Tentative de conciliation : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01189

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Tentative de conciliation : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01189
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JN/SB

Numéro 23/3512

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 26/10/2023

Dossier : N° RG 21/01189 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H2W3

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur

Affaire :

[N] [D]

C/

Société [7],

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 07 Septembre 2023, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.

Madame NICOLAS, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [N] [D]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Maître VILAIN-ELGART de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX

INTIMES :

Société [7]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Maître LAVELLE de la SELARL CABINET LAVELLE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 17 MARS 2021

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 19/695

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 mars 2018, M. [N] [D] (le salarié), salarié en qualité de responsable logistique, de la société [7] (l’employeur), à [Localité 8], a été victime d’un accident du travail, pris en charge le 14 mars 2018, par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie Des Landes (la caisse ou l’organisme social) au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 30 novembre 2019, l’état de santé du salarié a été déclaré consolidé.

Le 23 décembre 2019, après une tentative de conciliation infructueuse initiée le2 mars 2019, le salarié a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, afin d’indemnisation.

Par jugement du 17 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :

– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les parties de leurs plus amples demandes,

– condamné le salarié à assumer la charge des entiers dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, reçue du salarié le 19 mars 2021.

Le 2 avril 2021, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, le salarié, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation en date du 27 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 16 mars 2023, renvoyée, au 7 septembre 2023, en raison d’un mouvement de grève des transports aériens.

Les parties y ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 23 décembre 2022, à l’identique de ses précédentes conclusions du 30 septembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [N] [D], appelant, conclut à la recevabilité et au bien-fondé de son appel, à l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, demande à la cour de :

– juger que l’agression qu’il a subie le 5 mars 2018 (accident du travail) a pour origine la faute inexcusable commise par l’employeur,

– fixer au maximum la majoration de la rente versée par la caisse,

– dire que la majoration de la rente devra suivre l’aggravation du taux d’incapacité permanente partielle dans les mêmes proportions et que les préjudices personnels seront réévalués en cas de rechute ou d’aggravation des séquelles,

– ordonner une expertise médicale judiciaire avec pour mission de fixer les préjudices visés par les dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale,

– dire et juger que la caisse fera l’avance de l’intégralité des indemnités qui lui seront allouées qu’il s’agisse ou non des postes de préjudices couverts par l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale,

– lui accorder une provision de 3 000 € à valoir sur le montant de l’indemnisation de son préjudice définitif et au besoin, condamner l’employeur au paiement,

– condamner l’employeur à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’employeur aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 23 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’employeur-la société [7]- intimé, conclut :

> à titre principal, à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,

> subsidiairement, si par impossible, la cour devait retenir la faute inexcusable de l’employeur, à ce que la cour :

– ordonne une expertise dont il propose la mission par ses conclusions auxquels il est renvoyé à ce titre,

-condamne la caisse à faire l’avance de l’ensemble des sommes allouées à la victime et ce y compris de la provision qui pourrait lui être accordée ,

– dise n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 12 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse primaire d’assurance-maladie des Landes, intimée, demande à la cour de :

– rejeter toutes demandes, fins et prétentions contraires,

> Sur la forme,

– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par le salarié,

> Sur le fond,

– constater que la caisse s’en remet à l’appréciation de la cour sur la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.

En cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur,

– préciser le quantum de la majoration de l’indemnité en capital ou de la majoration de la rente à allouer au salarié.

– constater que la caisse ne s’oppose pas à l’expertise médicale sollicitée,

– limiter le montant des sommes à allouer au salarié en réparation de ses préjudices :

– aux chefs de préjudices énumérés à l’article L.452-3 (1er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

– ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement.

– conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse assurant l’avance des sommes ainsi allouées, voir condamner l’employeur, à rembourser à la caisse :

– la majoration de l’indemnité en capital ou le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu’il sera calculé et notifié par la caisse,

– les sommes dont la caisse aura l’obligation de faire l’avance, en ce compris la provision sollicitée,

– les frais d’expertise,

– les intérêts légaux.

– condamner l’employeur à communiquer à la caisse les coordonnées de son assurance sous astreinte de 50 € par jour de retard, et ce, à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir.

SUR QUOI LA COUR

Sur la faute inexcusable

L’appelant, notamment au visa des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, critique le premier juge, en ce qu’il n’a pas retenu la faute inexcusable de l’employeur, dans la survenance de son accident du 14 mars 2018, alors qu’il soutient que les éléments de la cause démontreraient que l’employeur avait conscience du danger auquel était exposé le salarié, puisque des moyens de sécurité (alarme, vigiles, vidéo surveillance) étaient installés dans tous les magasins, et qu’au jour de l’agression, non seulement le dispositif de détecteur de vols ne fonctionnait pas et les vigiles habituellement présents faisaient défaut, mais en outre, il n’a jamais été sensibilisé au risque de violence externe, nonobstant ses 19 ans d’ancienneté au sein de la société employeur.

