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Arrêt n° 23/00354
27 Novembre 2023
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N° RG 21/01852 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRQW
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Tribunal Judiciaire de Metz – Pôle social
09 Juillet 2021
18/02085
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt sept Novembre deux mille vingt trois
APPELANT :
Monsieur [M] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Alexia DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ substitué par Me DESCAMPS , avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT ([7])
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représenté parMe Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentée par Mme [B], munie d’un pouvoir général
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Amarale JANEIRO, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation au 23.10.2023
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
Né le 17 octobre 1952, M. [M] [C] a travaillé en tant que mineur au sein des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) aux droits desquelles vient l’EPIC Charbonnages de France (CDF), et ce de 1979 à 2003 où il a occupé des fonctions suivantes : apprenti-mineur ; équipeur-déséquipeur ; installateur de taille ou traçage et voie ; transporteur et aide installateur taille ou traçage ; ripeur soutènement marchant. M. [M] [C] a été ensuite placé en congé charbonnier de fin de carrière du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2007.
M. [M] [C] a déclaré le 7 septembre 2015 à la CARMI de l’Est (dite la Caisse) être atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, fournissant, à l’appui de sa déclaration, un certificat médical initial du 5 juin 2015 établi par le docteur [T].
Par décision en date du 8 mars 2016, la Caisse a admis le caractère professionnel de cette pathologie.
Le 26 mai 2016, la Caisse a notifié à l’assuré l’attribution d’une indemnité en capital d’un montant de 1 948,44 euros correspondant à un taux d’incapacité permanente partielle de 5 % à la date du 6 juin 2015, lendemain de la date de consolidation.
Selon quittance subrogative du 19 avril 2017, M. [M] [C] a accepté l’offre du Fonds d’indemnisation des Victimes de l’amiante (FIVA) d’indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle due à l’amiante se décomposant comme suit :
‘ 15 000 euros au titre du préjudice moral,
‘ 200 euros au titre du préjudice physique,
‘ 1 200 euros au titre du préjudice d’agrément.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la Caisse, M. [M] [C] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Moselle, devenu depuis le 1er janvier 2019 Pôle social du tribunal de grande instance de Metz puis depuis le 1er janvier 2020 Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, selon demande datée du 31 décembre 2018 enregistrée au greffe le 2 janvier 2019, aux fins d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier de l’indemnisation qui en découle.
La Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (CPAM), qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, a été mise en cause tout comme l’Agent Judiciaire de l’Etat ([7]), qui agit pour le compte des Charbonnages de France dont la clôture de la liquidation est intervenue le 31 décembre 2017 et dont les droits et obligations ont été transférés à l’Etat.
Le FIVA est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 9 juillet 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a statué de la façon suivante :
Déclare le jugement commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM- l’Assurance Maladie des Mines ;
Déclare M. [M] [C] recevable en son action ;
Déclare le FIVA, subrogé dans les droits de M. [M] [C], recevable en son action ;
Reçoit l’Agent Judiciaire de l’Etat en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine ;
Dit que la faute inexcusable de la société Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine, pris en la personne de l’Agent Judiciaire de l’Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de M.[M] [C] inscrite au tableau 30B, n’est pas établie ;
Rejette l’ensemble des demandes formées par M. [M] [C], le FIVA et la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines.
Déclare l’action récursoire de la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines, sans objet ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Par acte déposé au greffe le 16 juillet 2021, M. [M] [C] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR datée du 9 juillet 2021.
Par conclusions datées du 29 décembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, M. [M] [C] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
Dit que la faute inexcusable de l’AJE dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [M] [C] inscrite au tableau 30B, n’est pas établie ;
Rejeté l’ensemble des demandes formées par M. [M] [C] et le FIVA ;
ET STATUANT A NOUVEAU :
Déclarer recevable et bien fondé l’appel de M. [M] [C] ;
Rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par l’AJE pour le compte de l’ancien employeur de M. [M] [C], les Charbonnages de France, suite à la clôture de sa liquidation judiciaire, la Caisse ;
Dire et juger que la maladie professionnelle dont est atteint M. [M] [C] est due à la faute inexcusable de son employeur, les Charbonnages de France, aux droits duquel vient l’AJE suite à la clôture de sa liquidation judiciaire ;
Par conséquent :
Fixer au maximum la majoration des indemnités dont bénéficie M. [M] [C] aux termes des dispositions du code de la sécurité sociale ;
Dire et juger qu’en cas d’aggravation de son état de santé, la majoration maximum de la rente suivra l’évolution du taux d’IPP de la victime ;
Dire et juger qu’en cas de décès de M. [M] [C] imputable à sa maladie professionnelle liée à l’amiante, le principe de la majoration maximum restera acquis au conjoint survivant ;
Dire et juger qu’en vertu de l’article 1153-1 du code civil l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
Condamner l’AJE au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.
