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SF /CD
Numéro 23/01391
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/04/2023
Dossier : N° RG 21/01822 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H4KA
Nature affaire :
Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente
Affaire :
[F] [H]
C/
[C] [Z]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Mars 2023, devant :
Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,
Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame de FRAMOND, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [F] [H]
née le 03 février 1985 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004108 du 30/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)
Représentée et assistée de Maître GACHIE de la SELARL THOMAS GACHIE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIME :
Monsieur [C] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assigné
sur appel de la décision
en date du 07 AVRIL 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE POLE PROXIMITE
RG numéro : 11-20-000604
EXPOSE DU LITIGE
Le 22 août 2016, M. [C] [Z] a vendu à Mme [F] [H] un véhicule de marque Renault modèle Megane Scenic immatriculé [Immatriculation 5] au prix de 1 700 €.
Il ne lui pas été possible de le faire immatriculer à son nom car, aux dires de l’agent de la préfecture, le véhicule était informatiquement au nom de Mme [E] [Z] alors qu’elle présentait un certificat de cession papier au nom de [J] [L] [V].
Mme [F] [H] a déposé plainte pour escroquerie le 1er mars 2018 contre M. [C] [Z]. Elle n’est pas parvenue à faire immatriculer le véhicule à son nom, y compris en passant par un professionnel.
L’échec de la tentative de conciliation a été constaté M. [M] [O], Conciliateur, le 22 octobre 2020.
Par acte du 3 décembre 2020, déposé en l’étude de l’huissier, Mme [F] [H] a fait assigner M. [C] [Z] devant le Tribunal judiciaire de Bayonne auquel elle demandait de prononcer la résolution de la vente du véhicule et d’obliger les parties à se remettre en l’état antérieur, outre sa condamnation à l’indemniser de ses différents préjudices.
Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bayonne, par jugement réputé contradictoire a rejeté toutes les demandes de Mme [F] [H], et l’a condamnée aux dépens.
Dans sa motivation, le tribunal a estimé que Mme [F] [H] ne démontrait pas avoir contracté avec M. [C] [Z].
Mme [F] [H] a relevé appel par déclaration du 1er juin 2021, critiquant le jugement en toutes ses dispositions.
Dans ses conclusions signifiées à l’intimé le 6 avril 2022, Mme [F] [H], appelante, demande à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bayonne du 7 avril 2021,
Ordonner la résolution du contrat de vente du véhicule et obliger les parties à se remettre en l’état antérieur à la conclusion du contrat, en l’occurrence :
* Condamner M. [C] [Z] à rembourser à Mme [F] [H] le prix de vente de 1 700 €, avec intérêts au taux légal à compter du jour du contrat de vente, soit le 22 août 2016, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ;
* En contrepartie, juger que Mme [F] [H] restituera le véhicule une fois seulement que M. [C] [Z] aura pleinement rempli son obligation de restitution du prix, étant précisé qu’il appartiendra à M. [C] [Z] de procéder à l’enlèvement à ses frais du véhicule là où il se trouve et de faire son affaire personnelle d’éventuels frais de gardiennage du garage dépositaire du véhicule ;
* Juger que l’enlèvement du véhicule devra impérativement intervenir dans le délai d’un mois à compter du jour du parfait remboursement du prix de vente, après quoi Mme [F] [H] sera autorisée à disposer à sa guise dudit véhicule.
Condamner Monsieur [C] [Z] à payer à Madame [F] [H] la somme de :
* 7 000 € par mois au titre du trouble de jouissance subi à compter du 22 septembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019, date de la lettre de mise en demeure demeurée infructueuse ;
* 300 € TTC au titre des honoraires du conseil au stade amiable, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019, date de la lettre de mise en demeure demeurée infructueuse ;
* 500 € au titre du préjudice moral.
Fixer le point de départ de la capitalisation des intérêts au 30 septembre 2019, soit une date de première capitalisation au 30 septembre 2020.
Condamner M. [C] [Z] à payer à Mme [F] [H] une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel.
Condamner M. [C] [Z] à payer à Maître Thomas GACHIE la somme de 3 400 € sur le fondement de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 pour la première instance et 2 000 € l’instance d’appel.
