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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 23/11/2023
N° de MINUTE : 23/973
N° RG 22/04173 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UO6L
Jugement (N° 21/00005) rendu le 04 Août 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Douai
APPELANT
Monsieur [D] [M]
né le 24 Septembre 1977 à [Localité 8] – de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Matthieu Delhalle, avocat au barreau de Douai
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/009455 du 28/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉ
Monsieur [C] [B]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Comparant en personne
DÉBATS à l’audience publique du 21 septembre 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié, magistrates chargées d’instruire le dossier qui ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Par acte sous-seing privé en date du 25 novembre 2020, M. [C] [B] a consenti un bail rural au GAEC [G] sur les parcelles sises sur le territoire de la commune de [Localité 9] et cadastrées section B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et C [Cadastre 3].
Le GAEC [G] est entré en jouissance desdites parcelles en février 2021.
Suivant requête en date du 12 mars 2021 et reçue au greffe de la juridiction paritaire le 16 mars 2021, M. [D] [M] a demandé la convocation de M. [C] [B] devant la juridiction paritaire de Douai aux fins de se voir reconnaître un droit au bail rural sur les parcelles sises sur la commune de [Localité 9] cadastrées section B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et C [Cadastre 3], objet du bail rural consenti au GAEC [G].
La tentative de conciliation s’est soldée par un échec et l’affaire a été renvoyée en audience de jugement du 20 septembre 2021 et retenue après plusieurs renvois lors de l’audience du 30 mai 2022.
Lors de cette audience, M. [D] [M], représenté par son conseil, a demandé à la juridiction paritaire de :
-dire et juger qu’il est titulaire d’un bail à ferme sur les trois parcelles en cause ;
-dire et juge que le bail à ferme conclu entre M. [C] [B] et le GAEC [G] est nul et de nul effet ou à tout le moins qu’il lui est inopposable ;
-condamner M. [B] au paiement d’une indemnité procédurale.
Il s’est prévalu à titre principal d’un bail rural écrit qui lui aurait été consenti par la mère de M. [C] [B] dans le courant du mois d’août 2023 et à titre subsidiaire d’un bail verbal. Il a indiqué à cet égard avoir régulièrement réglé les fermages relatifs aux parcelles à M. [J] conformément aux stipulations du bail écrit et avoir obtenu une autorisation d’exploiter les parcelles en cause. Il indique que son bail n’a jamais été résilié et s’est renouvelé de neuf années en neuf années depuis qu’il lui a été accordé.
M. [C] [B] comparant en personne a conclu au rejet des demandes. Il a fait valoir que le contrat de bail rural produit par le demandeur était manifestement le résultat d’un faux, contestant formellement la signature attribuée à sa mère. Il a indiqué par ailleurs qu’il n’avait jamais reçu de fermages de la part de M. [M] et qu’au demeurant il ne connaissait pas le demandeur jusqu’à ce que ce dernier émette des prétentions sur les parcelles litigieuses. Il a enfin précisé que c’est M. [E] [J] qui était le preneur des parcelles litigieuses avant que le bail de ces dernières soit accordé au GAEC [G].
Suivant jugement en date du 4 août 2022 auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et du dernier état des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Douai a :
-débouté M. [D] [M] de l’ensemble de ses demandes ;
-débouté M. [D] [M] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné M. [D] [M] aux dépens.
M. [D] [M] a relevé appel de ce jugement par courrier électronique de son conseil adressé au secrétariat-greffe de cette cour le 30 août 2022, ce courriel énonçant que l’appel est un appel total de la décision qui a débouté M. [D] [M] de l’ensemble de ses demandes, débouté M. [D] [M] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux entiers dépens.
Les parties ont été convoquées devant cette cour par lettres recommandées avec accusé de réception pour l’audience du 16 mars 2023, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 21 septembre 2023 pour être retenue à cette date.
*****
Lors de l’audience, M. [D] [M], représenté par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à la cour de :
-le recevoir en son appel ;
-infirmer la décision en toutes ses dispositions ;
Au visa des dispositions de l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime,
-dire et juger que M. [D] [M] est titulaire d’un bail à ferme sur les parcelles situées à [Localité 9] cadastrées section B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et C [Cadastre 3] ;
-dire et juger que le bail à ferme conclu le 23 novembre 2020 est nul et subsidiairement dépourvu d’efficacité et n’est pas opposable à M. [M] ;
-condamner M. [M] au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient à nouveau qu’il peut se prévaloir d’un bail rural sur les parcelles, ayant occupé les parcelles pendant plusieurs années et ayant réglé les fermages entre les mains de M. [E] [J] désigné par le bail écrit.
M. [C] [B] comparaît en personne devant la cour en demandant la confirmation de la décision entreprise, se référant à ses conclusions manuscrites versées aux débats.
MOTIFS
L’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
Toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L. 411-2. Cette disposition est d’ordre public.
(…)
La preuve de l’existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens.
L’article L. 411-4 de ce même code énonce encore que :
Les contrats de baux ruraux doivent être écrits.
A défaut d’écrit enregistré avant le 13 juillet 1946, les baux conclus verbalement avant ou après cette date sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux.
La charge de la preuve de ce qu’il dispose d’un bail rural sur les parcelles litigieuses incombe à M. [M].
Sur l’existence d’un bail écrit :
La cour renvoie expressément aux motifs du jugement entrepris qui ont détaillé avec précision la liste des pièces produites aux débats par l’appelant pour justifier de l’existence d’un bail à son profit d’un bail rural sur les trois parcelles litigieuses.
Parmi ces pièces, figurent :
-un document se présentant comme un contrat de bail portant la date d’août 2023 portant sur les parcelles en cause sur lequel est apposée la signature ‘[H]’ et prévoyant que le paiement des fermages sera fait entre les mains de M. [J] ;
-une demande d’autorisation d’exploiter en date du 16 décembre 2002 portant la signature ‘[H]’ .