Par conclusions datées du 5 janvier 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :
. CONFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré recevables la demande de M. [M] [C] en son action et celle du FIVA subrogé dans les droits de M. [M] [C] ;
. INFIRMER le jugement pour le surplus, et en conséquence :
Juger que la maladie professionnelle dont est atteint M. [M] [C] est la conséquence de la faute inexcusable de l’AJE ;
Fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital prévue à l’article L452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1 948,44 euros ;
Juger que l’Assurance Maladie des Mines devra verser cette majoration de capital de 1 948,44 euros à M. [M] [C] ;
Juger que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [M] [C], en cas d’aggravation de son état de santé ;
Juger qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
Fixer l’indemnisation des préjudices personnels de M. [M] [C] comme suit :
. souffrances morales 15 000 euros
. souffrances physiques 200 euros
. préjudice d’agrément 1 200 euros
Juger que l’Assurance Maladie des Mines devra verser cette somme de 16 400 euros au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;
Condamner l’AJE à payer au FIVA une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Par conclusions datées du 19 mai 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
Juger l’AJE recevable et bien fondé en son appel incident ;
Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Metz en date du 9 juillet 2021 sauf en ce qu’il a jugé que M. [M] [C] aurait été exposé au risque du tableau n°30B des maladies professionnelles ;
ET STATUANT A NOUVEAU,
Juger qu’il n’est pas apporté la preuve de l’exposition de M. [M] [C] au risque au sens du tableau n°30B des maladies professionnelles et, pour le surplus, confirmer le jugement du 9 juillet 2021 ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Débouter M. [M] [C], le FIVA et l’Assurance Maladie des Mines de l’ensemble de leurs demandes formulés à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant n’étant pas rapportée ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue, sur les conséquences financières :
Débouter le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [M] [C] et au titre d’un préjudice d’agrément subi par ce dernier ;
Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes du FIVA au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [M] [C] ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
Déclarer infondée la demande présentée par M. [M] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et par conséquent l’en débouter, ou tout au moins réduire toute condamnation sur ce fondement à la somme de 500 euros ;
Déclarer infondée la demande présentée par le FIVA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’en débouter ;
Dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 9 janvier 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines, demande à la cour de :
Donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société Charbonnages de France ;
Le cas échéant :
Donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par M. [M] [C] et le FIVA ;
En tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1948,44 euros ;
Prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M.[M] [C] ;
Constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [M] [C] consécutivement à sa maladie professionnelle ;
Donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [M] [C] ;
Le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle 30B de M. [M] [C] ;
Condamner l’AJE à rembourser à la caisse les sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue d’avancer au titre de la majoration de l’indemnité en capital et de l’intégralité des préjudices, sur le fondement des dispositions de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.
SUR CE
SUR L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE
M. [M] [C] et le FIVA sollicitent l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des Charbonnages de France au motif que la preuve de l’absence de mesures prises par les HBL concernant sa santé n’est pas apportée.
Ils soutiennent que M. [M] [C] a été exposé habituellement à l’inhalation de poussières d’amiante pendant sa carrière et que l’employeur s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut de formation et d’information, et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.
L’AJE soutient que la Caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies et conteste l’exposition de M. [M] [C] au risque d’inhalation des poussières d’amiante durant l’exercice de ses emplois successifs au sein des Charbonnages de France, anciennement Houillères du Bassin de Lorraine.