Condamner M. [C] [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions Mme [F] [H] fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1104, 1193 et 1194, 1604 et suivants du Code Civil et l’article 11 de l’arrêté du 9 février 2009, que :
– M. [Z] a manqué à son obligation de délivrance du véhicule qu’il avait acquis au nom de sa fille, par le défaut de mutation de la carte grise à son propre nom, ce qui empêchait toute immatriculation postérieure de ce véhicule par Mme [F] [H] qui ignorait cette situation administrative ;
– que c’est bien M. [Z] qui lui a vendu ce véhicule à son domicile où elle s’est rendue, avant ensuite d’aller porter plainte pour escroquerie lorsqu’elle a découvert que le véhicule était toujours au nom de sa fille ;
– que malgré l’intervention des gendarmes par téléphone auprès de M. [Z] ainsi qu’il ressort du procès verbal dressé le 4 août 2019 puis de son audition libre le 7 août 2019, celui-ci n’a pas tenu ses engagements de modifier la carte grise ;
– qu’elle a subi un préjudice de jouissance certain depuis l’immobilisation du véhicule le 22 septembre 2016 jusqu’au jour où elle sera remboursée du prix, qui doit être fixé, selon la jurisprudence qu’elle verse au débat, à 100 € par mois, le manque de véhicule l’ayant gênée pour les activités de ses enfants qu’elle élève seule, les trajets pour aller à la crèche ;
– qu’elle a sollicité son avocat pour qu’il l’assiste dans les démarches amiables avant d’engager la procédure et demande à en être indemnisée ;
– qu’elle doit être remboursée des frais d’assurance qu’elle a dû assumer inutilement ;
– elle invoque également le préjudice moral de cette résolution, de ses démarches, de devoir retrouver un autre véhicule ;
– elle demande la capitalisation des intérêts à compter du 30 septembre 2019 puisqu’il n’est plus nécessaire de solliciter la capitalisation des intérêts en justice, cette mesure étant de droit.
M. [C] [Z], intimé, n’a pas constitué avocat, la signification des dernières conclusions, délivrées le 06 avril 2022, à l’adresse de [Localité 4] qu’il avait donnée aux gendarmes lors de son audition du 4 août 2019, a été transformée en procès-verbal de recherches infructueuses.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de résolution de la vente pour défaut de délivrance du véhicule :
En vertu de l’article 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer à l’acheteur la chose vendue selon les caractéristiques spécifiées par la convention.
Selon l’article 1615 du code civil l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel, ce qui comprend pour un véhicule automobile son certificat d’immatriculation, indispensable à l’usage normal de celui-ci.
En l’espèce, Mme [H] verse au débat la déclaration de cession du véhicule Renault Megane Scenic immatriculé [Immatriculation 5], établie le 22 août 2016 à son nom par un vendeur dénommé [J] [L] [V] ; elle produit également la photocopie de la carte grise de ce véhicule barré avec la mention vendue le 22 août 2016 signé de M. [L] et sur lequel il figure comme propriétaire.
Cependant elle démontre également par la production des procès-verbaux d’enquête de gendarmerie à la suite de sa plainte déposée le 1er mars 2018 et de l’audition de M. [C] [Z], que celui-ci lui a vendu ce véhicule en se présentant comme le propriétaire et a perçu le prix de 1 700 €.
Dans ses déclarations aux gendarmes recueillies le 4 août 2019, celui-ci reconnaît en effet qu’il avait acheté ce véhicule pour sa fille [E] [Z] qui allait passer son permis de conduire. Le propriétaire vendeur M. [L] [V] avait établi un certificat de cession au nom de [E] [Z] et la cession a bien été enregistrée au nom de celle-ci de manière informatique, mais il avait remis aussi un autre certificat dans lequel le nom du cessionnaire était laissé en blanc, car sa fille ayant manqué son permis M. [Z] a voulu revendre le véhicule immédiatement, à Mme [H] donc, pour éviter les doubles frais de transfert de carte grise en inscrivant son nom sur le certificat laissé vierge, raison pour laquelle le certificat papier est resté au nom du précédent propriétaire, barré au profit de Mme [H].
Il ressort ainsi de ses déclarations que Mme [H] a acquis ce véhicule de M. [C] [Z] agissant pour le compte de sa fille, mais sans avoir pu ensuite régulariser le certificat d’immatriculation à son nom, M. [Z] et sa fille n’ayant pas eux-mêmes régularisé le certificat papier du véhicule acquis de M. [L] qui figure donc toujours comme propriétaire.
M. [Z] n’ayant pas contesté avoir perçu la somme de 1 700 € pour ce véhicule mais n’ayant pas régularisé la carte grise, il n’a pas délivré intégralement le véhicule à Mme [H] en la privant du certificat d’immatriculation, document administratif indispensable à l’autorisation de circulation du véhicule.
Il s’ensuit que la vente réalisée le 22 août 2016 entre M. [Z] et Mme [H] doit être résolue, et les restitutions réciproques ordonnées afin de remettre les parties en l’état antérieur à la vente, les intérêts légaux ne courant sur la somme du prix de vente qu’à compter de la mise en demeure d’obtenir la résolution reçue le 2 octobre 2019 en application de l’article 1231-6 du code civil.
Une astreinte n’est pas justifiée compte tenu des intérêts légaux appliqués et dès lors que Mme [H] n’a pas voulu, par méfiance, remettre la carte grise barrée à M. [Z] qui proposait de régulariser la situation administrative, ainsi qu’il ressort de ses déclarations devant les gendarmes.
