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MHD/LD
ARRET N° 542
N° RG 22/02289
N° Portalis DBV5-V-B7G-GUDH
S.A.S. [11]
C/
[J]
CPAM DES DEUX-SEVRES
S.A. [8]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juin 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande Instance de NIORT
APPELANTE :
S.A.S. [11]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 6]
Représentée par Me Pierre LEMAIRE, substitué par Me Elise GALLET, tous deux de la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS
INTIMÉS :
Monsieur [F] [J]
né le 15 Août 1953 à [Localité 13] (18)
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Monsieur [S] [I], secrétaire général de la FNATH des Deux-Sèvres, muni d’un pouvoir
CPAM DES DEUX-SEVRES
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représentée par Mme [A] [C], munie d’un pouvoir
S.A. [8]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 2]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier LAGRENADE de l’AARPI D’HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 22 décembre 2010, M. [F] [J], conducteur d’engins salarié de la SAS [11], a déclaré à la CPAM des Deux-Sèvres souffrir d’un empoussiérage pulmonaire et a joint à sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle, un certificat médical initial daté du 22 décembre 2020 mentionnant une ‘gêne respiratoire dyspnée d’efforts et de repos intermittent’.
L’état de santé de M. [J] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la CPAM des Deux-Sèvres le 7 août 2011.
Le 12 août 2011, la CPAM des Deux-Sèvres a décidé – après avoir diligenté une enquête administrative – de prendre en charge la maladie de M. [J] inscrite au tableau n° 25 A des maladies professionnelles relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice, des silicates, du graphite, de la houille.
Par jugement du 10 avril 2013, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Poitiers, ‘ saisi d’un recours formé par M. [J] contre la décision prise par la CPAM des Deux-Sèvres le 29 septembre 2011 de lui attribuer une indemnité en capital correspondant à un taux d’incapacité permanente partielle de 5 %. ‘ a fixé à 10 % ledit taux.
A la suite de l’échec de la tentative de conciliation intervenant au titre de la demande de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur, M. [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Niort, par lettre recommandée avec avis de réception du 18 juin 2014, afin de voir reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de son employeur et d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
Par courrier du 8 juillet 2015, il a saisi la CPAM des Deux-Sèvres d’une demande de réévaluation de son taux d’IPP compte tenu de l’aggravation de son état de santé constatée par certificat médical du 30 mai 2015.
Par jugement du 4 juillet 2018, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Poitiers ‘ saisi d’un recours formé par M. [J] contre le refus que lui avait opposé la CPAM à la demande de révision de son taux d’IPP qu’il avait sollicitée par courrier du 8 juillet 2015 en raison de l’aggravation de son état
de santé constatée par certificat médical du 30 mai 2015 ‘ a fixé au 30 mai 2015 à 75 % son taux d’IPP.
Par jugement du 3 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Niort a :
– déclaré l’action de M. [J] recevable,
– prononcé la mise hors de cause de la société [8],
– dit que l’accident du travail subi par M. [J] est dû à la faute inexcusable de son employeur la société [11],
– déclaré la société [11] responsable des conséquences financières,
– fixé au taux maximum la majoration de la rente servie à M. [J] en considération d’un taux d’IPP de 75 %,
– dit que la majoration de la rente sera versée directement à M. [J] par la CPAM des Deux-Sèvres,
– dit que cette majoration devra suivre l’évolution éventuelle du taux d’IPP de M. [J] résultant de l’aggravation de son état de santé,
– ordonné une expertise et désigné pour y procéder le Dr [T] avec pour mission d’évaluer les préjudices de M. [J], en ce non compris le déficit fonctionnel permanent,
– alloué à M. [J] une provision d’un montant de 2.000 euros,
– dit que les sommes allouées à M. [J] porteront intérêts au taux légal à compter de la décision les prononçant,
– condamné la société [11] à rembourser à la CPAM des Deux-Sèvres la majoration de la rente dans la limite du taux initial fixé à 5 %, ainsi que l’indemnisation des préjudices personnels versées à M. [J],
– réservé les demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
La société [11] a interjeté appel du jugement le 5 juillet 2019 par lettre recommandée avec avis de réception, enregistré sous le numéro RG 19/02446.
