Tentative de conciliation : 25 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/04213

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Tentative de conciliation : 25 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/04213
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 25 AVRIL 2023

N° RG 21/04213 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MHMK

S.A.S. CAMPALISE

c/

S.A GENERALI IARD

Nature de la décision : EXPERTISE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juin 2021 (R.G. 2021000867) par le Tribunal de Commerce d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2021

APPELANTE :

S.A.S. CAMPALISE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Etienne RIONDET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A GENERALI IARD, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]

représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Marine de BOURQUENEY de l’AARPI NGO JUNG – PARTNERS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par l’intermédiaire de la société de courtage Val’Assurances, la SARL Demhôtel, qui exerce une activité de holding, a conclu avec la SA Compagnie Generali IARD (ci-après désignée la société Generali), avec effet au 1er janvier 2019, un contrat d’assurance pour le compte des établissements de son groupe, et notamment pour la compte de sa société fille, la SAS Campalise, qui exploite à [Localité 7] (16) un hôtel à l’enseigne Campanile Angoulême [Localité 7], ayant également une activité de restaurant et bar.

Au titre de la protection financière de l’assurée, ce contrat garantit notamment le risque de perte d’exploitation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mars 2020, la société Demhôtel a adressé à la société Generali une déclaration de sinistre en sollicitant la mise en oeuvre de la garantie perte d’exploitation, en raison de l’épidémie de Covid-19.

Par courriel en date du 29 avril 2020, la société Val’Assurances a transmis à la société Campalise la réponse de la société Generali, indiquant que la garantie perte d’exploitation ne pouvait être mobilisée que pour l’activité de bar-restaurant, et non pour celle d’hôtellerie, dès lors que les hôtels n’avaient pas fait l’objet de mesures de fermeture administrative.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 novembre 2020, adressée par son conseil, la société DemHôtel a confirmé la déclaration de sinistre, en rappelant les termes de la garantie perte d’exploitation, et l’interruption quasi-totale de la fréquentation des établissements hôteliers à la suite des mesures gouvernementales destinées à lutter contre la propagation du virus.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mars 2021, la société Demhôtel a fait une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la société Generali, en raison d’importantes pertes d’exploitation sur l’ensemble des établissements de son groupe, liées aux annonces faites par le gouvernement concernant un deuxième confinement.

Par acte d’huissier en date du 17 février 2021, la société Campalise a fait assigner la société Generali devant le tribunal de commerce d’Angoulême en paiement de la somme de 108348 euros, au titre de sa perte d’exploitation.

Lors de l’audience, elle a demandé, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert judiciaire et le paiement d’une indemnité provisionnelle de 54000 euros, à titre d’avance sur indemnité.

Par jugement en date du 10 juin 2021, le tribunal de commerce d’Angoulême a :

– dit que la police d’assurance de la société Generali est mobilisable pour l’indemnisation de la perte d’exploitation de l’activité ‘Restaurant-Bar’ de la société Campalise,

– rejeté la demande de mobilisation de la police d’assurance de la société Generali pour la couverture de la perte d’exploitation de l’activité ‘hôtelière’ de la société Campalise,

– enjoint à la société Campalise d’avoir à produire le détail comptable de sa perte d’exploitation pour l’activité ‘Restaurant- Bar’,

– enjoint à la société Campalise et à la société Generali d’avoir à tenter de trouver un accord amiable sur le montant de l’indemnisation de la perte d’exploitation ‘Restaurant-Bar’ et d’en justifier au tribunal de céans,

– sursis à statuer sur la condamnation de la société Generali à verser la somme de 108348 euros à la société Campalise,

– sursis à statuer sur l’avance d’indemnité sollicitée par la société Campalise,

– sursis à statuer sur la demande de désignation d’un expert judiciaire,

– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du tribunal de commerce de céans du jeudi 30 septembre 2021 à 15 heures,

– réservé les dépens, à charge pour la partie demanderesse de les avancer,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que l’exécution provisoire de la décision est de droit y compris dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 21 juillet 2021, la société Campalise a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Generali.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 08 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Campalise demande à la cour de :