-un avis de virement bancaire d’un mouvement de 2285 euros de M. [D] [M] à M. [E] [J] intitulé ‘VIR SEPA LOYER [E] 2021″ avec pour motif ‘LOYER 2021 PRIX [W] MOINS DEGREVEMENT, PASSAGE ET AVANCE NOVEMBRE’ ;
M. [C] [B] a contesté formellement l’authenticité du document intitulé contrat de bail, indiquant que la signature figurant au bas de ce contrat n’était pas celle de sa mère, alors propriétaire des parcelles litigieuses, en expliquant notamment que sa mère ne signait jamais de son nom de jeune fille. Il a maintenu sa contestation en cause d’appel.
Cette contestation a imposé au tribunal paritaire des baux ruraux de procéder à une vérification d’écritures par voie incidente, la juridiction ayant retenu à titre d’éléments de comparaison la carte nationale d’identité de feue [A] [H] et une carte de voeux écrite entièrement de la main de cette dernière. La copie des éléments de comparaison, dont l’authenticité et la pertinence n’ont pas été spécialement discutées, ainsi que de la signature attribuée à Mme [H] et figurant sur le prétendu contrat de bail, ont été intégrés par la juridiction paritaire dans le corps même des motifs de la décision.
C’est par une motivation parfaitement pertinente et que la cour adopte que les premiers juges ont conclu de la comparaison effectuée qu’indiscutablement la mention ‘lu et approuvé’ précédant la signature attribuée à Mme [H] sur le bail litigieux ainsi que cette même signature ne correspondaient pas à l’écriture de feue [A] [H] telle qu’elle ressortait de la signature figurant sur la carte d’identité mais encore de la carte de voeux produite par son fils.
Du reste, comme l’a exactement relevé le jugement entrepris, l’hypothèse d’un bail écrit se trouve encore contredite par un courrier manuscrit qui fut adressé par M. [D] [M] à M. [C] [B] le 5 janvier 2021 dans lequel M. [M] indique ‘voilà maintenant 20 ans que les parcelles dont votre locataire est M. [E] [J], je les exploite moi-même moyennant 800 euros par an’.
Force est de constater que dans le cadre de ses écritures d’appelant soutenues oralement, M. [D] [M] ne remet nullement en cause de manière spécifique les motifs du jugement entrepris qui ont conclu que le bail écrit produit était le résultat d’un faux, se limitant à soutenir qu’il avait bien occupé les terres depuis de nombreuses années conformément à son autorisation d’exploitation.
Il convient dès lors pour la cour de conclure, comme les premiers juges, que M. [D] [M] ne rapporte pas la preuve de ce qu il bénéficie d’un bail écrit sur les parcelles en cause.
Sur l’existence d’un bail rural verbal :
Pour démontrer la réalité d’un bail sur les parcelles en cause, M. [D] [M] a produit aux débats les extraits de registre parcellaire graphiques ou déclaration de surfaces pour les années 2005 à 2020 au nom du GAEC des Vallées, qui est le GAEC au sein duquel il exerce son activité et qui a selon lui bénéficié d’une mise à disposition des parcelles.
Toutefois, cet élément ne repose que sur les seules déclarations de l’appelant et ne démontre pas par ailleurs que ce dernier serait entré sur les parcelles litigieuses de la volonté de la mère de M. [B].
Si l’appelant a encore produit aux débats une autorisation d’exploiter en date du 16 décembre 2002 qui porte la signature ‘Delbassé’ attribuée à la mère de la partie intimée, force est de constater que cette signature qui est la même que celle figurant sur le prétendu contrat de bail écrit n’est pas celle de feue [A] [H] et que le document en cause n’a en conséquence aucune valeur probatoire.
Enfin, s’agissant de la pièce déjà évoquée plus haut, à savoir l’ avis de virement bancaire d’un mouvement de 2285 euros de M. [D] [M] à M. [E] [J] intitulé ‘VIR SEPA LOYER [E] 2021″ avec pour motif ‘LOYER 2021 PRIX [W] MOINS DEGREVEMENT,PASSAGE ET AVANCE NOVEMBRE, la cour ne peut que constater comme le premier juge que :
-le document en cause ne mentionne pas les parcelles concernées par le paiement en cause étant précisé que M. [E] [J] avait consenti à M. [D] [M] un bail concernant d’autres parcelles sises à [Localité 7] et que ce bail peut correspondre à la cause du paiement intervenu ;
-en tout état de cause, ce versement quel qu’en soit la cause a été effectué entre les mains de M. [E] [J] et non entre les mains de la propriétaire des terres et il n’est en aucun cas établi que M. [E] [J] aurait la qualité de mandataire de cette dernière.
C’est ainsi exactement que le jugement entrepris a conclu de l’ensemble des éléments de la cause que la preuve d’un bail rural verbal de M. [D] [M] sur les parcelles en cause n’était pas davantage établie, la cour parvenant d’ailleurs aux mêmes conclusions que celle de la juridiction paritaire selon lesquelles la situation de fait s’apparentant à une sous-location prohibée parfaitement illicite au regard des dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
Il convient dès lors pour la cour, par ces motifs et ceux des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de toutes ses demandes, étant précisé que la cour n’a pas à s’interroger sur la question de l’absence de présence du GAEC [G] devant la cour, alors qu’il a été demandé la nullité du bail rural le concernant, et ce dès lors que M. [M] n’a pas été en mesure de démontrer qu’il avait des droits sur les parcelles en cause.
Le jugement entrepris sera confirmé également sur le sort des dépens de première instance.
M. [D] [M] succombant dans son appel en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [D] [M] aux dépens d’appel, recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS