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Arrêt n° 23/00270
23 Octobre 2023
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N° RG 21/01087 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPRY
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
19 Mars 2021
18/01723
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt trois Octobre deux mille vingt trois
APPELANT :
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [O] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par l’association [8], prise en la personne de Mme [G] [I], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 10]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
substitué par Me HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES – CANSSM
ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur
et pour adresse postale
L’Assurance Maladie des Mines
[Adresse 11]
[Localité 5]
représentée par Mme [Z], munie d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de
procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
– Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre
– Mme Anne FABERT, Conseillère
– M. Amarale JANEIRO, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 30 juin 1951, Monsieur [O] [T] a travaillé pour le compte des [9], devenues par la suite l’établissement public Charbonnages de France, de 1976 à 2006, où il a occupé les postes suivants :
08/09/1976 à 10/10/1976: apprenti-mineur
11/10/1976 à 30/11/1976 : apprenti-mineur
01/12/1976 à 28/02/1977 : raucheur
01/03/1977 à 30/06/1977 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/07/1977 à 31/08/1977: rabasseneur
01/09/1977 à 30/11/1977 : déhouilleur petit stoss taille charbon
01/12/1977 à 04/03/1978 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
17/07/1978 à 31/07/1978 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/08/1978 à 31/03/1979 : préparateur extrémités taille charbon
01/04/1979 à 04/01/1980 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
12/05/1980 à 31/051980 : boulonneur en chantier emploi commun
01/06/1980 à 30/09/1980 : installateur taille ou traçage et voies
01/10/1980 à 31/12/1980 : piqueur voie de déblocage ou voie de tête TP
01/01/1981 à 30/06/1981 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/07/1981 à 31/08/1981 : déplacés divers
01/09/1981 à 30/11/1981: transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/12/0981 à 28/02/1982: préparateur extrémités taille charbon
01/03/1982 à 31/08/1982 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/09/1982 à 31/10/1982 : transporteur
01/11/1982 à 30/09/1983: transporteur taille ou traçage et voies
01/10/1983 à 30/11/1983 : préparateur extrémités taille charbon
01/12/1983 à 31/10/1984 : transporteur
01/11/1984 à 31/05/1985 : préparateur extrémités taille charbon
01/06/1985 à 31/08/1986 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/09/1986 à 31/10/1988 : poseur de rails
01/11/1988 à 28/02/1989 : transporteur et aide-installateur taille ou traçage
01/03/1989 à 31/07/1989 : aide-sondeur
01/08/1989 à 31/10/1996 : poseur de rails
01/11/1996 à 10/07/2001 : conducteur de loco
11/07/2001 à 30/06/2002 : conducteur de loco
01/07/2002 à 31/07/2002 : agent inapte à son emploi
01/08/2002 à 31/01/2003 : manutentionnaire
Monsieur [O] [T] a été en congé charbonnier de fin de carrière du 01/02/2003 au 31/12/2006.
Par formulaire du 1er septembre 2016, il a déclaré à l’Assurance maladie des mines (ci-après la caisse) une maladie professionnelle sous forme de plaques pleurales, attestée par un certificat médical initial établi le 22 août 2016 par le Docteur [K] [S], pneumologue, faisant état d’atteinte pleurale bénigne – tableau 30 B.
Au terme de son enquête, la caisse a admis le caractère professionnel de la maladie déclarée, par décision du 27 novembre 2017.
Le 23 février 2018, elle a reconnu à l’assuré un taux d’incapacité permanente partielle de 3 % et lui a alloué une indemnité en capital de 976,44 euros à la date du 23 août 2016 (lendemain de la date de consolidation).
Après échec de la tentative de conciliation, Monsieur [O] [T] a, selon requête introductive enregistrée au greffe le 30 octobre 2018, attrait l’Agent judiciaire de l’État substitué à Charbonnages de France, le FIVA, et l’Assurance maladie des mines, devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Moselle, afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.
Par jugement du 19 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :
– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance Maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM – l’Assurance Maladie des Mines ;
– déclaré Monsieur [O] [T] recevable en son action ;
– déclaré le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits de Monsieur [O] [T], recevable en son action ;
– reçu l’Agent Judiciaire de l’Etat en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des [9] ;
– dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [O] [T] inscrite au tableau 30B est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France venant aux droits des [9], son employeur ;
– ordonné à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM, de majorer au montant maximum le capital versé en application de l’article L.452¬2 du code de la sécurité sociale, soit 976.44 euros (neuf-cent-soixante-seize euros et quarante¬quatre centimes) ;
– dit que cette majoration sera versée au FIVA en sa qualité de créancier subrogé, par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM – l’Assurance Maladie des Mines, et au besoin l’y a condamné ;
– dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de Monsieur [O] [T], en cas d’aggravation de son état de santé, et qu’en cas de décès de Monsieur [O] [T] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;
– débouté le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [O] [T], de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice de souffrances physiques, morales et du préjudice d’agrément;
– condamné l’AJE, venant aux droits de Charbonnages de France, anciennement [9], à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM – l’Assurance Maladie des Mines, l’ensemble des sommes en principal et intérêts, que l’organisme social sera tenu de payer sur le fondement des articles L.452-1 a L.452-3 du code de la sécurité sociale ;
– condamné l’AJE à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 1 000 (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’AJE à payer au FIVA la somme de 1 000 (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;
– condamné l’AJE aux entiers frais et dépens, exposés à compter du 1er janvier 2019.