Il fait valoir que M. [M] [C] ne rapporte aucunement la preuve d’une exposition au risque et remet en cause la qualité des attestations des témoins ayant déposé en faveur de M. [M] [C] relativement à son activité professionnelle en ce qu’ils sont imprécis, lacunaires, qu’ils ne donnent aucune information précise sur l’insuffisance des mesures individuelles et collectives, et qu’ils ne justifient pas avoir travaillé directement avec M. [M] [C].
L’AJE insiste enfin sur le fait que les HBL puis CDF avaient mis en ‘uvre des mesures efficaces, permettant d’exclure une pollution généralisée à l’amiante au fond de la mine et donc toute exposition au risque amiante : systèmes de freinage métalliques sans amiante des convoyeurs blindés, enfermement des systèmes de freinage des treuils et palans avec amiante dans des capots, système d’aération, d’arrosage’
La Caisse s’en remet à la sagesse de la cour.
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Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l’employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.
Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [M] [C] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée par l’AJE l’exposition professionnelle de M. [M] [C] au risque d’inhalation de poussières d’amiante.
Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l’inhalation de poussières d’amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d’entraîner les affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante .
Il ressort du relevé de périodes et d’emplois de l’ANGDM du 20 novembre 2015 (pièce n°1 de M. [M] [C]) que la victime a exercé au fond de la mine entre le 30 juillet 1979 et le 31 décembre 2002, dans l’unité d’exploitation Marienau jusqu’au 30 septembre 1979, puis dans celle de Wendel du 1er octobre 1979 au 18 décembre 1988 et dans celle de La Houve du 19 décembre 1979 au 31 décembre 2002, et ce aux fonctions suivantes : apprenti-mineur, équipeur-déséquipeur, installateur de taille ou traçage et voie, transporteur et aide installateur taille ou traçage et ripeur soutènement marchant.
Dans le questionnaire assuré qu’il a rempli le 7 septembre 2015 (pièce n°E de l’AJE), il expose avoir été exposé aux fibres et poussières d’amiante du fait de ses activités de foration, de l’utilisation et du nettoyage d’équipements amiantés à l’air comprimé, du découpage et de l’usinage de feuilles de joints amiantés, de l’inhalation de poussières et fumées de tir à l’explosif, de l’inhalation des poussières et fibres contenues dans les échappements d’équipements miniers divers fonctionnant à l’air comprimé.
Il précise qu’il était habituellement en contact avec des poussières de charbon et de pierre, des fibres d’amiante et des fumées de tir et vapeurs irritantes, et qu’il utilisait de façon tout aussi habituelle des scrapers, treuils divers avec garnitures de freins en amiante, des palans victory 1 T et 2 T, des équipements de manutention « pull lift », de l’air comprimé pour les outils pneumatiques foration et boulonnage, la maintenance des machines avec les électromécaniciens, tous les outils et outillages que devait posséder un conducteur de machine et des locomotives équipées de ferrodo.
La réalité des conditions de travail décrites par M. [M] [C] est confirmée par deux de ses anciens collègues de travail, en la personne de Mrs [K] et [U] (pièces n°7 à 9 de M. [M] [C]).
Ceux-ci précisent :
M. [K] : 1ère attestation (pièce n°7 de la victime) : « J’ai travaillé au siège de La Houve dans les années 1980 jusqu’en 2005, mon départ en pré-retraite . J’ai connu Mr [C], dans les années 1990 jusqu’à son départ en pré-retraite ! Il travaillait régulièrement avec des engins de levage ; qu’il nettoyait avec l’air comprimé, d’où dégagement de particule d’amiante (vu que le frein était à bas d’amiante). Lors de raccourcissement de tuyau, il grattait les joins en klingérite : on était tous les jours dans le sens de l’aérage lors de l’injection de produit de consolidation, de style Baygal, et l’on respirait ces différents produits. Sans oublier la poussière de charbon et la chaleur de certains chantiers. Nous manipulions beaucoup d’huile : levage, moteur… »
2ème attestation du 15 septembre 2022 (pièce n°8 de la victime) : « ancien collègue de M. [C], je souhaite compléter ma précédente attestation. J’ai connu M. [C] dans les années 1990 jusqu’au départ de la préretraite de [C]. Nous étions dans différents chantiers du fond de la mine (aussi bien en aérage primaire que secondaire) à l’exploitation. »
M. [U] (pièce n°9 de la victime) : « M. [U] [I] certifie avoir travaillé avec M.[C] [M] dans les chantiers d’exploitation du fond au puits de la Houve à [Localité 8] de 1993 à 2002. Il était mon collègue de travail, sur les postes de 18 et 24h. J’ai vu [M] utiliser des treuils de levage, de forage qui contenaient des substances à base d’amiante. J’ai souvent vu [M] nettoyé à l’air libre les palans victory, des Neuhaus qui libéraient des particules d’amiantes. Pendant le raccourcissement des conduites d’air et d’eau, j’ai vu [M] gratter des joints en amiante. J’ai vu [M] utiliser des produits d’injection, Baygal, Mariflex, etc. dans des conditions de travail pénible, chaleur et humidités, courrant d’air froid, et épaisses fumées ainsi que poussière de charbon dans les retours d’air. »
Si le troisième témoin, dont l’attestation est produite par M. [M] [C] (pièce n°10), tout comme les témoignages produits dans les pièces générales du salarié, ne précisent pas la période et le chantier au cours desquels il a travaillé directement avec M.[M] [C], ce qui ne permet pas de retenir ces attestations comme étant probantes, Mrs [K] et [U] donnent des éléments suffisamment précis quant aux unités d’exploitation et aux périodes au cours desquelles ils ont travaillé ensemble avec M. [M] [C], permettant de se convaincre qu’il s’agit de collègues de travail directs de M. [M] [C], sans qu’il ne soit nécessaire qu’ils produisent un relevé de sa carrière.
Le caractère probant de ces deux attestations sera donc retenu par la cour, et la description des conditions de travail et des tâches précisément accomplies par la victime ainsi faite expose parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu’en 1996, date à laquelle l’utilisation de l’amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d’amiante, du fait non seulement de la manipulation de produits amiantés (joints en amiante) mais également de l’usage ou du travail à proximité d’engins dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d’amiante en fonctionnant (palans victory).
Ces deux témoignages produits par M. [M] [C] sont également confortés par les propres pièces de l’AJE telles que l’étude réalisée par le Dr [V] du centre d’études des poussières HBCM sur les risques éventuels de pollution par fibres d’amiante par les systèmes de freinage dans les chantiers du fond, qui mentionne l’existence de poussières fines contenant de l’amiante déposées sur les carters de freins des chargeurs transporteurs Wagner et d’une pollution par des fibres d’amiante localisée dans le carter du système de freinage des treuils monorail, même si elle fait état d’une pollution par fibres d’amiante négligeable et minime (pièce n° 31 de l’AJE).
Si l’AJE conteste l’exposition de M. [M] [C] aux poussières d’amiante, il ressort de l’ensemble de ces éléments que de l’amiante était présente au fond a minima dans certains joints, même si l’employeur précise que tous les joints n’étaient pas amiantés, mais également dans le système de freinage amianté des convoyeurs blindés, qui dégageait des fibres d’amiante, ainsi que dans les freins de certains treuils.
Il apparaît ainsi constant que la friction des organes de freins des différentes installations et machines utilisées au fond de la mine à la période d’emploi de M. [M] [C] a été de nature à exposer habituellement l’intéressé à l’inhalation de poussières d’amiante durant ses nombreuses années d’activité au fond, tout au moins jusqu’à son interdiction en 1996, et ce dans un contexte de confinement résultant de la configuration de la mine.
Les éléments présentés par l’AJE, qui concluent à une pollution minime au regard de l’inhalation de poussières d’amiante pour certains matériels, ne sauraient écarter la présomption d’imputabilité qui découle de l’établissement de l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau n°30 ne fixant pas de seuil d’exposition à l’agent nocif.
Dès lors, la présomption d’imputabilité de la maladie au travail trouve à s’appliquer, et l’AJE n’apportant pas la preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [M] [C] est établi à l’égard de l’établissement public Charbonnage de France auquel l’AJE est substitué.
SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR
M. [C] et le FIVA sollicitent l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des Charbonnages de France. Ils soutiennent que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.
