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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 26 Avril 2023
N° RG 22/01954 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F4QP
VTD
Arrêt rendu le vingt six Avril deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 20 Septembre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 22/00372)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [D] [B]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL JURIDOME, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)
M. [F] [B]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL JURIDOME, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)
APPELANTS
ET :
La société [H] SERRURERIE ALUMINIUM AUTOMATISME sous le sigle et le nom commercial GS2A
SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 452 709 199 00015
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : la SELARL POLE AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉE
DEBATS : A l’audience publique du 22 Février 2023 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 26 Avril 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 26 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [F] [B] et Mme [D] [B] sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 1]), voisine de la parcelle sur laquelle la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme exerce une activité de menuiserie métallique et serrurerie (parcelle située [Adresse 2]).
Se plaignant de troubles anormaux de voisinage consistant en des nuisances sonores résultant de l’activité exercée par ladite société, les époux [B] ont sollicité l’intervention d’un conciliateur de justice. Une tentative préalable de conciliation entre les parties a échoué le 3 novembre 2020.
Par la suite, les époux [B] ont fait dresser trois procès-verbaux de constat par Me [J] [L], huissier de justice, les 9 septembre 2021, 15 septembre 2021 et 25 janvier 2022.
Par acte d’huissier du 18 mai 2022, M. et Mme [B] ont fait assigner la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme devant la présidente du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand statuant en référé, pour obtenir l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire au visa de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, la présidente du tribunal a :
– constaté l’échec d’une tentative préalable de conciliation ;
– rejeté la demande d’expertise ;
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé les dépens à la charge de M. et Mme [B].
Elle a énoncé qu’il n’appartenait pas au juge des référés de se prononcer sur la prescription contestée d’une action en trouble anormal de voisinage, cette question relevant de la compétence du juge du fond ; qu’il ressortait des constats d’huissier que celui-ci avait mesuré de façon répétée et à des moments distincts, le niveau des émergences sonores produites par l’exercice de l’activité de la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme à l’intérieur, à l’extérieur et en limite de la propriété des époux [B] ; que les demandeurs n’expliquaient pas en quoi l’intervention d’un technicien serait nécessaire à la solution du litige alors que les constats décrivaient précisément la situation de fait qu’ils dénonçaient, de sorte qu’ils disposaient d’ores et déjà d’éléments de preuve concernant le niveau sonore de l’exercice de l’activité de la société.
M. [F] [B] et Mme [D] [B] ont interjeté appel de l’ordonnance le 5 octobre 2022.
Suivant une ordonnance du 25 octobre 2022 rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Riom a fixé l’affaire, à bref délai, à l’audience collégiale du 15 février 2023. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 22 février 2023.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 février 2023, les appelants demandent à la cour, au visa de l’article 750-1 du code de procédure civile dans sa version issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022 et en vigueur depuis le 27 février 2022, des articles 145, 232, 263 à 284-1 du code de procédure civile, de :
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise ;
– ordonner l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire phonique ;
– désigner à cet effet tel expert qu’il plaira à la cour, en lui confiant une mission d’usage en pareille matière, et notamment de :
préciser l’intensité des émissions sonores perçues, de jour et de nuit, la semaine et le week-end, en tout endroit de leur parcelle cadastrale, et en particulier en sa portion ouest, et provenant de façon générale de l’exploitation par la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme de la parcelle cadastrale voisine, et en particulier de l’utilisation de la machine industrielle dite « Mecajet Decoupe Jet d’Eau »,
procéder à cet effet à toute mesure acoustique au moyen d’appareils adaptés aux nuisances sonores diurnes et nocturnes,
donner un avis, au besoin avec le concours d’un sapiteur, sur la conformité des constructions et installations métalliques réalisées par la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme sur sa parcelle cadastrale, identifiée sous les références AO [Cadastre 3], aux règles applicables en une zone géographique relevant d’un périmètre de protection autour d’un immeuble classé monument historique, périmètre de protection prévu par l’article L.621-30 du code du patrimoine, et en considération du PLU de la commune de [Localité 5] et la classification de la parcelle UG ;
– autoriser l’expert à s’adjoindre tout technicien de son choix dans une spécialité autre que la sienne ;
– autoriser l’expert à se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité ;
– condamner la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme aux entiers dépens de la procédure d’appel dont distraction au profit de Me Sophie Lacquit.
Ils font valoir que le juge des référés a oublié la notion de contradiction car les procès-verbaux de constats ont été établis afin de démontrer l’intérêt à agir et la pertinence des troubles sonores évoqués sur lesquels la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme ne s’est pas prononcée. En outre, ils ont sollicité que l’expert puisse donner un avis sur la conformité des constructions aux règles applicables en une zone géographique relevant d’un périmètre de protection autour d’un immeuble classé monument historique. Ils estiment ainsi que la mesure sollicitée est utile et ajoutent que les trois conditions cumulatives prévues par l’article 145 du code de procédure civile sont réunies.
Sur la question de la prescription quinquennale invoquée par la société, ils considèrent que le point de départ du délai de prescription applicable à l’exercice au fond d’une action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne peut en aucune hypothèse être fixé au 29 avril 2016 ou au 31 mai 2016.
Tout d’abord, il est effectif que ce point de départ pourrait être la date de la première manifestation du trouble invoqué. Toutefois, la facture produite du 29 avril 2016 ne constitue pas une preuve du jour d’installation et de mise en fonctionnement de la machine industrielle dont s’agit. Ensuite, s’agissant du compte-rendu d’intervention de la société Méca Numéric du 31 mai 2016, il est fait état dans ce document de la mention suivante : « Personne qui va suivre la formation à [Localité 4] : [H] [M]. ». Or, la date de formation de ce préposé n’est pas connue. Enfin, l’aggravation du dommage postérieurement à sa survenance ouvre, à la date où ladite aggravation intervient, un nouveau délai de prescription. En supposant que la machine industrielle ait été actionnée au cours de l’année 2016, le trouble occasionné par cette machine a connu une aggravation postérieurement à sa première manifestation, en raison de l’édification de nouveaux bâtiments, postérieure à la première manifestation du trouble sonore dénoncé.
Ils ajoutent que le cours de la prescription a été infléchi par une cause de suspension prévue à l’article 2238 du code civil. En effet, il a été recherché une tentative préalable de conciliation par le recours à un conciliateur de justice. Ils font valoir que la réunion de conciliation du 3 novembre 2020 a provoqué la suspension de la prescription et que celle-ci ne devait reprendre son cours qu’à compter de la date à laquelle l’une des parties, les deux ou le conciliateur de justice déclaraient la conciliation échouée et terminée. Or, le conciliateur de justice n’a jamais établi de procès-verbal de constat de non-conciliation, ni un quelconque document établissant l’échec de la conciliation. Les parties n’ont jamais déclaré conjointement l’échec de la conciliation. Ils considèrent ainsi que le premier acte pouvant être considéré comme une déclaration par eux-mêmes de l’échec de la tentative préalable de conciliation est le constat réalisé par Me [L], huissier de justice, le 9 septembre 2021. La prescription de l’action éventuelle au fond a donc été suspendue du 3 novembre 2020 au 9 septembre 2021, ce qui a eu pour effet de reporter son terme de plus de 10 mois.
Ils concluent que ces mêmes arguments établissent que le débat sur la prescription de l’action éventuelle au fond n’est en rien évident et nécessite une appréciation de fond, comme l’a d’ailleurs relevé la présidente du tribunal judiciaire au travers de l’ordonnance querellée.
Par conclusions déposées et notifiées le 15 février 2023, la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme demande à la cour, au visa des articles 145 du code de procédure civile et 2224 du code civil, :
à titre principal, de :
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté sa demande formulée sur ce fondement ;
Statuant à nouveau,
– condamner M. et Mme [B] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;
à titre subsidiaire, de :
– débouter M. et Mme [B] de leur demande d’expertise judiciaire, en raison de l’absence de motif légitime tenant à la prescription de l’action au fond ;
à titre infiniment subsidiaire, de :
– lui donner acte de ce qu’elle formule les plus expresses protestations et réserves à l’encontre de la mesure d’expertise sollicitée par les époux [B] ;
en tout état de cause, de :
– débouter M. et Mme [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions formulés à son encontre ;
– condamner M. et Mme [B] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en appel.
Elle fait valoir que l’action éventuelle au fond des époux [B] en raison d’un trouble anormal de voisinage est manifestement vouée à l’échec car prescrite : en effet, les époux [B] reconnaissent dans leurs écritures que seul l’usage de la découpeuse à jet d’eau serait à l’origine des nuisances alléguées. Or, elle soutient qu’elle justifie que cette machine est entrée en fonctionnement à compter du 31 mai 2016 et que ses modalités d’exploitation et de fonctionnement n’ont pas évolué depuis lors. Ainsi, les troubles allégués par les époux [B] étaient perceptibles dès le 31 mai 2016, date de mise en service de la machine. Au regard du délai de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil, les demandeurs devaient agir avant le 31 mai 2021 au plus tard. Elle ajoute que M. [H], son gérant, a suivi la formation concernant le fonctionnement de la machine courant juin 2016, de telle sorte que l’argument des demandeurs est inopérant.
De surcroît, elle considère que les époux [B] ne démontrent pas l’existence d’une aggravation du trouble allégué qui constituerait le point de départ d’un nouveau délai de prescription.
Sur le moyen tiré de la suspension du délai de prescription relative au recours à un mécanisme de conciliation sur le fondement de l’article 2238 du code civil, elle constate que les époux [B] profitent de l’absence de rédaction d’un procès-verbal de non-conciliation pour conclure que l’échec de la conciliation n’aurait été formalisé par écrit que le 9 septembre 2021, date du procès-verbal de constat de Me [L]. Pourtant, elle observe que les époux [B] indiquent dans leurs écritures que les parties ont pris acte de l’échec de la conciliation dès l’issue de la réunion du 3 novembre 2020.
Quoi qu’il en soit, même si le délai de prescription a recommencé à courir à partir du 9 septembre 2021, elle estime que la prescription serait acquise.
Enfin, s’agissant de la demande de désignation d’un expert judiciaire afin que celui-ci donne son avis sur la conformité aux règles d’urbanisme des constructions édifiées, elle constate que les appelants ne versent aucune pièce à l’appui de ce moyen.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.
MOTIFS
– Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour la mise en ‘uvre de ces dispositions, il appartient au juge d’apprécier la perspective d’un litige futur ou éventuel et de caractériser l’existence d’un motif légitime de rechercher ou de conserver des éléments de preuve. Le caractère légitime d’une demande de mesure d’instruction in futurum suppose que soit établie l’existence d’éléments rendant plausible le bien-fondé de l’action en justice envisagée et que la mesure sollicitée présente une utilité.
L’irrecevabilité d’une action éventuelle au fond pour cause de prescription prive de tout motif légitime la demande d’expertise sur le fondement de l’article 145. En effet, il n’est pas justifié de l’utilité de l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire aux fins de conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, si à la date de saisine du juge des référés, l’action est irrecevable pour cause de prescription (Cass. Civ. 2ème, 30 janvier 2020, n°18-24.757).
Or, par acte d’huissier du 18 mai 2022, M. et Mme [B] ont saisi le juge des référés d’une demande d’expertise acoustique, faisant valoir en page 10 de l’acte de saisine :
‘Au cours de la seconde moitié de la décennie 2010, la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme acquérait une nouvelle machine industrielle dont le mécanisme repose sur des jets d’eau à très haute pression et dont l’automatisme permet un fonctionnement sur de très longues périodes de temps, diurnes et nocturnes, sans intervention humaine aucune. Cette machine était installée au sein de l’un des hangars métalliques construits par la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme, et plus précisément au sein du hangar métallique se situant le plus près de la limite séparative avec la parcelle de M. et Mme [B]. Néanmoins, le fonctionnement de cette machine industrielle suscite un bruit particulièrement important et intolérable, en raison notamment de la pression considérable des jets d’eau utilisés mais aussi, potentiellement, de son implantation dans un hangar métallique. La puissance du bruit généré conjuguée à la persistance de ce bruit sur de très longues périodes pouvant englober la nuit mais aussi le week-end, causent à M. et Mme [B] d’importants troubles dans leurs conditions de vie et dans l’exercice de leur droit d’usus de leur immeuble, bâti et non bâti, à usage d’habitation.’
Une action en responsabilité pour trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil, à savoir 5 ans.
Le point de départ du délai de prescription d’une telle action est fixé à la date de la première manifestation du trouble invoqué.
La SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme verse aux débats :
– la facture d’achat de ladite machine au nom de CM-CIC Bail (société de crédit bail) en date du 29 avril 2016 pour un montant de 175 680 euros TTC ;
– un compte-rendu d’intervention de la société venderesse en date du 31 mai 2016, faisant état de l’installation et de la mise en service de la machine à l’adresse de la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme (GS2A).
Se prévalant de la mention ‘personne qui va suivre la formation : [H] [M]’ figurant sur ce compte-rendu d’intervention, les époux [B] soutiennent qu’à défaut de connaître la date de formation de ce préposé, cette fiche ne justifie pas de la date de mise en fonctionnement de la machine et du début des troubles.
Néanmoins, alors que ces derniers soutiennent dans leur assignation que les nuisances sonores qu’ils subissent sont apparues’au cours de la seconde moitié de la décennie 2010″ lorsque ‘la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme acquérait une nouvelle machine industrielle dont le mécanisme repose sur des jets d’eau à très haute pression et dont l’automatisme permet un fonctionnement sur de très longues périodes de temps, diurnes et nocturnes’, et que parallèlement la société justifie de la date précise de mise en service de la machine au 31 mai 2016, le moyen soulevé quant à l’absence de justification de la date de la formation du préposé n’est pas sérieux (et ce d’autant plus au vu du montant de l’investissement réalisé par la société).
Il convient de constater que l’assignation a été délivrée le 18 mai 2022, ce qui laisse une marge de 11 mois et 19 jours après la mise en service du 31 mai 2016. La ‘formation’ visée dans le compte rendu d’intervention a nécessairement été réalisée dans ce large délai.
– Il n’est pas contesté qu’en matière de responsabilité civile extracontractuelle, l’aggravation du dommage postérieurement à sa survenance ouvre un nouveau délai de prescription à la date où ladite aggravation intervient.
Les époux [B] soutiennent qu’en supposant que la machine ait été actionnée au cours de l’année 2016, le trouble a connu une aggravation car postérieurement à son installation, la société a fait édifier en limite séparative de nouveaux bâtiments qui ont fermé la cour privative sur laquelle donne l’atelier renfermant la machine, et ont ainsi créé un phénomène de résonance.
Néanmoins, cette affirmation ne repose sur aucun élément factuel : les constats d’huissier ne permettent de justifier ni d’une modification des conditions d’exploitation de la machine, ni de la date à laquelle cette modification serait intervenue, ni des éventuelles incidences en termes de bruit si une telle modification était établie.
– Selon l’article 2238 du code civil, la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de conciliation.
Le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le conciliateur déclare que la conciliation est terminée.
Les époux [B] se prévalent d’une suspension du délai de prescription du 3 novembre 2020 au 9 septembre 2021, ce qui a reporté le terme du délai de plus de 10 mois : ils ont saisi un conciliateur de justice, M. [W] [E], une réunion s’est effectivement tenue le 3 novembre 2020 après deux convocations infructueuses et aucun procès-verbal de constat de non-conciliation ni un quelconque document n’a été établi. Aussi, ils considèrent que le premier acte pouvant être considéré comme une déclaration de l’échec de tentative préalable de conciliation est le constat d’huissier du 9 septembre 2021.
Pourtant, il résulte de leur propre assignation en pages 13 et 14 de l’acte, que ‘M. et Mme [B] qui ne désespéraient pas d’une résolution amiable du litige de voisinage, écrivaient à M. [W] [E], conciliateur de justice. […] Par suite, M. [E] procédait, derechef, à une nouvelle convocation pour une réunion devant se tenir le 3 novembre 2020 à 16h45 au sein des locaux de la mairie de [Localité 5]. […] Ce troisième rendez-vous se tenait effectivement, mais échouait dans sa finalité et aboutissait à une non-conciliation […]. Bien qu’ayant pris acte de cet échec de la tentative de conciliation à laquelle ils ont participé pleinement et de bonne foi […], M. et Mme [B] s’adressaient de nouveau à cette dernière par LRAR en date du 31 mai 2021, dans le but de lui demander […] de bien vouloir agir promptement à l’effet de mettre fin aux nuisances sonores endurées’.
En l’espèce, il est établi qu’une tentative de conciliation a été initiée par les époux [B] ; qu’après plusieurs convocations, une réunion s’est tenue le 3 novembre 2020 et que cette tentative de conciliation a échoué le jour même, aucune incertitude n’existe sur cet échec pour les deux parties. La prescription a donc continué à courir après le 3 novembre 2020.
La prescription de leur action en trouble anormal du voisinage apparaît ainsi acquise au jour de la saisine du juge des référés, le 18 mai 2022.
– Quant à leur demande de désignation d’un expert afin qu’il donne son avis sur la conformité aux règles d’urbanisme des constructions édifiées par la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme, qui apparaît néanmoins comme étant l’accessoire de la première demande, il doit être constaté que M. et Mme [B] ne produisent aucune pièce probante permettant de justifier d’une non-conformité.
De surcroît, l’intimée verse aux débats le permis de construire accordé suivant arrêté municipal du 15 mai 2009 relatif au bâtiment abritant la machine litigieuse.
Les appelants ne justifient donc pas de l’existence d’un motif légitime.
Ainsi, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise de M. et Mme [B] par motifs substitués.
– Succombant à l’instance, ils supporteront les dépens d’appel et seront condamnés à une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme l’ordonnance entreprise par motifs substitués ;
Condamne M. [F] [B] et Mme [D] [B] à payer à la SARL [H] Serrurerie Aluminium Automatisme la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [B] et Mme [D] [B] aux dépens d’appel.
Le greffier, La présidente,