Le Dr [T] a déposé son rapport le 29 août 2019 au greffe du pôle social du tribunal de grande instance de Niort.
Après plusieurs renvois, l’affaire a fait l’objet d’une radiation prononcée par arrêt du 7 juillet 2022 afin de sanctionner l’absence de diligences par les parties.
Par courrier daté du 9 septembre 2022 reçu le 12 septembre suivant, M. [J], représenté par la FNATH a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle. Le dossier a été ainsi réinscrit sous le numéro RG 22/02289.
Par arrêt rendu le 23 mars 2023, la chambre sociale de la Cour d’appel de Poitiers a :
– confirmé le jugement rendu le 3 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Niort en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de la société [8] aux droits de laquelle vient la société [8],
– ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire et les parties à l’audience du mardi 12 septembre 2023 à 14h,
– invité les parties et notamment M. [F] [J] et la CPAM des Deux-Sèvres à présenter leurs observations sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par le salarié en commençant par préciser de quelle maladie professionnelle M. [F] [J] est affecté,
– invité les parties à présenter leurs observations sur la rectification de l’erreur matérielle affectant le jugement attaqué en ce qu’il est mentionné à plusieurs reprises ‘M. [X] [J]’ au lieu de ‘M. [F] [J]’.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 8 septembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société [11] demande à la Cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– juger que la maladie de M. [J] n’a aucune origine professionnelle,
– débouter M. [J] de toutes ses demandes,
– en toutes hypothèses, restreindre le champ de l’expertise médicale aux seuls chefs susceptibles d’être indemnisés, conformément à la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et à la jurisprudence rendue au visa de cette décision,
– condamner M. [J] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par conclusions du 29 juin 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [J] demande à la Cour de :
– dire et juger que la maladie professionnelle du 22 décembre 2010 dont il est atteint doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle,
– confirmer le jugement entrepris,
– dire et juger que la maladie professionnelle du 22 décembre 2010 dont il est atteint est due à une faute inexcusable de son employeur,
– fixer au maximum la rente versée par la CPAM des Deux-Sèvres en application de l’article L.452-2 du CSS,
– dire que la majoration de la rente devra suivre l’aggravation du taux d’incapacité permanente partielle dans les mêmes proportions et que les préjudices personnels seront réévalués en cas de rechute ou d’aggravation des séquelles,
– ordonner une expertise médicale et dire que les frais seront à la charge de la caisse,
– ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt rendu,
– lui accorder une provision de 3.000 euros,
– dire et juger que les intérêts au taux légal courent à compter de la demande en faute inexcusable,
– condamner l’employeur à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIF DE LA DECISION
En liminaire, il convient de relever que le jugement attaqué est affecté d’une erreur matérielle relative au prénom de M. [J] qui se prénomme ‘[F]’ et non ‘[X]’.
Il en résulte donc que les pages 2 et 3 de la décision critiquée doivent être rectifiées comme il sera dit au dispositif.
I – Sur la maladie professionnelle :
Il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l’employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié (civ.2e 4 avril 2013 pourvoi n°12-13.600 Bull II n° 69).
De ce fait, l’employeur reste fondé à contester, pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (civ.2e 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015, II, n° 247 ; civ.2e., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25.843).
Aussi, en l’espèce, la contestation de la prise en charge par la CPAM de la maladie professionnelle présentée par M. [J] est recevable.
***
Aux termes de l’article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées au tableau.
Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l’organisme social et désignée par le tableau numéro 25 A relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice, des silicates, du graphite, de la houille consiste en une «pneumoconiose» dont :
– le délai de prise en charge est de 35 ans sous réserve d’une durée minimale d’exposition de 5 ans,
– les travaux susceptibles de la provoquer sont les suivants : Travaux exposant à l’inhalation des poussières renfermant de la silice cristalline, notamment :
‘Travaux dans les chantiers et installations de forage, d’abattage, d’extraction et de transport de minerais ou de roches renfermant de la silice cristalline ;Travaux en chantiers de creusement de galeries et fonçage de puits ou de bures dans les mines ; Concassage, broyage, tamisage et manipulation effectués à sec, de minerais ou de roches renfermant de la silice cristalline ;
Taille et polissage de roches renfermant de la silice cristalline ; Fabrication et manutention de produits abrasifs, de poudres à nettoyer ou autres produits renfermant de la silice cristalline ;..’
