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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/00281 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IWCH
CO
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON
13 janvier 2023
RG:2021 5113
S.A. MMA IARD
C/
S.A.S. BYARD
Grosse délivrée
le 22 MARS 2023
à Me Emmanuelle VAJOU
Me Jean-michel DIVISIA
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 22 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d’AVIGNON en date du 13 Janvier 2023, N°2021 5113
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A. MMA IARD Poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité en son siège social
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Guillaume BRAJEUX du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me Iris VOGEDING, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. BYARD prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Fany BAIZEAU de la SELARL ORID, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Aurélie GILLOT Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Statuant en matière d’assignation à jour fixe
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 22 Mars 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 24 janvier 2023 par la SA MMA Iard à l’encontre du jugement prononcé le 13 janvier 2023 par le tribunal de commerce d’Avignon dans l’instance n°2021 005113 ;
Vu l’assignation à jour fixe signifiée le 8 février 2023 par l’appelante à la SAS Byard, intimée, par acte délivré à personne se disant habilitée à le recevoir, et sur autorisation du 1er février 2023 ;
Vu les conclusions transmises par la voie électronique le 24 février 2023 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les conclusions transmises par la voie électronique le 28 février 2023 par la SAS Byard, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
***
La société Byard exploite un restaurant de l’enseigne Mc Donald’s à [Localité 3] (84).
Assurée auprès de la MMA Iard, elle a sollicité la mobilisation de la garantie « pertes d’exploitation sans dommages » au titre des pertes d’exploitation qu’elle aurait subies dans son restaurant lors de la pandémie de Covid-19, en vain.
Par exploit du 12 avril 2021, la société Byard a donc fait assigner la société MMA Iard devant le tribunal de commerce d’Avignon en indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 13 janvier 2023, le tribunal de commerce d’Avignon a, principalement :
débouté la société MMA Iard de sa demande de jonction,
débouté la société MMA Iard de son exception d’incompétence pour indivisibilité,
débouté la société MMA Iard de son exception d’incompétence pour connexité,
débouté la société MMA Iard de sa demande de sursis à statuer,
s’est déclaré compétent pour juger le présent litige,
a débouté la société Byard du surplus de ses demandes,
et réservé tous droits et moyens des parties quant au fond, ainsi que les dépens.
Le 24 janvier 2023, la société MMA Iard a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu’elle l’a déboutée de son exception d’incompétence pour indivisibilité, débouté de son exception d’incompétence pour connexité et en ce que le tribunal de commerce d’Avignon s’est déclaré compétent pour juger du présent litige.
***
Dans ses dernières conclusions, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 4, 75, et 101 du code de procédure civile, de :
réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon le 13 janvier 2023 des chefs suivants :
-déboute la société MMA Iard de son exception d’incompétence pour indivisibilité
-déboute la société MMA Iard de son exception d’incompétence pour connexité
-se déclare incompétent pour juger le présent litige,
A titre principal,
réformer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée motif pris de l’indivisibilité,
Statuant à nouveau,déclarer recevable et bien fondée l’exception d’indivisibilité soulevée,
renvoyer l’affaire au tribunal de commerce de Paris,
condamner la société Byard à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de la présente instance,
A titre subsidiaire,
réformer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté l’exception de connexité soulevée par MMA,
Statuant à nouveau,constater la connexité de la demande formée par la société Byard à l’encontre de MMA Iard et celles pendantes devant le tribunal de commerce de Paris (citées en suivant),
renvoyer au tribunal de commerce de Paris la présente instance, motif pris de la connexité,
condamner la société Byard à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de la présente instance,
En tout état de cause,
débouter la société Byard de ses demandes de dommages et intérêts et d’amende civile fondées sur une prétendue résistance abusive de MMA,
débouter la société Byard de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, et appel incident.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir, à titre principal, qu’il existe des centaines de procédure pendantes contre la société MMA, tendant toutes à l’application du même contrat d’assurance, au titre du même sinistre et que ces procédures ne forment qu’un unique litige indivisible. Les réclamations soulèvent les mêmes questions d’interprétation des stipulations contractuelles de la police d’assurance souscrite par Mc Donald’s France Services auprès de MMA. La multiplicité de procédures génère un risque de contrariété de décisions ainsi qu’un fort risque d’inégalité entre les différents assurés qui verront leurs demandes traitées différemment en fonction des tribunaux. Il importe que tous les intéressés soient présents à l’instance pour faire valoir leurs arguments de manière contradictoire. Le tribunal de commerce de Paris a été la première juridiction saisie dans le cadre de ce contentieux et le débat devant cette juridiction se déroule en présence du souscripteur de la police d’assurance litigieuse, Mc Donald’s France Services, de sorte qu’il est opportun que tous les autres contentieux en cours portant sur le même objet soient examinés en même temps par ce même tribunal, et ce, d’autant qu’un plafond de garantie commun s’applique au sinistre dont il est question.
A titre subsidiaire, l’appelante ajoute que les instances pendantes portent sur le même contrat, au titre du même fait générateur et à l’encontre du même défendeur, de sorte qu’elles sont connexes. Il n’est pas exigé, pour que la connexité soit caractérisée, que les parties soient identiques ou que les demandes soient les mêmes.
L’intérêt d’une bonne administration de la justice commande de constater cette connexité puisque cela permettra la cohérence des décisions à intervenir et contribuera à la réunion du contentieux devant une seule juridiction, évitant l’encombrement de nombreux tribunaux dans toute la France.
Enfin, l’appelante observe qu’elle n’a commis aucun abus, ni faute, ses prétentions ayant été reconnues comme fondées par plusieurs juridictions, mais aussi qu’elle a accepté de prendre part à une tentative de conciliation et ne cherche donc pas à retarder l’issue du litige, ni à faire obstacle à tout dialogue avec les assurés.
***
Dans ses dernières conclusions, l’intimée demande à la cour, au visa des articles R114-1 du code des assurances et 32-1, 101 et 700 du code de procédure civile, de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal en ce qu’il s’est déclaré compétent pour trancher le litige et a débouté la MMA de ses demandes de renvoi devant le tribunal de commerce de Paris,
l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la MMA au paiement d’une amende civile ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts,
En tout état de cause,condamner la MMA à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Byard dénonce la stratégie dilatoire de la MMA, précise que la police d’assurance cadre négociée auprès de la MMA n’était pas obligatoire pour les sociétés d’exploitation à enseigne Mc Donald’s, mais qu’elle y a personnellement souscrit et qu’elle dispose donc d’un lien contractuel direct avec cet assureur.
C’est sur le fondement de ce lien contractuel qu’elle l’a assigné devant le tribunal dans le ressort duquel son domicile se trouve, tribunal qui dispose d’une compétence exclusive et d’ordre public en vertu de l’article R114-1 du code des assurances.
Il n’existe pas d’indivisibilité entre les différents litiges engagés par des restaurateurs concurrents, l’objet différant selon les parties, et les jugements à intervenir étant parfaitement exécutables indépendamment les uns des autres, aucun plafond de garantie n’étant commun dès lors que chaque instance porte sur un sinistre spécifique à l’assuré qui l’a subi.
Il n’existe pas davantage de lien de connexité entre les affaires, les parties comme les demandes étant multiples, de sorte qu’il n’est pas d’une bonne administration de la justice que de les regrouper, bien au contraire puisque le traitement commun de ces multiples sinistres serait attentatoire au secret des affaires.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
L’article 954 du code de procédure civile dispose que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion », mais aussi que « les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».
En l’espèce, dans ses dernières conclusions transmises à la cour, l’intimée demande l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la MMA au paiement d’une amende civile ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts, mais elle ne formule aucune demande en paiement ni d’amende civile ni de dommages et intérêts, de sorte que la cour n’est pas régulièrement saisie en ce sens.
Sur le fond :
Seule l’impossibilité d’exécuter à la fois deux décisions contraires caractérise une telle indivisibilité (Civ 2è 5 janvier 2017 n°15-28.356).
En l’espèce, les juridictions saisies d’actions engagées par des restaurateurs à l’enseigne Mc Donald’s à l’encontre de la société MMA Iard vont certes devoir examiner les mêmes dispositions contractuelles si le contrat sur lequel se fondent ces demandes est le même, mais elles devront le faire pour le rapporter aux demandes de chacun, en tenant compte des moyens soulevés par chacun, et en prenant en compte les éléments de fait de chaque espèce.
Dès lors, même s’il s’agit de litiges sériels, il n’en résulte aucunement une impossibilité d’exécuter chaque décision qui sera rendue sur chaque instance engagée par des demandeurs à chaque fois différents.
C’est en outre dans la seule interprétation de la société MMA qu’un plafond de garantie commun s’appliquerait à l’ensemble des demandes d’indemnisation, étant observé qu’en tout état de cause, il n’en résulterait pas davantage d’impossibilité d’exécution en l’état du droit français.
Ainsi, l’indivisibilité n’existe pas entre le litige dont le tribunal de commerce d’Avignon est saisi sur action de la société Byard et ceux qui sont en cours devant le tribunal de commerce de Paris, de sorte que c’est à raison que les premiers juges ont rejeté l’exception soulevée en ce sens.
L’article 101 du code de procédure civile dispose que ‘s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction’.
Les affaires en cours devant le tribunal de commerce de Paris et celle dont est saisi le tribunal de commerce d’Avignon sur assignation délivrée à la MMA Iard par la société Byard ont pour objet, selon les propres explications de l’appelant non contredites, l’indemnisation réclamée à titre contractuel à cet assureur par des exploitants de commerce de restauration sous l’enseigne Mc Donald’s.
La question qu’il appartient à ces juridictions de trancher ne porte pas sur l’exégèse théorique des clauses d’un contrat à l’aune d’un sinistre unique et identique, mais sur l’appréciation dans chaque espèce de l’existence d’un préjudice relevant de la garantie due par l’assureur. Or chaque situation n’a précisément rien de connexe avec l’autre dans sa matérialité.
Dès lors, l’instruction et le jugement de chaque affaire nécessite bien au contraire que chaque espèce soit examinée et appréciée distinctement, selon les faits précis, les demandes formulées et les moyens soulevés par chacun des nombreux demandeurs.
Il n’est donc pas dans l’intérêt d’une bonne justice que d’accumuler des instances relatives à des espèces différentes devant une seule et même juridiction et c’est encore à juste titre que les premiers juges ont encore rejeté cette exception, et se sont donc déclarés compétents pour connaitre du litige.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l’instance :
La SA MMA Iard, qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et payer à la société Byard une somme équitablement arbitrée à 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon le 13 janvier 2023 sous le numéro RG 2021 005113 en toutes ses dispositions déférées ;
Y ajoutant,
Dit que la SA MMA Iard supportera les dépens d’appel et payera à la SAS Byard une somme de 1.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,