– vu le contrat liant les parties,

– vu les articles 1103, 1104, 1190 du code civil,

– réformer le jugement du tribunal de commerce d’Angoulême en date du 10 juin 2020 en ce qu’il :

– l’a déboutée de sa demande de mobilisation de la police d’assurance de la société Generali pour la couverture de sa perte d’exploitation de l’activité hôtelière,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner la société Generali à lui verser la somme de 108348 euros au titre de sa perte d’exploitation,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner, en tout état de cause, la société Generali à lui verser, à titre d’avance sur indemnité, la somme de 54 000 euros,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir désigner tel expert qu’il plaira aux fins d’évaluer contradictoirement sa perte d’exploitation pendant la période considérée,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir rejeter l’ensemble des demandes et prétentions de la société Generali,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner la société Generali à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner la société Generali aux entiers dépens,

– statuant à nouveau,

– condamner la société Generali à lui payer la somme de 108348 euros au titre de la perte d’exploitation subie au titre du premier confinement,

– condamner la société Generali à lui payer la somme de 42 498 euros au titre de la perte d’exploitation subie pendant le deuxième confinement,

– en tout état de cause,

– condamner la société Generali à verser, à titre d’avance sur indemnité, la somme de 75 000 euros,

– subsidiairement, désigner tel expert qu’il plaira aux fins d’évaluer contradictoirement la perte d’exploitation subie par la société demanderesse pendant les deux périodes considérées à savoir du 16 mars au 04 mai 2020 pour l’activité hôtelière, du 16 mars au 12 mai pour l’activité restauration et bar, puis du 29 octobre au 29 janvier 2021 et ce aux frais avancés de la société Generali,

– l’expert pourra notamment se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à sa mission ; il pourra entendre tout sachant,

– débouter la société Generali de l’ensemble de ses fins et demandes,

– condamner la société Generali à verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Generali en tous les dépens qui comprendront les honoraires de l’expert judiciaire, les dépens d’appel étant distraits au profit de la société Mathieu Raffy ‘ Michel Puybaraud.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 23 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Generali, demande à la cour de :

vu les polices d’assurance de la sociétéCampalise,

vu la jurisprudence,

– à titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angoulême du 10 juin 2021 en toutes ses dispositions,

-limiter la condamnation de la société Generali à la somme de 15641 euros,

– à titre subsidiaire,

– constater que la société Campalise ne justifie pas du montant de ses demandes,

– en conséquence,

– débouter la société Campalise de ses demandes formées à son encontre,

– à titre infiniment subsidiaire si la cour jugeait la police d’assurance mobilisable,

– mettre à la charge de la société Campalise les frais d’expertise judiciaire,

– confirmer que la période d’indemnisation pour la première vague de mesures administratives prises par le Gouvernement s’étend du 15 mars 2020 jusqu’au 02 juin 2020, date de levée des interdictions pour la première vague de mesures, et du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021 pour la seconde vague de mesures,

– dire que l’expert judiciaire désigné devra évaluer l’indemnisation de la société Campalise telle que découlant des polices d’assurance liant les parties et de manière plus générale, suivre le principe indemnitaire, principe d’ordre public prévu à l’article L. 121-1 du code des assurances,

– juger qu’une réfaction doit être appliquée à l’indemnité qui sera chiffrée par l’expert judiciaire,

– en tout état de cause,

– condamner la société Campalise à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon les dispositions de l’article 1103 du code civil, applicable en la cause, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur le principe de la garantie :

1- La police intitulée Intercalaire Hôtels (contrat N°AN 374997) comporte, en page 6 (Protection financière), la garantie ‘Perte d’exploitation après fermeture administrative telle que :

– intoxication alimentaire

– épidémie’.

Les capitaux assurés à ce titre sont de 25 % de la marge brute avec un maximum de 1 million d’euros, sur une période d’indemnisation de trois mois.