En l’espèce, il n’est pas contesté sérieusement :
– que la pathologie de M. [J] a été constatée en avril 2009 alors que celui- ci était salarié de l’entreprise depuis plus de 5 ans pour y avoir été embauché :
° par contrat de travail à durée indéterminée : de 1980 à 1988,
° par contrats de travail à durée déterminée successifs : de 1993 à 1997,
° par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 janvier 1998.
et qu’il était encore en activité au moment de la constatation de la maladie déclarée,
– que le salarié, – conducteur d’engins dans une entreprise exploitant à titre principal une activité d’extraction de substances minérales et à titre secondaire une activité de transport, – a accompli des travaux l’exposant aux poussières minérales et notamment la poussière de silice en pilotant des pelles permettant de charger des matières exploitées dans la carrière, en utilisant d’abord des engins laissant leur conducteur à l’air libre puis des engins dotés d’une cabine fermée.
Il en résulte donc que les conditions médicales et administratives du tableau sont réunies.
De ce fait, la présomption d’imputabilité de la maladie au travail est établie.
L’employeur ne rapporte aucun élément permettant de la renverser.
Il se borne à affirmer que M. [J] ne démontre pas que sa pathologie a une origine professionnelle alors qu’il lui appartient à lui, employeur, désormais de renverser la présomption d’imputabilité.
En conséquence, à défaut de tout élément contraire, il convient de le débouter de toutes ses prétentions formées de ce chef.
II – SUR LA FAUTE INEXCUSABLE :
En matière de sécurité, l’employeur est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles. (Cass Civ 2è, 8 octobre 2020, 18 25 021 et 18 26 677)
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L 452 -1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie survenus au salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.
La faute de la victime n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité, sauf si elle est la cause exclusive de l’accident du travail.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime.
En conséquence, le salarié doit démontrer que son employeur :
– avait conscience du danger auquel le salarié était exposé,
– n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger.
La conscience du danger ne vise pas une connaissance effective du danger que devait en avoir son auteur mais s’apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d’activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.
***
En l’espèce, la société [11] soutient en substance :
– qu’elle a mis en oeuvre de nombreux moyens de protection et a porté une attention régulière, en collaboration avec les instances représentatives du personnel, aux besoins en la matière et aux évolutions possibles des moyens de protection mis à disposition,
– que des visites de sites étaient organisées au moins une fois par an avec les membres du CHSCT afin de vérifier les conditions de travail des salariés,
– que les salariés disposaient de masques à poussières, de protections auditives, de lunettes de protection, de casques de protections,
– qu’un document ‘santé-sécurité’ équivalent au document unique d’évaluation des risques a été rédigé et laissé à la disposition des salariés,
– que si elle ne conteste pas la présence de poussières, il n’en demeure pas moins qu’elle a toujours essayé de trouver des solutions aux difficultés soulevées par les représentants du personnel, précisant qu’obligation était faite aux salariés de porter leurs équipements de protection,
– que M. [J] ne démontre pas qu’elle avait conscience du danger,
– qu’il n’avait jamais auparavant présenté la moindre gêne respiratoire en rapport avec le tableau 25 des maladies professionnelles,
– que de plus, aucun salarié de l’entreprise n’a jamais contracté la moindre pathologie en rapport avec le tableau 25.
En réponse, M. [J] objecte pour l’essentiel :
– que l’employeur ne pouvait ignorer l’existence d’un danger pour ses salariés et qu’il avait parfaitement conscience du risque auquel il était exposé puisque
la reconnaissance, en France, des dangers d’une exposition aux poussières générales pour les salariés est admise depuis une ordonnance du 2 août 1945 créant le tableau n° 25 des maladies professionnelles relatif à la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l’amiante,
– que le 13 août 2009, il a consulté un pneumologue qui a pris un cliché radiologique montrant ‘un épaississement petite scissure fine reticulonodulation prédominant aux bases’,
– qu’il a été diagnostiqué à la suite de cet examen comme étant atteint d’une silicose aiguë ou chronique.
