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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2023
N° RG 21/00205
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIL5
AFFAIRE :
[D] [J]
C/
Société FLYOPS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de POISSY
Section : E
N° RG : F 19/00172
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christine POMMEL
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [D] [J]
né le 14 mai 1977 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Christine POMMEL de l’AARPI LEGOND-POMMEL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29
APPELANT
****************
Société FLYOPS
N° SIRET : 511 679 896
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Valérie RIZZOTTO de la SELAS GESTION SOCIALE APPLIQUEE G.S.A., Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 747
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
En 2015, la société Flyops a obtenu auprès du ministère de la Défense le marché de la préparation de vols pour les vols officiels, vols gouvernementaux et présidentiels.
M. [J] a été engagé par la société Flyops, en qualité de superviseur de vol, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2016. Il était chargé d’assurer la supervision de la préparation cabine avion, avant les vols, de coordonner les services et intervenants en escale pour les vols VIP et VVIP.
Cette société est spécialisée dans la préparation et le suivi de vols pour l’aviation civile. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale du transport aérien, personnel au sol.
Par lettre de mise en demeure du 29 avril 2019, l’employeur a demandé au salarié de se rendre sur son nouveau lieu de travail à [Localité 11] 1 pour y exercer ses fonctions administratives aux termes du planning déterminé .
Par lettre du 7 mai 2019, le salarié s’est opposé à cette demande.
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 24 mai 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.
Il a été licencié par lettre du 29 mai 2019 pour faute grave dans les termes suivants:
« Le 16 avril dernier, Madame [V] [W] vous a confirmé par écrit ce dont elle vous avait déjà informé à de nombreuses reprises, à savoir qu’à compter du 18 avril 2019, vos fonctions administratives seraient exercées sur le nouveau bureau de FLYOPS à [Localité 11], [Adresse 1]), selon un planning déterminé permettant une harmonisation des tâches avec vos collègues.
Or vous avez tout simplement refusé de vous y rendre malgré notre ultime mise en demeure du 29 avril 2019.
Comme nous vous l’avons indiqué ni votre affectation à [Localité 11], dans une zone géographique identique à celle où vous exerciez vos fonctions, ni la mise en ‘uvre d’un planning prévisionnel ne caractérisent la modification de votre contrat de travail.
Votre refus total de la modification de vos conditions d’exécution du contrat, sans même la moindre tentative de conciliation, caractérise une insubordination qui n’est pas acceptable.
Par ailleurs, par courrier en date du 5 mai 2019, nous vous avons demandé de nous fournir toute explication sur la discordance constatée fin avril 2019 entre l’achat de carburant avec la carte Total mise à votre disposition et la consommation de votre véhicule de service Renault Kangoo DCI 75CH compte tenu des kilomètres parcourus par le véhicule.
Le contrôle conduit en effet au constat que des achats de carburant de l’ordre de 1 159 euros ne sont pas justifiés par les kilomètres parcourus par le véhicule.
Or, vous n’avez daigné fournir la moindre explication sur le résultat du contrôle.
Il apparaît donc qu’entre fin novembre 2017 et fin avril 2019, vous avez utilisé la carte carburant TOTAL de l’entreprise pour acheter du carburant non justifié par l’utilisation du véhicule de service, ce qui est, là encore, tout à fait inacceptable.
Face à votre comportement, il apparaît qu’il ne nous est pas possible de poursuivre davantage notre collaboration sans risque pour notre entreprise, y compris pendant le temps d’un préavis.
La rupture de votre contrat de travail pour faute grave prendra effet à la date d’envoi de la présente. »
Le 28 juin 2019, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Poissy a :
– dit que le licenciement M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Flyops à verser à M. [J] avec intérêts légaux à compter du 05 Juillet 2019, date de réception de la convocation par le bureau de conciliation et d’orientation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :
. 9 130,32 euros au titre du préavis,
. 913,03 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 733,37 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 1 546,37 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,
– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R.1454-14 alinéa 2 du code du travail,
– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail à la somme de 3 043,44 euros bruts,
– condamné la société Flyops à verser à M. [J] avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement la somme de :
. 10 638 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Flyops à verser à M. [J] la somme de :
. 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [J] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Flyops de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Flyops aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.
Par déclaration adressée au greffe le 15 janvier 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [J] demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté au titre de ses demandes du chef :
. du paiement des heures supplémentaires réalisées, des congés payés afférents,
. de l’indemnisation des repos compensateurs non pris,
. de l’indemnité pour travail dissimulé,
. de l’indemnisation en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail,
statuant à nouveau,
– dire qu’il a réalisé des heures supplémentaires au-delà du forfait,
– en conséquence, condamner la société Flyops à lui payer les sommes de :
. 71 315,93 euros à titre de rappel sur salaire,
. 7 131,59 euros au titre des congés payés afférents,
– dire qu’il n’a jamais bénéficié de repos compensateur,
– en conséquence, condamner la société Flyops à lui payer les sommes de :
. 34 848,69 euros d’indemnité pour repos compensateur,
. 3 484,86 euros au titre des congés payés afférents,
– dire que la société Flyops a volontairement dissimulé les heures supplémentaires qu’il a faites,
– en conséquence, condamner la société Flyops à lui payer la somme de 36 771,18 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– dire que la société Flyops a exécuté le contrat de travail avec déloyauté,
– en conséquence, condamner la société Flyops à lui payer la somme de :
. 5 000 euros d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
– en conséquence, condamner la société Flyops à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au entiers dépens.
