Tentative de conciliation : 23 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02820

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Tentative de conciliation : 23 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02820
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N° RG 21/02820 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K54Q

C2*

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Stella MARCELLI

la SELARL RIONDET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG 19-002342)

rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 27 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 24 juin 2021

APPELANTE :

Mme [P] [B] Gérante d’entreprise individuelle en nom propre

née le 16 février 1959 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Stella MARCELLI, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/8816 du 03/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

S.A.S. ECCI DURBIANO venant aux droits de la société SOLRTECH en suite d’une fusion, prise en la personne de son représentant

légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Michel DE GAUDEMARIS de la SELARL RIONDET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 mars 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [P] [B] exploite à [Localité 5] (Isère) une entreprise agricole en nom personnel dénommée «’A la ferme LESPINASSE’» comprenant notamment une culture de plantes tropicales sous serres chauffées.

Elle a souscrit le 5 janvier 2011 un contrat d’entretien de sa chaudière au fioul auprès de la société SOLRTECH, aux droits de laquelle vient la société ECCI DURBIANO par voie de fusion absorption.

La maintenance de l’installation de chauffage a notamment donné lieu à de nombreuses interventions entre le 6 janvier 2017 et le début de l’année 2018.

Mme [B] se plaint de l’exécution défectueuse de sa prestation d’entretien et de réparation par la société ECCI DURBIANO, qui aurait notamment remplacé inutilement à deux reprises le moteur de soufflage de l’installation de chauffage.

Le 16 avril 2018, Mme [B] a mis en demeure la société ECCI DURBIANO de procéder au remplacement du moteur ventilateur par un matériel adapté, et a refusé ultérieurement la mise en place d’un moteur identique aux deux précédents.

Après l’échec d’une tentative de conciliation, Mme [B] a fait assigner la société ECCI DURBIANO, par acte d’huissier du 28 novembre 2019, devant le tribunal d’instance de Grenoble aux fins d’entendre :

dire et juger que la défenderesse a manqué à ses obligations contractuelles,

condamner la société ECCI DURBIANO à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts (883,42 euros en remboursement du matériel défectueux, 510,50 euros en remboursement d’achats de gaz de chauffage, 3.000 euros en réparation de son préjudice d’exploitation, 258,12 euros en remboursement du coût du contrat de maintenance pour la période du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2018).

La société ECCI DURBIANO s’est opposée à l’ensemble de ces demandes en faisant notamment valoir que ses interventions étaient toutes justifiées par l’usure de certaines pièces compte tenu de l’ancienneté de l’installation et que seul le fournisseur doit répondre de la défaillance du moteur remplacé sous garantie à deux reprises.

Par jugement en date du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a débouté Mme [P] [B] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société ECCI DURBIANO la somme de 600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré en substance que Mme [B] ne rapportait la preuve ni d’un défaut de conformité du moteur de soufflage au sens des articles L. 217’4 et suivants du code de la consommation, ni d’un vice caché de ce matériel au sens des articles 1641 et suivants du code civil.

Mme [P] [B] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 24 juin 2021 aux termes de laquelle elle critique l’ensemble des chefs du jugement.

Vu les conclusions récapitulatives n°2 déposées et notifiées le 8 mars 2022 par Mme [P] [B] qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de dire et juger que la société ECCI DURBIANO a manqué à ses obligations contractuelles et de la condamner à lui payer les sommes de 883,42 euros en remboursement du matériel défectueux, de 510,50 euros en remboursement d’achats de gaz de chauffage, de 3.000 euros en réparation de son préjudice d’exploitation et de 258,12 euros en remboursement du coût du contrat de maintenance pour la période du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2018, outre une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que la société SOLRTECH est intervenue à 13 reprises entre le 6 janvier 2017 et le 20 février 2018, mais que malgré le remplacement à deux reprises du moteur de soufflage l’installation n’a pas pu être remise en service, ce qui a entraîné la perte des plantes tropicales qu’elle cultive à des fins pédagogiques dans le cadre d’une activité d’accueil à la ferme,

qu’elle a refusé la mise en place d’un troisième moteur identique aux deux précédents qui s’étaient rapidement avérés défectueux,

que pour avoir fourni à deux reprises un moteur impropre à l’usage auquel il était destiné la société ECCI DURBIANO a engagé sa responsabilité pour défaut de conformité et vice caché sur le fondement des articles L. 217’4 et suivants du code de la consommation et 1641 et suivants du code civil,

que la vétusté et l’usure prétendues de l’installation sont sans rapport avec les pannes répétées du moteur fourni qui était inadapté,

que le premier moteur a, en effet, brûlé moins d’un mois après son installation à l’occasion de son utilisation en été en mode circulation d’air, ce qui est sans lien avec la prétendue vétusté de la chaudière,

que le second moteur de remplacement n’a pas fonctionné plus de sept mois,

qu’elle a par conséquent légitimement refusé la pose d’un troisième moteur identique, qui aurait été tout aussi inadapté comme étant plus petit et moins puissant que le moteur d’origine, ainsi qu’il résulte de la différence entre le numéro de référence de la chaudière et celui utilisé par la société SOLRTECH pour commander les moteurs de remplacement.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 12 janvier 2022 par la SAS ECCI DURBIANO qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de l’appelante à lui payer une nouvelle indemnité de procédure de 1.500 euros.

