Tentative de conciliation : 24 juillet 2023 Cour d’appel de Nouméa RG n° 22/00026

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Tentative de conciliation : 24 juillet 2023 Cour d’appel de Nouméa RG n° 22/00026
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N° de minute : 51/2023

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 24 Juillet 2023

Chambre commerciale

Numéro R.G. : N° RG 22/00026 – N° Portalis DBWF-V-B7G-S6E

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Mars 2022 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n°’:21/53)

Saisine de la cour : 23 Mars 2022

APPELANT

S.A.R.L. GD1 A L’ENSEIGNE SUD PROMOTION, représentée par son gérant en exercice

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Séverine LOSTE membre de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.S. SOCIETE CALEDONIENNE DE BATIMENT (SCB), représentée par son Président en exercice

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Magali MANUOHALALO, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de’:

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

– contradictoire,

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

– signé par M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller en remplacement de Monsieur Philippe DORCET, président empêché, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La société calédonienne de bâtiment ci-après désignée “la SCB”, appartient au groupe VINCI et a une activité en Calédonie de travaux de construction.

Par acte du 16 mars 2018, la SCB, en qualité de mandataire d’un groupement momentané d’entreprises conjointes, a été engagée, au titre d’un marché soumis à la norme NFP 03 001 par la société CGI exploitant sous “Sud promotion “, pour la réalisation d’une résidence de 50 logements, la résidence ‘One sina ‘ sise au domaine de Noure à [Localité 4], et ce moyennant le prix forfaitaire de 743’961’000 francs pacifique . Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) a été signé le même jour et la maîtrise d’oeuvre, confiée à la société Jarcet Architecture .

Cependant, les relations entre le maître d’ouvrage et la société ‘Jarcet architecture’, en charge de la maîtrise d’oeuvre sont devenues conflictuelles. La société Jarcet architecture a délaissé le chantier en juin 2020 .

Le 16 juillet 2020, les travaux ont été réceptionnés avec des réserves portant notamment sur l’absence de finitions, de graves problèmes au niveau de la toiture, des talus et des enrobés.

La SCB ( société calédonienne de bâtiment ) , se plaignant de n’avoir toujours pas eu paiement du solde de ses travaux, par acte d’huissier de justice du 3 décembre 2021, a fait appeler la société Sud promotion, dénommée réellement GD1, devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de Nouméa à l’effet de la voir condamner, au fondement de l’article 809 al 2 du code de procédure civile, à lui payer les sommes suivantes :

– 7 347 937 francs pacifique à titre provisionnel à valoir sur le solde du marché,

– et 200 000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût d’une sommation de payer par huissier du 21 octobre 2021 (13 165 francs pacifique), sous distraction.

Par ordonnance de référé du 8 mars 2022, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a statué ainsi qu’il suit :

Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond

Au provisoire, vu I ‘article 809 al 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie

– dit recevable l’action en référé de la société SCB à l’encontre de la société GD1 et rejeté par suite la fin de non-recevoir soulevée par cette dernière,

– condamné la société GD1, à l’enseigne Sud promotion, à payer à la société SCB la somme provisionnelle de 7’347’937 francs pacifique à valoir sur le solde du prix du marché de travaux de la résidence One sina.

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle de la société GD1, à l’enseigne Sud promotion, et l’en a débouté purement et simplement,

-ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder M. [R] [B] , expert près la cour d’appel de Nouméa demeurant [Adresse 3], avec mission, sur la base de tous renseignements qu’il aura collectés à charge d’en indiquer la source, en entendant le cas échéant tout sachant utiles, et en demandant, s’il y a lieu, l’avis de tous spécialistes de son choix dans un domaine distinct du sien après en avoir avisé les conseils des parties et précisé les honoraires prévisionnels, de :

** se rendre sur les lieux du chantier de la résidence One sina, domaine de Nouré à [Localité 4], en présence des parties ou celles-ci dûment appelées,

** se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents utiles à sa mission, notamment les différents documents techniques et contractuels liant les parties, ainsi que les éléments se rapportant à l’exécution des travaux et la conduite du chantier,