En pages 14 et 15, au chapitre ‘Pérennité de l’entreprise’, à la clause ‘Fermeture administrative’, l’assureur indique qu’il garantit au titre du chapitre Soutien financier de l’annexe 100 % Pro ‘Hôtel restaurant’, le paiement d’une indemnité résultant de l’interruption totale ou partielle des activités de l’assuré, consécutive à la fermeture totale ou partielle d’un établissement assuré, par suite d’une décision des autorités compétentes (mention soulignée dans les conditions générales).

Il est stipulé que par dérogation partielle à cette annexe, la garantie est étendue, notamment, à la mise en quarantaine des locaux assurés par ordre des autorités sanitaires.

2- Se fondant notamment sur les avis émis par MM. [F] [S] et [M] [R], professeurs de droit, la société Campalise, appelante, soutient que la clause doit être interprétée dans sa globalité, en faveur de l’assurée, conformément à l’article 1190 du code civil, et peut être mobilisée non seulement lorsque la décision administrative impose la fermeture, mais également lorsque la fermeture totale ou partielle de l’activité hôtelière se trouve justifiée par une décision administrative ou gouvernementale, ou intervient dans les suites de cette décision.

Elle expose avoir été contrainte de réduire de façon drastique son activité à compter du 16 mars 2020 (premier confinement), puis de nouveau à compter du 29 octobre 2020 (second confinement), par suite des différents arrêtés et décrets du Ministre des solidarités et de la santé (arrêtés des 14 et 15 mars 2020, décrets n°2020-269 du 16 mars 2020, décret n°2020-293 du 23 mars 2020, décret n°2020-13120 du 29 octobre 2020) ayant eu pour effet de paralyser, de fait, l’activité hôtelière, ainsi que le gouvernement l’a reconnu en faisant bénéficier la branche professionnelle des mêmes aides que les restaurateurs (fonds de solidarité institué par décret n°2020-371 du 30 mars 2020).

3- La société Generali IARD réplique que la garantie ‘fermeture administrative’ ne peut être mobilisée pour l’activité hôtelière, dès lors que les hôtels figuraient dans l’annexe de l’arrêté du 15 mars 2020 des établissements non concernés par les mesures de fermeture, de même que les activités de room services, sauf arrêté préfectoral contraire (ce qui n’a pas été le cas de la Charente).

En l’absence de toute difficulté d’interprétation de la clause, les décisions de fermeture d’hôtel, prises dans le cadre d’une politique de gestion et afin de réduire les coûts, et non dans les suites d’un arrêté préfectoral, ne peuvent être assimilées à une fermeture administrative.

Elle cite diverses décisions de première instance et de cours d’appel, ayant validé sa position, concernant la même clause du même contrat.

Elle ajoute que l’appelante ne peut utilement se prévaloir des décisions gouvernementales restreignant les déplacements, dans le cadre des mesures de confinement, qui n’ont pas la nature d’une décision de fermeture. Par ailleurs, ces mesures de confinement n’entrent pas dans le champ de la garantie.

Sur ce :

4- En application de l’article 1er I et II de l’arrêté du 14 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, rectifié par arrêté du 15 mars 2020, de l’annexe à cet article 1er, puis du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (article 8 et annexe), l’établissement exploité par la société Campalise, relevant de la catégorie O, pouvait continuer à recevoir du public pour son activité habituelle d’hôtellerie.

En son article 40, le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 faisait interdiction aux établissements relevant de la catégorie O (hôtel) de recevoir du public, mais seulement pour les espaces dédiés aux activités de restauration et de débit de boisson. Il en résulte que ce décret n’imposait donc pas la fermeture de l’activité d’hôtellerie dans l’établissement exploité par la société Campalise.

Par la suite, aucune autre mesure gouvernementale n’est intervenue pour ordonner la fermeture de cet établissement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et de la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

Aucun arrêté n’a été pris en ce sens par le Préfet de la Charente ou par une autre autorité administrative.

5 – L’interprétation de la clause faite par la société appelante ne peut être retenue, dès lors qu’elle impliquerait la garantie de l’assureur non pas en raison d’un fait extérieur aux parties et relevant d’un aléa (telle qu’une prescription de l’autorité administrative compétente) mais d’une décision du gestion prise par l’assurée elle-même, pour limiter les charges d’exploitation, qui ne saurait être considérée comme un évènement garanti.

6- En réalité, la clause en litige est claire ne souffre d’aucune difficulté d’interprétation.

Elle n’emporte obligation d’indemnisation à la charge de l’assureur, en cas d’épidémie, qu’à une triple condition :

– il existe une interruption totale ou partielle d’activité,

– cette interruption est consécutive à la fermeture totale ou partielle de l’établissement assuré,

– cette fermeture doit elle-même intervenir ‘par suite d’une décision des autorités compétentes.’

Dès lors que cette mention est soulignée dans les conditions particulières, que la clause est intitulée ‘Fermeture administrative’ et que le tableau décrivant les garanties (en page 6 des conditions particulières) indique également ‘Perte d’exploitation après fermeture administrative’, la fermeture de l’établissement doit, pour donner lieu à garantie, être prescrite par une décision de l’autorité administrative compétente, et non, seulement, intervenir après ou comme conséquence d’une décision de cette autorité.

7- Contrairement à ce que soutient l’appelante, la seule circonstance que la société Generali ait supprimé dans ses nouvelles polices la clause relative à la perte d’exploitation liée à une décision des autorités compétentes ne saurait être analysée comme un aveu de son obligation d’indemnisation au titre du présent contrat.

8 – La société appelante ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L.3332-15 du code de la santé publique, et 1170 du code civil, pour soutenir que la clause priverait de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur, si seule une fermeture administrative devait conditionner la mise en oeuvre de la garantie souscrite.

En effet, la clause litigieuse résulte d’un accord des parties pour garantir le risque lié à la perte d’exploitation après fermeture administrative, ce qui correspond bien à un risque assurable car dépendant d’un aléa, sans priver de sa substance l’obligation d’indemnisation à la charge de l’assureur, puisque les conditions et limites de garantie sont claires et sont susceptibles de donner lieu à une prise en charge effective du dommage ainsi que le démontre en l’espèce l’accord de la société Generali pour indemniser la perte d’exploitation au titre de l’activité restaurant et bar, ayant donné lieu à des décisions de fermeture prises par l’autorité administrative.

9- Enfin, même si elles ont eu pour effet de limiter les déplacements des personnes en dehors de leur domicile et, partant, le nombre de clients dans les hôtels, les mesures de confinement ne constituent pas par elles-mêmes des évènements garantis par la police.

10- Il en résulte que le tribunal a fait une exacte application du contrat et que le jugement doit être confirmé, en ce qu’il a rejeté les demandes formées par la société Campalise au titre de la perte d’exploitation alléguée au titre du premier et second confinement, pour l’activité d’hôtel de la société.

Par ailleurs, il convient de constater que le principe de la garantie n’est pas contesté, en ce qui concerne l’activité restaurant et bar, en l’absence d’appel incident de la part de la compagnie Generali sur ce point.

Sur le montant de l’indemnisation :

11- La société appelante sollicite l’indemnisation de ses pertes d’exploitation globlalement appréciées, comme conséquences des deux confinements, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre la nature des pertes, et elle souligne ainsi que l’activité de l’hôtel s’est nécessairement trouvée affectée par l’interruption de l’activité de restaurant et bar.

Le déclenchement de l’obligation d’indemnisation ne serait donc pas conditionné à la nature spécifique de l’activité affectée.

Elle indique que la société Generali indemnise régulièrement des assurés, pour la totalité de leur perte d’exploitation, alors que le sinistre n’affecte que partiellement leur activité.

12 – Concluant à titre principal à la confirmation du jugement, la société intimée réplique que seule l’activité de la société Campalise ayant effectivement donné lieu à fermeture administrative, ouvre droit à indemnité au titre de la perte d’exploitation, et non l’activité d’hôtellerie.

Elle ajoute que la réclamation, formée sur la base de tableaux illisibles, n’est pas suffisamment justifiée et correspond en réalité à une estimation de la perte de chiffres d’affaires et non de marge brute.