L’AJE expose que les HBL puis les CDF ne pouvaient avoir conscience du danger, en l’état des connaissances scientifiques certaines et de la réglementation en vigueur et qu’ils ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, sur le plan collectif et individuel. Il critique l’imprécision des attestations précédemment citées des collègues de M.[M] [C] et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de M. [C] et de ses témoins.
La Caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.
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En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat. Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.
Sur la conscience du danger par les Charbonnages de France
La dangerosité de l’amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l’inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.
Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [J] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l’empoussièrement. A partir de 1935 d’autres publications ont fait un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire.
Les maladies engendrées par les poussières d’amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d’amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d’entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.
Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.
Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de la fibre d’amiante.
Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n’était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu’alerter à nouveau les Charbonnages de France sur la nocivité de l’amiante. D’ailleurs, il résulte des pièces même produites par l’AJE que les Charbonnages de France disposaient d’un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [H], entré dans l’entreprise en 1977, l’intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecin sur l’amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l’existence au sein des Charbonnages de France d’un centre d’études et de recherche (le CERCHAR) à la compétence internationale reconnue en la matière.
Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l’époque de la période d’emploi de M. [M] [C], des risques sanitaires graves, d’ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.
Ainsi, au vu de ce qui vient d’être développé et compte tenu des emplois exercés par M.[M] [C] au fond des mines, les Charbonnages de France ne pouvaient ignorer le risque encouru par l’intéressé.
Il convient en conséquence de constater qu’est établie la conscience du danger qu’avaient ou auraient dû avoir les Charbonnages de France, des effets nocifs de l’amiante sur la santé de M. [M] [C].
Sur les mesures prises par Charbonnages de France
Il apparaît que M. [M] [C], dans son questionnaire assuré, a indiqué qu’il avait bénéficié « des masques difficiles à supporter, ils n’étaient pas entretenus et surtout n’étaient pas adaptés pour se protéger des fumées et vapeurs des tirs à explosif. Le port du masque a toujours été facultatif à la mine, aucun mineur n’était obligé de le porter, pour l’amiante on ne connaissait pas le risque. Au niveau des machines de havage il n’y avait pas de dépoussiérage et les arrosages étaient souvent hors service et au déversement des bandes transporteuses pas ou peu d’arrosage pour neutraliser les poussières ».
M. [M] [C] précise enfin dans ce même document, s’agissant des mesures de surveillance médicale particulière, qu’il n’a fait l’objet « uniquement (d)es visites médicales annuelles obligatoires ».
Ses allégations sont corroborées par les attestations de Mrs [K] et [U], produites par la victime et déjà évoquées, qui témoignent en des termes suffisamment explicites, de ce que :
M. [K] (pièce n°8 de la victime) : « Je souhaite préciser que M. [C] et moi-même avons travaillés sans protections efficace. D’abord nous n’avons bénéficiés d’aucune mesure de prévention, plus que cela, d’aucune information et encore moins de formation nous permettant de connaître les dangers de l’amiante et de savoir nous protéger. Ensuite s’agissant des masques qui on pu être distribués, non seulement ils étaient en nombre insuffisant et de plus inefficaces (non étanches, se bouchait au bout de 2/3 minutes et pas solides…) ».
M. [U] (pièce n°9 de la victime) : « J’ai vu [M] utiliser des treuils de levage, de forage qui contenaient des substances à base d’amiante. J’ai souvent vu [M] nettoyé à l’air libre les palans victory, des Neuhaus qui libéraient des particules d’amiantes. Pendant le raccourcissement des conduites d’air et d’eau, j’ai vu [M] gratter des joints en amiante. J’ai vu [M] utiliser des produits d’injection, Baygal, Mariflex, etc. dans des conditions de travail pénible, chaleur et humidités, courrant d’air froid, et épaisses fumées ainsi que poussière de charbon dans les retours d’air.
Tous ces travaux se faisaient sans protections, contre les différents produits que j’ai cités ci-dessus. Jamais notre hiérarchie, ne nous a obligés ou même ni incités à porter des masques ou des protections individuels adaptés, pour éviter de mettre notre santé en péril. Je certifie que nous n’avions jamais été informés, que toutes ces opérations cités ci-dessus dispersaient des particules d’amiante dans l’air que nous inhalions ».