** recueillir leurs explications,

** rechercher et décrire le cas échéant les différents désordres, malfaçons et inachèvements allégués en ce qui a trait à la toiture, aux talus et aux enrobés de la résidence,

** en indiquer la nature, dire s’ils portent ou pourraient porter atteinte à la destination de l’ouvrage,

** en rechercher les causes et dire s’ils proviennent, soit d’une non-conformité des matériaux mis en ‘uvre, soit d’une exécution défectueuse dans leur mise en ‘uvre, soit de la conception de l’ouvrage, soit de la direction et de la surveillance des travaux,

** en cas de pluralité de causes, proposer tous éléments qui permettraient à la juridiction du fond éventuellement saisie d’en établir la hiérarchie causale et/ou les proportionnalités,

** indiquer et décrire les conséquences de ces désordres, malfaçons quant à la solidité, l’esthétique de l’ouvrage et plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu, ou quant à la conformité à sa destination,

** fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités techniques encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices de tous ordres qui ont pu être subis,

** déterminer la nature et le coût des travaux ou remèdes nécessaires à la réparation pérenne et définitive de ces désordres, donner tous éléments d’appréciation sur les éventuels préjudices subis du fait de ces désordres,

** décrire également et chiffrer le cas échéant tous les préjudices annexes causés à la société GD1, à l’enseigne Sud promotion, maître de l’ouvrage, ainsi que les éventuels troubles de jouissance passés et à venir,

** du tout dresser un pré-rapport qui sera remis aux parties, auxquelles devra être laissé un délai suffisant et raisonnable pour leur permettre de présenter leurs observations,

** et répondre aux dires éventuels des parties,

– dit que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 242 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation entre les parties, il déposera l’original de son rapport définitif au secrétariat-greffe de la juridiction et en adressera une copie à chacune des parties dans les cinq mois de l’avis qui lui sera fait de la consignation ci- après ordonnée,

– fixé à 500 000 francs pacifique le montant de la provision à valoir sur les frais et honoraires de l’expert que devra consigner la société GD1, à l’enseigne Sud promotion, dans le délai d’un mois à compter de la présente ordonnance, entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce Tribunal,

– dit qu’en application de l’article 271 du code de procédure civile, le défaut de consignation dans le délai imparti entraînera de plein droit la caducité de la mesure d’instruction,

– dit que lors de la première ou, au plus tard lors de la deuxième réunion avec les parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

– dit qu’en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l’expert en fera sans délai rapport au juge, qui, s’il y a lieu, ordonnera la consignation d’une provision complémentaire à la charge de la partie qu’il déterminera,

– dit que le dépôt par l’expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il adressera un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception,

– dit que, s’il y a lieu, les parties adresseront à l’expert et au juge chargé du contrôle des mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception, – Commettons pour suivre cette expertise le président du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa, ou, en cas d’empêchement de celui-ci, le président du Tribunal de Première Instance du même siège ou son suppléant,

– dit qu’en cas d’empêchement de l’expert désigné il sera pourvu à son remplacement par ordonnance sur requête du juge chargé du contrôle des expertises,

– condamné la société GD1, à l’enseigne Sud promotion, à payer à la société SCB la somme de 200 000 francs pacifique au titre de l’article 700 code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du procès- verbal d’huissier de remise de lettre du 21 octobre 2021 (13 165 francs pacifique), dont distraction au profit de Me Magali Manuohalalo, avocate aux offres de droit.

PROCÉDURE D’APPEL

La société GD1, par requête du 23 mars 2022, a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, elle demande à la cour de :

– dire et juger recevable l’appel interjeté par la société GD1 exerçant sous l’enseigne Sud promotion à l’encontre de l’ordonnance de référé, référencée minute n°22/21 -rôle N°2021/53, en date du 8 mars 2022, rendue par M. le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa ;

– réformer ladite ordonnance en ce qu’elle a :

– déclaré recevable l’action en référé de la société SCB,

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société GD1 ;

– condamné à titre provisionnel la société GD1 à payer à la société SCB la somme de 7 347 937 francs pacifique à valoir sur le solde du prix du marché de travaux de la résidence One sina ;

– dit n’y avoir lieu à référé du chef de la demande provisionnelle présentée par la société GD1 au titre des pénalités de retard et l’en avoir déboutée ;

– condamné la société GD1 à payer à la société SCB la somme de 200 000 francs pacifique au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle- Calédonie ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût du procès-verbal d’huissier de remise de lettre du 21 octobre 2021 de 13 165 francs pacifique dont distraction au profit de Maître Manuohalalo;

En conséquence,

– déclarer irrecevables les demandes formées par la société SCB, et ce, faute d’une habilitation spéciale des membres du groupement momentané d’entreprises conjointes bénéficiaires du marché en cause, et faute d’avoir respecté la clause de conciliation préalable obligatoire, via un arbitrage amiable, insérée au sein du Cahier des Clauses Administratives Particulières applicables (article 14 du CCAP) et prévue au sein de la norme AFNOR P 03-001 ;

– débouter en conséquence la société SCB, en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement et en toute hypothèse, dire et juger que les demandes de la société SCB se heurtent à des contestations sérieuses’;

-dire et juger que la société SCB est redevable d’une somme provisionnelle de 46.900.000 francs pacifique au titre des réserves non levées et condamner ladite société SCB à payer à la société GD1 exerçant sous l’enseigne Sud promotion ladite somme provisionnelle de 46.900.000 francs pacifique ;

En toutes hypothèses,

-condamner la société SCB à payer à la société GD1 la somme d’un montant de 400.000 francs pacifique au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl- Juriscal.

Par conclusions enregistrées au réseau privé virtuel des avocats le 29 janvier 2023, oralement développées lors de l’audience, et portant appel incident, la société SCB demande à la cour de :

-juger l’appel de la société GD1 recevable mais mal fondé ;

– juger que l ‘appel incident de la société SCB recevable et bien fondé

– juger que la société SCB est habilitée en tant que mandataire à ester en justice’;

– confirmer l’ordonnance de référé querellée en ce qu’elle a jugé l’action de la société SCB recevable ;

-confirmer l’ordonnance de référé querellée en ce qu’elle a condamné la société GD1 à payer à la société SCB la provision de 7 347 937 francs pacifique correspondant au solde du marché des travaux de la résidence One sina ;

-confirmer l’ordonnance de référé querellée en ce qu’elle a débouté la société GD1 de sa demande de 46 000 000 francs pacifique au titre des pénalités de retard

-confirmer l’ordonnance de référé querellée en ce qu’elle a condamné la société Sud promotion à payer la somme de 200 000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles ;

Sur l’appel incident

-juger que la société GD1 n’a ni la qualité à agir ni l’intérêt à agir pour demander l’organisation d’une mesure d’instruction ;

En conséquence, :

-juger que la demande d’expertise de la société GD1 est irrecevable ;

-réformer l’ordonnance de référé du 8 mars 2022 en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise judiciaire et, ce pour défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société GD1 ;

En tout état de cause

-condamner la société GD1 à payer à la société SCB la somme de 350 000 franc pacifique au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Magali Manuohalalo avocat sur ses offres de droit,

L’affaire a été fixée à l’audience du 25 mai 2023, par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 16 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l’appel principal de la société GD1 à l’enseigne Sud Promotion, qui conteste la décision rendue par le juge des référés qui l’a condamnée à verser la somme provisionnelle réclamée par la SCB au titre du solde du prix de marché, et l’a déboutée de sa propre demande en paiement des sommes dues au titre des pénalités de retard.

Elle est également saisie de l’appel incident de la société SCB qui critique l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné l’expertise sollicitée par la société GD1 sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

I. Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société GD1.

A. Défaut d’intérêt et de qualité

La société GD1 ‘exploitant sous la dénomination Sud promotion’ oppose, pour la première fois devant la cour, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’habilitation spéciale des membres du groupement momentané d’entreprises conjointes bénéficiaires du marché en cause, privant la société SCB de toute qualité et intérêt à agir.

La société SCB réplique qu’en sa qualité de mandataire solidaire et membre d’un groupement, elle dispose d’un intérêt à agir et à engager au nom et pour le compte des autres membres du groupement une action en responsabilité contractuelle à l’égard du maître de l’ouvrage. Elle affirme qu’elle agit en justice en qualité de mandataire du groupement et prétend que cette attribution résulte de l’examen des conditions générales et particulières de la convention de groupement et de leurs annexes. Elle produit, en tout état de cause les mandats signés par les représentants légaux des sociétés Home Design et Garonne Aluminium.

Au cas d’espèce, au terme de la convention de groupement, conclue à l’occasion du marché privé portant sur la construction de la résidence ‘One sina’ à [Localité 4], la société SCB a été désignée en qualité de mandataire et ses attributions administratives ont strictement définies à l’article 7 des conditions générales de la convention, l’article 11 définissant plus spécifiquement les conditions de règlement des travaux effectués par chaque membre. Force est de constater qu’aucune clause contractuelle ne donne mandat à la société SCB d’agir en justice pour le compte des deux autres membres. Cependant, cette situation a été régularisée par la production en cours d’instance des deux pouvoirs remis par les représentants légaux des sociétés Home Désign et Garonne Aluminium, à la société SCB, le 25 novembre 2021, l’autorisant expressément, à introduire toutes actions non contentieuses ou contentieuses qui pourraient être nécessaires à la défense de leurs intérêts.

Dans ces conditions, il convient d’écarter cette fin de non-recevoir, conformément aux dispositions de l’article 126 du Code de procédure civile, desquelles il ressort que l’irrecevabilité doit être écartée si la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée et si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

B. Sur la fin de non-recevoir pour non-respect de la clause de conciliation préalable obligatoire.

Le juge des référés a écarté la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la convention en retenant que la clause aux termes de laquelle il était seulement stipulé que ‘ les litiges qui n’auront pas été réglés par arbitrage amiable seront portés devant le tribunal de Nouméa’ n’est pas applicable devant la juridiction des référés, et qu’elle n’est pas opposable aux colitigeants dans la mesure où elle demeure trop imprécise et incomplète dans l’organisation de l’arbitrage pour être tenue pour une clause compromissoire.

La société GD1 (exploitant sous l’enseigne Sud promotion) considère que le juge a suivi une interprétation erronée des documents contractuels. Elle soutient que la société SCB n’a respecté ni la clause compromissoire prévue au sein de la norme AFNOR d’octobre 2017 à laquelle les parties ont entendu soumettre leurs relations, ni les dispositions de l’article 14 du cahier des clauses administratives particulières qui énoncent ‘ que les litiges qui n’auront pas été réglés par arbitrage amiable seront portés devant le tribunal de Nouméa’. Elle rappelle que depuis l’arrêt de principe rendu par la chambre mixte de la cour de cassation le 14 février 2003, les clauses contractuelles prévoyant à titre préalable et obligatoire une procédure de conciliation s’imposent aux parties sous peine d’irrecevabilité de leur action.

La société SCB critique l’argumentation soutenue par la partie adverse en faisant valoir, qu’en fait, il y a eu de nombreux échanges entre les parties en vue de dégager un accord sur le paiement du solde des travaux, qui constituent selon elle, la preuve d’une tentative de règlement amiable du litige. Elle ajoute, qu’en tout état de cause, les parties n’ont pas entendu soumettre leurs relations à la norme AFNOR d’octobre 2017 mais à celle de décembre 2000. Elle prétend que la norme AFNOR à retenir est celle qui était en vigueur au premier jour du mois de la date de remise des offres, soit le 1er décembre 2016, ainsi que cela ressort de l’article 3.1 du cahier des conditions administratives particulières, et de la mention portée en page 3 du cahier des clauses techniques particulières faisant expressément référence à la version AFNOR de décembre 2000. Elle indique que cette norme dans sa version applicable en décembre 2000 prévoyait ‘ pour le règlement des contestations qui peuvent s’élever à l’occasion de l’exécution ou du règlement du marché que les parties contractantes devaient se consulter pour examiner l’opportunité de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser l’arbitrage’. La société SCB précise que la cour de cassation a décidé dans un arrêt du 6 février 2007 qu’une telle clause, instituant une simple procédure de ‘consultation ‘ préalable à un ‘éventuel arbitrage’ n’était pas une cause d’irrecevabilité devant une juridiction étatique. Enfin, elle soutient qu’en tout état de cause, même si la cour devait retenir en l’espèce, l’existence d’une clause obligatoire de médiation, cette ci ne prive pas les parties de l’accès au juge des référés, qui conserve le pouvoir d’allouer une provision au créancier dans les conditions fixées par l’article 809 du Code de procédure civile.

La cour constate qu au terme de l’article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières définissant les règles applicables au marché de travaux privés conclu entre la société CG1 et l’ensemble des entreprises participant à la construction du programme, signé le 16 mars 2018, les parties ont choisi de placer de manière expresse le régime de l’ensemble de leurs relations sous la norme NFP 03 001 dernière édition en vigueur à la date de la signature du marché , ‘ réputée connue des parties’ .

L’article 21-2 de cette norme NFP 03 001, qui instaure un préalable de conciliation obligatoire à toute action en justice est entré en vigueur à la date de sa publication, le 20 octobre 2017, soit plus de six mois avant la signature du marché litigieux. Ses dispositions s’imposent en conséquence aux parties du présent litige sous sanction d’une fin de non-recevoir, que la cour estime devoir prononcer au cas d’espèce, des lors qu’il ne ressort pas de l’examen de l’assignation en référé délivrée le 3 décembre 2021, que la société SCB ait justifié avant la délivrance de cet acte, de la moindre démarche ou tentative de règlement amiable du litige. En effet, les discussions intervenues entre la société GD1 et la société SCB, à partir du mois de juin 2020 , pour parvenir au décompte général définitif, ont été imposées par l’abandon de chantier par le maître d”uvre( le cabinet d’architecte Jarcet), en ce sens que les parties ont du se mettre en contacts directs pour traiter des procédures de réception et de réserves des travaux (ainsi que cela ressort des courriers électroniques échangés entre les deux sociétés à partir du 30 juin 2020) . Elles sont étrangères au présent litige découlant du refus par le maître de l’ouvrage d’honorer le solde du marché conforme au décompte définitif signé des parties le 6 avril 2021. Ces échanges, ne peuvent en conséquence être considérés comme une action de médiation ou de conciliation répondant aux exigences de la norme AFNOR régissant les relations des parties.

La cour rejette également les prétentions de la société SCB selon lesquelles le préalable obligatoire de conciliation ne s’imposerait pas en cas de saisine de la juridiction des référés, cette exception ne pouvant se concevoir que dans le cadre d’une action aux fins d’expertise, en dehors et avant tout de tout litige, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

De la même manière, il n’y a pas lieu d’écarter l’application de cette clause au motif retenu par le premier juge de l’imprécision de l’article 14 du cahier des clauses administratives particulières, dont l’objet est sans rapport avec le processus de conciliation ou de médiation obligatoire mis en place par la norme AFNOR P 03-001, cet article ayant vocation à s’appliquer dans un deuxième temps, pour le choix de la juridiction qui sera amenée à trancher le litige, après échec de la tentative de résolution amiable du conflit.

La cour estime encore que la clause 04-08-1.1.4.1.1 figurant dans le cahier des clauses techniques particulières portant sur le lot n° 4-8 relatif aux charpentes, couvertures et serrureries, se référant effectivement expressément à la norme P 03 001 version de décembre 2000, (qui n’exige pas de médiation ou de tentative de conciliation préalable) n’a pas vocation à s’appliquer au présent litige qui ne concerne pas le lot charpente et couverture. En tout état de cause, il ressort de l’examen de cette convention que le formulaire type utilisé par les parties qui l’ont signé le 16 mars 2018 est une édition du 03 mars 2017, date à laquelle la nouvelle version n’était pas encore entrée en vigueur.

Ainsi, il est établi que les parties, qui avaient soumis leurs relations contractuelles à la norme AFNOR P 03 -001 dans sa version en cours à la date de la signature du marché, (18 mars 2018 ) c’est à dire à la version publiée le 20 octobre 2017, se trouvaient tenues de suivre une démarche de conciliation ou de médiation avant d’engager une action en justice devant le tribunal mixte de commerce. (cass civile 3ème chambre , 14 décembre 2022- n° 24 474 )

N’ayant pas justifié de l’accomplissement de cette démarche, il convient de déclarer la société SCB irrecevable en son action.

Par voie de conséquence la demande reconventionnelle formée par la société GD1 tendant à faire réduire, pour cause de retard dans l’exécution des travaux, le montant du solde du marché, réclamé par la société SCB, est également irrecevable pour la même raison .

L’ordonnance de référé frappée d’appel sera en conséquence réformée de ces chefs.

II Sur l’expertise.

Le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise, formée par la société GD1, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, dans le but d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Il a retenu que l’existence d’un motif légitime à cette mesure d’instruction pour le maître de l’ouvrage résultait d’un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 21 octobre 2021 faisant état de certains désordres ou non finitions, non encore repris.

La société SCB critique cette décision en faisant valoir que la société GD1 a perdu son droit d’agir contre le constructeur au profit de l’acquéreur dans la mesure où elle a cédé l’ensemble immobilier, à la société Sem agglo, elle-même absente de la présente procédure. Elle expose que le maître de l’ouvrage ne conserve dans cette hypothèse le droit d’exercer l’action en garantie que s’il démontre que cette action présente pour lui un intérêt direct et certain et s’il peut invoquer un préjudice personnel. Elle précise que le promoteur GD1 a terminé sa mission au sens de l’article 1831-4 du code civil, des lors qu’elle a été entièrement réglée par la société Sem agglo, et que les comptes entre elles ont été définitivement arrêtés.

La société SCB fait valoir qu’en outre la société GD1 n’a jamais reçu mandat pour agir en justice de la part de la société Sem Agglo.

La société GD1 réplique qu’elle tire du contrat de promotion immobilière signé avec la Sem agglo un intérêt direct et certain à l’expertise sollicitée.

La cour comme le premier juge, observe que la société GD1 en qualité de maître de l’ouvrage, cessionnaire de l’ensemble immobilier dont elle avait confié la construction à la société SCB, a bien un intérêt personnel lui permettant d’agir en son nom, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civil des lors qu’il ressort de l’article 26 du contrat de promotion immobilière, et des articles 1831-1 et suivants du Code civil , qu’elle reste tenue , envers le maître de l’ouvrage des obligations résultant des articles 1792 à 1792-3 du code civil, et se trouve ainsi exposée d’avoir à son tour, y compris après la fin de sa mission, à rechercher la responsabilité des entreprises ayant participé à la construction.

Dans ces conditions, il convient d’écarter la fin de non-recevoir opposée par la société SCB à la société GD1 et de confirmer l’ordonnance frappée d’appel de ce chef.

III Sur les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue de la procédure, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer pour assurer la défense de leurs intérêts en cause d’appel.

IV Sur les dépens;

Les dépens seront à la charge pour moitié de chacune des parties, à l’exception des frais d’expertise qui resteront à la charge exclusive de la société GD1.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi;

– Réforme l’ordonnance rendue le 8 mars 2022 par le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa en ce qu’elle a déclaré recevable l’action en référé de la société SCB( Société Calédonienne de bâtiment) à l’encontre de la société DG1, condamné la société GD1 exerçant sous l’enseigne ‘Sud Promotion ‘ à verser à la société SCB la somme de 7 347 937 francs pacifique à valoir sur le solde du prix du marché de travaux de la résidence One sina et débouté la société GD1 à l’enseigne Sud Promotion de sa demande provisionnelle,

Et statuant à nouveau,

– Déclare la société SCB, (‘société calédonienne de bâtiment,’) irrecevable en son action devant le juge des référés sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile, en application des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile

– Déclare la demande provisionnelle formée à titre reconventionnel par la société GD1 exerçant sous l’enseigne ‘ Sud promotion’

– Confirme l’ordonnance frappée d’appel en toutes ses autres dispositions critiquées.

Y ajoutant

-Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile

– Dit que les dépens seront supportés par moitié par chaque partie, à l’exception des frais d’expertise qui resteront à la charge exclusive de la société GD1 exerçant sous l’enseigne Sud promotion.

Le greffier, Le président.

 


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