L’employeur au contraire, par des conclusions au détail desquelles il est expressément renvoyé, estime qu’au cas particulier, les conditions de la faute inexcusable de l’employeur ne sont pas réunies, rappelant notamment que l’accident résulte de l’intervention d’un tiers et est par nature imprévisible et soudain, que le prétendu dysfonctionnement des portiques de sécurité, au demeurant non établi, est sans rapport avec l’accident, et qu’en tant que simple responsable logistique, parfaitement informé de la procédure à suivre, au vu des nombreuses formations suivies à ce sujet, notamment celle du 24 mars 2009, il appartenait au salarié, s’il l’estimait nécessaire, de prévenir le vigile présent sur les lieux, afin de permettre à ce dernier d’appréhender lui-même l’individu suspect.

Sur ce,

En matière de sécurité, l’employeur est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et les maladies professionnelles.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L 452 -1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie survenus au salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

La faute de la victime n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité, sauf si elle est la cause exclusive de l’accident du travail.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime.

En conséquence, le salarié doit à ce sujet, faire la démonstration comme imputables à son employeur, de la conscience du danger, et du défaut de mesures appropriées .

Cependant, lorsque la faute est susceptible de relever d’un manquement de l’employeur aux règles de sécurité, le juge doit examiner l’ensemble des pièces produites par les parties.

Sur les circonstances de l’accident

Au cas particulier, les circonstances de l’accident telles que le salarié les a relatées dans un procès-verbal d’audition du 6 mars 2018, ne sont pas contestées.

Ainsi, le 5 mars 2018, vers 16h30, au temps et au lieu de son travail dans le magasin [7] de [Localité 8], le salarié s’est aperçu qu’un jeune homme était en train de voler une enceinte Bluetooth, lui en a fait la remarque, à laquelle l’individu a acquiescé, et l’a informé qu’il allait appeler la police ; sur ce, alors que l’individu essayait de prendre la fuite, il l’a retenu, pour le conduire en le suivant, dans le bureau du directeur ; c’est alors que l’individu en se retournant lui a porté un violent coup de poing au visage, avant de prendre la fuite.

Sur la conscience du danger par l’employeur

Ainsi que le rappelle à juste titre l’appelant, la conscience du danger doit s’apprécier au jour de l’accident du travail.

En conséquence, les éléments évoqués par l’appelant, postérieurs au 5 mars 2018, sont totalement inopérants pour faire cette démonstration. si bien que la cour ne répondra pas aux développements à ce titre.

Pour démontrer que l’employeur avait conscience du danger au jour de l’accident, l’appelant fait valoir que l’employeur avait mis en place un important dispositif de sécurité du magasin, composé d’un portique alarme à l’entrée, de la présence de vigiles, de la présence d’antivol sur les produits, et d’un système de vidéosurveillance extérieure visible de tous.

Cependant, ce dispositif, ainsi qu’il le reconnaît lui-même expressément, en page six de ses conclusions, était conformément à sa nature, destiné à prévenir le risque majeur de vol.

Et, au cas particulier, s’il n’est ni contesté ni sérieusement contestable que l’employeur connaissait le risque de vol, le risque dont l’employeur doit ou aurait dû avoir conscience, comme premier élément nécessaire pour caractériser sa faute inexcusable, n’est pas celui du vol, mais celui de l’agression de son personnel, dit “violences externes”.

Or, à cet égard, les éléments du dossier ne permettent d’établir ni que l’employeur avait conscience d’un tel risque, ni qu’il aurait dû en avoir conscience, puisqu’en effet, a posteriori de l’accident litigieux, le CHSCT a tenu une réunion le 29 novembre 2018, dont il a été dressé procès-verbal, et dont il résulte que sur l’établissement de [Localité 8], l’accident du travail litigieux, était le seul accident en lien avec des violences externes, déclaré sur les trois dernières années, alors même que sur cette même période de temps de trois ans, et sur la totalité des magasins [7] du grand Ouest, un seul accident de ce type avait eu lieu au Havre en février 2016.

Ainsi, il ne peut être reproché à l’employeur, de n’avoir pas connu un risque, qui n’était jusque-là pas survenu à [Localité 8], dans les trois précédentes années, et n’était survenu sur cette même période de temps, qu’une fois sur tout le grand Ouest.

Le seul fait pour l’employeur, de ne pas justifier avoir établi de document unique d’évaluation des risques, s’il constitue un manquement aux obligations professionnelles qui s’imposent à lui, n’est pas de nature, à lui seul, à caractériser l’existence d’une faute inexcusable.

Il s’en déduit que faute de pouvoir reprocher à l’employeur, la connaissance du risque, sa faute inexcusable n’est pas caractérisée, sans qu’il n’y ait lieu à de plus amples développements, sauf à observer de façon superfétatoire, selon les écritures concordantes des parties, que des agents spécialement destinés à appréhender un éventuel voleur étaient mis en place dans le magasin, en la personne de vigiles, dont les éléments du dossier n’établissent nullement qu’ils n’étaient pas présents ce jour là .

Le premier juge sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité ne commande pas de prononcer condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de l’appelant, qui succombe, et qui seul, forme une demande à ce titre. Le premier juge sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.

L’appelant, qui succombe, supportera outre les dépens de première instance, les dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 17 mars 2021,

Condamne M. [N] [D] aux dépens exposés en appel.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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