Tentative de conciliation : 27 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02226

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Tentative de conciliation : 27 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02226
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MINUTE N° 23/183

Copie exécutoire à :

– Me Charline LHOTE

– Me Joseph WETZEL

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 27 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02226 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3J7

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 mai 2022 par le juge de l’exécution de Strasbourg

APPELANTE :

Madame [P] [S]

[Adresse 4]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/2416 du 30/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Charline LHOTE, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [V]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte sous seing privé du 6 novembre 2017, M. [Z] [V] a donné à bail à M. [X] et Mme [P] [S] un appartement situé [Adresse 1], moyennant le versement d’un loyer mensuel de 555 euros, outre une provision sur charges de 55 euros.

Les locataires ont quitté les lieux et un constat d’huissier valant état des lieux de sortie a été dressé le 19 septembre 2019.

Par acte d’huissier du 17 août 2020, M. [Z] [V] a fait assigner M. [X] et Mme [P] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

– 4 723,31 euros au titre des loyers impayés au 18 septembre 2019, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

-1 070,52 euros à titre de dommages et intérêts au titre des dégradations,

-1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 18 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

– condamné solidairement M. [X] et Mme [P] [S] à payer à M. [Z] [V] la somme de 4 146,69 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation au titre des loyers et charges,

– condamné solidairement M. [X] et Mme [P] [S] à payer à M. [Z] [V] la somme de 225 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, dépôt de garantie déduit,

– débouté M. [Z] [V] du surplus de ses demandes,

– condamné in solidum M. [X] et Mme [P] [S] à payer à M. [Z] [V] la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [X] et Mme [P] [S] aux dépens de l’instance, en ce non compris les frais de constat après travaux,

– constaté l’exécution provisoire.

Ce jugement a été signifié à Mme [P] [S] le 16 janvier 2021 par remise de l’acte en l’étude de l’huissier instrumentaire.

En exécution de ce jugement, M. [Z] [V] a formé le 28 mai 2021 une requête en saisie des rémunérations à l’encontre de Mme [P] [S] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Convoquée à l’audience de tentative de conciliation du 2 septembre 2021 par citation remise en l’étude de l’huissier instrumentaire le 2 août 2021, Mme [P] [S] n’a pas comparu.

A défaut de conciliation, l’acte de saisie a été dressé le 2 septembre 2021 pour la somme de 5 706,18 euros.

Par déclaration enregistrée au greffe le 22 novembre 2021, Mme [S] a contesté la saisie.

Convoquée à l’audience de tentative de conciliation du 8 mars 2022 suite à sa contestation, par deux lettres recommandées avec avis de réception qui ont été retournées au greffe avec la mention « pli avisé et non réclamé » pour l’une et « destinataire inconnu à l’adresse » pour l’autre, Mme [S] n’a pas comparu ni personne pour elle.

Par jugement réputé contradictoire du 5 mai 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

– déclaré irrecevable la contestation de Mme [P] [S],

– validé la saisie des rémunérations autorisée le 2 septembre 2021,

– dit que les opérations de saisie des rémunérations doivent se poursuivre avec répartition des sommes saisies le cas échéant,

– condamné Mme [P] [S] à payer à M. [Z] [V] la somme de 137,70 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [P] [S] aux dépens de l’instance,

– constaté l’exécution provisoire.

Le juge de l’exécution a retenu que la contestation de Mme [S] a été formée par déclaration au greffe alors qu’elle aurait dû être introduite par voie d’assignation, le montant de la créance étant supérieur à 5 000 euros.

Mme [S] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement, notifié le 31 mai 2022, par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 10 juin 2022.

Par ordonnance du 21 juin 2022, l’affaire a été fixée à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 29 juin 2022, Mme [S] demande à la cour de :

– déclarer l’appel formé par Mme [P] [S] à l’encontre du jugement du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Strasbourg du 5 mai 2022 recevable et bien fondé,

y faire droit,

en conséquence :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 5 mai 2022,

statuant à nouveau,

– dire et juger la contestation de la saisie rémunérations de Mme [S] recevable,

– réserver les droits de Mme [S] de conclure sur la recevabilité de la requête en saisie des rémunérations déposées par M. [V],

– constater que Mme [S] conteste le montant de la saisie et que M. [V] ne possède pas un titre exécutoire définitif,

en conséquence,

– annuler la saisie des rémunérations autorisée par acte du 2 septembre 2021,

– débouter M. [V] de sa requête en saisie des rémunérations,

subsidiairement,

– accorder à Mme [S] des délais de grâce pendant deux années,

en tout état de cause,

– condamner M. [Z] [V] aux entiers frais et dépens des deux instances,

– condamner M. [Z] [V] à payer à Mme [P] [S] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de sa contestation, Mme [S] fait valoir qu’elle n’a jamais reçu notification de l’acte du 2 septembre 2021 faisant droit à la demande de saisie sur rémunération à hauteur de 5 706,18 euros, de sorte qu’elle ne connaissait pas les voies de recours et leurs modalités. Elle explique qu’elle a rencontré des difficultés avec sa boîte aux lettres et la Poste, que de nombreux courriers ne sont pas arrivés à destination et que des vols de courriers ont été commis dans son immeuble. L’appelante soutient que la décision d’irrecevabilité de sa contestation constitue une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge reconnu par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sur le fond, Mme [S] indique qu’elle conteste le montant de la créance, qu’elle n’a pas eu connaissance du jugement réputé contradictoire du 18 décembre 2020 qui a été signifié à une adresse où elle ne vivait plus. Elle précise qu’elle va présenter une demande en relevé de forclusion pour faire valoir ses arguments et que l’intimé ne possède pas un titre exécutoire définitif.