***
Cela étant :
1 – Sur la conscience du danger :
M. [J] produit aux débats des attestations de collègues de travail ayant travaillé directement avec lui et des procès-verbaux de réunions du CHSCT et de la délégation unique du personnel rédigés entre 2005 et 2009 qui établissent :
* pour les premières : que le salarié ne disposait pas d’équipements de protection suffisants alors que travaillant dans les carrières lors de l’extraction des minéraux, il était directement exposé aux poussières,
– qu’ainsi, M. [H], conducteur d’engin, indique qu’il a constaté que Monsieur [J] était exposé de façon permanente à la poussière (nettoyage du dessous de tapis sans masque, conduite d’engins sans pare-brise),
– M. [W] précise qu’il n’a lui-même bénéficié d’aucune protection respiratoire,
– M. [D] atteste du fait que la poussière de granit était partout et que les conducteurs d’engins étaient obligés de travailler cabine ouverte donc au contact direct avec la poussière, que la poussière au fil des heures piquait la peau et que les salariés ont inhalé de la poussière.
– Monsieur [U] témoigne qu’il n’y avait pas de masque pour éviter la poussière.
* pour les seconds :
– que les équipements de protection individuelle n’étaient pas adaptés aux conditions de travail des salariés alors qu’une demande avait été faite à l’employeur, lors de la réunion de délégation unique du personnel en date du 29 avril 2005 afin qu’il fournisse des masques plus résistants ainsi qu’un appareillage plus adapté pour lutter contre le bruit,
– que cette demande a été réitérée le 8 juillet 2005 et le 21 octobre 2005 lors des réunions du CHSCT en précisant que les masques devaient être avec filtre pour permettre une meilleure respiration et que des lunettes de protection étaient également nécessaires,
– que l’arrosage des pistes, nécessaire pour lutter contre les effets négatifs de l’empoussièrement n’était toujours pas effectué régulièrement (procès-verbal du 21 avril 2006),
– que ‘les conditions climatiques ont engendré énormément de poussières rendant le travail particulièrement pénible et la circulation des véhicules dangereuse sur l’ensemble du site, les pistes n’ont été arrosées que le 01.06.2006″ ( procès-verbal du 2 juin 2006 ),
– qu’en juillet et en octobre 2006, le problème était encore abordé lors des réunions démontrant qu’il n’était toujours pas réglé,
– qu’en décembre 2008, le procès-verbal mentionne que ‘des protections respiratoires sont disponibles à l’accueil’,
– que des problèmes d’empoussiérage sont toujours présents sur le site en juin 2009.
Contrairement à ce que soutient l’employeur, même si M. [J] n’avait jamais subi de difficulté respiratoire en lien avec le tableau 25 et même si aucun des salariés de l’entreprise n’en ont présenté, il devait ou aurait dû être conscient du danger dans la mesure :
– où d’une part, la toxicité de l’inhalation de poussières minérales était connue et reconnue depuis plusieurs décennies,
– où d’autre part, il était alerté régulièrement par les structures représentatives du personnel au cours des années 2005 à 2008 sur les risques encourus par les salariés dans leurs conditions de travail.
En conséquence, la condition relative à la conscience du danger par l’employeur est établie.
2 – Sur l’absence de mesures nécessaires pour protéger le salarié du danger :
Des éléments énoncés ci-dessus, il se déduit que l’employeur a mis plusieurs années à prendre des mesures préventives et notamment à mettre à disposition des salariés des équipements de protection, notamment des masques de protection, alors qu’ils étaient exposés de façon permanente à la poussière.
En effet, comme rappelé ci-dessus, il lui a fallu attendre les résultats des mesures de poussières qu’il a faites réaliser en 2008 pour que de façon laconique – sans donner aucune précision sur le degré de filtrage des poussières par ces masques – il indique aux instances représentatives du personnel que des protections respiratoires étaient disponibles à l’accueil sans d’ailleurs prendre de mesures pour s’assurer de la bonne utilisation de ces équipements par les salariés et sans leur faire dispenser une formation sur les dangers des poussières et les conduites préventives à adopter.
De même, il n’a pas fait procéder à un arrosage régulier des pistes en 2006 et les années suivantes alors que celles-ci étaient envahies par une forte poussière en raison des conditions climatiques du moment et qu’il était informé régulièrement de la situation comme en témoignent les procès verbaux du CHSCT.