sur l’appel incident,
in limine litis,
– dire que la demande reconventionnelle de la société Flyops au titre de la violation de la clause de confidentialité est irrecevable au visa de l’article 564 du code de procédure civile,
– à titre très subsidiaire, si néanmoins, cette demande était examinée par la cour, l’en débouter comme étant injustifiée,
– débouter la société Flyops de sa demande de réformation du jugement quant à son licenciement,
– confirmer le jugement du conseil de prud’homme de Poissy qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
sur les conséquences indemnitaires du licenciement,
– confirmer le jugement entrepris quant au salaire pour la période mise à pied,
– réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau, condamner la société Flyops à lui payer les sommes suivantes :
au titre de l’indemnité de licenciement,
. à titre principal : 4 724,06 euros,
. à titre subsidiaire : 2 928,80 euros,
au titre du préavis,
. à titre principal : 6 128,53 x 3 mois = 18 885,59 euros, outre les congés payés afférents de 1 888,56 euros,
. à titre subsidiaire : 3 799,54 euros x 3 mois = 11 398,62 euros outre les congés payés afférents de 1 199,86 euros,
au titre de l’indemnisation de son préjudice,
. à titre principal : 24 514,12 euros,
. à titre subsidiaire : 15 198,16 euros.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Flyops demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [J] des demandes suivantes :
. 71 340,93 euros au titre des rappels de salaire (heures supplémentaires juin 2016/2019)
. 7 131,59 euros au titre des congés payés afférents,
. 34 845,69 euros à titre d’indemnité pour repos compensateur,
. 36 771,18 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
. 5 000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. déclaré irrecevables ses conclusions,
. l’a condamnée à verser à M. [J] avec intérêts légaux à compter du 5 juillet 2019, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation et d’orientation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :
. 1 0638 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 9 130,32 euros au titre du préavis,
. 913,03 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 733,37 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 1 546,37 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,
. l’a condamnée à verser à M. [J] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
. l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– débouter M. [J] de ses demandes de condamnation de la société au titre des demandes suivantes :
. 4 724,06 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 18 885,59 euros au titre du préavis, outre les congés payés afférents de 1 888,56 euros,
. 24 514,12 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice,
. 1 546,37 euros au titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée,
à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement sur les chefs de demande ci-dessus, limiter les condamnations aux montants suivants :
. 2 735,97 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
. 10 648,14 euros au titre du préavis et 1 064,81 au titre des congés payés y afférents,
. 351,08 euros au titre de la mise à pied, sachant que les heures déduites ne l’ont été que pour la période du 15 au 29 mai 2019,
. 10 648,14 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
– condamner M. [J] à lui verser de 21 296,28 euros à titre de clause pénale pour violation de la clause de confidentialité contractuelle
– condamner M. [J] au versement de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers dépens.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
Le salarié soutient avoir effectué de très nombreuses heures supplémentaires réalisées lors des voyages officiels, jamais payées ni récupérées.
Le salarié expose que ses fonctions ne se limitaient pas à la préparation du vol et à une présence passive dans l’avion mais incluaient l’ensemble de la logistique du vol et que lorsque les voyages comprenaient plusieurs étapes, cela induisait une multiplication des prestations. Il précise qu’au cours des missions, il était sollicité de façon permanente en raison de la sensibilité de sa fonction et des aléas inhérents à ce type de prestations. Il soutient que l’employeur n’a jamais mis en place de décompte précis des heures supplémentaires qui lui aurait permis d’avoir connaissance du dépassement du contingent annuel.
Il explique que les vols officiels nécessitaient un important travail en amont, puis une présence dans la journée précédant le vol, tant à l’aller qu’au retour, avant le décollage pour coordonner les interventions des différents prestataires. Il indique qu’il participait ensuite au voyage officiel en prenant place dans l’avion présidentiel ou dans celui de la délégation et, que pendant toute la durée du vol, il restait en lien avec les donneurs d’ordre afin de gérer toutes les modifications et demandes nouvelles, faire l’interface avec les nombreux prestataires locaux concernant d’éventuels vols intermédiaires ainsi que pour le vol retour.
L’employeur réplique que le salarié n’a pas effectué d’heures supplémentaires, que les modalités de décompte du temps de travail effectué par le salarié sont erronées, ses calculs devant être retraités en retenant le décompte au mois et non à la semaine en application de la convention collective, seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de 166h70 devant être rémunérées comme telles .
L’employeur ajoute que le temps à bord du vol ne peut être assimilé à du temps effectif de travail ni à du temps de déplacement en raison du régime particulier de vol. Il précise que si le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie et qu’en l’occurence, le salarié percevait une prime journalière de 100 euros brute en compensation.
L’employeur conteste également la ‘ soit-disant disponibilité permanente’ du salarié alors qu’il a mis en place un filtre entre les services utilisateurs des vols officiels et le superviseur, qu’il existait plusieurs superviseurs par vol outre des superviseurs d’escale, le salarié ayant enfin assuré seulement 34 vols officiels sur la période et qu’il n’a jamais été affecté seul sur chaque vol.
**
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au cas présent, il n’est pas discuté que le salarié exerçait les fonctions de superviseur de vol officiel (VO) affecté à l’avion présidentiel , essentiellement pour les voyages du Président de la République et parfois du Premier Ministre, ainsi que des vols des avions de la délégation accompagnant l’avion présidentiel.
L’article 5 du contrat de travail relatif à la durée du travail prévoit que ‘ compte tenu de la nature des fonctions de M. [J], les parties conviennent qu’il lui est impossible de suivre un horaire prédéfini. Les parties conviennent donc que la rémunération de M. [J] correspond à un forfait mensuel de 166,70 heures, cette rémunération incluant le paiement des heures supplémentaires et de leur majoration dans la limite du forfait.’.
L’article 9 du contrat relatif à la rémunération prévoit que le salarié percevra une rémunération brute mensuelle forfaitaire de 3 000 euros pour 166.70 heures par mois et qu’il percevra une prime de 100 euros brute par journée d’engagement de vol.
Par note du 2 mai 2016 relative à la mise en place d’un repos compensateur de remplacement pour les superviseurs, l’employeur a convenu que ‘les heures supplémentaires au-delà de 166.70 heures de travail effectif par mois donnent lieu à un repos compensateurs de remplacement conformément aux dispositions de l’article L.3121-24 et suivants du contrat de travail’ et a indiqué ‘ que les temps de vol (que ce soit par vols civils ou officiels) ne constituent pas du temps de travail effectif. Ce temps particulier de déplacement est indemnisé par la prime fixée contractuellement et versée par journée d’engagement de vol.’.
Par note de service du 15 décembre 2016 ayant pour objet le travail des cadres, l’employeur a indiqué pour les superviseurs VO que ‘ la période de travail est au maximum de 6 jours consécutifs.
Cependant certaines missions spécifiques imposent un temps de travail qui peut être plus long, notamment lors de VO longue durée et / ou longue distance. Dans ce cas précis, et qui reste rare, les cadres effectuant ce voyage, devront, en accord avec la direction et/ ou le directeur de mission, prendre un repos intermédiaire, hors base, d’au moins 36 heures qui sera compensé en récupération, de la même durée, dès le retour du VO.’.
S’agissant plus particulièrement des superviseurs VO, la note prévoit qu’ils ‘doivent respecter le temps de travail hebdomdaire mais restent responsables de leur propre emploi du temps, hormis lors des déplacements et des missions liés à leur fonction et qui sont aménagés selon les spécificités et obligations’. Il est également prévu que ‘tous les cadres doivent effectuer un décompte mensuel de leur temps de travail en utilisant le fichier Excel ‘ décompte mensuel’.
La note prévoit également ‘la mise en place d’une prime de vol qui est décomptée par journée, du premier jour engagé en déplacement sur le vol VO au dernier jour de ce même vol. Cette prime (100 euros par journée) sert à compenser les temps de service effectués lors des vols et celui du temps de travail complémentaire effectué lors des escales au sol, de nuit ou les jours de week-end. Les temps de travail effectués de nuit et / ou le dimanche et /ou les jours fériés, lors des vols VO ou des audits, ouvrent droit à récupération selon les modalités du paragraphe 4.3.’.
L’article 23 de la convention collective applicable prévoit également que “Est considéré comme en déplacement tout salarié se trouvant éloigné de son lieu d’affectation, en exécution d’un ordre de déplacement dont la durée ne saurait excéder 4 mois par an, sauf accord de l’intéressé, ou lorsque la nature de la fonction suppose un déplacement soit permanent, soit de longue durée.
a) Transport : Les heures passées en voyage dans le cadre de l’horaire habituel de travail donnent lieu à rémunération comme si l’intéressé avait travaillé.
Le cas des heures passées en voyage en dehors de l’horaire habituel de travail est résolu par accord particulier au sein de chaque entreprise.”.
Enfin, aux termes de l’article L.3121-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
Au soutien de ses demandes, le salarié produit ses bulletins de paye, ses feuilles de temps pour l’année 2016, devenues feuilles de présence mensuelle à compter d’octobre 2017, la notice des feuilles de présence mensuelle, le planning des superviseurs en mai et juin 2019, un tableau des heures supplémentaires qu’il réclame depuis 2016, outre des courriels et l’extrait du CCAP du marché à bon de commande du 5 mars 2015 du ministère de la défense justifiant du déroulement de son travail pour préparer une mission et pendant un vol officiel.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies et permettent à l’employeur de répliquer.