Enfin, elle justifie sa demande de délais de grâce par la perte de son emploi.

M. [Z] [V] s’est constitué intimé devant la cour et dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 5 janvier 2023, demande à la cour de :

– rejeter l’appel,

– confirmer le jugement entrepris,

– débouter Mme [P] [S] de ses fins et conclusions,

– condamner Mme [P] [S] à payer à M. [Z] [V] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [P] [S] aux dépens de l’appel.

M. [V] fait valoir que Mme [S] avait la possibilité d’exercer les voies de recours conformément à la loi et que la décision d’irrecevabilité ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.

L’intimé soutient que le jugement du 18 décembre 2020 a été régulièrement signifié à Mme [S] et qu’elle devait faire suivre son courrier en cas de déménagement et en informer le tribunal.

M. [V] indique que l’appelante n’est pas fondée à prétendre que le jugement du 18 décembre 2020 ne serait pas définitif alors qu’elle n’a exercé aucune voie de recours à l’encontre de cette décision.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 30 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel :

Formé dans le délai de l’article R121-20 du code des procédures civiles d’exécution, l’appel doit être déclaré recevable.

Sur la régularité de la saisine du tribunal :

L’article R 3252-19 du code du travail dispose que si les parties ne se sont pas conciliées, il est procédé à la saisie des rémunérations après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s’il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur.

Par application de l’article R 3252-21, au vu du procès-verbal de non-conciliation, le greffier procède à la saisie dans les huit jours. Si l’audience de conciliation a donné lieu à un jugement, le greffier procède à la saisie dans les huit jours suivant la notification du jugement s’il est exécutoire et, à défaut, suivant l’expiration des délais de recours contre ce jugement.

Il résulte de ces dispositions que l’établissement de l’acte de saisie par le greffier au vu du procès verbal de non-conciliation, en ce qu’il met en oeuvre la saisie pour le montant vérifié, est par lui-même exclusif de contestations soulevées pendant la phase de conciliation, la saisie n’étant dans ce cas mise en oeuvre qu’en exécution d’un jugement.

En l’espèce, il est constant que l’acte de saisie du 2 septembre 2021 a été établi par le greffier au vu du procès-verbal de non-conciliation, en l’absence de contestation soulevée pendant la phase de conciliation.

L’établissement de l’acte de saisie clôturant la phase de conciliation préalable, les contestations soulevées postérieurement sont soumises aux dispositions de l’article R 3252-8 du code du travail qui dispose que les contestations auxquelles donne lieu la saisie

sont formées, instruites et jugées selon les règles de la procédure ordinaire devant le tribunal judiciaire.

L’article 750 du code de procédure civile dispose que la demande en justice est formée par assignation et qu’elle peut l’être également par requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement.

Le défaut de saisine régulière d’un tribunal constitue une fin de non recevoir.

En l’espèce, il est constant que le montant de la créance excède la somme de 5 000 euros prévue à l’article 750 du code de procédure civile, de sorte que Mme [S] ne pouvait saisir le juge de l’exécution de sa contestation de la saisie par simple déclaration au greffe et qu’elle devait procéder par voie d’assignation.

Mme [S] n’est pas fondée à soutenir que l’acte de saisie du 2 septembre 2021 ne lui a pas été notifié, l’article R 3252-23 du code du travail prévoyant que l’acte de saisie est notifié au seul employeur et qu’il en est donné copie au débiteur saisi par lettre simple avec l’indication qu’en cas de changement d’employeur, la saisie sera poursuivie entre les mains du nouvel employeur.

S’agissant des difficultés alléguées par l’appelante concernant la délivrance de son courrier postal, la cour relève qu’elles ne sont pas démontrées et qu’en tout état de cause, elles sont sans incidence sur la régularité de la procédure dans la mesure où Mme [S] a été régulièrement convoquée à toutes les étapes de la procédure de saisie des rémunérations.

Enfin, Mme [S] invoque l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) qui consacre le principe du droit à un procès équitable et du droit d’accès au juge pour tout justiciable soulevant une contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil.

Cependant, les formes prescrites aux parties pour accomplir les actes nécessaires à la régularité de la procédure devant le tribunal judiciaire ne les privent pas de leur droit d’accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et ne disconviennent pas aux exigences de l’article 6§1, de la CEDH en ce qu’ils ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge et à un procès équitable.

Par conséquent, le moyen sera écarté.

Le premier juge a ainsi justement considéré qu’il avait été saisi par une forme autre que celles prévues par le code de procédure civile et que la demande était irrecevable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Au regard de l’irrecevabilité de la demande de Mme [S], il n’y a pas lieu d’examiner les demandes présentées sur le fond.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, Mme [P] [S] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour des motifs d’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [Z] [V].

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE l’appel recevable,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [S] aux dépens de l’instance d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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