Compte tenu des arguments présentés par l’AJE sur le souci affiché par les Charbonnages de France de protéger la santé de ses salariés, il appert que la carence relatée par M. [M] [C] et par ces deux témoins en terme de prévention et d’information des risques encourus ne se justifie pas.
L’Agent Judiciaire de l’Etat ne peut par ailleurs sans contradiction prétendre que l’établissement public Charbonnages de France ne pouvait pas avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1996 et en même temps affirmer qu’il a pris les mesures nécessaires pour protéger M. [M] [C] contre ce risque.
De plus, l’examen des pièces générales produites par l’AJE établit que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.
Si l’AJE fait valoir que les médecins du travail de Charbonnages de France, notamment les docteurs [A] et [O], ont mené plusieurs exposés quant aux dangers des poussières nocives, et s’il produit des comptes – rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, il ne justifie aucunement d’une diffusion large et accessible de ces informations à ses salariés, notamment en la personne de M. [M] [C].
Ces documents ne sont en effet pas de nature à contrecarrer les deux témoignages produits par la victime et cités précédemment, et à démontrer qu’elle a été informée des dangers de l’amiante sur sa santé et a bénéficié de protections efficaces, alors d’une part, que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu’il ressort d’autre part, d’une annexe au compte rendu de la réunion du Comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n° 72 de l’AJE).
Quant aux dispositifs de prévention médicale mis en avant par l’AJE, il apparaît nécessaire de rappeler que si ces dispositifs permettaient de détecter une éventuelle pathologie et d’en éviter potentiellement l’aggravation, ils n’avaient aucunement pour vocation de prévenir l’apparition des maladies. En outre, il n’est pas établi que M.[C] en aurait personnellement bénéficié, celui-ci ne reconnaissant avoir eu que la visite médicale annuelle obligatoire et non les mesures spécifiques de contrôle des maladies liées à l’amiante.
En l’état de l’ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les Charbonnages de France, qui avaient conscience du danger auquel M. [M] [C] était exposé, n’ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l’en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.
Il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30B dont est victime M.[M] [C] doit être déclarée due à la faute inexcusable de Charbonnages de France et que le jugement du 9 juillet 2021 est donc infirmé sur ce point.
SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE
Sur la majoration de l’indemnité en capital
Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.
Aux termes de l’article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité […] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».
Aucune discussion n’existe à hauteur de Cour concernant la majoration de l’indemnité en capital allouée à M. [M] [C].
En l’espèce, compte tenu du taux d’incapacité qui lui a été reconnu (5%), M. [M] [C] s’est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit 1948,44 euros.
Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M.[C] et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de l’assuré consécutivement à sa maladie professionnelle.
Cette majoration sera versée par la Caisse directement à M. [M] [C], conformément aux prétentions du FIVA et de la victime.
Sur les préjudices personnels de M. [M] [C]
Il résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale qu’«indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur».
Sur les souffrances physiques et morales
Le FIVA sollicite l’indemnisation du préjudice moral de M. [M] [C] à hauteur de
15 000 euros, et de son préjudice physique à hauteur de 200 euros.
Il fait valoir qu’il résulte de la rédaction de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d’IPP.
Il ajoute que l’existence de souffrances physiques est caractérisée par les troubles ventilatoires et le léger syndrome obstructif que subit M. [M] [C], et que son préjudice moral résulte de la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution.
L’AJE fait valoir que seules les souffrances physiques et morales non déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation et donc pendant la maladie traumatique, peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire. L’AJE souligne qu’en l’espèce, la date de consolidation de M. [M] [C] coïncidant avec celle première constatation médicale, il en résulte que le FIVA ne peut se prévaloir d’une période de maladie traumatique et donc revendiquer l’existence d’un préjudice physique et moral subis par M.[C] non déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. Pour les souffrances relatives à la période postérieure à la consolidation, l’AJE ajoute que le FIVA n’apporte aucun élément de preuve, au soutien de ses prétentions, de l’existence des préjudices subis par M. [M] [C].
La Caisse s’en rapporte à la sagesse de la cour.
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Aux termes de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. »
. sur les souffrances physiques et morales
ll résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.
En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.
