Tentative de conciliation : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/01795

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Tentative de conciliation : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/01795
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 26 JANVIER 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 21/01795 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAVW

Madame [B] [E]

c/

S.C.A. COOPERATIVE VINICOLE DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2021 (R.G. n°F 19/01125) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section agriculture, suivant déclaration d’appel du 25 mars 2021.

APPELANTE :

[B] [E]

née le 27 Octobre 1958 à [Localité 4] (33)

de nationalité Française

Profession : Secrétaire de direction, demeurant [Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.C.A. COOPERATIVE VINICOLE DE [Localité 3] prise en la personne de ses représentants lagaux domiciliés en cette qualité au siège social [Adresse 2]/FRANCE

Représentée et assistée par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Sans contrat de travail écrit, la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] a engagé Mme [E] le 3 août 1976 en qualité de d’employée de bureau.

La relation contractuelle entre les parties relève de la convention collective nationale des caves coopératives vinicoles et leurs unions.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [E] exercait en qualité de secrétaire de direction, statut agent de maîtrise, catégorie 4, niveau 2.

A compter du 26 mars 2015, Mme [E] a été placée en arrêt maladie jusqu’à la visite de reprise le 9 juillet 2018.

Le 30 mars 2015, la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] a déclaré à la caisse de mutualité sociale agricole un accident du travail survenu le 25 mars 2015 en émettant des réserves.

Par décision du 29 juillet 2015, la caisse de mutualité sociale agricole a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Par décision du 9 mars 2016, la commission de recours amiable de la caisse a pris en charge l’accident dont a été victime Mme [E] au titre de la législation professionnelle.

Le 9 juillet 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [E] inapte à son poste sans possibilité de reclassement.

Par courrier du 18 juillet 2018, la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par courrier du 27 juillet 2018, la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] a convoqué Mme [E] à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 10 août 2018.

Le 17 août 2018, Mme [E] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Le 31 juillet 2019, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de contester son licenciement et voir condamner la société Coopérative Vinicole du [Localité 3] au paiement de diverses sommes :

– à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

– à titre de préavis,

– à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement,

– à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,

– à titre de dommages et intérêts pour discours diffamatoire,

– sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– dit que le licenciement de Mme [E] repose sur une cause réelle et sérieuse qui est l’inaptitude,

– condamné la société Coopérative de [Localité 3] à régler à Mme [E] les sommes de:

– 50 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la demanderesse du surplus de ses demandes,

– débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,

– condamné ce dernier aux dépens et frais éventuels d’exécution.

Par déclaration du 25 mars 2021, Mme [E] a relevé appel du jugement.

Par ses dernières conclusions du 5 octobre 2022, Mme [E] sollicite de la Cour qu’elle :

– infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse qui est l’inaptitude,

– condamné la société Coopérative de [Localité 3] à régler à Mme [E] les sommes de:

– 50 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la demanderesse du surplus de ses demandes,

– dise que le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamne la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] à lui verser les sommes suivantes:

– 44.387,20 euros à titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement,

– 5 805 euros à titre d’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis,

– 112.118,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

– ordonne la suppression des paragraphes des écritures de la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] depuis ‘Enfin le Conseil de Prud’hommes écartera les pièces communiquées par Madame [E] et qui sont un recel de documents’ jusqu’à ‘ces éléments n’ont pas lieu d’être communiqués et sont inadmissibles et seront rejetés par le Conseil de Prud’hommes’,

– condamne la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] à verser à Mme [E] la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour diffamation,

– ordonne la capitalisation des sommes dues à titre d’intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– déboute la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] de son appel incident et de toutes ses demandes,

– la condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 novembre 2022, la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] sollicite de la Cour qu’elle :

– confirme le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [E] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté ses plus amples demandes subséquentes,

– l’infirme en ce qu’il a condamné la société Coopérative Vinicole de [Localité 3] au titre d’une exécution déloyale du contrat et déboute Mme [E] de cette demande,

Statuant à nouveau,

– déboute Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,

– la condamne au versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

– la condamne aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs de la décision

Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude

Mme [E] prétend que l’inaptitude constatée le 9 juillet 2018 par le médecin du travail ayant justifié le licenciement est d’origine professionnelle puisque résultant de son accident du travail du 25 mars 2015, lequel a occasionné des arrêts de travail continus jusqu’à la déclaration d’inaptitude. Elle sollicite, en conséquence, le versement de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis prévues à l’article L 1226-14 du code du travail.