Sur les demandes de dommages intérêts complémentaires :
Sur la perte de jouissance :
En vertu des articles 2 et 11 de l’arrêté du 9 février 2009, le certificat d’immatriculation matérialise l’autorisation de circuler du véhicule et permet son identification. Tout acquéreur d’un véhicule déjà immatriculé doit demander l’établissement d’un certificat d’immatriculation à son nom avant toute nouvelle cession même si cette dernière intervient dans le délai d’un mois fixé par l’article R. 322-5 du code de la route.
Selon l’article R322-5 du code de la route le nouveau propriétaire d’un véhicule déjà immatriculé doit, s’il veut le maintenir en circulation, faire établir, dans un délai d’un mois à compter de la date de la cession, un certificat d’immatriculation à son nom.
Le fait, pour tout propriétaire, de maintenir en circulation un véhicule sans avoir obtenu un certificat d’immatriculation dans les conditions fixées au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Mme [H] soutient avoir dû immobiliser le véhicule un mois après son achat, le 22 septembre 2016. Cependant, il ressort de l’enquête de gendarmerie que Mme [H] a continué à utiliser celui-ci bien au-delà de cette date puisqu’elle a admis le 4 août 2019 avoir été flashée à [Localité 6] pour excès de vitesse et avoir eu des amendes pour mauvais stationnement en 2018, dont les photocopies sont produites devant les gendarmes par M. [Z] parce que [E] [Z] les a reçues à son domicile.
En outre Mme [H] a refusé que M. [Z] reprennent les documents administratifs pour les régulariser auprès de la préfecture comme il s’y engageait devant les gendarmes, préférant faire annuler la vente.
Il s’ensuit qu’il ne peut être fait droit à la demande d’indemnisation d’un préjudice de jouissance pour l’immobilisation du véhicule, non démontrée.
Sur la demande d’indemnisation des honoraires de conseil :
Mme [H] produit la facture de Maître GACHIE du 26 septembre 2019 pour une consultation en vue de démarches amiables d’un montant de 300 €.
Il est ainsi justifié d’indemniser les frais de ces démarches et cette somme sera accordée à Mme [H] ;
En application de l’article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
[…] L’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
La condamnation à payer la somme de 300 € ne produira pas intérêts légaux à compter de la lettre de mise en demeure reçue le 2 octobre 2019 mais à compter de la décision d’appel en vertu du texte précité, aucun motif ne justifiant de déroger à cette règle.
Sur la demande au titre du préjudice moral et de prime d’assurance :
La situation inextricable sur le plan administratif résultant de la vente du véhicule Megane Scenic par M. [Z] à Mme [H] le 22 août 2016 a causé un préjudice moral certain à celle-ci qui n’a pas pu faire immatriculer le véhicule la plaçant dans une insécurité juridique pendant plusieurs années. Il est légitime de lui accorder la somme de 500 € qu’elle réclame en réparation de ce préjudice.
La cour constate qu’il est demandé par Mme [H] le remboursement des primes d’assurance versée pour le véhicule, mais d’une part, cette demande ne figure pas dans le dispositif des conclusions et ne saisit donc pas la Cour et en toute hypothèse l’assurance est la contrepartie de la jouissance du véhicule, dont il a été vu plus haut qu’elle n’avait pas cessé depuis l’acquisition et se justifie par la garantie accordée en cas d’accident.
Cette demande ne peut donc être satisfaite.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires :
Il y a lieu de condamner M. [Z] à payer à Maître GACHIE la somme de 3 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et aux dépens de première instance et d’appel.
La demande de Mme [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à titre personnel sera rejetée puisqu’elle a bénéficié de l’aide juridictionnelle totale et ne justifie donc d’aucune somme restée à sa charge, les honoraires en vue des démarches amiables ayant été indemnisés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 7 avril 2021 en toutes ces dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résolution du contrat de vente conclu le 22 août 2016 entre M. [Z] et Mme [H] du véhicule de marque Renault Megane Scenic immatriculée [Immatriculation 5] au prix de 1 700 €.
Condamne M. [C] [Z] à rembourser à Mme [F] [H] le prix de vente de 1 700 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 octobre 2019.
Fixe le point de départ de la capitalisation des intérêts au 2 octobre 2019, soit une date de première capitalisation au 2 octobre 2020.
Condamne Mme [F] [H] à restituer le véhicule à M. [C] [Z] après restitution du prix, aux frais de celui-ci ;
À défaut de reprise du véhicule par M. [Z] dans le délai de trois mois à compter du jour du parfait remboursement du prix de vente, autorise Mme [F] [H] à disposer à sa guise dudit véhicule.
Condamne M. [C] [Z] à payer à Mme [F] [H] les sommes de :
– 300 € au titre des frais d’honoraires de démarches amiables,
– 500 € au titre du préjudice moral.
Rejette la demande de report des intérêts légaux au jour de la mise en demeure pour les indemnités allouées à la cour.
Rejette les demandes de Mme [H] au titre de son préjudice de jouissance et au titre du remboursement des primes d’assurances.
Rejette la demande de Mme [H] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [C] [Z] à payer à Mme [F] [H] la somme de 3 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Condamne M. [C] [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE