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Arrêt n° 23/00348
27 Novembre 2023
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N° RG 21/03016 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FUQN
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Tribunal Judiciaire de Metz – Pôle social
03 Décembre 2021
20/00345
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt sept Novembre deux mille vingt trois
APPELANT :
Monsieur [O] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Alexia DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ substitué par Me DESCAMPS , avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ
CPAM DE MOSELLE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [R], munie d’un pouvoir général
L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 9]
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Amarale JANEIRO, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation au 23.10.2023
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSE DES FAITS
Né le 16 juillet 1957, M. [O] [G] a travaillé au sein des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), devenues l’établissement public Charbonnages de France (CDF), du 5 août 1974 au 31 juillet 2003.
M. [O] [G] a adressé le 25 novembre 2015 à la Caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM ou la Caisse) une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau 30B, accompagnée d’un certificat médical initial du 7 octobre 2015 faisant état de plaques pleurales.
Le caractère professionnel de sa maladie a été reconnu par décision de la CPAM de Moselle du 25 octobre 2016, et celle-ci lui a notifié le 23 janvier 2017 la fixation d’un taux d’incapacité permanente de 5% avec attribution d’une indemnité en capital de 1950,38 euros au 8 octobre 2015, lendemain de la date de consolidation.
M. [O] [G] a saisi le 11 avril 2017 le Fonds d’indemnisation des Victimes de l’amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation et a accepté les 1er et 8 mai 2017 les offres d’indemnisation de cet organisme fixant l’indemnisation de ses préjudices aux sommes de 16 600 euros au titre du préjudice moral, 300 euros au titre du préjudice physique et 1 300 euros au titre du préjudice d’agrément, soit 18 200 euros au total.
Après échec de la tentative de conciliation, M. [O] [G] a saisi le 28 février 2020 le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, aux fins d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, Charbonnage de France, à l’origine de sa maladie professionnelle du tableau n°30B, demande dirigée contre l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE) venant aux droits de Charbonnage de France suite à la clôture de sa liquidation.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Moselle a été mise en cause et le FIVA est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 3 décembre 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué de la façon suivante :
déclare le FIVA recevable en son intervention en sa qualité de créancier subrogé, et M. [O] [G] recevable en la forme en son recours ;
déboute M. [O] [G] et le FIVA de toutes leurs demandes y compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamne in solidum M. [O] [G] et le FIVA aux dépens ;
déclare le jugement commun à la CPAM de Moselle.
M. [O] [G] a, par déclaration reçue au greffe le 17 décembre 2021, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre datée du 7 décembre 2021 envoyée en recommandé et dont l’accusé de réception ne figure pas au dossier.
Par conclusions justificatives d’appel datées du 6 janvier 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, M. [O] [G] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
de dire et juger que sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France aux droits duquel vient l’AJE ;
d’ordonner la majoration au taux maximum des indemnités qui lui sont dues ;
de juger qu’en cas d’aggravation de son état de santé, cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de la victime et qu’en cas de décès dû à sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
de dire et juger qu’en application de l’article 1153-1 du code civil l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du jugement ;
de condamner l’AJE à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
de condamner l’AJE aux dépens.
Par conclusions datées du 13 mars 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA a formé appel incident et demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevable le recours de M. [O] [G] et la demande du FIVA, et statuant à nouveau :
juger que la maladie professionnelle dont est atteint M. [O] [G] est la conséquence de la faute inexcusable de Charbonnages de France ;
fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital, soit la somme de 1950,38 euros ;
juger que la Caisse devra verser cette majoration directement à M. [O] [G] ;
juger que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [O] [G] en cas d’aggravation de son état de santé ;
juger qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
fixer l’indemnisation des préjudices personnels de M. [O] [G] comme suit :
. préjudice moral 16 600 euros
. souffrances physiques 300 euros
. préjudice d’agrément 1 300 euros
juger que la CPAM de Moselle, devra verser cette somme totale de 18 200 euros au FIVA, créancier subrogé ;
condamner l’AJE à payer au FIVA une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Par conclusions datées du 13 mars 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
confirmer le jugement entrepris et de débouter en conséquence M. [O] [G], le FIVA et la Caisse de l’ensemble de leurs demandes ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, si la faute inexcusable de l’exploitant venait à être retenue :
débouter le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales et au titre d’un préjudice d’agrément enduré par M. [O] [G] ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
déclarer infondée la demande présentée par M. [O] [G] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’en débouter, ou tout au moins réduire la condamnation à ce titre à la somme de 500 euros ;
déclarer infondée la demande présentée par le FIVA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’en débouter ;
dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 2 février 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :
– lui donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable de l’employeur ;
– lui donner acte qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par le FIVA, dans la limite de 1 950,38 euros ;
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [O] [G] ;
– constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de la victime consécutivement à sa maladie professionnelle ;
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extra-patrimoniaux réclamés par le FIVA ;
– déclarer irrecevable toute demande éventuelle d’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge ;
– en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, de condamner l’AJE à rembourser à la caisse les sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l’indemnité en capital et des préjudices extra-patrimoniaux.
