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Arrêt n° 23/00266
23 Octobre 2023
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N° RG 21/01865 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRSL
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
09 Juillet 2021
20/00299
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt trois Octobre deux mille vingt trois
APPELANT :
Monsieur [W] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par l’association [7], prise en la personne de Mme [H] [B], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial
INTIMÉS:
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Claude ANTONIAZZI-SCHOEN, avocat au barreau de METZ
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [C], munie d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
– Mme Carole PAUTREL, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre
– Mme Anne FABERT, Conseillère
– Monsieur Amarale JANEIRO, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 2 juin 1937, Monsieur [W] [J] a été employé du 24 août 1964 au 31 octobre 1992 par les [9] (HBL), devenues par la suite l’établissement public [8] ([8]), où il a occupé les postes suivants, principalement au fond :
– Manoeuvre / aide piqueur ;
– Chef de taille ;
– Réparateur équipement montage dressant ;
– Piqueur de tracage ;
Par formulaire accompagné d’un certificat médical initial, il a déclaré à l’Assurance Maladie des Mines (ci-après la caisse) une maladie au titre du tableau 25A2 des maladies professionnelles.
Le 7 août 2019, la caisse a informé Monsieur [J] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont il est atteint au titre du tableau n°25 des maladies professionnelles, relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice, des silicates, du graphite ou de la houille.
Le 8 novembre 2019, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente de Monsieur [J] à 5% et lui a attribué une indemnité en capital d’un montant de 1.977,76 euros à compter du 23 janvier 2019 (au lendemain de la consolidation).
Par courrier du 2 septembre 2019, Monsieur [J] a introduit une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son ancien employeur devant la caisse.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la caisse, Monsieur [J] a, par lettre recommandée expédiée le 19 février 2020, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle du tableau 25, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.
Il convient de préciser que l’établissement public [8] a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, et ses droits et obligations ont été transférés à l’Etat, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat (AJE).
Par ailleurs, la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (CPAM) qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Securite Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, a été mise en cause.
Par jugement du 9 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :
– DECLARE Monsieur [W] [J] recevable en son action ;
– DECLARE le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM-l’Assurance Maladie des Mines ;
– DEBOUTE Monsieur [W] [J] et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes ;
– DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
– REJETE les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte remis au greffe le 22 juillet 2021, Monsieur [J] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par courrier du 9 juillet 2021 dont l’accusé de réception ne figure pas dans le dossier de première instance.
Par conclusions datées du 30 août 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, Monsieur [J] demande à la Cour de :
– Déclarer recevable et bien fondé l’appel formé ;
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 9 juillet 2021.
Statuant à nouveau
– Juger que la maladie professionnelle du tableau 25 de Monsieur [W] [J] est due à la faute inexcusable de l’employeur, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat.
– Par conséquent, juger que Monsieur [J] a droit à une majoration de sa rente en la portant au taux maximum conformément aux dispositions de l’article L 452-2 du Code de la Sécurité Sociale,
– Condamner la caisse à lui payer cette majoration.
– Juger que :
*cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle;
*en cas d’aggravation ultérieure, le taux de rente sera indexé au taux d’incapacité permanente partielle ;
* en cas de décès imputable, la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et la caisse devra verser l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L452-3 du code de sécurité sociale, de même qu’en cas d’aggravation du taux d’IPP à 100% ;
– Condamner l’AJE à payer à Monsieur [W] [J] les sommes suivantes :
* 20.000 euros au titre du préjudice moral, augmenté des intérets au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir ;
* 10.000 euros au titre du préjudice physique, augmenté des intérets au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir ;
* 5.000 euros au titre du préjudice d’agrément, augmenté des intérets au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir.
– Condamner l’AJE à payer à Monsieur [W] [J] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC.
– Condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.
-Juger que l’ensemble des sommes allouées portera intéret au taux légal à compter du prononcé de la décision.
