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VC/DL
ARRET N° 139
N° RG 22/02289
N° Portalis DBV5-V-B7G-GUDH
S.A.S. [15]
C/
[S]
CPAM DES DEUX-SEVRES
S.A. [10]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 23 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT
APPELANTE :
S.A.S. [15]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Marion GAY avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉS :
Monsieur [R] [S]
né le 15 août 1953 à [Localité 16] (18)
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par la [12], Groupement des Deux-Sèvres en la personne de Monsieur [D] [G]
CPAM DES DEUX-SEVRES
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 6]
Représentée par Mme [Y] [Z], munie d’un pouvoir
S.A. [10]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 2]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Xavier LAGRENADE de l’AARPI D’HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Charlotte MERIGOT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, devant :
Madame Valérie COLLET, Conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 22 décembre 2010, M. [R] [S], conducteur d’engins salarié de la SAS [15], a déclaré à la CPAM des Deux-Sèvres souffrir d’un empoussiérage pulmonaire et a joint à sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle, un certificat médical initial daté du 22 décembre 2020 mentionnant ‘gêne respiratoire dyspnée d’efforts et de repos intermittent’.
L’état de santé de M. [S] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la CPAM des Deux-Sèvres le 7 août 2011.
Après enquête administrative, la CPAM des Deux-Sèvres a décidé le 12 août 2011 de prendre la maladie de M. [S] inscrite dans le tableau n° 25 des maladies professionnelles relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice, des silicates, du graphite, de la houille.
Le 29 septembre 2011, la CPAM des Deux-Sèvres a notifié à M. [S] sa décision de lui attribuer une indemnité en capital correspondant à un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) fixé à 5 %. Par jugement du 10 avril 2013, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Poitiers, saisi d’un recours par M. [S], a fixé à 10 % le taux d’IPP de ce dernier.
Par courrier du 30 juillet 2013, M. [S] a saisi la CPAM des Deux-Sèvres d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par courrier du 5 juin 2014, la CPAM des Deux-Sèvres a indiqué à M. [S] que la tentative de conciliation avait échoué.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 juin 2014, M. [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Niort afin de voir reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de son employeur et d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
Par courrier du 8 juillet 2015, M. [S] a saisi la CPAM des Deux-Sèvres d’une demande de réévaluation de son taux d’IPP compte tenu de l’aggravation de son état de santé constaté par certificat médical du 30 mai 2015.
Par jugement du 4 juillet 2018, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Poitiers, saisi d’un recours par M. [S] contre la décision de refus de révision de son taux d’IPP par la CPAM, a fixé à 75 % le taux d’IPP du salarié au 30 mai 2015.
Par jugement du 3 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Niort a :
– déclaré l’action de M. [S] recevable,
– prononcé la mise hors de cause de la société [10],
– dit que l’accident du travail subi par M. [S] est dû à la faute inexcusable de son employeur la société [15],
– déclaré la société [15] responsable des conséquences financières,
– fixé au taux maximum la majoration de la rente servie à M. [S] en considération d’un taux d’IPP de 75 %,
– dit que la majoration de la rente sera versée directement à M. [S] par la CPAM des Deux-Sèvres,
– dit que cette majoration devra suivre l’évolution éventuelle du taux d’IPP de M. [S] résultant de l’aggravation de son état de santé,
– ordonné une expertise et désigné pour y procéder le Dr [N] avec pour mission d’évaluer les préjudices de M. [S], en ce non compris le déficit fonctionnel permanent,
– alloué à M. [S] une provision d’un montant de 2.000 euros,
– dit que les sommes allouées à M. [S] porteront intérêts au taux légal à compter de la décision les prononçant,
– condamné la société [15] à rembourser à la CPAM des Deux-Sèvres la majoration de la rente dans la limite du taux initial fixé à 5 %, ainsi que l’indemnisation des préjudices personnels versées à M. [S],
– réservé les demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
La société [15] a interjeté appel du jugement le 5 juillet 2019 par lettre recommandée avec avis de réception, enregistré sous le numéro RG 19/02446.
Le Dr [N] a déposé son rapport le 29 août 2019 au greffe du tribunal.
L’affaire a été appelée à l’audience du 19 janvier 2022 puis à celle du 28 juin 2022. La radiation a été prononcée par la cour par arrêt du 7 juillet 2022 afin de sanctionner l’absence de diligences par les parties.
Par courrier daté du 9 septembre 2022 reçu le 12 septembre suivant, M. [S], représenté par la [12] a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle. Le dossier a été ainsi réinscrit sous le numéro RG 22/02289 et les parties convoquées à l’audience du 24 janvier 2023.
La société [15], s’en remettant à ses conclusions notifiées par RPVA le 20 janvier 2023, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
– débouter M. [S] de toutes ses demandes,
– en toutes hypothèses, restreindre le champ de l’expertise médicale aux seuls chefs susceptibles d’être indemnisés, conformément à la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et à la jurisprudence rendue au visa de cette décision,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle conteste le caractère professionnel de la maladie de M. [S] en indiquant qu’aucun élément ne démontre que les conditions du tableau 25 des maladies professionnelles sont remplies.
Elle fait ensuite valoir qu’elle a mis en oeuvre de nombreux moyens de protection et qu’elle avait porté une attention régulière, en collaboration avec les instances représentatives du personnel, aux besoins en la matière et aux évolutions possibles des moyens de protection mis à disposition. Elle affirme que des visites de sites étaient organisées au moins une fois par an avec les membres du CHSCT afin de vérifier les conditions de travail des salariés. Elle insiste sur le fait que les salariés disposaient de masque à poussières, de protections auditives, de lunettes de protection, des casques de protections. Elle ajoute qu’un document ‘santé-sécurité’ équivalent au document unique d’évaluation des risques a été rédigé et laissé à la disposition des salariés. Elle ne conteste pas la présence de poussières mais fait valoir qu’elle a toujours essayé de trouver des solutions aux difficultés soulevées par les représentants du personnel, précisant qu’obligation était faite aux salariés de porter leurs équipements de protection.
Elle soutient que M. [S] ne démontre pas qu’elle avait conscience du danger, indiquant que le salarié n’avait jamais auparavant la moindre gêne respiratoire en rapport avec le tableau 25 des maladies professionnelles. Elle déclare qu’aucun salarié de l’entreprise n’a jamais contracté la moindre pathologie en rapport avec le tableau 25.
M. [S], représenté par la [13] des Deux-Sèvres, a repris oralement ses conclusions transmises par courrier le 12 septembre 2022, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de lui accorder une provision de 3.000 euros à valoir sur le montant de l’indemnité qui lui sera allouée en réparation des préjudices. Il demande également que les intérêts au taux légal courent à compter de la demande en faute inexcusable et que l’employeur soit condamné à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que l’employeur ne pouvait ignorer l’existence d’un danger pour ses salariés et qu’il avait parfaitement conscience du risque auquel ils étaient exposés puisque la reconnaissance, en France, des dangers d’une exposition aux poussières générales pour les salariés est admise depuis une ordonnance du 2 août 1945 créant le tableau n°25 des maladies professionnelles relatif à la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l’amiante.
Il prétend que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à son obligation de sécurité précisant qu’il n’a reçu ni formation ni information sur les risques liés à la poussière.
La société [11], s’en référant à ses conclusions déposées à l’audience, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé sa mise hors de cause, de débouter M. [S] de toutes ses demandes à son encontre et de condamner la société [15] et M. [S] à lui payer, chacun, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fait observer qu’aucune des parties ne formule de demande ni ne sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé sa mise hors de cause. Elle rappelle que M. [S] a été salarié de la société [15] jusqu’au 12 janvier 2012, date de la rupture du contrat de travail.
Elle ajoute que M. [S] ne faisait plus partie des effectifs de la société [15] lorsque la société [10], aux droits de laquelle elle vient, a repris les éléments d’actifs corporels et incorporels de la société [15] comprenant les contrats de travail en cours. Elle en conclut que c’est à tort que M. [S] a dirigé ses demandes à l’encontre de la société [15] devenue la SA [10].