L’employeur ne reconnaît pas l’origine professionnelle des arrêts de travail de la salariée considérant que la seule décision qui lui a été notifiée est un refus de prise en charge de la maladie par la MSA le 29 juillet 2015 et qu’il n’a pas, ensuite, été informé du recours exercé contre cette décision, ni du déroulement de l’instruction par la caisse, ni de la décision finale de prise en charge qui lui est donc inopposable.

Aux termes de l’article L 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9…

L’employeur est tenu au versement de ces indemnités dés lors qu’il a eu connaissance de l’existence d’une procédure en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident susceptible d’être à l’origine de l’inaptitude et qu’une décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle est intervenue, peu important à quel stade de la procédure de licenciement.

En l’espèce, l’employeur a régularisé le 2 avril 2015 une déclaration d’accident du travail survenu le 25 mars 2015 en émettant des réserves sur sa réalité.

La MSA a diligenté une enquête contradictoire auprès de l’employeur et de la salariée qui ont complété des questionnaires.

Le 9 juillet 2015, la MSA a notifié à Mme [E] et à l’employeur une décision de refus de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle.

Sur recours de la salariée, la commission de recours amiable de la MSA a décidé, dans sa séance du 9 mars 2016, d’accorder cette prise en charge.

Par courriel du 1er septembre 2016, Mme [E] a informé l’employeur de la décision de la commission de recours amiable et lui a adressé l’arrêt de travail requalifié en accident du travail ainsi que la prolongation de l’arrêt jusqu’au 31 octobre 2016.

Les arrêts de travail ainsi requalifiés ont été prolongés jusqu’à l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 9 juillet 2018.

L’employeur a été destinataire de l’intégralité des arrêts de travail d’origine professionnelle et été informé par la mutuelle A2GR de ce que les contrôles médicaux qu’elle avait diligentés avaient confirmé l’origine professionnelle des arrêts de travail.

Le rapport lapidaire et non contradictoire de contrôle médical effectué à la demande de l’employeur par la société Medica Contrôle qui se borne à constater sans aucune démonstration préalable que l’événement n’est pas imputable au service n’est pas de nature à remettre en cause la décision de la commission de recours amiable et de la mutuelle AG2R.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l’employeur, il résulte de ces éléments qu’il avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude.

Les conditions de l’article L 1226-14 du code du travail étant remplies, Mme [E] peut prétendre au versement de l’indemnité spéciale de licenciement et d’une indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis.

Bien que critiquant le calcul de l’indemnité de licenciement, l’employeur ne conteste pas les éléments qui en constituent la base, c’est à dire l’ancienneté dans l’entreprise (42 ans et 2 mois) et la moyenne des salaires des 12 derniers mois (3114,40 euros) avant l’arrêt de travail.

L’employeur ne peut valablement soutenir que les absences de la salariée doivent être décomptées. En effet, en application des dispositions de l’article 25 de la convention collective, les arrêts de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail ne sont pas déduits du décompte de l’ancienneté dans l’emploi servant de base au calcul de l’indemnité.

Il sera donc alloué à la salariée :

– la somme de 44.387,20 euros correspondant à la différence entre le montant de l’indemnité spéciale de licenciement (82.365,58 euros) et le montant de l’indemnité de licenciement versée à la salariée (37.978,38 euros),

– la somme de 5805 euros à titre d’indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le licenciement Sur la régularité de la procédure de licenciement

Mme [E] soulève, en premier lieu, l’irrégularité de la lettre de licenciement car celle-ci est signée du président alors que les statuts attribuent au directeur le pouvoir de licencier sans que soit prévue une délégation de pouvoir.

Ce moyen est dénué de fondement dés lors que le président de l’association bénéficie, en vertu des statuts de l’association, d’une délégation générale de pouvoir mais a aussi reçu une délégation expresse du conseil d’administration pour procéder au licenciement de la salariée. En tout état de cause, la clause des statuts selon laquelle le personnel est placé sous les ordres du directeur qui embauche et licencie le personnel est privée d’effet en l’espèce puisque la coopérative vinicole de [Localité 3] n’employait pas de directeur à la date du licenciement.

Sur le bien fondé du licenciement

En deuxième lieu, Mme [E] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où l’inaptitude résulte des manquements de l’employeur ayant conduit à la dégradation de ses conditions de travail et à l’accident du travail du 25 mars 2015.

Il convient d’observer au préalable que selon le questionnaire de la caisse rempli par la salariée, sachant que le certificat médical initial ne précise pas l’existence d’une lésion et que la déclaration d’accident du travail ne figure pas dans les pièces des parties, l’accident du travail est dû à une formule de rédaction du PV du conseil d’administration de la coopérative jugée inexacte par la salariée et qui, d’après elle, lui a provoqué un choc émotionnel sur fond de dégradation de ses conditions de travail.

Dans un courrier du 8 août 2015 adressé à l’employeur, Mme [E] a précisé comme suit les circonstances de l’accident du travail : ‘ A 10h, j’ai pris connaissance du compte-rendu du conseil d’administration du 17 février 2015 dans lequel il est écrit: ‘ le conseil a demandé l’avis des chefs de service, Mme [E] n’a pas voulu se prononcer et M. [K] a donné un avis favorable, le président a confirmé l’embauche en contrat à durée indéterminée de Mme [P]. Le fait de lire ‘ Mme [E] n’a pas voulu’ m’a fortement perturbé et j’ai mal vécu cet écrit qui avait été consigné dans ce compte rendu. Ces propos n’étaient pas les miens. Cet écrit était en ma défaveur alors que tenue à l’écart de cette embauche, je ne pouvais apporter d’avis….cette même matinée, mon collègue est venu dans mon bureau pour discuter. Je n’ai pas souhaité dialoguer du fait des échanges de la veille. Blessée je n’étais pas bien. J’ai craqué et ai eu beaucoup de mal à me concentrer pour assurer la fin de matinée. J’ai à nouveau craqué à mon domicile….’

La cour retient que cette simple erreur de rédaction évoquée par la salariée et contestée par l’employeur qui soutient que Mme [E] a créé à cette occasion un incident disproportionné en exigeant de modifier le compte-rendu et de modifier la phrase ‘ n’a pas voulu se prononcer’ par ‘ n’a pas pu se prononcer’, ne peut s’analyser comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ni à son obligation de loyauté.

S’agissant des autres agissements allégués par Mme [E], il résulte des pièces du dossier que celle-ci s’est plainte à plusieurs reprises du manque de disponibilité du président, M. [J], nommé en 2013, qui a exigé d’elle une communication orale en évitant le recours à des échanges par courriels.

Ce positionnement de l’employeur était, certes, susceptible de critiques et pouvait ne pas convenir à la salariée qui travaillait autrement avec les précédents présidents. Il n’en constitue pas pour autant un manquement à l’obligation de sécurité ou de loyauté.

Mme [E] fait état, par ailleurs, d’une mise à l’écart qui s’est, notamment, traduite par une baisse de sa notation. Celle-ci a contesté, par courrier du 21 septembre 2013, la baisse de certaines rubriques dans sa fiche d’entretien individuel de l’exercice 2013 et notamment en ce qui concerne les relations internes-externes pour laquelle l’employeur a remplacé la rubrique B ‘ plutôt sociable et agréable, rend volontiers service par la rubrique F ‘ a parfois des difficultés relationnelles et à travailler en groupe’.

L’employeur justifie, à cet égard, qu’un incident a opposé en avril 2013 Mme [E] aux délégués du personnel à l’issue duquel il a diligenté une enquête interne et a proposé une médiation refusée par l’intéressée qui, par courrier du 30 juin 2013, a indiqué au président qu’elle ne souhaitait pas, dans un souci d’apaisement, aller plus loin dans les détails qu’elle pouvait livrer sur la querelle provoquée par les délégués du personnel.

Le président avait été, par ailleurs, destinataire en novembre 2014 d’un courrier de Mme [C], ancienne salariée de la coopérative, exposant qu’elle même et d’autres salariés avaient négocié leur départ car ils avaient subi des agissements de harcèlement moral de la part de Mme [E].

L’ancien président, avait également, reçu, le 10 février 2012, un courrier d’une ex salariée, Mme [O], lui indiquant que la principale raison de son départ était liée à l’attitude de Mme [E] et à la mésentente instaurée dans le service.