Par conclusions datées du 16 juin 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la Cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
– Confirmer le jugement rendu le 9 juillet 2021 en toutes ses dispositions ,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– Débouter Monsieur [J] [W] et l’Assurance maladie des mines de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant n’étant pas rapportée,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être confirmée : Sur les souffrances phvsiaues et morales endurees:
– Débouter Monsieur [J] [W] de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées et le préjudice d’agrément
– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes de Monsieur [J] [W] au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par lui.
– Réduire à de plus juste proportion l’indemnisation due au titre d’un préjudice d’agrément.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– Débouter Monsieur [J] [W] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du CPC ;
– La réduire subsidiairement ;
– Dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 12 décembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la Cour de :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société [8] (AJE) ;
Le cas échéant :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital ;
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [J] ;
– en tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1977,76€;
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de Monsieur [J] consécutivement à sa maladie professionnelle ;
– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux;
– rejeter le cas échéant irrecevable toute éventuelle demande d’inopposabilité à l’employeur ;
– condamner l’AJE dont la faute inexcusable aura été préalablement reconnue à rembourser à la Caisse les sommes en principal et intérêts qu’elle sera tenue de verser sur le fondement de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale;
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la mise à charge de l’avance des sommes correspondant aux préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale;
– dans l’hypothèse où cette avance serait mise à sa charge, la caisse entend solliciter la condamnation de l’employeur au remboursement de l’intégralité des sommes qui seront avancées par ses soins.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR
Monsieur [J] sollicite l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des [8], et soutient que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.
L’AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a reconnu l’absence de caractérisation d’une faute inexcusable de l’exploitant minier, soutenant que Monsieur [J] se montre défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe concernant cette faute.
L’AJE conteste ainsi la pertinence des attestations produites par Monsieur [J] dont elle souligne les imprécisions et les insuffisances, notamment sur la qualité de collègue direct de travail de l’assuré et sur les éléments décrits concernant l’absence de moyens de protection.
L’AJE soutient également que, si les [8] avaient bien conscience du risque encouru par Monsieur [J], tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation ont été mis en ‘uvre par l’employeur. L’AJE prétend que les [8] ont ainsi parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de protection contre les risques encourus.
La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.
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L’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire. Les articles L.4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [J] répond aux conditions médicales du tableau n°25 (silicose). Le caractère professionnel de la maladie ainsi que la conscience du risque encouru par Monsieur [J] ne sont pas contestés non plus par l’AJE. Les parties s’opposent sur l’existence et l’efficacité ou non des mesures de protection individuelle et collective prises par [8] afin de préserver Monsieur [J] du danger auquel il était exposé.
Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n°51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l’évacuation des poussières ou, en cas d’impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.
L’article 187 dudit décret dispose que lorsque l’abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l’accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s’y opposer ou y remédier.
L’instruction du 30 novembre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.
S’agissant des masques, on peut lire dans l’instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d’arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d’une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu’en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».
Il ressort du relevé de carrière établi le 19 septembre 2019 par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (pièce n°1 de l’appelant), que Monsieur [J] a travaillé au sein des [9] et des [8] à compter du 24 août 1964, exclusivement au fond à l’unité Vouters jusqu’au 28 juillet 1991, avant d’être affecté au jour. Il a ainsi exercé aux différents postes suivants : manoeuvre / aide piqueur ; chef de taille ; réparateur équipement montage dressant ; piqueur de tracage.
Monsieur [J] produit par ailleurs aux débats les attestations circonstanciées de deux anciens collègues directs de travail, à savoir Messieurs [N] [S] et [Y] [P] (pièces n°8 et 9 de l’appelant), qui exposent qu’ils disposaient de masques inadaptés et que les systèmes de ventilation et d’arrosage se révélaient inefficients.
Ces deux attestations se révèlent suffisamment précises, notamment sur la qualité de collègue de travail de Monsieur [J], dès lors que sont versés en cause d’appel les relevés de carrière des deux témoins qui ont travaillé à l’Unité Vouters aux périodes d’emploi de Monsieur [J] (pièces n°8A et 9A).