Elle souligne qu’en cas d’expertise, les frais devraient en être avancés par l’assuré, et que la mission devrait tenir compte de la diminution de clientèle qui aurait eu lieu, même en l’absence de mesure de fermeture administrative, en vertu du principe indemnitaire d’ordre public énoncé par l’article L.121-1 du code des assurances.

Sur ce :

13- L’activité commerciale liée à l’exploitation du bar et du restaurant est distincte de celle d’hôtellerie, même si la clientèle est en partie commune.

Elle donne lieu à un chiffre d’affaires ‘restauration et bar’ et à des charges d’exploitation distincts.

Seule peut donc donner lieu à garantie, en l’espèce, l’interruption partielle d’activité de l’assurée, consécutive à la fermeture non contestée du bar et du restaurant, par suite des arrêtés ministériels des 14 et 15 mars 2020, de l’article 5 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 puis de l’article 40 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020.

En revanche, aucune des stipulations de la police d’assurance ne permet de considérer que ces deux périodes d”interruption partielle de l’activité de l’établissement impliquerait une indemnisation globale et indifférenciée de la totalité de la perte d’exploitation durant les périodes considérées, incluant celle de l’activité d’hôtellerie, alors même que celle-ci n’a jamais fait l’objet d’une décision de fermeture.

L’interprétation donnée à la police par la société appelante aurait en réalité pour conséquence d’indemniser les conséquences d’un évènement non-garanti.

L’appelante ne peut utilement se prévaloir d’un rapport d’expertise dressé par le cabinet SEDWICK à la demande de la société GENERALI, dans le cadre d’un autre litige (incendie), sans communiquer au demeurant de justificatif sur la nature et le montant de l’indemnisation effectivement versée par l’assureur.

14- La société GENERALI ne doit donc sa garantie que pour les conséquences de la fermeture partielle de l’établissement, ayant affecté la seule activité de restaurant et bar du 15 mars 2020 jusqu’au 2 juin 2020 (date de levée de l’interdiction de recevoir du public dans les établissements de restauration, pour la première phase de mesures sanitaires), puis du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021.

15- L’assurée produit en cause d’appel une note technique rédigée à sa demande en mai 2022 par la société d’expertise comptable EXCO Valiance (sa pièce numéro 38), dont il ressort que la perte nette d’exploitation de l’activité de restauration et bar serait de 58521 euros, selon le détail suivant :

– perte de chiffre d’affaires HT: 146 257 euros,

– marge brute perdue (66.93%): 97890 euros

dont à déduire:

– charges variables économisées (13.13%): -19204 euros

– masse salariale restauration prise en charge par l’activité partielle: -20165 euros.

La note d’expertise établie le 17 janvier 2023 par la société Vering à la demande de l’assureur (pièce numéro 41 de l’intimée) fait ressortir une perte d’exploitation de 15641 euros, au titre du première période, et une absence de dommage indemnisable pour la seconde période.

Il apparaît que les deux experts-comptables ont eu une approche totalement différente des pertes de chiffres d’affaires devant être prises en compte, comme du taux de marge et des économies réalisées sur charges variables.

16- Au vu de la position adoptée par les parties, la tentative de conciliation qui avait été ordonnée de manière opportune par le tribunal est désormais devenue vaine, de sorte que le sursis à statuer ne se justifie plus, et qu’il convient dès lors d’ordonner une mesure d’expertise dans les conditions précisées au dispositif, compte tenu de la technicité du litige.

17- Il ne saurait être demandé à l’expert judiciaire de procéder à ses opérations en appliquant lui-même une réfaction qui tiendrait compte d’une défection de la clientèle en période d’épidémie, indépendamment des mesures administratives.

Cette question excède en effet l’office de l’expert, et après dépôt du rapport, il appartiendra uniquement à la cour, après analyse des clauses du contrat, de la définition du sinistre et de l’indemnité, d’examiner le bien fondé de l’argumentation de la société Generali, tendant à voir fixer un coefficient de réfaction sur le montant de la perte d’exploitation, et le bien fondé des moyens développés par l’assurée, au visa des articles L.211-1 et L.212-1 du code de la consommation, de l’article 5 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993.

