Tentative de conciliation : 27 février 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00542

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Tentative de conciliation : 27 février 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00542
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Arrêt n° 23/00068

27 Février 2023

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N° RG 21/00542 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FOFD

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

22 Janvier 2021

18/00610

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Février deux mille vingt trois

APPELANT :

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Société [8]

Ayant siège social

[Adresse 3]

[Localité 6]

prise en son établissement de [Localité 11] [Localité 16]

[Adresse 10]

[Localité 16]

Représentée par Me Christophe BIDAL, avocat au barreau de LYON

substitué par Me ANTONIAZZI, avocat au barreau de METZ

CAISSE PRIMAIRE D’ ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 2]

[Adresse 13]

[Localité 4]

représentée par Mme [D], munie d’un pouvoir général

Monsieur [R] [K]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 16]

dispensé de comparaître en application de l’article 446-1alinéa 2 du code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 19.01.2023

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 21 août 1959, Monsieur [R] [K] a travaillé pour le compte de la société [8], venant aux droits des sociétés [19], [15], [18], [12], [14] et [9], de 1977 à 2005.

Il a occupé successivement les emplois de :

– Ouvrier hautement qualifié du 1er décembre 1977 au 30 novembre 1978

– Ouvrier de fabrication du 1er juillet 1978 au 30 avril 1984

– Ouvrier hautement qualifié du 1er mai 1984 au 15 novembre 1987

– Ouvrier de fabrication du 16 novembre 1987 au 31 décembre 1988

– Chargeur Stockeur du 1er janvier 1989 au 31 janvier 1992

– Conducteur 2 du 1er février 1992 au 30 septembre 1994

– Conducteur polyvalent du ler novembre 1997 au 30 septembre 2005

– Technicien chimiste depuis le 1er octobre 2005.

Par formulaire du 15 mars 2016, accompagné d’un certificat médical du Docteur [N] en date du 9 février 2016, Monsieur [K] a formulé auprès de la CPAM de Moselle une demande de reconnaissance de l’affection dont il souffre au titre du tableau n°30A des maladies professionnelles (fibrose pulmonaire).

La caisse a diligenté une instruction auprès de l’assuré et de son employeur.

Par courrier du 20 juin 2016, la société [8] a émis des réserves quant au caractère professionnel de la maladie de Monsieur [K] et à son exposition à l’amiante.

Les délais d’instruction ont été prolongés le 20 juin 2016.

Le 22 août 2016, la caisse a informé Monsieur [K] de la prise en charge de l’affection dont il souffre au titre du tableau n°30 A des maladies professionnelles.

Par décision du 30 septembre 2016, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente de Monsieur [K] à 5% au 10 février 2016 (date de consolidation), et lui a attribué une indemnité en capital d’un montant de 1.950,38 euros.

Selon quittances subrogatives des 25 novembre 2016 et 28 février 2017, Monsieur [K] a accepté l’offre du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) d’indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle n°30 A à hauteur de 20.900 euros, se décomposant comme suit :

o Préjudice moral 17.700 euros

o Souffrances physiques 500 euros

o Préjudice d’agrément 2.700 euros

outre la somme de 83,90 euros complétée par une rente annuelle de 998 euros au 1er janvier 2017.

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la caisse, Monsieur [K] a, selon requête expédiée le 12 avril 2018, saisi le Tribunal des affaires de Sécurité sociale de la Moselle afin de voir reconnaître la faute inexcusable de ses employeurs, la société [17] et la société [8], dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.

La CPAM de Moselle et le FIVA ont été mis en cause.