La CPAM des Deux-Sèvres, s’en remettant à ses conclusions transmises le 27 juin 2022, demande à la cour de :
– prendre acte de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur le point de savoir si la maladie professionnelle de M. [S] est due ou non à la faute inexcusable de l’employeur,
– constater que le capital représentatif de la rente majorée sera récupéré auprès de l’employeur sur la base du taux initialement notifié à l’employeur de 5 %,
– constater que le rapport d’expertise a été réalisé et est complet,
– prendre acte de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur l’octroi d’une provision de 3.000 euros,
– condamner l’employeur, en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable, à lui reverser les sommes qu’elle sera amenée à régler, sur le fondement des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale.
A l’audience, la cour a recueilli l’avis des parties sur la possibilité d’indemniser le déficit fonctionnel permanent (DFP) éventuellement subi par M. [S], compte tenu des arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 20 janvier 2023 (n° 21-23.947 et n° 21-23.673) et sur la possibilité de modifier la mission d’expertise, si la faute inexcusable de l’employeur était retenue, afin de permettre à l’expert désigné d’évaluer le DFP de M. [S]. La [12] a expressément sollicité le complément de la mission d’expertise, précisant que l’expert désigné par le tribunal était décédé depuis lors. Les autres parties s’en sont rapportées à l’appréciation de la Cour de cassation.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il convient de se reporter aux conclusions déposées par chacune des parties.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de la société [11]
La cour observe qu’aucune des parties, au terme de leurs conclusions respectives, n’a sollicité l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause la société [11] et qu’aucun moyen de contestation n’est soutenu en cause d’appel. En conséquence, la cour ne peut que confirmer le jugement attaqué de ce chef.
Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée
La faute inexcusable doit procéder d’un fait accidentel ou d’une maladie ayant une origine professionnelle. Il appartient donc à la juridiction saisie d’une telle demande de rechercher si la maladie a un caractère professionnel.
Il est rappelé que l’employeur, dont la faute inexcusable est recherchée, a la possibilité de contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure de reconnaissance de cette faute, et ce quand bien même la décision de prise en charge de la maladie professionnelle par la caisse primaire revêtirait un caractère définitif, faute de contestation de l’employeur dans le délai de deux mois à compter de la notification de la prise en charge.
En l’espèce, la société [15] soulève pour la première fois en cause d’appel, par conclusions communiquées le vendredi 20 janvier 2023 soit moins de 4 jours comprenant un week-end avant l’audience, qu’aucun élément du dossier ne démontre que les conditions du tableau 25 des maladies professionnelles sont remplies. La cour observe que ni M. [S] ni la CPAM des Deux-Sèvres n’ont répondu à ce moyen soulevé quelque peu tardivement. Afin de permettre un réel débat contradictoire sur ce point et de préserver ainsi les droits de chacune des parties, il convient d’ordonner la réouverture des débats et d’inviter M. [S] et accessoirement la CPAM des Deux-Sèvres à présenter leurs observations sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par le salarié en commençant par préciser de quelle maladie professionnelle M. [S] est affecté.
Dans le cadre de cette réouverture des débats, la cour sollicite les observations des parties sur l’erreur matérielle affectant le jugement attaqué en ce qu’il est fait mention à plusieurs reprises de M. [O] [S] au lieu de M. [R] [S].
Toutes les autres demandes y compris celles portant sur l’article 700 du code de procédure civile sont réservées.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 3 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Niort en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de la société [10] aux droits de laquelle vient la société [11],
Sursoit à statuer sur le surplus des demandes,
Ordonne la réouverture des débats et renvoie l’affaire et les parties à l’audience du mardi 12 septembre 2023 à 14h, tenue en rapporteur, la notification du présent arrêt à la SAS [15], M. [R] [S] et la CPAM des Deux-Sèvres valant convocation,
Invite les parties et notamment M. [R] [S] et la CPAM des Deux-Sèvres à présenter leurs observations sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par le salarié en commençant par préciser de quelle maladie professionnelle M. [R] [S] est affecté,
Invite les parties à présenter leurs observations sur la rectification de l’erreur matérielle affectant le jugement attaqué en ce qu’il est mentionné à plusieurs reprises ‘M. [O] [S]’ au lieu de ‘M. [R] [S]’,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
D.LEYMONIS M-H.DIXIMIER