Elle fait valoir :

qu’elle a remplacé le moteur de soufflage le 27 juin 2017 qui était tombé en panne en raison de l’ancienneté de l’installation,

qu’en raison du grippage de ce nouveau moteur elle a procédé le 27 septembre 2017 à son remplacement par un nouveau moteur fourni sous garantie par le fabricant,

qu’elle a été contrainte de procéder à l’enlèvement de ce second moteur le 20 février 2018,

que cependant Mme [B] a refusé la pose d’un troisième moteur fourni également sous garantie par le fabricant,

que sa responsabilité n’est en rien engagée pour manquement à ses obligations de délivrance d’un bien conforme et exempt de vices cachés alors que ses nombreuses interventions depuis le 6 janvier 2017 étaient justifiées par l’usure de certaines pièces due à l’ancienneté de l’installation ou par l’entretien annuel, que la première panne du moteur de soufflage n’est pas la conséquence de l’intervention qu’elle a réalisée 5 mois plus tôt le 27 janvier 2017, qu’elle n’est pas responsable du grippage du premier moteur de remplacement, puisque le fabricant a procédé à son remplacement sous garantie, que le fabricant a également accepté de fournir sous garantie un troisième moteur, dont la pose a cependant été refusée par Mme [B],

que les défauts allégués sont de la responsabilité exclusive du fournisseur,

qu’en toute hypothèse Mme [B] ne peut solliciter le remboursement de ses achats de bouteilles de gaz, puisqu’elle aurait dû dans tous les cas se fournir en énergie, ni réclamer une indemnisation pour la perte de ses plantations puisqu’elle soutient elle-même avoir été contrainte de chauffer sa serre à l’aide de bouteilles de gaz, ni enfin demander le remboursement de la redevance de maintenance 2017/2018 puisqu’elle est intervenue utilement à 14 reprises, dont 12 fois gratuitement.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 21 février 2023.

MOTIFS

La responsabilité de la société ECCI DURBIANO est recherchée, non pas en ce qu’elle aurait manqué à son obligation générale d’entretien périodique et de réparation dans le cadre de l’exécution du contrat de maintenance, mais en ce qu’elle aurait fourni et installé à deux reprises un moteur de soufflage de remplacement inadapté à l’installation.

Il ne lui est pas reproché, en effet, d’avoir failli dans l’exécution de sa prestation d’entretien courant, ce que ses 14 interventions entre le 6 janvier 2017 et le 27 avril 2018 démentissent en toute hypothèse. Il ne lui est pas même fait grief d’être responsable de la panne du moteur d’origine survenue le 27 juin 2017, puisqu’il est constant que cette pièce était vétuste s’agissant d’une installation de chauffage mise en service dès l’année 1990 et ayant subi le 27 janvier 2017 une panne électrique causée par le fonctionnement défectueux du moteur.

L’appelante n’est pas fondée à se prévaloir de la garantie légale de conformité des articles L. 217’4 et suivants du code de la consommation qui bénéficie au seul consommateur, lequel est défini par l’article liminaire de ce code comme la personne physique qui agit à des fins n’entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Tel n’est pas, en effet, le cas en l’espèce puisqu’elle a conclu le contrat de maintenance litigieux pour les besoins de l’exploitation de son entreprise individuelle agricole, l’installation de chauffage étant destinée à la culture de plantes tropicales sous serre dans le cadre d’une activité professionnelle d’accueil à la ferme.

La garantie légale des vices cachés des articles 1641 et suivants du code civil n’apparaît pas plus mobilisable, puisqu’il n’est pas soutenu que les moteurs de remplacement successifs étaient affectés d’un vice interne les rendant impropres à leur destination, seule l’inadaptation de ces matériels sous dimensionnés à l’installation de chauffage étant invoquée.

Aux termes de ses écritures d’appel Mme [B] soutient toutefois, au delà des garanties susvisées (page 5 notamment), que «’la société SOLRTECH n’a pas satisfait à ses obligations telles que résultant du contrat d’entretien, la chaudière n’ayant pas été réparée’». Ce faisant elle fonde également implicitement, mais nécessairement, son action indemnitaire sur un manquement du réparateur à son obligation contractuelle de résultat.

Il appartient à la société ECCI DURBIANO dans ce cadre juridique de démontrer qu’elle n’a pas commis de faute à l’origine des mises à l’arrêt successives de l’installation de chauffage.