Ainsi Monsieur [S] expose : « quand nous recevions un masque, ce qui n’arrivait pas tous les jours, celui-ci faisait un barrage pour nous empêcher de respirer car il y avait tellement de poussières qui se fixaient dessus avec notre transpiration. Les attaches se cassaient tellement vite que nous avons travaillé tous les jours sans masque et nos chefs de nous disaient rien. Les jets d’arrosage qui soit-disant devaient faire redescendre les poussières arrosaient le bout des machines pour ne pas qu’elles surchauffent mais pas pour atténuer et faire descendre les poussières…».
Monsieur [P] expose quant à lui : « nous avons été exposé aux poussières de silice qui provenaient de toutes les galeries sans masque car ceux que nous recevions, quand nous en recevions un, ce déformait à cause de l’humidité mélangée à notre transpiration et les poussières. L’arrosage n’était absolument pas efficace contre les poussières de silice, elles volaient partout dans les galeries. Au niveau des convoyeurs à bande situés tout au long des galeries du traçage et de la taille afin que le minerai abattu passe d’un convoyeur à l’autre, le système de ventilation amplifiait la circulation des poussières…».
Il résulte de ces témoignages circonstanciés et concordants qu’il doit être admis que l’employeur n’a pas pris des mesures de protection collective (aération-arrosage) et individuelle (port du masque) suffisantes et efficaces.
S’il résulte des pièces versées aux débats par l’AJE que des mesures ont été progressivement mises en ‘uvre pour améliorer l’arrosage des haveuses, lutter contre les poussières provenant du soutènement et favoriser l’aérage de la taille, ces explications ne contiennent aucun élément sur les conditions effectives de travail de Monsieur [J] et ne permettent pas de contredire la situation concrète dans laquelle il s’est trouvé, décrite par les témoignages de ses anciens collègues directs de travail confirmant l’insuffisance des protections individuelles et collectives mises en ‘uvre par [8].
En l’état de l’ensemble de ces constatations, il doit être retenu que les [8], anciennement [9], qui avaient conscience du danger auquel Monsieur [J] était exposé, n’ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l’en préserver.
Dès lors, le jugement entrepris, qui n’a pas retenu l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur à l’origine de la maladie professionnelle du tableau n°25 de Monsieur [J], sera infirmé.
SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE
Sur la majoration de la rente
Monsieur [J] sollicite de voir fixer au maximum la majoration des indemnités dont il bénéficie aux termes des dispositions du code de la sécurité sociale et de dire et juger que la majoration maximum de sa rente suivra l’évolution de son taux d’IPP, celui-ci ayant été porté à 35% postérieurement au jugement entrepris.
La CPAM et l’AJE ne formulent pas d’observations à ce titre.
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Aucune discussion n’existe à hauteur de cour concernant la majoration au maximum de la rente versée à Monsieur [J] dans les conditions telles que définies à l’article L.452-2 alinéas 1 et 3 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente résultant d’une aggravation de l’état de santé de Monsieur [J], et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle.
Cette majoration sera directement versée à Monsieur [J] par la CPAM intervenant pour le compte de l’assurance des mines.
En conséquence, il doit être fait droit à ces demandes formées par Monsieur [J].
Sur les préjudices personnels de Monsieur [J]
Il résulte de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».
Le jugement entrepris a débouté Monsieur [J] de ses demandes d’indemnisation.
Sur les souffrances physiques et morales
Monsieur [J] fait valoir qu’il résulte de la rédaction de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d’IPP.
Il demande l’indemnisation de ses préjudices extrapatrimoniaux comme suit : 10 000 euros au titre des souffrances physiques, et 20 000 euros au titre des souffrances morales. Il fait valoir qu’il souffre d’essoufflement et de fatigue et évoque un préjudice moral spécifique lié à l’atteinte d’une pathologie évolutive et incurable.
L’AJE conclut au débouté des demandes d’indemnisation présentées au titre des souffrances physiques et morales, évoquant l’absence de période de maladie traumatique et le défaut de pertinence des éléments de preuve produits, et soulignant que la réparation du préjudice moral spécifique d’anxiété est incluse dans l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent.