Par acte remis au greffe le 7 avril 2021, le FIVA a interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre datée du 22 mars 2021, envoyée en recommandé dont l’accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance. L’appel porte sur le débouté de la demande d’indemnisation par le FIVA des préjudices de souffrances physiques, morales et d’agrément de Monsieur [T].
Par arrêt du 11 mai 2023, la cour d’appel de Metz a:
* CONFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 19 mars 2021 en tant qu’il a :
– déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines ;
– déclaré Monsieur [O] [T] recevable en son action ;
– déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [T], recevable en son action ;
– reçu l’AJE en ses intervention volontaire et reprise d’instance après la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des [9].
– dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [T] inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de L’EPIC charbonnages de France.
* ORDONNE la réouverture des débats pour le reste.
* ENJOINT le FIVA de produire ses pièces et de répondre à l’interrogation de la cour.
* RESERVE les frais irrépétibles et les dépens.
* RENVOYE l’affaire à l’audience du 19 juin 2023.
Pour statuer ainsi, la cour a retenu que l’affaire n’apparaissait pas en état d’être jugée sur les conséquences financières de la faute inexcusable retenue, dès lors que les pièces communiquées par le FIVA concernaient une autre pathologie que celle du présent dossier, et que, de plus, le FIVA, bien que déclarant avoir indemnisé le préjudice d’incapacité fonctionnelle de l’assuré, sollicitait le versement de la majoration de l’indemnité directement à l’assuré.
Par conclusions datées du 6 juin 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :
– INFIRMER LE JUGEMENT, seulement en ce qu’il a DEBOUTE le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre des souffrances physiques et morales, et du préjudice d’agrément, DIT que la majoration de capital sera versée au FIVA en sa qualité de créancier subrogé,
Et, statuant à nouveau sur ce point
– DIRE que la CANSSM devra verser cette majoration de capital à monsieur [T], en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,
– FIXER l’indemnisation des préjudices personnels de monsieur [T] comme suit :
Préjudice moral 13 800.00 €
Souffrances physiques 200.00 €
Préjudice d’agrément 1 100.00 €
Total 15 100.00 €
– DIRE que la CANSSM devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,
Y ajoutant,
CONDAMNER l’Agent judiciaire de l’Etat, en tant que repreneur du contentieux de l’EPIC CHARBONNAGES DE FRANCE, à payer au FIVA une somme de 2000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.
A l’audience, les autres parties ont déclaré n’avoir pas d’observations sur les conclusions du FIVA et s’en remettre à leurs précédentes écritures sur les points restant à examiner.
Ainsi, par conclusions datées du 13 septembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, Monsieur [T] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz rendu le 19 mars 2021 en ce qu’il a dit et jugé que la maladie professionnelle de Monsieur [O] [T] inscrite au tableau 30B, était due à la faute inexcusable de son employeur, Charbonnages de France, représentés par l’AJE.
– Statuer ce que de droit quant aux demandes du FIVA.
– débouter l’AJE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
– condamner l’AJE à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.
– déclarer la décision à intervenir commune à la caisse.
Par conclusions datées du 2 mars 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
Si la faute inexcusable venait à être retenue :
Sur les souffrances physiques et morales endurées et le préjudice d’agrément
– confirmer le jugement du 19 mars 2021 en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation des souffrances physiques, morales et d’agrément endurées par Monsieur [T] ;
PAR CONSEQUENT :
– Débouter le FIVA de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques, morales et d’agrément endurées par Monsieur [T];
– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions la demande du FIVA au titre des souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [T].
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– Déclarer infondée la demande présentée par Monsieur [T] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Par conséquent, l’en débouter, ou tout au moins réduire toute condamnation prononcée sur ce fondement à la somme de 500 euros ;
– Déclarer infondée la demande du FIVA au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Par conséquent le débouter purement et simplement de ce chef.
– Dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 11 août 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la cour de:
– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par Monsieur [T] [O] et le FIVA.
– en tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 976,44 euros.
– prendre acte que la Caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [T] [O].
– constater que la Caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès Monsieur [T] [O] consécutivement à sa maladie professionnelle.
– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [T] [O].
– rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30B de Monsieur [T] [O].
– En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, confirmer le jugement en date du 19 mars 2021 en ce qu’il a condamné l’AJE à rembourser à la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM l’ensemble des sommes en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d’avancer sur le fondement des articles L.452-1 a L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de Monsieur [T] [O] inscrite au tableau 30B.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE
Sur la majoration de l’indemnité en capital
Aux termes de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.
Aux termes de l’article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité […] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».
Aucune discussion n’existe à hauteur de Cour concernant la majoration de l’indemnité en capital allouée à Monsieur [T].
En l’espèce, compte tenu du taux d’incapacité qui lui a été reconnu (3%), Monsieur [T] s’est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit 976,44 €.
Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [T] et restera acquise pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de Monsieur [T] consécutivement à sa maladie professionnelle.
Cette majoration sera versée par la caisse directement à Monsieur [T] et non au FIVA, lequel, faisant suite aux deux arrêts de la cour de cassation du 20 janvier 2023 qui jugent désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de Cassation Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n°21-23947), n’impute plus la majoration de rente sur la rente qu’il sert à ses bénéficiaires.
Le jugement entrepris est donc confirmé, sauf s’agissant du bénéficiaire de la majoration de l’indemnité en capital qui est attribué à Monsieur [T].
Sur les préjudices personnels de Monsieur [T]
Sur les souffrances physiques et morales
Le FIVA sollicite l’indemnisation du préjudice moral de Monsieur [T] à hauteur de 13800€, et de son préjudice physique à hauteur de 200€.
Il fait valoir l’existence de souffrances physiques (douleurs thoraciques liées à la perte de plasticité de la plèvre) et d’un préjudice moral caractérisé par la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution.
L’AJE soutient que le FIVA n’apporte aucunement la preuve des préjudices dont elle réclame l’indemnisation.
La caisse s’en rapporte à la sagesse de la Cour.
*******************
L’article L.452-3 du code de la sécurité sociale prévoit la réparation des souffrances physiques et morales indépendamment de la majoration de rente.
En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de Cassation Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n°21-23947).
En l’espèce, la victime, en application de l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vu attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage le déficit fonctionnel permanent.
Dès lors, le FIVA dont il n’est pas contesté qu’il a indemnisé Monsieur [T] est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.
En l’espèce, s’agissant des souffrances physiques, sont versées aux débats le compte-rendu du scanner thoracique du 27 juillet 2016, et un compte-rendu d’exploration fonctionnelle respiratoire du 18 juillet 2016 (pièces n°12-13 du FIVA), pièces qui ne comportent aucun élément permettant de caractériser l’existence de souffrances physiques en lien avec la maladie du tableau 30B.
La demande présentée par le FIVA au titre des souffrances physiques sera ainsi rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
S’agissant des souffrances morales endurées par Monsieur [T] nécessairement engendrées par l’anxiété liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance, elles seront réparées par l’allocation d’une somme de 10.000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de Monsieur [T] au moment de son diagnostic (64 ans).
Le jugement entrepris est donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice d’agrément
L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.
En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par Monsieur [T] antérieurement à sa maladie professionnelle d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit.
La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.
C’est donc en définitive la somme de 10 000 euros que la caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances morales endurées par Monsieur [T].
SUR L’ACTION RÉCURSOIRE DE LA CAISSE
Aucune discussion n’ayant lieu à hauteur de cour concernant l’action récursoire de la caisse, aussi y a-t-il lieu de confirmer cette action, selon les dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, et des articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, cette action s’appliquant à la somme allouée à Monsieur [T] en cause d’appel au titre des souffrances morales endurées.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
L’issue du litige conduit la Cour à condamner l’AJE à payer au FIVA et à Monsieur [T] la somme de 800€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l’AJE, partie succombante, sera condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l’arrêt déjà prononcé par la cour le 11 mai 2023;
INFIRME le jugement entrepris du 19 mars du Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a dit que la majoration de l’indemnité en capital sera versée au FIVA, et en ce qu’il a débouté le FIVA de sa demande d’indemnisation présentée au titre des souffrances morales endurées par Monsieur [O] [T].
En conséquence, statuant à nouveau sur ces points,
DIT que la majoration de l’indemnité en capital sera versée par la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM directement à Monsieur [T];
FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur [T] à la somme de 10 000 euros
DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée au FIVA, créancier subrogé.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus, notamment quant à l’action récursoire de la CPAM de Moselle pour le compte de la CANSSM laquelle s’appliquera également à la somme allouée au FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [T], au titre des souffrances morales endurées;
CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE) à payer au FIVA et à Monsieur [T] la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l’AJE aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président