Pour sa part, l’employeur communique le planning du salarié du mois de juin 2017, des courriels relatifs aux repos compensateurs, un courriel relatif à l’existence d’une cellule VO activable à tout moment en fonction des vols prévus et/ ou déclenchés au dernier moment avant de contacter les superviseurs, la liste des vols officiels, la feuille de présence mensuelle du salarié du 21 février au 20 mars 2019 à titre d’exemple.
En premier lieu, les feuilles de relevé du temps de travail sont très difficilement exploitables puisqu’elles ne correspondent pas à un mois calendaire mais sont établies du 21 du mois au 20 du mois suivant.
Les modalités de saisie ont évolué dans le temps : en 2016, le salarié saisissait le temps réel de travail dont le temps de vol, puis aucune saisie n’a été réalisée pour le temps de la mission et, à compter de 2017, l’employeur a décompté un temps de travail systématique de 10 heures pour chaque journée de ‘ voyage officiel’ et de 7heures pour une journée de travail ‘ dite standard’.
Il convient d’ailleurs de relever que le contrat de travail prévoit que le salarié travaille 166h70 par mois alors que la note de service de décembre 2016 mentionne notamment que les superviseurs effectuent des semaines de 35 heures quand ils ne sont pas en vol officiel, ce qui n’est pas compatible avec les dispositions contractuelles. Le système de saisie informatique qui obligeait alors le salarié à saisir, à compter de 2017, une journée de travail de 7 heures ne prenait donc plus en compte le temps effectif et notament les heures réalisées au-delà de ce forfait de 7 heures.
En second lieu, il ressort de l’ensemble des pièces, dont les témoignages, que le salarié ne disposait pas librement de son temps pendant le vol officiel et qu’il a été amené à effectuer des tâches pour le compte de l’employeur, ce qui résulte de la nature de l’activité du salarié lequel doit être en permanence réactif à tout changement ou demande lors de la mission présidentielle.
M. [O], superviseur, indique, par courriel du 6 décembre 2017 à la technicienne de la cellule de préparation des vols officiels, que ‘ nous avons fait des horaires de fous sur l’Afrique.;Tous ces vols demandent en plus beaucoup de préparation ( appels tel+ mails) avec des changements incessants…je sais que vous le savez mais je pense que les VO ont trop largement été sous-estimés lors du contrat (et spécialement de l’armée)’.
Il s’ensuit que le vol doit être considéré comme un temps de travail effectif puisque le salarié est susceptible d’être sollicité à tout moment durant le temps de vol eu égard à ses fonctions.
En troisième lieu, les dispositions contractuelles et les notes de services ne déterminent pas précisément les modalités de calcul du temps de travail et si l’employeur a prévu l’octroi de repos compensateurs lors des missions, ceux-ci ne sont pas mentionnés sur les bulletins de paye nisur les feuilles mensuelles de temps, les seuls courriels de février à mars 2017 à propos de jours de récupération du salarié et de deux autres superviseurs n’étant pas de nature à établir leur mise en place effective. De même, s’il est rappelé au salarié le 27 mars 2017 qu’il doit prendre deux jours de ‘récupération’ avant le 1er mars 2017, ces deux journées ne sont visées ni sur la feuille de présence ni sur le bulletin de paye.
En dernier lieu, il existe une confusion sur les modes de récupération et la contrepartie financière au temps de vol. La question du calcul du temps de travail effectif pendant le déplacement officiel n’est pas clairement traitée par l’employeur en ce que :
-‘ les temps de vol ( que ce soit par vols civils ou officiels) ne constituent pas du temps de travail effectif. Ce temps particulier de déplacement est indemnisé par la prime fixée contractuellement et versée par journée d’engagement de vol.’
– mais également : ‘Cependant certaines missions spécifiques imposent un temps de travail qui peut être plus long, notamment lors de VO longue durée et / ou longue distance. Dans ce cas précis, et qui reste rare,les cadres effectuant ce voyage, devront, en accord avec la direction et/ ou le directeur de mission, prendre un repos intermédiaire, hors base, d’au moins 36 heures qui sera compensé en récupération,de la même durée, dès le retour du VO.’.
Enfin, l’argument de l’employeur selon lequel le caractère forfaitaire de la prime journalière de 100 euros ne permet pas de prendre en compte la réalité des heures travaillées ni de compenser les heures supplémentaires réalisées est inopérant, une telle prime n’ayant pas vocation à rémunérer les heures supplémentaires réalisées.
Dès lors, l’employeur ne présente pas un décompte précis réalisé sur la base de dispositions contractuelles fiables.
Il sera donc retenu la version du salarié qui présente un tableau de son temps effectif de travail comprenant des ‘ journées de travail standard’ au sol et des temps de déplacement.
S’agissant du temps de travail de nuit et des très longues journées comptabilisées par le salarié pendant les VO, M. [K], interlocuteur à [Localité 8], indique que lesvoyages officiels étaient de jour comme de nuit. M. [O], autre superviseur, atteste que le salarié est resté lors d’une mission ’37 heures sans descendre de l’avion’.
En conséquence, sur la base du tableau du salarié, en tenant compte de l’ensemble des pièces, dont les feuilles mensuelles, le planning des VO et les courriels mais également de l’indemnité fofaitaire journalière de 100 euros versée chaque jour de déplacement, la cour chiffre les montants dus au titre des heures supplémentaires à la somme totale de 71 315,93 euros soit :
– 574 heures supplémentaires en 2016,
– 7736,30 heures supplémentaires en 2017,
– 1 202 heures supplémentaires en 2018,
– 269 heures supplémentaires en 2019.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et l’employeur condamné à verser au salarié la somme de 71 315,93 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre la somme de 7 131,59 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur les repos compensateurs
Sous couvert d’une demande d’ ‘indemnité pour repos compensateurs’, le salarié forme une demande de rappel de salaire au titre des repos compensateurs et congés payés afférents.
Il résulte du nombre d’heures supplémentaires précédemment retenues que, de 2016 à 2019, le salarié a dépassé le contingent d’heures supplémentaires fixé à 220 heures.
Il convient, infirmant le jugement, de lui allouer la somme totale de 34 848,02 euros bruts au titre des repos compensateurs outre la somme de 3 484,86 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable d’embauche ou à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité fofaitaire égale à six mois de salaire.
En l’occurrence, l’employeur a adopté un mode de calcul du temps de travail opaque en ce que:
– les décomptes n’étaient pas effectués sur le mois calendaire,
– les règles de calcul du temps de travail ont varié,
– la saisine du temps de travail a été modifiée à trois reprises et la salarié a été contraint à compter de 2017 de saisir une durée forfaitaire de 10 heures lors des vols officiels au lieu du temps réellement travaillé et ce, sans pouvoir saisir les heures de nuit.
L’ensemble de ces faits et en particulier l’importance du travail réalisé par le salarié caractérisent l’élément intentionnel du travail dissimulé.
Il convient donc, infirmant le jugement, de faire droit à la demande du salarié et de lui allouer à ce titre, en application de l’article L. 8223-1 précité, la somme de 36 771,18 euros, non utilement contestée par l’employeur.
Sur l’exéxution déloyale du contrat de travail
La loi prescrit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le salarié établit que l’employeur a sciemment minoré le volume horaire travaillé et a mis en place une organisation professionnelle permettant au salarié à plusieurs reprises d’enchaîner les vols officiels sans repos.
Il n’est cependant résulté de ce manquement aucun préjudice, dès lors que la cour a fait totalement droit aux demandes du salarié au titre des heures supplémentaires ,des repos compensateurs et de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et que le salarié ne justifie pas d’un préjudice autre que le préjudice financier réparé par les sommes ainsi allouées.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour éxécution déloyale du contrat de travail.
Sur la rupture
Le salarié expose que le contrat de travail précise les contours de sa mission de superviseur de vol de voyage officiel et qu’il n’y est pas question de fonctions administratives, de sorte que l’employeur ne peut pas modifier ses fonctions en lui demandant de réaliser des telles tâches. Il affirme également qu’il avait été convenu que le travail de préparation des missions s’effectuerait à son domicile, à l’instar de tous ses collègues. Il indique enfin que le contrat stipule qu’il lui est impossible de suivre un horaire prédéfini et qu’à compter du 18 avril 2019, l’employeur lui a demandé de travailler selon un planning par roulement en dehors des voyages officiels, apportant ainsi une nouvelle modification au contrat de travail, de sorte qu’il n’a commis aucune insubordination en sollicitant des explications.
Le salarié indique également que les faits reprochés à propos du carburant sont prescrits et imprécis.
En réplique, l’employeur objecte que le salarié a été licencié pour avoir refusé d’effectuer la part administrative de ses fonctions au nouveau bureau à [Localité 11] et pour avoir effectué des achats de carburant avec la carte de la société supérieurs excédant les kilomètres parcourus. Il soutient que dans le cadre de convenance personnelle le salarié a souhaité effectuer la partie administrative de ses fonctions à domicile de sorte qu’il n’y a pas de modification d’un élément contractuel, les tâches administratives devant être effectuées dans le même secteur géographique que précedemment. L’employeur ajoute que le salarié ne travaillait pas en totale autonomie et n’était pas libre d’organiser son emploi du temps à sa guise, les plannings prévoyant des jours de présence à [Localité 11] pour le travail adminsitratif n’ayant rien modifié à ses fonctions.
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Sur le grief tiré d’achats de carburant non justifiés pour la somme de 1 159 euros
L’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique ; que l’employeur peut prendre en compte un fait antérieur àdeux mois dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai.
En l’espèce, les faits qui correspondent aux consommations reprochées au salarié dans les deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement ne sont pas prescrits.
Toutefois, les factures éditées entre le 30 novembre 2017 et le 31 mars 2019 au nom de ‘ FLYOPS [W] XAVIER’, le président de la société, sans élément complémentaire d’analyse, n’établissent pas une consommation non justifiée de carburant par le salarié.
L’employeur qui se contente de demander au salarié de justifier de la différence constatée entre les achats de carburant et la consommation réelle du véhicule, sans éléments complémentaires, ne rapporte donc pas la preuve d’un abus du salarié.
Ce grief n’est pas établi.
Sur le grief tiré du refus de venir travailler à [Localité 11]
Le salarié soutient que le contrat de travail ne prévoit pas qu’il exerce des fonctions administratives et que l’employeur ne peut les lui modifier en lui demandant de réaliser des tâches administratives alors qu’il avait été convenu que l’ensembledu travail de préparation des missions se ferait à son domicile, à l’instar de ses collègues, et que le passage à des horaires planifiés selon un roulement remet en cause les termes du contrat. Il ajoute qu’il a sollicité la mise en oeuvre d’un avenant et que son refus d’accepter de telles modifications de son contrat était légitimes.
L’employeur réplique que le salarié a été notamment licencié pour avoir refusé d’effectuer la part administrative de ses fonctions au sein du bureau à [Localité 11].
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Toute modification du contrat de travail requiert l’accord du salarié. La modification des horaires de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.
Par ailleurs, en dehors même de toute clause contractuelle de mobilité, si le changement du lieu de travail a lieu dans le même secteur géographique, il constitue un simple changement des conditions de travail relevantdu pouvoir de direction de l’employeur que le salarié ne peut refuser sans commettre de faute (Soc., 21 mars 2000, Bull. N°114).
La mention du lieu dans le contrat de travail a simple valeur d’information à moins qu’il ne soit stipulé, par une clause claire et précise, que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. (Soc., 3juin 2003, Bull.N° 185; Soc., 15 mars 2006, Bull. N° 102).
Par conséquent si le salarié est amené à changer de lieu de travail au sein d’un même secteur géographique, il n’en résulte qu’un simple changement des conditions de travail, qui s’impose au salarié, sauf atteinte excessive à sa vie privée,et non une modificationde son contrat de travail, qui doit faire l’objetd’un accord exprès de sa part. (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi n° 15- 23.375)
Au cas présent, si le siège de la SAS Flyops est situé à [Localité 7] , les vols officiels partent d’un aéroport situé en région parisienne, le salarié résidant à [Localité 10], dans les Yvelines.
Par courriel du 12 avril 2019 adressé aux cinq superviseurs, l’employeur indique avoir évoqué, lors d’une réunion tenue le 3 avril la mise en place de nouveaux bureaux à [Localité 11] et lui a demandé d’être présent le 18 avril pour visiter les locaux, précisant qu’à compter du 22 avril 2019, en fonction de leur planning, leur nouveau lieu de travail se situera à [Localité 11] où ils devront se rendre durant leurs heures de travail.
Le salarié a refusé d’appliquer ce nouveau planning après la mise en demeure de l’employeur du 29 avril 2019.
Toutefois, il ne peut être discuté que le salarié exerçait des fonctions administratives pour la préparation des vols quand bien même cette mention n’est pas portée de manière littérale dans le contrat, le contrat de travail prévoyant que le salarié est ‘ chargé d’assurer la supervision de la préparation cabine avion avant les vols, de coordonner les services et intervenants en escale pour les vols VIP et VVIP.’.
Par ailleurs, le contrat ne fixe pas le lieu de travail du salarié dont le secteur n’est pas modifié.
En outre, aux termes de l’article 3 du contrat qui définit les missions du salarié, il est notamment indiqué qu’il assure ‘la gestion sur la base avions ( Roissy et [Localité 11]) des dotations de bord et du stockage des matériels de cabine’.
Une clause de résidence impose également au salarié , ‘ compte tenu de la nature et de la spécificité de ses fonctions et notamment de la nécesité d’interventions rapides de s’engager à habiter dans une zone géographique d’où il pourra se rendre en une heure maximum à l’aéroport d'[Localité 11].’.
Le contrat prévoit enfin, comme indiqué précédemment que la nature des fonctions du salarié l’empêche de suivre un horaire prédéfini notamment sous la forme d’un roulement puisque les superviseurs sont soit appelés à rester au sol soit à être en mission pour un vol officiel.
L’organisation du temps de travail en dehors des temps de vol était également prévue par l’employeur sous la forme de ‘ journée de travail standard’ à compter de 2017.
En tout état de cause, en dépit des modifications apportées par l’employeur sur les modalités de relevé du temps de travail, ce dernier a toujours distingué les temps de vol et le temps travaillé au sol, et l’a quantifié.
Par ailleurs le salarié recevait un planning de travail prévisionnel comprenant, notamment, des horaires très encadrés lors des missions. Le salarié ne disposait donc pas d’une autonomie dans la détermination de son temps de travail.
