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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023
N° RG 20/03567 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LWTI
S.A. FINANCO
c/
[U] [B] épouse [M]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 27 avril 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 septembre 2020 par le Tribunal de proximité d’ARCACHON ( RG : 11-20-39) suivant déclaration d’appel du 01 octobre 2020
APPELANTE :
S.A. FINANCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]
Représentée par Me Cécile BOULE, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ E :
[U] [B] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Non représentée, assignée selon un procès verbal en recherches infructueuses
( article 659 du code de procédure civile)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux
ARRÊT :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant offre préalable émise le 21 décembre 2016 acceptée le même jour, la SA Financo a consenti à Mme [U] [B] épouse [M] un contrat de location avec option d’achat d’un véhicule automobile Mini Cabriolet Cooper D 116 CH F payable en 71 mensualités de loyers d’un montant de 440,64 euros chacune, pour un montant total de 31.285,44 euros.
Suite à des impayés, le véhicule a été restitué et vendu aux enchères le 24 janvier 2019 au prix de 11.250 euros TTC.
Par courrier recommandé daté du 1er février 2019, la société Financo a indiqué à Mme [M] que suite à cette vente, il lui restait à devoir la somme de 14 024,57 euros.
Par suite, Mme [M] a été destinataire le 3 septembre 2019 d’une mise en demeure, faisant état d’une déchéance du terme acquise à compter du 17 décembre 2018, pli avisé mais non réclamé.
En l’absence de réponse de Mme [M] et d’acceptation d’une tentative de conciliation, la société Financo a, par exploit d’huissier du 21 janvier 2020, assigné Mme [M] devant le tribunal de proximité d’Arcachon aux fins de la voir condamner au paiement de la somme principale de 14 094,32 euros.
Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal de proximité d’Arcachon a :
– déclaré la société Financo irrecevable en ses demandes,
– débouté la société Financo de l’ensemble de ses demandes non fondées,
– débouté la société Financo de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné la société Financo aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif.
La société Financo a relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er octobre 2020.
Par conclusions déposées le 15 décembre 2020, la société Financo demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Par conséquent, statuer à nouveau,
A titre principal
– juger que la déchéance du terme a été valablement prononcée,
– juger que la société Financo justifie de la réalité de sa créance,
– condamner Mme [M] à payer sans délai à la société Financo la somme principale de 14 094,32 euros majorée des intérêts au taux contractuel depuis l’arrêté de compte du 31 juillet 2019,
A titre subsidiaire
Si la cour devait considérer que la concluante ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme,
– constater que Mme [M] a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles en cessant d’honorer les échéances du prêt,
En conséquence,
– prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt,
– condamner Mme [M] à payer sans délai à la société Financo la somme principale de 14 094,32 euros majorée des intérêts au taux contractuel depuis l’arrêté de compte du 31 juillet 2019,
A titre infiniment subsidiaire
Si le tribunal devait considérer que la concluante ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme et ne prononçait pas la résolution judiciaire,
– condamner Mme [M] au paiement des loyers échus impayés d’un montant de 3 181,18 euros outre les intérêts de retard courant jusqu’à la date du règlement effectif, à un taux égal à celui du contrat de location avec option d’achat,
– constater que Mme [M] devra reprendre les paiements des loyers futurs,
En tout état de cause
– condamner Mme [M] au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner Mme [M] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [M] aux entiers dépens.
A cet effet, elle fait valoir notamment :
– que l’instance a été introduite avant l’expiration d’un délai de 2 ans après le premier incident de paiement,
– qu’elle justifie de la vente aux enchères du véhicule et du prix retiré (pièce n° 9),
– que la déchéance du terme a été valablement prononcée à la suite de la défaillance de Mme [M], conformément aux stipulations contractuelles, la mise en demeure n’ayant eu pour but que d’informer celle-ci de l’exigibilité des sommes restant dues,
– que l’inexécution de Mme [M] constitue un manquement grave pouvant justifier la résolution du contrat, l’assignation valant mise en demeure,
– que la résistance de Mme [M], tant dans l’exécution de ses obligations que dans la défaillance dans la procédure engagée, justifie l’octroi de dommages et intérêts.
Mme [M] n’a pas constitué avocat. Il lui a été donné assignation par acte du 20 novembre 2020, suivant procès-verbal de recherches infructueuses dressé en application de l’article 659 du code de procédure civile. Par suite, elle s’est vu signifier copie de la déclaration d’appel, des conclusions d’appelant et des pièces selon acte d’huissier du 7 janvier 2021 établi conformément à l’article 656 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à l’audience du 9 mars 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé, d’une part, que l’intimée n’ayant pas été citée à personne, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l’article 474, alinéa 2 du code de procédure civile, que la cour, ainsi appelée à statuer sur le fond malgré la défaillance de l’intimée, ne peut faire droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés, en application de l’article 472 du code de procédure civile, et que, dans ces conditions, en vertu de l’article 954, alinéa 6 du même code, l’intimée étant réputée s’approprier les motifs du jugement déféré, la cour examinera la pertinence de ces derniers au vu des prétentions et des moyens d’appel.
Il est précisé, d’autre part, que l’article L. 312-2 du code de la consommation assimile la location avec option d’achat à une opération de crédit et qu’elle la soumet donc, en tant que de raison, aux règles prévues pour les crédits à la consommation.
