jeux et ont été réalisées entre 9h47mn23 et 9h47mn26, 2 concernent un site à caractère sportif et ont été réalisées entre 10h12 et 10h13. Toutes les autres ont été réalisées en dehors des horaires de travail.

Pour la période du 5 janvier 2018 au 19 janvier 2018, il a été relevé 6 connexions à un site sportif le 5 janvier (entre 10h59mn28 et 10h59mn36) et le 19 janvier, 2 connexions à un site sportif (à 10h25mn23). Il ressort également de la liste des connexions que le 9 mars 2018, 15 connexions à un site d’informations ont été réalisées entre 11h06 et 11h17

Il apparaît également que les connexions litigieuses, relevées pour la période écoulée entre le 7 mars 2017 au 23 mars 2017 sont limitées au nombre de trois et sont concentrées sur les dates du 7 mars et du 14 mars. En outre, les listes versées aux débats montrent que, des périodes entières sont restées sans que soit enregistrée la moindre connexion pouvant être considérée comme litigieuse.

La succession des connexions relevées par l’huissier de justice concerne, le 7 décembre 2018, une cinquantaine de connexions réalisées entre 11h25 et 11h37, soit dans un laps de temps de 12 minutes. En revanche, s’il retrace des connexions réalisées à diverses dates de l’année 2017,

le listing annexé au rapport ne fait apparaître aucune connexion aux dates des 24 novembre 2018 et du 20 juin 2018 comme annoncé dans le rapport.

En l’état des constatations effectuées par l’huissier de justice, il apparaît que, certes, le nombre de connexions est important mais rien ne permet de vérifier que la durée de celles-ci ne serait pas restée très brève. En effet, le procès-verbal présentent des connexions qui ne s’étendent pas au-delà de quelques minutes au total pour chacune des journées de travail répertoriées et ne dépassent pas, pour la plupart, quelques secondes. En outre, le procès-verbal ne fait état que de quelques journées sur l’ensemble de la période de 2 ans du contrat de travail. Même si l’huissier dit avoir procédé ‘par sondage’, et qu’il peut être envisagé l’existence de connexions à d’autres dates, les listings versés aux débats ne font état que de connexions sur quelques journées particulières sur des périodes de plusieurs semaines.

Au-delà des sondages effectués par l’huissier de justice, l’employeur a lui-même établi, à partir de l’historique des connexions enregistrées sur l’ordinateur, un tableau retraçant l’intégralité des connexions intervenues pendant toute la durée du contrat de travail mais il apparaît que l’existence de connexions pouvant, de manière certaine, être considérées comme sans lien avec l’activité professionnelle, n’a été notée que pour une trentaine de jours sur l’ensemble de la période. En outre, à l’instar des constatations de l’huissier de justice, la plupart de ces connexions n’ont qu’une durée limitée à quelques secondes ou quelques minutes. Ainsi, l’employeur a noté 33 connexions le 8 février 2017 mais celles-ci ont été faites entre 17h00mn53 et 17h03mn03, soit dans un laps de temps de moins de 3 minutes. Ces éléments n’apportent pas la preuve d’un temps excessivement passé à des occupations extra professionnelles.

Les attestations de salarié produites par l’employeur selon lesquelles Monsieur [B] [S] ‘naviguait tous les jours sur Internet avec ce qui n’avait rien à voir de près ou de loin avec le travail’, que ‘pratiquement tous les jours il allait sur Internet pendant ses heures de travail sites de sport, informations, …) et qu’il jouait à des jeux en ligne’ ou qu’il ‘consultait dans la journée, pendant les heures de travail, les informations sportives sur Internet’, sont trop dépourvues de précision, notamment quant aux constatations réelles effectuées par les intéressés et au temps passé à des occupations extra-professionnelles, pour permettre de révéler l’existence d’un temps de travail n’excédant pas la durée contractuelle et excluant l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Dès lors, dans la mesure où le seul fait de se connecter sur des sites sans lien avec l’activité professionnelle n’est pas de nature à priver le salarié de son droit au paiement d’heures supplémentaires et comme les constatations effectuées ne permettent pas de mettre en évidence un temps de connexion excédant les limites de ce qui est raisonnablement admis, les éléments d’appréciation présentés par l’employeur ne sont pas susceptibles de remettre en cause, même partiellement, les réclamations de Monsieur [B] [S].

La société ARVERNE BT ne saurait valablement invoquer l’absence de réclamation en cours d’exécution du contrat de travail ou à l’occasion des entretiens précédant la rupture du contrat de travail. Une telle absence, qui ne peut valoir renonciation aux droits du salarié, n’est pas de nature à faire obstacle à la demande.

Elle ne peut non plus soutenir ne pas avoir demandé à Monsieur [B] [S] l’exécution d’heures supplémentaires. Dès lors qu’elle était en mesure de vérifier les heures du travail du salarié, les heures supplémentaires accomplies n’ont pu l’être qu’avec son accord, au moins implicite.

Il s’ensuit, en l’absence de tout élément de preuve contraire, que les prétentions de Monsieur [B] [S] sont établies par les pièces produites, que son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu et que l’employeur doit lui payer la somme de 10.511,52 euros au titre des heures supplémentaires effectuées (rappel de salaire), non réglées ni récupérées, ainsi que celle de 1.051,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Le jugement sera infirmé en ce que Monsieur [B] [S] a été débouté sur ce point.

– Sur les intérêts –

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 5 août 2019.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé-

Il résulte des dispositions de L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, il n’est pas démontré que l’employeur aurait, de façon intentionnelle, mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, cette intention ne pouvant résulter de la seule existence d’heures supplémentaires non rémunérées.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande du salarié sur ce point.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

La société ARVERNE BT sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d’appel, ce qui exclut qu’elle puisse prétendre bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser Monsieur [B] [S] supporter l’intégralité des frais qu’il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Ainsi, une indemnité de 2 000,00 euros lui sera accordée en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [S] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirmant sur ces points et statuant à nouveau,

– Condamne la société ARVERNE BET à payer à Monsieur [B] [S] la somme de 10.511,52 euros brut à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires ainsi que celle de 1.051,15 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;

– Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019 et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– Condamne la société ARVERNE BET à payer à Monsieur [B] [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la société ARVERNE BET aux dépens de première instance et d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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