L’élaboration en avril 2019 d’un planning prévisionnel par l’employeur pour le temps passé en dehors des vols ne modifie pas les dispositions contractuelles.
Enfin, aucune disposition contractuelle n’organise ce temps de travail administratif en télétravail, au domicile du salarié, et les termes du contrat induisent donc que cette activité s’effectue à Orlyou Roissy, quand bien même le salarié a eu la faculté de travailler à son domicile pendant presque trois années.
Le directeur de la société Bolloré Logistics atteste, le 4 septembre 2019, avoir mis à disposition depuis le 18 janvier 2016 un bureau à Roissy dans les locaux Bolloré pour les superviseurs Flyops.
Il s’ensuit que les superviseurs disposaient auparavant d’un bureau et le salarié ne justifie pas d’une disposition contractuelle l’autorisant à travailler à son domicile.
Dans ces conditions, l’employeur n’a pas modifié le contrat de travail par la mise en place d’une nouvelle organisation du travail du salarié en dehors des temps de vol et l’insubordination du salarié est caractérisée en ce qu’il a refusé de se rendre au bureau nouvellement créé à [Localité 11].
Le grief est donc établi et il suffit, à lui seul, à rendre impossible le maintien dans l’entreprise d’un salarié refusant d’exécuter sa prestation de travail.
Il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de débouter le salarié de toutes ses demandes subséquentes au titre de la rupture.
Sur l’application de la clause pénale pour violation de la clause de confidentialité
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle
Le salarié soulève l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle de l’employeur au visa de l’article 564 du code de procédure civile au titre de la violation de la clause de confidentialité et fait valoir que le jugement déféré n’a pas statué sur ce point dans son dispositif. Il rappelle que les conclusions n° 4 ont été déposées tardivement par l’employeur devant le bureau de jugement et que, parfaitement informé de la clôture, l’employeur n’a formulé aucune demande de rabat au conseil de prud’hommes qui a écarté ses écritures avant toute défense au fond.
L’employeur réplique qu’aucune ordonnance de clôture ne lui a été notifiée ni à son conseil, voire n’a été rendue, et que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a constaté l’irrecevabilité de ses conclusions n°4, lesquelles, sans nouvelle pièce, ont été communiquées le 9 septembre 2020 pour une audience prévue le 6 octobre 2020 et ce dans un délai permettant le respect du principe contradictoire. Il ajoute qu’en tout état de cause la demande reconventionnelle est recevable en appel.
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Au cas présent, le jugement indique, dans le rappel de la procédure que ‘Après renvois, à l’audience du 02 Juin 2020, le Conseil constate que l’affaire est en état d’être jugée et renvoie l’affaire à l’audience du bureau de jugement du 06 Octobre 2020, les parties dûment avisées.’, sans mention de l’existence d’une ordonnance de clôture.
Dans la motivation de la décision, les premiers juges ont fait droit à la demande d’irrecevabilité des conclusions n° 4 de l’employeur soulevée par la partie demanderesse. En revanche, ils n’ont pas repris l’irrecevabilité ainsi retenue dans le dispositif du jugement.
Fort de cette décision d’irrecevabilité, ils ne se sont pas prononcés, dans les motifs et dans le dispositif, sur la demande reconventionnelle de l’employeur de condamnation du salarié au versement d’une somme au titre de la clause pénale pour violation de la clause de confidentialité contractuelle, formée dans les conclusions n° 4 de l’employeur datées du 9 septembre 2020.
L’employeur demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables ses conclusions n° 4.
Cependant, il n’appartient pas à la cour de confirmer une irrecevabilité retenue par les premiers juges dans les motifs de leur décision mais qui ne figure pas dans le dispositif du jugement, alors qu’elle n’a pas été davantage saisie que les premiers juges d’une demande de rectification en ce sens.
Dans ces conditions, la demande relative à la violation de la clause de confidentialité présentéepour la première fois en cause d’appel doit s’analyser en une demande reconventionnelle nouvelle.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon les dispositions de l’article 567, les demandes reconventionnelles sont également recevables en cause d’appel.
En application de l’article 70 du code de procédure civile, une demande peut être formée à titre reconventionnel à condition de se rattacher à la demande originaire par un lien suffisant, souverainement apprécié par le juge du fond.
Au cas présent, l’employeur forme donc une demande reconventionnelle, nouvelle en cause d’appel, d’indemnisation pour violation de la clause de confidentialité en reprochant au salarié de produire aux débats des éléments émanant de la Présidence de la République, de [Localité 9] ou de différentes ambassades, à savoir les pièces adverses de l’appelant, n° 37 à 40.
L’employeur soutient ainsi que le salarié a violé l’obligation de confidentialité à laquelle il était contractuellement tenu, aux termes de l’article 11 du contrat de travail.