Sur la recevabilité de la demande en paiement
La SA Financo relève une contradiction dans le jugement attaqué qui, tout en constatant dans ses motifs que la forclusion n’est pas acquise, déclare son action irrecevable dans son dispositif.
Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, l’action en paiement doit être engagée dans les deux ans du premier loyer impayé non régularisé.
En l’espèce, il est produit un historique financier (pièce n° 6) dont il ressort que la première échéance non régularisée date du 5 mai 2018. L’assignation devant le tribunal datant du 21 janvier 2020, l’action en paiement engagée contre Mme [M] n’est donc pas forclose.
Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a, dans son dispositif, déclaré la société Financo irrecevable en ses demandes.
Sur la déchéance du terme
En vertu de l’article L. 312-40 du code de la consommation, en cas de défaillance dans l’exécution par l’emprunteur d’un contrat de location assorti d’une promesse de vente ou d’un contrat de location-vente, le prêteur est en droit d’exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article 1225 du code civil précise, pour le cas où la résiliation résulte de l’application d’une clause résolutoire, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. En outre, la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Sur ce point, il est de jurisprudence constante que si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass. Civ. 1ère, 25 mai 2022, n° 20-20.513).
En l’espèce, il est produit un courrier recommandé (pièce n° 3), daté du 3 septembre 2019, par lequel la SA Financo met en demeure Mme [M] de régler notamment le capital restant dû, au regard d’une déchéance du terme acquise à compter du 17 décembre 2018. Or, cette mise en demeure ne mentionne pas la clause résolutoire. De plus, elle postule comme acquise la déchéance du terme presqu’un an auparavant, alors qu’il n’est pas fait état d’une mise en demeure préalable qui aurait mis Mme [M] en mesure de régulariser sa situation et d’échapper à la déchéance du terme. Or, si le contrat de bail (pièce n°1) comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de défaillance du locataire, la location peut être résiliée de plein droit ‘sans formalité’, cette clause ne fait pas référence à l’acte extrajudiciaire spécifique que constitue la mise en demeure et ne peut donc être interprétée comme dispensant de manière expresse et non équivoque le bailleur de son obligation de mettre en demeure son client de régler les loyers impayés. Les conditions ne sont donc pas réunies pour considérer que la déchéance du terme est acquise au créancier.
Pour ces motifs, substitués à ceux du premier juge, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la SA Financo de sa demande de condamnation fondée sur le constat de la déchéance du terme au 17 décembre 2018.
Sur la résiliation judiciaire du contrat
Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Dans le cas d’une résolution judiciaire, il résulte des articles 1228 et 1229 de même code que le juge peut prononcer la résolution du contrat à la date qu’il fixe ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice. Dans ce cas, les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil.
Il convient de relever, en l’espèce, que les loyers ne sont plus versés depuis le mois de mai 2018, ce qui constitue une inexécution suffisamment grave justifiant de prononcer la résiliation du contrat à la date de l’assignation.
Le jugement sera donc réformé en ce qu’il a débouté la banque de sa demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat et, statuant de nouveau, la cour prononcera celle-ci à la date du 21 janvier 2020, date de l’assignation.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article L. 312-12 du code de la consommation préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Si, en l’occurrence, Mme [M] a reconnu, en signant le contrat, ‘avoir reçu préalablement à l’émission de la présente offre, une fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées’, cette clause type ne constitue qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents (CJUE, 18 déc. 2014, affaire C 449/13, CA Consumer Finance SA). Or, pour justifier de l’exécution de son obligation, la SA Financo verse à son dossier un exemplaire bailleur de ladite fiche, non paraphé et non daté. C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que ce faisant il ne démontre pas avoir remis la fiche à Mme [M] en temps utiles.
Par conséquent, et sans qu’il y ait lieu d’examiner la pertinence des autres motifs de sanction relevés par le premier juge, il convient de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts du créancier, en application de l’article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige.
Sur la créance de la SA Financo
Selon l’article L. 341-8 du code de la consommation lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Au regard de la déchéance du droit aux intérêts, il y a lieu de condamner Mme [M] à payer à la SA Financo la somme 13 912, 23 euros correspondant au prix d’achat comptant du véhicule (33 080 euros) après déduction de l’ensemble des règlements effectués depuis l’origine (7917, 77 euros) et du prix de vente du véhicule (11 250 euros), augmenté des intérêts au taux légal, à compter du 21 janvier 2020, date de l’assignation.
Néanmoins, afin que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts soient significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté la réglementation, il convient d’écarter l’application de la majoration prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur les autres demandes
La SA Financo ne rapportant pas la preuve d’un préjudice autonome, causé par les manquements de Mme [M], elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Toutefois, Mme [M] qui succombe sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile, sans qu’il y ait lieu, au vu des circonstances de l’espèce et de la situation respective des parties, d’indemniser la SA Financo de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Arcachon le 11 septembre 2020,
Statuant de nouveau,
Déclare la SA Financo recevable en ses demandes,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat liant les parties à la date du 21 janvier 2020,
Dit que la SA Financo est déchue de son droit aux intérêts,
Condamne Mme [U] [M] née [B] à payer la somme de 13.912, 23 euros à la société Financo, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 21 janvier 2020, et dispensés de majoration,
Déboute la SA Financo de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute la SA Financo de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [M] née [B] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,