Par jugement du 22 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

– déclaré Monsieur [R] [K] recevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

– déclaré le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits de Monsieur [R] [K], recevable en ses demandes ;

– déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle ;

– mis hors de cause la société [17] ;

– déclaré le présent jugement commun à la société [8] ;

– dit que la maladie professionnelle de Monsieur [R] [K], inscrite au tableau 30A, est due à la faute inexcusable de la société [8] ;

– ordonné la majoration à son maximum du capital alloué à Monsieur [R] [K] soit 1.950,38 euros ;

– dit que cette majoration sera versée par la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle au Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante ;

– dit que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [R] [K] en cas d’aggravation de son état de santé ;

– dit qu’en cas de décès de Monsieur [R] [K] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

– débouté le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante de ses demandes d’indemnisation au titre des souffrances morales et physiques et au titre du préjudice d’agrément de Monsieur [R] [K];

– rappelé que la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle est fondée à exercer son action récursoire contre la société [8] ;

– condamné la société [8] à rembourser à la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle les sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue d’avancer au titre de la majoration de l’indemnité en capital sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-2 du Code de la Sécurité sociale ;

– condamner la société [8] à verser à Monsieur [R] [K] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné la société [8] à verser au Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– condamné la société [8] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Par courrier remis au greffe de la cour le 2 mars 2021, le FIVA a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 5 février 2021.

Par conclusions du 4 novembre 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

– réformer le jugement seulement en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre des souffrances morales et physiques et au titre du préjudice d’agrément de Monsieur [R] [K],

Et, statuant à nouveau,

– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [K], comme suit :

Préjudice moral 17 700.00 €

Souffrances physiques. 500.00 €

Préjudice d’agrément 2 700.00 €

TOTAL 20 900.00 €

– dire que la CPAM de [Localité 4] devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,

– condamner la société [8] à payer au FIVA une somme de 2 000.00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.

Par conclusions du 16 novembre 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, la société [8] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante de ses demander d’indemnisation au titre des souffrances morales et physiques et au titre du préjudice d’agrément de Monsieur [R] [K], ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé :

  *déclare Monsieur [R] [K] recevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

* déclare le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [R] [K],, recevable en ses demandes ;

* déclare le présent jugement commun à la Caisse Primaire d’assurance maladie de Moselle;

* déclare le présent jugement commun à la société [8] ;

* dit que la maladie professionnelle de Monsieur [R] [K], inscrite au tableau 30A est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [8], anciennement dénommée [18], [15] et [14] ;

* ordonne la majoration à son maximum du capital alloué à Monsieur [R] [K], soit 1 950,35 euros ;

* dit que cette majoration sera versée par la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle au FIVA ;

* dit que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [R] [K], en cas d’aggravation de son état de santé;

* dit qu’en cas de décès de Monsieur [R] [K], résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

* rappelle que la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle est fondée à exercer son action récursoire contre la société [8] ;

* condamne la société [8] à rembourser à la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle les sommes, en principal sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale ;

* condamne la société [8] à verser à Monsieur [R] [K] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

* condamne la société [8] à verser au FIVA la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Statuant à nouveau sur ces points :

Au principal,

– débouter Monsieur [K] et le FIVA de leur demande en reconnaissance de faute inexcusable et des demandes indemnitaires qui en découlent,

– débouter Monsieur [K] et le FIVA de leurs autres demandes,

– Les condamner aux entiers dépens,

Subsidiairement,

– débouter le FIVA de ses demandes indemnitaires faute de justifier des préjudices allégués,

– débouter Monsieur [K] et le FIVA de leurs autres demandes,

– condamner les demandeurs aux entiers dépens.

Par conclusions du 4 mai 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :

– donner acte à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle qu’elle s’en remet la sagesse de la Cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société [8] ;

Le cas échéant :

– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par le FIVA et Monsieur [K] [R].

– En tout état de cause, fixer la majoration d’indemnité en capital dans la limite de 1.950,38 euros.

– prendre acte que la Caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [K] [R].

– constater que la Caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès [K] [R] consécutivement à sa maladie professionnelle.

– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [K] [R].

– Le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30A de Monsieur [K] [R].