Sachant que la particularité de la fonction du salarié tient au fait qu’il travaillait pour les services de [Localité 8] et de [Localité 9], ce qui est au centre du litige, en ce qu’il devait notamment justifier d’une très importante disponibilité lors des vols officiels, la question du respect de la clause de confidentialité présente un lien suffisamment établi avec les prétentions originaires.
Dès lors, il convient de déclarer recevable cette demande reconventionnelle nouvelle en cause d’appel de l’employeur.
Sur le bien fondé de la demande
L’article 11 du contrat de travail prévoit que ‘ Compte tenu de la nature de ses fonctions et des informations auxquelles celles-ci lui donnent accès dans le cadre de la présente collaboration, M. [J] devra se considérer, sans limitation de durée, lié par une véritable obligation de secret professionnel à l’égard de toute entreprise ou personne tierce, concurrente ou non de la société.
Il s’interdit en conséquence sans limitation de durée de communiquer aux tiers, par quelque moyen de ce soit, tout renseignement de nature technique, commerciale ou financière, concernant l’activité de la société.
Toutes les informations et leurs reproductions resteront la propriété de la SAS Flyops et M. [J] s’engage à ne pas les diffuser d’aucune manière en dehors de l’entreprise. En cas de résiliation de son contrat de travail quel qu’en soit l’auteur ou la cause, M. [J] s’oblige par ailleurs à restituer immédiatement à la société l’intégralité des documents professionnels en sa possessin( devis, études, projets, documents techniques, financiers ou commerciaux de quelque nature et sur quelque support que ce soit).
En cas de non -respect de l’un ou l’autre de ces engagements, M. [J] se verrait contraint de verserà la société, à titre de clause pénale, une somme égale à 6 mois de salaire brut sur la base de la moyenne des 12 derniers mois de travail effectif, indépendamment du droit de la société de faire cesser immédiatement le trouble commercial, au besoin sous astreinte,et de poursuivre M. [J] en remboursement du préjudice réel.’.
Les pièces litigieuses sont les suivantes :
– pièce 37 : échanges de courriels le 21 juin 2018 entre un superviseur de la société Flyops et un membre du gouvernement à propos d’une estimation financière, non communiquée au dossier, et qui vise le vol de Pékin,
– pièce 38 : télécopie de la cellule des voyages officiels de la société Flyops à M. [J] à propos d’un vol le 25 mai 2017 avec un tableau en pièce jointe des modalités de vols et de prestations des équipages pour deux avions de la délégation,
– pièce 39 : le courriel du 21 décembre 2016 adressé par un membre du secrétariat de [Localité 8] à plusieurs salariés de la société Flyops, dont M. [J], portant sur les horaires de l’airbus 310 Délégation du voyage du 13 au 15 janvier 2017,
– pièce 40 : le courriel du bureau des aides de camp du Premier ministre adressé à M. [J] et un autre superviseur relatif au projet des mouvements aériens pour le vol PM Chine en juin 2018.
Tous ces messages comprennent des adresses mail de membres attachés au gouverment ainsi que pour certains leur nom et numéro de téléphone. Les courriels décrivent également l’organisation mise en place pour un vol officiel.
Il est donc établi que le salarié a communiqué en dehors de l’entreprise à des tiers des renseignements de nature technique, commerciale et financière, concernant l’activité de la société alors qu’il s’était engagé à ne pas les diffuser d’aucune manière.
Toutefois, un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans le litige l’opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions.
Au cas particulier, la communication des pièces produites pas le salarié était strictement nécessaire pour appréhender la réalité concrète de son activité professionnelle et notamment présenter des éléments au soutien de sa demande de contestation de la rupture et de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs.
Le salarié n’a donc pas violé la clause de confidentialité prévue au contrat.
Ajoutant au jugement, il convient de débouter l’employeur de sa demande d’indemnisation au titre de la violation de la clause de confidentialité.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’employeur qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais par lui exposés en première instance et en cause d’appel non compris dans les dépens, qu’il conviendra de fixer à la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il déboute M. [J] de sa demande d’indemnisation en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail, condamne la société Flyops à verser à M. [J] la somme 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboute la société Flyops de sa demande reconventionnelle à ce titre et condamne la société Flyops aux dépens,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Flyops à payer à M. [J] les sommes suivantes :
– 71 340,93 euros au titre du rappel de salaire sur les heures supplémentaires outre 7 131,59 euros au titre des congés payés afférents,
– 34 845,69 euros au titre du rappel de salaire sur les repos compensateurs outre 3 484,86 euros au titre des congés payés afférents,
– 36 771,18 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
DIT que le licenciement pour faute grave est fondé,
DÉBOUTE en conséquence M. [J] de ses demandes au titre du préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉCLARE recevable la demande reconventionnelle de la SAS Flyops au titre de la violation de la clause de confidentialité,
DÉBOUTE la SAS Flyops de sa demande reconventionnelle d’indemnisation de la violation de la clause de confidentialité,
CONDAMNE la SAS Flyops à verser à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la SAS Flyops aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président