Tentative de conciliation : 27 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17607

·

·

Tentative de conciliation : 27 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17607
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2023

N°2023/

Rôle N° RG 21/17607 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIRHO

[T] [V]

C/

CASIC SERVICE INTERCOMMUNAL D’AIDE A DOMICILE UIER

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE H AUTE PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le : 27/06/2023

à :

– Me Anne-France BREUILLOT, avocat au barreau de CARPENTRAS

– Me Laure CHIESA, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

– CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 23 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/00238.

APPELANTE

Madame [T] [V]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/013601 du 14/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 4]

comparante en personne, assistée de Me Anne-France BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMEES

CASIC SERVICE INTERCOMMUNAL D’AIDE A DOMICILE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laure CHIESA, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, demeurant [Adresse 1]

non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d’être représentée à l’audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2023

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

Mme [T] [V], agent social territorial de première classe à temps partiel au sein du CASIC, service intercommunal d’aide à domicile à [Localité 3], a été victime d’un accident du travail le 4 janvier 2010 dont l’imputabilité au service a été reconnue par arrêté du 14 mars 2012.

Après tentative de conciliation infructueuse, elle a saisi le 27 juillet 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Haute-Provence pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 23 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains ayant repris l’instance a reçu les demandes de Mme [V], les a rejetées, ainsi que celles au titre des frais irrépétibles, et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration faite par RPVA le 14 décembre 2021, Mme [V] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées et développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, elle demande à la cour de confirmer le jugement ce qu’il a considéré que ses demandes étaient recevables, de l’infirmer pour le surplus et de :

– dire et juger que l’employeur a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail du 4 janvier 2010,

– juger que la rente qui lui a été allouée sera portée à son maximum,

– ordonner une mesure d’expertise avec mission telle que détaillée dans ses écritures,

– dire l’arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes-de-Haute-Provence.

– condamner le CASIC à payer à la SCP Breuillot & avocats, la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir essentiellement que :

– contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, elle n’est pas sortie des missions prévues par son contrat en venant en aide à Mme [C], cette dernière étant également bénéficiaire du CASIC, dont l’aide à domicile lui incombait durant ses heures de travail au domicile d’un usager dont le conjoint est également bénéficiaire des prestations de ce service,

– son travail consiste à aider au maintien à domicile, exercer les tâches de la vie quotidienne, aider à l’habillage, et l’accident est intervenu au domicile d’un bénéficiaire dont l’épouse, également bénéficiaire des prestations assurées par le CASIC , et elle-même handicapée, est tombée dans la salle de bains, et alors qu’en tentant de la soulever, elle s’est bloquée le dos et a dû être transportée aux urgences,

– l’employeur ne pouvait ignorer les dangers qu’elle courait dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle exerçait toujours seule au domicile de personnes parfois lourdement handicapées, d’autant qu’elle avait elle-même la qualité de travailleur handicapé et qu’elle avait déjà été victime le 21 mai 2004 d’un accident du travail provoqué par des lombalgies aiguës,

– le CASIC n’a mis en place aucune mesure de prévention, n’a dispensé aucune information sur les gestes et postures à adopter alors qu’elle continuait à être affectée à des travaux incompatibles avec les restrictions d’aptitude du médecin du travail formulées postérieurement au précédent accident du travail,

– à la suite de ce précédent accident du travail, elle n’a pas fait l’objet d’un suivi médical rigoureux, ne bénéficiant pas de la visite de reprise obligatoire suite à un accident du travail entraînant pourtant un arrêt de travail de plus de huit jours,

– au visa de l’article 3 de la directive n° 89/391/CEE du conseil du 12 juin 1989, et du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, l’employeur qui n’a pas évité des risques, évalué ce qui ne pouvait être évité, combattu les risques à la source, adapté le travail à l’homme, et pris toutes les mesures de prévention et de protection, commet une faute inexcusable,

– en l’espèce il n’y a jamais eu de formation à la prévention des risques liés à l’activité avant 2017, ni de guide des postures conseillées alors que l’aide à la toilette, à l’habillage et au déshabillage sont des tâches particulièrement physiques pour des personnes âgées dépendantes de même que l’entretien de leur cadre de vie,

– la formation dont elle a bénéficié n’a porté que la sensibilisation à l’hygiène et à la sécurité mais ne concernait pas les gestes et postures de travail.

Par conclusions visées et développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, le CASIC, modifiant oralement le dispositif de ses conclusions écrites, demande à la cour la confirmation du jugement et la condamnation de l’appelante à lui payer une somme de 2.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient en substance que :

– les fonctions d’aide à domicile ne s’apparentent ni à celles d’un agent d’entretien ni à celles d’un aide-soignant, mais portent sur l’entretien du cadre de vie, l’alimentation, le réconfort, la relation, l’aide à la toilette, l’aide pour habiller ou déshabiller une personne, à l’exclusion de toute autre intervention et notamment de port de charges lourdes ou de déplacement des personnes aidées,

– le jour des faits, Mme [V] intervenait au domicile d’un bénéficiaire, et non de son épouse handicapée, même si cette dernière se trouvait par ailleurs et de son côté bénéficiaire du service,

– l’action de tenter de relever l’épouse handicapée constitue un geste intempestif que Mme [V] n’avait pas à tenter, alors même que des instructions précises sont données en pareil cas, qui conduisent bien évidemment à appeler les secours professionnels,

– c’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que Mme [V] s’était placée en dehors de ses missions contractuelles.