Par un arrêt prononcé le 11 mai 2023, la présente juridiction a :
Infirmé le jugement entrepris du 3 décembre 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu’il a déclaré M. [O] [G] recevable en son recours et le FIVA, subrogé dans les droits de M. [O] [G], recevable en ses demandes ;
En conséquence, statuant à nouveau,
Dit que la maladie professionnelle, plaques pleurales, inscrite au tableau 30B du 7 octobre 2015, dont est atteint M. [O] [G] est due à la faute inexcusable l’EPIC Charbonnages de France auquel se substitue l’Agent Judiciaire de l’Etat (AJE) ;
Déboute le FIVA de sa demande au titre des souffrances physiques et du préjudice d’agrément ;
Fixe l’indemnité en réparation du préjudice moral subi par M. [O] [G] à la somme de 10 000 euros et Dit que cette somme devra être versée au FIVA, créancier subrogé, par la CPAM de Moselle ;
Condamne l’AJE à rembourser les sommes que la CPAM de Moselle sera tenue de payer au FIVA sur le fondement des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Avant dire droit sur les demandes du FIVA ayant trait à la majoration de l’indemnité en capital ;
Réserve à statuer et invite le FIVA à répondre aux questions de la cour ;
Réserve les frais irrépétibles et les dépens ;
Renvoie l’affaire sur les points non jugés à l’audience qui se tiendra le 5 juin 2023, la notification de l’arrêt valant convocation des parties et de leurs mandataires à cette audience.
Dans sa motivation sur la demande du FIVA relative à la majoration de l’indemnité en capital, la cour précise que « bien qu’aucune discussion n’existe à ce titre la cour estime opportun de rouvrir les débats sur ce point, dès lors que le FIVA sollicite, dans ses conclusions récapitulatives du 13 mars 2023, le versement de cette majoration à M. [O] [G] alors que les pièces qu’il produit (ses pièces n°7 et 8) démontrent qu’il a indemnisé le préjudice d’incapacité fonctionnelle de la victime à hauteur de la somme de 7 898,29 euros de sorte qu’il lui appartient de s’expliquer sur ses conclusions visant au versement de cette majoration à la victime qui ne la réclame pas directement ».
Par conclusions récapitulatives n°2 datées du 23 mai 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour, suite à l’arrêt prononcé le 11 mai 2023, de :
fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital prévue à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1950,38 euros ;
juger que la CPAM de Moselle devra verser cette majoration de capital de 1 950,38 euros directement à M. [O] [G] ;
dire que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [O] [G] en cas d’aggravation de son état de santé ;
dire qu’en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
condamner l’AJE, repreneur du contentieux de l’ancien EPIC Charbonnages de France, à payer au FIVA une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
L’AJE, M. [O] [G] et la CPAM de Moselle n’ont pas conclu suite à l’arrêt du 11 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.
SUR CE
SUR LA MAJORATION DE L’INDEMNITE EN CAPITAL
Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.
Aux termes de l’article L 452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité […] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».
Le FIVA sollicite dans ses dernières conclusions le versement de cette majoration, qui correspond à son dédoublement, directement à M. [O] [G] au motif que depuis les deux arrêts prononcés le 20 janvier 2023 en assemblée plénière, la Cour de cassation juge désormais que la rente AT-MP ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, de sorte que le FIVA, en application de cette jurisprudence, a arrêté d’imputer la rente AT-MP sur la rente à servir par le FIVA pour le calcul de ses offres, l’indemnisation versée par le FIVA au titre du déficit fonctionnel permanent ne pouvant plus s’imputer sur la majoration de rente.
En l’espèce, compte tenu du taux d’incapacité qui lui a été reconnu (5%), M. [O] [G] s’est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit à la somme de 1950,38 euros, la faute inexcusable de l’employeur ayant été retenue par la présente juridiction dans son arrêt mixte du 11 mai 2023.
Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [O] [G] et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l’assuré consécutivement à sa maladie professionnelle.
Elle sera en outre versée par la caisse directement à M. [O] [G], et en application de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, l’AJE sera condamné à rembourser les sommes que la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines sera tenue de payer à M. [O] [G] sur le fondement des articles L 452-2 du code de la sécurité sociale.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
L’issue du litige conduit la cour à condamner l’AJE à payer au FIVA et à M. [O] [G] la somme de 1000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel, les dispositions prises à ce titre par le pôle social étant confirmées.
Enfin, l’AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l’arrêt prononcé par la présente juridiction le 11 mai 2023,
Statuant à nouveau sur la majoration de l’indemnité en capital, les dépens et les frais irrépétibles :
ORDONNE à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Moselle de majorer au montant maximum, soit à la somme de 1 950,38 euros, l’indemnité en capital versée en application de l’article L 452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
DIT que cette majoration sera versée directement par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle à M. [O] [G] ;
DIT que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [O] [G], en cas d’aggravation de son état de santé ;
DIT qu’en cas de décès de M. [O] [G] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de l’indemnité en capital restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à rembourser les sommes que la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines sera tenue de payer à M. [O] [G] sur le fondement des articles L 452-2 du code de la sécurité sociale ;
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à payer au FIVA et à M. [O] [G] la somme de 1 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État aux dépens d’appel.
Le greffier Le Président