La société [11] ne rapporte aucun élément permettant de contester utilement ces constatations.
En outre, elle ne justifie pas davantage – ni même n’allègue – des mesures d’information et de formation à la sécurité qu’elle aurait pu mettre en place au profit des salariés.
D’ailleurs, elle se garde de produire le document qu’elle nomme ‘santé – sécurité’ qui aurait permis de confirmer la pertinence de ses allégations.
En conséquence, la condition relative à l’absence de mesures nécessaires pour protéger le salarié du danger est remplie.
3 – En conclusion, il résulte de ce qui précède que l’employeur a commis une faute inexcusable puisque tout en ayant conscience du danger auquel il exposait le salarié par les conditions de travail qu’il lui offrait, il n’a pas pris de mesures ou à tout les moins il n’a pas pris de mesures suffisantes pour l’en protéger.
Le jugement attaqué doit être confirmé de ce chef.
III – SUR LES CONSEQUENCES DE LA FAUTE INEXCUSABLE :
A – Sur la majoration de la rente :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le juge de première instance a parfaitement justifié la majoration de la rente attribuée au salarié.
En conséquence, le jugement doit être confirmé de ce chef.
B – Sur l’indemnisation des préjudices :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le juge de première instance a parfaitement motivé le recours à l’expertise médicale et les postes à indemniser.
En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé de ce chef.
***
Le rapport d’expertise a été déposé par le docteur [T] au greffe du pôle du tribunal de grande instance de Niort le 29 août 2019.
Comme la cour n’est saisie que d’un appel portant sur le jugement de première instance, il appartiendra à M. [J] de solliciter auprès du juge de première instance, saisi de la liquidation de son préjudice corporel, l’extension éventuelle de la mission d’expertise et la désignation pour ce faire d’un nouvel expert pour évaluer son déficit fonctionnel permanent, sauf à solliciter telle somme qu’il estimera pouvoir chiffrer au vu de son âge, de son taux d’incapacité, de la valeur du point et des conclusions du rapport d’expertise du Docteur [T].
Il convient en conséquence de le débouter de sa demande formée de ce chef devant la cour.
C – Sur la provision :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le juge de première instance a parfaitement motivé l’octroi d’une provision de 2000 € à M. [J].
En conséquence, le jugement doit être confirmé de ce chef.
***
Au regard de la gravité de la maladie, de son ancienneté et de la situation de Monsieur [F] [J], il convient d’allouer à celui-ci une provision d’un montant de 3 000 € à valoir sur le montant des préjudices à indemniser.
Il y a lieu de dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
IV – SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE PRIMAIRE DES DEUX-SEVRES :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le juge de première instance a parfaitement motivé le paiement des indemnités et le recours de la caisse.
En conséquence, le jugement doit être confirmé de ce chef.
V – SUR LES DEPENS ET LES FRAIS DU PROCES :
Les dépens doivent être supportés par la société [11] qui succombe.
Il n’est pas inéquitable de condamner l’appelante à payer la somme de 1500 € à M. [J] au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés pour faire valoir ses prétentions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rectifie l’erreur matérielle affectant les pages 2 et 3 du jugement prononcé le 3 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Niort en ce que M. [J] ne se prénomme pas ‘[X]’ mais ‘[F]’,
Dit qu’une mention de la présente décision rectificative sera portée sur la minute et les expéditions du jugement qui seront faites,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 3 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Niort,
Y ajoutant,
Déclare opposable à la SAS [11] la maladie de M. [J] prise en charge le 12 août 2011 par la CPAM des Deux-Sèvres au titre du tableau 25 A des maladies professionnelles,
Déboute M. [J] de sa demande d’extension de l’expertise médicale,
Alloue une somme de 3000 € à M. [J] à titre de provision,
Dit que les sommes allouées à M. [J] porteront intérêt au taux légal à compter de la décision les prononçant,
Condamne la SAS [11] aux dépens d’appel,
Laisse à la charge du trésor public les dépens afférents à la rectification de l’erreur matérielle du jugement du 3 juin 2019,
Condamne la SAS [11] à payer à M. [J] une somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS [11] de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,