18- Il y a lieu d’allouer à la société Campalise une avance sur indemnité de 15000 euros, compte tenu de la proposition d’indemnisation faite par la société Generali.

Sur les demandes accessoires :

19- Il convient de réserver les demandes au titre des dépens, et de l’article 700 du code de procédure civile; elles seront examinées par la cour dans l’arrêt à intervenir, après dépôt du rapport d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– dit que la police d’assurance de la société Generali est mobilisable pour l’indemnisation de la perte d’exploitation de l’activité ‘bar et restaurant’ de la société Campalise,

– rejeté la demande de mobilisation de la police d’assurance de la société Generali pour la couverture de la perte d’exploitation de l’activité ‘hôtelière’ de la société Campalise,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Avant dire droit sur l’indemnisation de la perte d’exploitation de l’activité ‘bar et restaurant’ de la société Campalise,

Ordonne une mesure d’expertise,

Désigne pour y procéder M. [H] [Z], expert près la cour d’appel de Bordeaux,

[Adresse 5] Tél : [XXXXXXXX01]. Port. : [XXXXXXXX02] Mèl : [Courriel 6], avec la mission suivante :

1°) convoquer les parties et leurs conseils respectifs ; se rendre le cas échéant sur les lieux,

2°) prendre connaissance des documents produits par les parties et se faire communiquer tous documents, notamment comptables, qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

3°) déterminer le taux de marge brute à appliquer pour le calcul de la perte de la marge brute subie par la société Campalise au titre de son activité de bar et restaurant, pendant les périodes suivantes :

– du 15 mars 2020 au 2 juin 2020,

– du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021,

4°) évaluer le montant de la perte d’exploitation subie par la société Campalise au sens du contrat d’assurance, pendant les périodes considérées au titre de son activité de bar et restaurant, en tenant compte des aides financières et exonérations dont la société Campalise a bénéficié au titre de l’arrêt de son activité de bar et restaurant,

5°) faire toutes observations utiles à la détermination, par la cour, du montant de l’indemnité pour perte d’exploitation,

Dit que l’expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, et s’adjoindre tout spécialiste de son choix sauf à en faire mention expresse,

Dit que l’expert devra accomplir sa mission contradictoirement, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées; les entendre en leurs observations et recevoir leurs dires;

Rappelle que l’expert désigné ne pourra pas concilier les parties, mais qu’il lui appartiendra, le cas échéant, de constater l’accord qui serait intervenu entre elles,

Dit que l’expert devra accomplir personnellement sa mission, et dresser de ses opérations un rapport après avoir donné connaissance aux parties de ses conclusions et après avoir recueilli leurs éventuelles observations écrites, pour l’établissement desquelles un délai raisonnable devra leur avoir été laissé, et qu’il consignera en y faisant réponse expresse argumentée,

Dit que l’expert commis devra déposer au greffe de la cour d’appel de Bordeaux son rapport définitif dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de la consignation,

Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé par voie d’ordonnance à son remplacement par le président de chambre,

Fixe le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert à la somme de 2500 euros sauf à parfaire,

Dit que cette somme sera consignée par la société Campalise avant le 30 juin 2023 auprès du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Bordeaux,

Dit qu’à défaut de versement de la consignation dans le délai imparti, il sera procédé conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile,

Dit qu’après l’accomplissement par l’expert de sa mission, il sera procédé à la fixation de ses frais et vacations ; qu’il pourra se faire remettre jusqu’à due concurrence les sommes consignées au greffe et qu’il aurait lieu à restitution à la partie consignataire des sommes éventuellement excédentaires ou à délivrance exécutoire en vue du paiement des sommes supplémentaires qui pourraient être dues à l’expert,

Dit qu’après dépôt du rapport d’expertise, l’affaire sera rappelée à la mise en état de la chambre commerciale de la cour d’appel de Bordeaux,

Condamne la société Generali IARD à payer à la société Campalise la somme de 15000 euros à titre d’avance sur indemnité,

Réserve les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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