La caisse primaire d’assurance maladie de Moselle s’en remet à l’appréciation de la Cour.
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ll résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.
En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.
Dès lors Monsieur [J] est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.
S’agissant des souffrances physiques subies par Monsieur [J], si celui-ci produit le témoignage de proches relatant sa fatigue et son essoufflement, aucun élément médical n’est versé au dossier permettant de rattacher cet état aux conséquences physiques de l’affection présentée par la victime, si bien que Monsieur [J] sera, en conséquence, débouté de sa demande au titre des souffrances physiques.
S’agissant du préjudice moral, Monsieur [J] était âgé de 82 ans lorsqu’il a déclaré être atteint d’une silicose.
L’attestation de son épouse (pièce n°11 de l’appelant) montre que Monsieur [J] est affecté moralement par sa maladie. En effet, l’anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’exposition aux poussières de silice et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance caractérise une souffrance morale endurée qui sera réparée par l’allocation d’une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l’âge de Monsieur [J] au moment de son diagnostic.
Sur le préjudice d’agrément
L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.
Monsieur [J] sollicite l’indemnisation d’un préjudice d’agrément à hauteur de 5 000 euros.
L’AJE s’oppose à cette prétention, indiquant que l’appelant n’apporte pas la preuve de ce qu’il aurait subi un préjudice, et que la survenance de sa maladie l’aurait empêché de poursuivre une activité sportive ou de loisirs spécifique.
L’examen des attestations produites par l’appelant, qui pratiquait le vélo et le jardinage (ses pièces n°10 à 12), ne permettent pas de caractériser une activité spécifique sportive ou de loisir justifiant l’indemnisation d’un préjudice d’agrément.
Monsieur [J] sera donc débouté de sa demande.
SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du ler janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».
Les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L.452-3.
En l’espèce, aucune discussion n’ayant lieu à hauteur de cour concernant l’action récursoire de la caisse, aussi y a-t-il lieu de confirmer cette action, selon les dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, et des articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, cette action s’appliquant à l’ensemble des sommes avancées à Monsieur [J] par la CPAM intervenant pour l’assurance maladie des mines.
Dès lors, la CPAM de Moselle est fondée à exercer son action récursoire à l’encontre de l’AJE s’agissant de la majoration de la rente et des préjudices extrapatrimoniaux versés à Monsieur [J].
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
En application de l’article 1153-1 du code civil ancien devenu 1231-7 du code civil, les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
L’issue du litige conduit la cour à condamner l’Etat, représenté par l’AJE, à payer à Monsieur [J] la somme de 1000€ au titre de l’article 700 du CPC.
L’AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris du 9 juillet 2021 sauf en ce qu’il a déclaré Monsieur [J] recevable en son action et le jugement commun à la CPAM de Moselle ;
Statuant à nouveau,
DIT que la maladie professionnelle de Monsieur [W] [J] inscrite au tableau 25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l’EPIC [8], auquel se substitue l’Agent judiciaire de l’Etat.
ORDONNE la majoration à son maximum de l’indemnité en capital allouée à Monsieur [J], soit la somme de 1977,76 € euros.
DIT que cette majoration sera versée par la CPAM de Moselle agissant pour le compte de l’assurance maladie des mines à Monsieur [J];
DIT qu’elle suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [J] en cas d’aggravation de son état de santé.
DIT qu’en cas de décès de Monsieur [J] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.
DEBOUTE Monsieur [J] de sa demande présentée au titre des souffrances physiques subies et du préjudice d’agrément ;
FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur [W] [J] à la somme de 10 000 euros et DIT que cette somme, portant intérêt au taux légal, devra lui être versée par la CPAM de Moselle.
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat à rembourser à la CPAM de Moselle les sommes que l’organisme de sécurité sociale aura avancées à Monsieur [J] sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale .
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à payer à Monsieur [W] [J] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président