Par conclusions transmises le 4 mai 2023 pour l’audience du 16 mai 23, la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes de Haute Provence (ci-après désignée CPAM ou la caisse), dispensée de comparaître, demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à justice sur l’existence ou non d’une faute inexcusable de l’employeur, et dans l’affirmative, de fixer le montant de la majoration de la rente ainsi que les préjudices, et de condamner le CASIC et/ou son assureur à lui rembourser les sommes qu’elle sera amenée à verser au titre des préjudices extrapatrimoniaux et de la majoration de rente.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En outre, si l’accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse d’assurance maladie, cette prise en charge ne s’oppose pas à ce que l’employeur conteste le caractère professionnel de l’accident dans le cadre de l’instance en reconnaissance de faute inexcusable.

Il appartient alors à celui qui invoque la faute inexcusable à l’origine de l’accident, de rapporter la preuve de la matérialité de l’accident et son caractère professionnel d’une part et de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de cet accident d’autre part.

En l’espèce, il résulte de la déclaration d’accident du travail formalisée le 4 janvier 2010 par la directrice du CASIC, qu’alors que Mme [V] se trouvait chez une bénéficiaire dans la salle de bains, la bénéficiaire est tombée, Mme [V] a voulu la relever et a ressenti une violente douleur au dos et s’est aussi appuyée avec la main droite quand la bénéficiaire a (‘).

Le siège des lésions est indiqué comme étant la région lombaire, le dos et le poignet droit, et leur nature comme suit : douleurs effort, lumbago, lumbago aigu et douleur poignet droit.

Néanmoins, les parties s’accordent à reconnaître que l’accident est intervenu alors que Mme [V] effectuait une prestation au domicile de M. [C], et que son épouse, par ailleurs elle-même bénéficiaire du service, mais non concernée ce jour-là par la prestation de l’aide à domicile, a chuté dans la salle de bains, Mme [V] se portant à son secours pour tenter de la relever, dans les circonstances ayant entraîné la lésion telles que rapportées sur la déclaration d’accident du travail.

La fiche de poste déterminant les tâches relevant de la fonction d’assistance des personnes à domicile exercée par Mme [V], détermine les activités relevant de sa responsabilité comme suit : entretien du cadre de vie, alimentation, réconfort, relations, aide à la toilette, aide pour habiller ou déshabiller une personne.

Il est par ailleurs précisé dans le contrat d’engagement entre le service et l’usager que les intervenants du CASIC apportent aux usagers leurs compétences dans les domaines suivants : entretien courant du logement, accompagnement à la personne : aide à la marche, à la préparation des repas, à la toilette lorsqu’elle est non prescrite par le médecin, aide aux démarches administratives, aux courses, aide aux déplacements extérieurs. Ce document précise que l’aide est apportée à un bénéficiaire précis, qui doit à chaque intervention porter sa signature sur la fiche de travail de l’intervenant, ce dernier ne devant pas apporter son concours en dehors de l’intervention stricte, étant précisé qu’il ést interdit aux aides à domicile d’intervenir à titre personnel chez des bénéficiaires dont ils ont eu connaissance pendant leur activité au CASIC.

Il est en outre précisé que l’intervenant assure l’entretien du logement mais ne doit pas faire de gros travaux, qu’il peut aider à la toilette ( monter dans la douche, laver le dos), qu’en outre il ne peut assurer les soins qui sont du ressort des soignants.

Il en résulte que les actions dont la réalisation est confiée à l’aide à domicile sont, contrairement à ce que soutient l’appelante, listées, très circonscrites et délimitées, et exclusives de tout effort physique important.

En conséquence, le fait de tenter de relever une personne handicapée tombée dans une salle de bains, qui de surcroît n’est pas le bénéficiaire de la prestation réalisée le jour des faits, constitue un acte ne relevant nullement des fonctions d’aide à domicile que Mme [V] devait réaliser ce jour-là.

En outre, l’employeur justifie avoir mis à disposition de ses salariés une ‘foire aux questions’ intitulée « que faire en cas de’ », qui récapitule un certain nombre de situations auxquelles l’aide à domicile peut se trouver confrontée dans son travail, en fournissant les réponses adaptées. De ce document, il résulte que dans le cas de figure où l’usager a eu un accident, et notamment une chute, il faut appeler les secours (18, 15,112) et informer le bureau (et non la famille, le service administratif devant s’en charger).

Ce document extrêmement explicite répond parfaitement à la situation rencontrée le jour de l’accident, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a considéré qu’en portant secours à l’épouse du bénéficiaire des services du CASIC, Mme [V] s’était placée en dehors des missions de son contrat de travail, en accomplissant un acte qui n’entrait pas dans le champ d’application de celui-ci.

Il en résulte que l’employeur, qui avait pris soin d’interdire ce genre d’intervention en prévoyant une procédure précise d’action en cas de survenance d’un problème de ce type, ne pouvait avoir conscience du danger auquel se trouvait exposée sa salariée, de sorte que la faute inexcusable de l’employeur n’est nullement démontrée par la salariée.

Il convient en outre de constater que contrairement à ce qu’allègue l’appelante, la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé, pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2019, est sans aucune incidence sur les circonstances de l’accident du travail du 4 janvier 2010 et sur la connaissance de l’employeur d’un état de fragilité supposée comme afférente à la reconnaissance d’un tel statut, puisque postérieure de plusieurs années à la date de l’accident du travail.

Cette dernière doit en conséquence être déboutée de ses demandes, et le jugement déféré, qui a statué en ce sens, confirmé.

Mme [V] qui échoue, supportera la charge des dépens, et verra sa demande présentée au titre des frais irrépétibles rejetée.

L’équité conduit à allouer au CASIC une somme de 500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 23 novembre 2021 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [V] aux dépens.

Condamne Mme [T] [V] à payer au CASIC service intercommunal d’aide à domicile de [Localité 3] une somme de 500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [T] [V] de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x