Se retranchant derrière la garantie du fournisseur des deux moteurs de remplacement, la société ECCI DURBIANO ne répond pas cependant à l’argumentation de l’appelante selon laquelle, ne tenant pas compte des références figurant sur la notice d’utilisation d’origine , elle aurait commandé à deux reprises un moteur de soufflage plus petit et moins puissant que le moteur d’origine, ce qui serait à l’origine des pannes très rapides ayant affecté ces matériels.

Or, la comparaison entre la fiche technique du générateur d’air chaud équipant les serres agricoles de Mme [B] et la facture de remplacement du moteur d’origine établie le 28 juin 2017 fait apparaître que la société SOLRTECH a fourni et posé le 27 juin un moteur de soufflage neuf sous la référence «’chaudière centrale d’air ‘EMAT W 24- H’» ne correspondant pas à celle de l’installation identifiée par le n°distinct «’WH1.90.3’».

Il est ainsi établi que le réparateur a commandé un moteur de remplacement sous une référence erronée ne permettant pas au fabricant d’identifier les caractéristiques techniques précises de l’installation de chauffage à équiper, ni donc de fournir un matériel spécialement adapté.

La destruction très rapide du moteur de remplacement survenue en période estivale moins d’un mois après la réparation du 27 juin 2017, ainsi qu’il résulte du rapport d’intervention du 19 juillet 2017, atteste de l’inadaptation de cette pièce essentielle, dont l’appelante affirme, sans être contredite sur ce point précis, qu’elle était sous dimensionnée et qu’elle présentait donc un risque d’échauffement.

La société ECCI DURBIANO n’offre pas d’établir, en outre, que le nouveau moteur fourni et posé sous garantie le 26 septembre 2017 n’était pas identique au premier après rectification de la commande auprès du fabricant. Il résulte au contraire du rapport d’intervention du 20 février 2018 que ce moteur de soufflage n’était pas mieux adapté à l’installation que le précédent, puisqu’il est à nouveau rapidement tombé en panne à cette date, ce qui a nécessité sa dépose, le technicien mentionnant «’moteur ventilateur soufflage HS’».

La survenance de ces pannes successives très rapprochées dans le temps démontre par comparaison avec la durée de vie du matériel d’origine ( 27 ans) que les deux moteurs de soufflage fournis et installés par le réparateur ne correspondaient pas aux caractéristiques techniques nécessaires au bon fonctionnement de l’installation.

C’est par conséquent à bon droit que Mme [B], après avoir légitimement refusé la pose d’un troisième moteur identique aux deux précédents, recherche la responsabilité de la société ECCI DURBIANO pour manquement à son obligation contractuelle de résultat, ce qui conduit à l’infirmation du jugement.

Il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts la somme de 883,42 euros en remboursement du coût des travaux de remplacement du moteur d’origine (facture du 28 juin 2017), dont l’inefficacité est démontrée.

L’installation de chauffage n’ayant plus fonctionné à compter du 20 février 2018, il sera également alloué à Mme [B] la somme de 172,08 euros (258,12 /12 X 8 ) correspondant prorata temporis au remboursement de la redevance d’entretien acquittée au titre de la période annuelle du 01/11/2017 au 31/10/2018.

Si en l’absence de tout document comptable Mme [B] ne justifie pas d’une perte d’exploitation effective, elle a toutefois incontestablement subi les désagréments du non fonctionnement de l’installation assurant le chauffage de la serre abritant ses plantes tropicales, notamment à la fin de l’hiver 2017/2018 ( soins particuliers apportés à ses plantations et mise en place d’un système de chauffage au gaz).

Il sera fait droit à ce chef de demande à concurrence de la somme de 1.000 euros de nature à indemniser intégralement le préjudice matériel et moral effectivement subi.

En revanche, s’il est justifié de l’achat de bouteilles de gaz au cours des mois de février, mars et avril 2018, la preuve n’est pas rapportée d’un surcoût de consommation d’énergie par rapport aux dépenses d’électricité qui auraient été nécessaires en cas de fonctionnement de l’installation de chauffage, de sorte que la demande en paiement de la somme supplémentaire de 510,50 euros sera rejetée.

L’équité commande enfin de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit et juge que la SAS ECCI DURBIANO venant aux droits de la société SOLRTECH a manqué à son obligation contractuelle de résultat,

Condamne la SAS ECCI DURBIANO venant aux droits de la société SOLRTECH à payer à Mme [P] [B] à titre de dommages et intérêts les sommes de :

883,42 euros en remboursement du coût des travaux de remplacement du moteur d’origine,

172,08 euros (258,12 /12 X 8 ) au titre du remboursement partiel de la redevance d’entretien,

1.000 euros en réparation du préjudice matériel et moral supplémentaire causé par le non fonctionnement de l’installation de chauffage,

Déboute Mme [P] [B] du surplus de sa demande indemnitaire,

Condamne la SAS ECCI DURBIANO venant aux droits de la société SOLRTECH à payer à Mme [P] [B] une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS ECCI DURBIANO venant aux droits de la société SOLRTECH aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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