– condamner la Société [8], dont la faute inexcusable aura préalablement été reconnue, au reversement des sommes (en principal et intérêts) qu’elle sera amenée à verser à Monsieur [K] [R] et au FIVA au titre de la majoration de l’indemnité en capital, et au FIVA au titre des préjudices extrapatrimoniaux.

Monsieur [K], régulièrement cité à l’audience du 16 mai 2022 a comparu à cette date et demandé la confirmation du jugement entrepris.

L’affaire qui n’était pas prête à être jugée a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 21 novembre 2022.

Par courrier du 7 novembre 2022, M. [K], dispensé de comparaître, a indiqué qu’il se portait au soutien des demandes formulées par le FIVA et sollicitait la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

A titre préliminaire, il sera relevé que la disposition du jugement entrepris qui a mis hors de cause la société [17] n’est pas contestée, si bien qu’elle ne sera pas étudiée par la cour.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

La société [8] ne conteste pas qu’aient été utilisés sur le site de [Localité 11], pour l’essentiel au sein de l’atelier dit Ammoniaque, ou centrale gaz, des matériaux d’isolation et d’équipements de protection contenant de l’amiante, à l’époque où son utilisation n’était pas interdite. Elle fait valoir que pour autant, de par ses fonctions, l’exposition au risque de Monsieur [K], à la supposer établie, n’a pu être que ponctuelle et indirecte. Elle souligne que le développement d’une maladie professionnelle ne peut en soi, caractériser dans ce contexte, une faute, a fortiori inexcusable, et que tant la médecine du travail que l’inspection du travail n’ont jamais alerté sur les risques professionnels lié aux poussières d’amiante. Elle précise qu’elle ne pouvait avoir conscience d’un risque pris par ses salariés, dès lors que la dangerosité de l’amiante n’a été notoirement établie qu’à la fin du 20ème siècle. Elle critique enfin l’imprécision et la stéréotypie des attestations produites par Monsieur [K] lequel n’établit aucunement l’existence d’une faute inexcusable.

Le FIVA fait valoir que l’employeur avait une conscience du danger particulièrement concrète, compte tenu de la réglementation alors applicable, des connaissances scientifiques de l’époque, mais également de l’importance, de l’organisation et de la nature de l’activité de l’employeur et des moyens importants dont il disposait. Il fait valoir que, malgré cette conscience du danger, l’employeur s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé de ses salariés et de Monsieur [K], ce qu’il démontre par la production de témoignages de collègues de travail de l’intéressé.

La CPAM de Moselle s’en remet à l’appréciation de la cour.

***************************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise.

Les articles L.4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur. Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime.

S’agissant de l’exposition au risque, la société [8] reconnaît à minima une exposition ponctuelle de Monsieur [K] au risque amiante, d’abord suite à son embauche, en 1977, par la société [12] de [Localité 16] en qualité de grenailleur de brai, fonctions dans lesquelles il a pu être amené à gratter ou découper des joints composés d’amiante et à se retrouver à proximité de fours contenant de l’amiante, puis, au sein de la même société, suite à son emploi, entre 1982 et 1985, comme opérateur extérieur sur l’atelier Styrène où il a pu se retrouver à devoir se déplacer à proximité de zone de travaux de maintenance sur des équipements calorifugés avec de l’amiante. La société [8] reconnaît également une exposition indirecte et ponctuelle de Monsieur [K] lors de son emploi, entre 1992 et 1994, comme opérateur distillation phénol, fonctions qui l’ont amené à intervenir à proximité d’ouvrages contenant de l’amiante. Enfin, la société reconnaît également une exposition indirecte et de courte durée, en 1997, lors de l’affectation de Monsieur [K] à la plateforme de [Localité 11] où il a été affecté comme conducteur extérieur à l’atelier Régénération acide sulfurique et où il a pu passer à proximité de zones de travaux avec utilisation d’amiante (remplacement de joints, de tresses d’isolation) (cf rapport employeur- pièce n°4 de la société [8]).

