Your cart is currently empty!
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 21/09/2023
N° de MINUTE : 23/782
N° RG 21/06175 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7ZJ
Jugement (N° 51-19-0005) rendu le 19 Novembre 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Lille
APPELANTE ET INTIMEE
Madame [X] [M] épouse [S]
née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 16] – de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 8] Belgique
Représentée par Me Jean-Philippe Vérague, avocat au barreau d’Arras
INTIMÉS ET APPELANTS
Madame [O] [B] [L] [A] [E] [H]
née le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 11] – de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 14]
Monsieur [F] [I] [D] [G] [H]
né le [Date naissance 4] 1934 à [Localité 12] – de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 14]
Représentés par Me Vincent Bué, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [F] [H] (aux droits duquel vient désormais sa fille [O] [E] née [H] ) a donné à bail rural en 1993, les parties s’opposant sur la date plus précise de ce bail, aux époux [S] [M] les deux parcelles agricoles suivantes :
-[Localité 14] :section ZB [Cadastre 1] pour une superficie de 2 ha 07 a 58 ca ;
-[Localité 12] : section ZI [Cadastre 10] pour une superficie de 3 ha 10 a 83 ca.
moyennant un fermage initialement de 7 quintaux l’hectare.
Ces parcelles ont été mises à disposition de l’EARL [S].
Le 5 juillet 2012, M. [S] a cessé son activité laissant son épouse Mme [X] [M] épouse [S] seule titulaire du bail, la désolidarisation ayant été acceptée par le bailleur.
Le 14 mai 2019, suite à un acte de partage reçu par Maître [Y] [W] [J], notaire à [Localité 14], Mme [O] [E] née [H] est devenue propriétaire des deux parcelles en cause et donc bailleresse.
Par acte extra-judiciaire notifié le 22 mai 2019, Mme [O] [E] née [H] a fait signifier à sa locataire un congé pour exploitation personnelle des parcelles par son conjoint .
Le 13 août 2019, Mme [X] [M] épouse [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Lille (l’affaire ayant été répertoriée sous le n° 51-19-00005) pour :
-contester le congé ainsi délivré et demander ainsi son annulation ;
-solliciter la restitution d’un indû, au visa des dispositions de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, correspondant à une somme de 35 000 francs soit 5335,71 euros à majorer par les intérêts ;
-obtenir l’autorisation de céder son droit au bail rural sur les parcelles en cause à son fils en application des dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
Le 24 septembre 2020, Mme [X] [S] née [M] a saisi à nouveau le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de bénéficier du régime des parcelles de subsistance (cette seconde procédure ayant été enregistrée sous le n° 51-20-0006).
La tentative de conciliation s’est soldée par un échec et les deux procédures ont été renvoyées en audience de jugement.
Suivant jugement en date du 19 novembre 2021, jugement auquel il est renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure à ce jugement et du dernier état des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lille a :
-prononcé la jonction des procédures ;
-déclaré nul et de nul effet le congé notifié le 22 mai 2019 ;
-constaté que M. [F] [H] a remboursé à Mme [S] la somme de 6823,19 euros correspondant à la restitution de l’indû conformément à l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et lui donné quittance du remboursement de l’indû ;
-constaté en conséquence que la demande en paiement n’avait plus d’objet ;
-débouté Mme [S] de sa demande de constitution d’une parcelle de subsistance ;
-condamné Mme [E] et M. [H] à payer à Mme [S] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
-rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire ;
-condamné Mme [E] et M. [H] aux dépens.
Mme [X] [M] épouse [S] a relevé appel de ce jugement par l’intermédiaire de son conseil par courrier électronique adressé au secrétariat-greffe de cette cour le 10 décembre 2021, l’appel étant partiel et portant sur les dispositions du jugement qui ont :
-débouté Mme [S] de sa demande de constitution d’une parcelle de subsistance ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Cette première procédure d’appel a été répertoriée sous le numéro 21/06175.
Mme [O] [H] épouse [E] et M. [F] [H] ont également relevé appel de ce jugement par l’intermédiaire de son conseil par lettre recommandée avec accusé de réception portant la date d’expédition du 12 décembre 2021.
Cette seconde procédure d’appel a été répertoriée sous le numéro 21/06508.
La jonction des procédures a été ordonnée par une ordonnance rendue par le président de la chambre le 15 avril 2022.
Les parties ont été régulièrement convoquées devant cette cour par lettres recommandées avec accusé de réception pour l’audience du 19 mai 2022.
Après deux renvois, l’affaire a été retenue lors de l’audience du 25 mai 2023.
******
Lors de cette audience, Mme [X] [M] épouse [S], représentée par son conseil, soutient oralement les conclusions déposées et dûment visées par le greffe par lesquelles elle demande à cette cour de :
-infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de la parcelle de subsistance et a rejeté le surplus des demandes ;
Statuant à nouveau de ce chef,
-dire et juger qu’elle bénéficiera du régime de la parcelle de subsistance sur les parcelles sises commune de [Localité 12] Z[Cadastre 3] pour et sise à [Localité 14] cadastrée ZB[Cadastre 1], dans la limite des superficies prévues par l’arrêté préfectoral en vigueur dans le département du Nord ;
-confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions ;
-dire et juger nul et de nul effet le congé signifié le 22 mars 2019 par le ministère de la SCP Bogaert-Rochez-Debetencourt-Dupont ;
-condamner solidairement Mme [O] [E] et M. [F]-[I] [H] au paiement de la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Mme [O] [H] épouse [E] et M. [F] [H], représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :
-réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
-déclaré nul et de nul effet le congé notifié le 22 mai 2019 ;
-condamné Mme [E] et M. [H] à payer à Mme [S] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné Mme [E] aux dépens.