Enfin, Mme [G] a adressé à l’employeur, le 17 novembre 2013, un courrier par lequel elle dénonce des agissements de harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de Mme [E] avec la bénédiction de l’ancien président pendant ses 18 mois de présence dans la coopérative.

Ces éléments ont pu permettre à l’employeur d’objectiver ce changement de rubrique dans l’évaluation de 2013 et de 2014 tel que décrit ci-dessus de sorte qu’il ne peut lui être reproché sur ce point d’avoir excédé son pouvoir de direction et manqué à son obligation de loyauté et de sécurité.

S’il résulte de l’attestation de Mme [F], psychologue, en date du 19 janvier 2016 qu’elle assure depuis le mois de juillet 2015, un suivi de Mme [E] pour une problématique en lien avec sa situation professionnelle et que le docteur [W], médecin au CMP de Créon, a certifié, le 3 juillet 2018, que son état psychique n’est pas compatible avec une reprise de son activité professionnelle antérieure, confortant ainsi l’origine professionnelle de l’inaptitude, ces pièces d’ordre médical ne permettent pas, néanmoins, d’établir un lien de causalité entre l’inaptitude et d’éventuels manquements de l’employeur.

Il découle de ce qui précède que la cause du licenciement est une inaptitude d’origine professionnelle dont il n’est pas démontré qu’elle résulte de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ou de loyauté.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a débouté Mme [E] des ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat de travail

Mme [E] sollicite une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur qui n’aurait pris aucune mesure en réponse à son courrier du 26 septembre 2014 dans lequel elle dénonce le fonctionnement interne de la coopérative comme étant une forme de harcèlement moral.

Ce courrier revient sur la situation conflictuelle avec d’autres salariés, la baisse de notation, les réponses tardives du président aux demandes de Mme [E] et le fait qu’un dossier ‘ épandage’ aurait été confié à un autre salarié et qu’elle n’a pas été associée à la procédure de demande de subvention.

La cour a relevé ci-dessus que la baisse de notation était objectivement justifiée et que le mode de communication avec le président ne caractérisait pas un manquement fautif. De même, il a été retenu que c’est Mme [E] elle-même qui a souhaité mettre un terme à la tentative de conciliation engagée par le président pour sortir du conflit opposant l’intéressée aux délégués du personnel.

En ce qui concerne les dossiers qui n’auraient pas été confiés à la salariée, force est de constater que l’employeur n’a pas répondu sur ce point par écrit. Il prétend avoir réagi oralement si bien que Mme [E] n’a pas réitéré ses demandes.

Toutefois, en ne répondant pas officiellement aux inquiétudes manifestées dans ce courrier que la salariée avait demandé de porter à la connaissance du conseil d’administration, l’employeur a manqué à son obligation de loyauté.

Le préjudice en résultant sera indemnisé par une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour discours diffamatoire

Au motif que l’employeur demanderait dans ses conclusions le rejet de certaines pièces, propriété exclusive de la coopérative et qu’il accuserait Mme [E] de les avoir détournées illégalement, celle-ci sollicite de la cour qu’elle ordonne, en application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, la suppression de ces écrits diffamatoires et lui alloue la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts.

La cour n’est pas saisie de conclusions énonçant de telles allégations, ni de demandes figurant au dispositif tendant à voir écarter les pièces litigieuses, étant observé que le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur ce dernier point.

La demande de la salariée n’ayant pas d’objet sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

L’équité commande de réformer le jugement en ce qu’il a alloué à la salariée la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. De ce chef, il sera accordé la somme de 1500 euros et en cause d’appel la somme de 3000 euros.

La société Cave Coopérative de [Localité 3] supportera la charge des dépens.

Les indemnités produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et seront capitalisées conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Par ces motifs,

confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse

l’infirme pour le surplus et statuant à nouveau dans cette limite

condamne la société Cave Coopérative de [Localité 3] à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

– 44.387,20 euros à titre de solde de l’indemnité spéciale de licenciement

– 5805 euros à titre d’indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

– 1500 euros à titre d’indemnité pour les frais irrépétibles de première instance

y ajoutant

rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [E] pour discours diffamatoire

condamne la société Cave Coopérative de [Localité 3] à payer à Mme [E] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel

condamne la société Cave Coopérative de [Localité 3] aux dépens.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière

 


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