Il convient de rappeler que l’asbestose est une maladie caractéristique de l’inhalation de poussières d’amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30A des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d’entraîner les affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante.

Or, tel était bien le cas de Monsieur [K] ainsi qu’en attestent ses anciens collègues en la personne de Messieurs [H] [F], [W] [I], et [V] [E] (pièces 10 à 12 du FIVA) qui indiquent que Monsieur [K], au cours de ses différentes affectations au sein de la société [8], a bien été exposé aux poussières d’amiante, soit du fait de la proximité avec des produits amiantés (tresses, joints, bourrelets d’étanchéité, plaques en amiante) ou du fait de leur utilisation directe, soit du fait de la présence de machines et treuils équipés de frein en amiante, soit du fait du nettoyage et de l’entretien d’équipements contenant de l’amiante.

Par ailleurs, si les attestations produites comportent des termes similaires entre elles et avec d’autres attestations produites dans des instances similaires, il n’y a néanmoins pas lieu de les écarter de ce seul fait. Si les témoins, ont, compte tenu de la similitude de leurs écrits, reçu une aide pour rédiger de manière efficiente les faits vécus qu’ils souhaitaient rapporter dans plusieurs procédures, cette aide à la rédaction ne remet pas en cause l’authenticité des témoignages personnels que chaque salarié a souhaité apporter. De plus, les attestations fournies comportent des passages qui leur sont propres et qui apparaissent suffisamment précis et circonstanciés.

S’agissant de la conscience du danger, qu’avait ou aurait dû avoir la société [8], la reconnaissance des dangers liés à l’amiante a été admise pour la première fois dès 1945, par la création du tableau n° 25 des maladies professionnelles, suivi par la création du tableau n° 30 en 1951. Par la suite, de nombreuses études scientifiques ont alerté des dangers liés à l’inhalation des poussières d’amiante. Le décret du 17 août 1977 est venu fixer des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans l’atmosphère inhalées par un salarié pendant sa journée de travail.

Or, compte tenu de son importance et de son organisation, de la nature de son activité, des moyens dont elle disposait pour s’informer et des travaux auxquels était affecté son salarié, la société [8], qui avait une parfaite conscience de l’existence de nombreux matériels contenant de l’amiante au sein de son entreprise, ne pouvait pas ignorer les dangers liés à l’inhalation de poussières d’amiante.

Il sera également rappelé que les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.

En ce qui concerne les mesures prises par l’employeur pour protéger la santé de son salarié, les témoignages précités de Messieurs [H] [F], [W] [I], et [V] [E] confirment l’absence de protections individuelles respiratoires efficaces, ainsi que l’absence de mise en garde par leur employeur quant aux dangers liés aux poussières d’amiante.

Ainsi, force est de constater que l’employeur n’a pas mis en place des moyens de protection appropriés et suffisants pour permettre à Monsieur [K] de se prémunir contre les risques que ses activités professionnelles faisaient courir sur sa santé.

La faute inexcusable de la société [8] dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [K] est ainsi caractérisée.

Le jugement entrepris est donc confirmé sur ce point.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la majoration de l’indemnité en capital

Aucune discussion n’existe à hauteur de cour, ni concernant la majoration au maximum de l’indemnité en capital revenant à la victime, conformément à l’alinéa 2 de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, ni concernant le fait que cette majoration sera versée par la caisse au FIVA, qu’elle suivra l’évolution du taux d’IPP en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur les préjudices personnels de Monsieur [K]

Sur les souffrances morales et physiques

Le FIVA qui a indemnisé la victime demande de voir fixer les préjudices personnels de Monsieur [K] à la somme de 17 700 euros au titre du préjudice moral et 500 euros au titre des souffrances physiques.