En l’espèce, la victime, en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vu attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales .
Dès lors le FIVA, subrogé dans les droits de M. [M] [C], est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances endurées, sous réserve qu’elles soient caractérisées.
S’agissant des souffrances physiques, il est versé aux débats un compte rendu d’une scanographie thoracique datée du 29 janvier 2015 (pièce n°12 du FIVA). Si ce certificat fait apparaître les premiers signes de la maladie, il ne décrit aucune souffrance physique.
De même, le rapport médical d’évaluation du taux d’IPP en MP réalisé le 17 février 2016 (pièce n°8 du FIVA) conclut, quant à lui, à l’existence de plaques pleurales sans retentissement fonctionnel respiratoire, sans préciser non plus l’existence de souffrances physiques.
Aussi le FIVA sera-t-il débouté quant à la sa demande présentée au titre des souffrances physiques subies par M. [M] [C].
S’agissant du préjudice moral, M. [M] [C] était âgé de 62 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de plaques pleurales. Dans le questionnaire assuré qu’il a rempli le 7 septembre 2015 à la demande de la Caisse, M. [M] [C] précise dans ses observations que « quand le médecin m’a dit que j’étais atteint par une maladie de l’amiante, j’ai été très surpris et je suis également inquiet de l’évolution possible de cette maladie. Je savais que j’étais exposé en tant que mineur de fond au risque de l’amiante, beaucoup de camarades de travail sont morts ou en mauvais état ».
L’anxiété liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois de forme plus graves ou sont décédés et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l’allocation d’une somme de 12 000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de M. [M] [C] au moment de son diagnostic.
Sur le préjudice d’agrément
L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.
En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne fait état que « d’activités favorites » dont serait privé M. [M] [C], sans rapporter la preuve de la pratique régulière par M. [M] [C], antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit.
La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.
SUR L’ACTION RÉCURSOIRE DE LA CAISSE
Aux termes de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».
Les articles L 452-2, alinéa 6, et D 452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L 452-3.
Dès lors, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM- l’Assurance Maladie des Mines, est fondée à exercer son action récursoire à l’encontre de l’AJE.
Par conséquent, l’AJE doit être condamné à rembourser à la CPAM de Moselle, les sommes qu’elle sera tenue d’avancer au titre de la majoration de l’indemnité en capital et du préjudice moral de M. [M] [C].
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
En application de l’article 1153-1 du code civil ancien devenu 1231-7 du code civil, les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
L’issue du litige conduit la cour à condamner l’AJE à payer au FIVA et à M. [M] [C] la somme de 1000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l’AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement entrepris du 9 juillet 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz ;
Statuant à nouveau,
DIT que la maladie professionnelle déclarée par M. [M] [C] et inscrite au tableau 30b des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du bassin de Lorraine, son employeur, représenté par l’ Agent Judiciaire de l’Etat ([7]) ;
ORDONNE à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, de majorer au montant maximum l’indemnité en capital versée en application de l’article L 452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, soit à la somme de 1 948,44 euros ;
DIT que cette majoration sera versée directement par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines, à M. [M] [C] ;
DIT que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [M] [C], en cas d’aggravation de son état de santé résultant des conséquences de sa maladie professionnelle ;
DIT qu’en cas de décès de M. [M] [C] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de l’indemnité en capital restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
DEBOUTE le FIVA de sa demande au titre du préjudice causé par les souffrances physiques ;
DEBOUTE le FIVA de sa demande au titre du préjudice d’agrément ;
FIXE l’indemnité en réparation des souffrances morales subies par M. [M] [C] du fait de la pathologie tableau 30b à la somme de 12 000 euros ;
DIT que la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines devra avancer cette somme au FIVA, créancier subrogé ;
DIT que l’ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l’article 1231-7 du code civil ;
CONDAMNE l’Etat, représenté par l’AJE, à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, l’ensemble des sommes, en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d’avancer sur le fondement de l’articles L 452-3-1 du code de la sécurité sociale ;
CONDAMNE l’Etat, représenté par l’AJE, à payer à M. [M] [C] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’Etat, représenté par l’AJE, à payer au FIVA la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’Etat, représenté par l’AJE, aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière, La Présidente,