Il fait valoir que Monsieur [K] souffre de dyspnée d’effort, d’une baisse de la capacité pulmonaire et d’une gêne respiratoire, et souligne que ce poste de préjudice échappe à toute idée de consolidation, s’agissant d’une pathologie évolutive. Il ajoute que le préjudice moral est caractérisée par l’inquiétude de voir la maladie évoluer et précise qu’il n’est pas démontré que les souffrances physiques et morales de Monsieur [K] imputables à sa maladie professionnelle sont déjà indemnisées par l’indemnité en capital ou la rente dans le cadre du déficit fonctionnel permanent.

La société [8] soutient que l’intégralité de l’indemnité en capital allouée indemnise les souffrances physiques et morales de Monsieur [K], lequel ne rapporte pas la preuve de préjudices extrapatrimoniaux non indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent.

La CPAM de Moselle s’en remet à l’appréciation de la cour.

*********************

L’article L.452-3 du code de la sécurité sociale prévoit la réparation des souffrances physiques et morales indépendamment de la majoration de rente.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et qu’en conséquence, les souffrances physiques et morales peuvent être indemnisées. (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947).

En l’espèce, la victime, en application de l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vue attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales endurées.

Dès lors, le FIVA, qui justifie avoir indemnisé Monsieur [K] (ses pièces n°8), est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales subies par l’intéressé sous réserve qu’elles soient caractérisées.

S’agissant des souffrances physiques subies, Monsieur [K] se plaint de dyspnée d’effort et d’une gêne respiratoire au coucher. Ces symptômes dont l’existence n’apparaît pas contestée, sont compatibles avec les constatations du médecin conseil de la caisse qui, dans la discussion médicale instaurée lors de l’établissement du rapport d’évaluation du taux d’IPP en AT/MP, le 16 septembre 2016, relève une baisse de la capacité pulmonaire totale . Les souffrances physiques en résultant seront indemnisées par la somme de 500 euros de dommages-intérêts réclamée.

S’agissant du préjudice moral, Monsieur [K] était âgé de 56 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint d’une asbestose. L’anxiété nécessairement liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l’allocation d’une somme de 16 000 euros de dommages-intérêts, eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de Monsieur [K] au moment de son diagnostic.

Sur l’indemnisation du préjudice d’agrément

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par Monsieur [K] d’une activité spécifique sportive ou de loisir avant sa maladie professionnelle, quelle qu’elle soit, se distinguant de celles de la vie courante.

La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.

C’est donc en définitive la somme de 16 500 euros que la caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [K].

SUR L’ACTION RÉCURSOIRE DE LA CAISSE

Aucune discussion n’ayant lieu à hauteur de cour concernant l’action récursoire de la Caisse, aussi y a-t-il lieu de confirmer la disposition du jugement entrepris la concernant qui a porté sur la majoration de l’indemnité en capital et, y ajoutant, de dire que l’action récursoire de la caisse portera également sur la somme avancée par la caisse au FIVA au titre de la réparation des souffrances physiques et morales subies par Monsieur [K], en exécution du présent arrêt.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L’équité ne commande pas d’allouer à Monsieur [K] une indemnité au titre l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel, celui-ci ne justifiant pas avoir exposé des frais pour se défendre.L’issue du litige conduit,en outre,la cour à condamner la société [8] à payer au FIVA la somme de 800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel. Les frais irrépétibles de première instance sont par ailleurs confirmés.

La société [8], partie succombante, est condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 22 janvier 2021 en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes présentées au titre des souffrances physiques et morales subies par Monsieur [R] [K].

Statuant à nouveau à ce titre,

FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur [R] [K] à la somme de 16 000 euros et celle réparant son préjudice physique à 500 euros, soit 16 500 euros au total.

DIT que la CPAM de Moselle devra avancer ces sommes au FIVA, créancier subrogé.

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [8] à rembourser à la CPAM de Moselle, les sommes que ladite caisse aura avancées au FIVA en réparation des souffrances physiques et morales de Monsieur [K], en application de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

CONDAMNE la société [8] à payer au FIVA la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE Monsieur [R] [K] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société [8] aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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