Statuant à nouveau en cause d’appel,
Au visa des dispositions de l’article L. 411-58, L. 411-59, L. 411-64 et L 732-39 du code rural et de la pêche maritime,
-déclarer Mme [M] épouse [S] tant irrecevable que mal fondée en son appel et l’en débouter ;
-dire que le bail a débuté entre les parties le 1er décembre 1993 ;
-valider le congé notifié à Mme [M] épouse [S] le 22 mai 2019 ;
-ordonner l’expulsion de toute personne physique ou morale de son chef dans le mois de la signification de la décision à intervenir ;
-débouter Mme [M] épouse [S] de sa demande tendant à se voir constituer une parcelle de subsistance ;
Dans tous les cas,
-condamner Mme [M] épouse [S] au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-la condamner aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures susvisées pour un exposé complet des moyens de parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Il sera précisé à titre liminaire que le jugement entrepris n’est pas remis en cause en ce qu’il a :
-constaté que M. [F] [H] a remboursé à Mme [S] la somme de 6823,19 euros correspondant à la restitution de l’indû conformément à l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et lui donné quittance du remboursement de l’indû ;
-constaté en conséquence que la demande en paiement n’avait plus d’objet.
Sur la demande en annulation du congé pour reprise :
Il résulte des pièces produites aux débats que suivant acte d’huissier en date du 22 mai 2019, Mme [O] [E] née [H] a fait signifier à Mme [X] [S] un congé pour reprise pour exploitation personnelle des parcelles par son conjoint en la personne de M. [P] [E] et ce pour la date du 30 novembre 2020.
Ledit congé rappelait que suivant acte en date du 29 novembre 1993, un bail de neuf ans avait été consenti entre [F] [H] aux droits duquel venait désormais sa fille et Mme [V] [S] [M] d’autre part à compter du 1er décembre 1993 pour se renouveler le 30 novembre tous les neuf ans.
La locataire a fait valoir deux moyens de contestation à l’encontre de ce congé :
-d’une part, le fait que le congé aurait été délivré moins de 18 mois avant la date de fin du bail
-d’autre part, le fait que le candidat à la reprise pour exploitation personnelle ne présenterait pas les conditions exigées par l’article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
Sur l’absence de respect du délai de 18 mois :
L’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime dispose que le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
Pour soutenir que le congé aurait été dû être délivré pour le 30 septembre 2020 et non pour le 30 novembre 2020, et à l’absence par voie de conséquence du respect du délai de 18 mois entre la date de délivrance et celle du 30 septembre 2020, Mme [M] [S], dont la position a été suivie par les premiers juges, soutient que la date d’effet du bail est au 1er octobre 1993 et que le bail s’est ensuite renouvelé par échéances de neuf années à compter de cette date. Elle indique se fonder pour ce faire sur le fait que s’agissant d’un bail verbal, il convient de se référer aux clauses du contrat type départemental qui prévoierait une telle date de début de bail au 1er octobre et sur un document signé par le propriétaire autorisant la poursuite du bail rural consenti aux époux [S] [M] et dans lequel est évoqué un bail commençant au 1er octobre.
Il a toutefois été produit aux débats un document dactylographié signé par M. [F] [H], daté du 29 octobre 1993 dans lequel le signataire indique : Je soussigné [F] [H] m”engage à consentir à Monsieur et Madame [V] [S] demeurant à [Localité 13] [Adresse 15] un bail rural pour les parcelles sises à [Localité 12] et [Localité 14] cadastrées section ZI n°[Cadastre 10] pour 3 hectares 10 ares 83 centiares et ZB n°[Cadastre 1] pour 2 hectares 07 ares 58 ares ensemble 5 hectares 18 ares 41 centiares moyennant un fermage de 7 quintaux l’hectare outre l’impôt foncier. Ce bail sera établi par les soins de Maître [R] notaire à [Localité 14] avec effet au 1er décembre 2013.
Il est constant qu’aucun acte authentique n’a ensuite été régularisé.
Il a encore été produit un second document présentant une typographie rigoureusement similaire (notamment en ce qui concerne l’écriture du nom du village de [Localité 12]) qui correspond à un acte de quittancement signé par les époux [K]-[Z], en qualité de preneurs sortant, à la date du 29 novembre 1993 dans lequel les signataires indiquaient reconnaître avoir reçu de M. et Mme [S] .. la somme de 108 166 francs représentant les indemnités pour améliorations culturelles sur les parcelles situées à [Localité 12] et [Localité 14] cadastrées section ZI n°[Cadastre 10] pour 3 hectares 10 ares 83 centiares et ZB n°[Cadastre 1] pour 2 hectares 07 ares 58 ares ensemble 5 ha 18 a 41 ca précédemment occupées par les soussignés.
Ces deux documents complémentaires entre eux sont de nature à établir suffisamment que le début du bail est bien au 1er décembre 2023 étant précisé que la locataire ne justifie en aucun cas être entrée dans les lieux à une date antérieure à cette dernière.
Ils ne sont pas réellement contredits par le document intitulé avenant au bail signé le 5 juillet 2012 par le propriétaire des parcelles en la personne de M. [F] [H], acceptant la désolidarisation du bail rural entre les époux [S]-[M] et la poursuite du contrat de bail par la seule épouse, lequel document évoque effectivement un bail ayant pris effet au 1er octobre, dans la mesure où une telle mention n’est pas réellement significative, le document signé n’ayant pas pour objet de fixer la date de début du bail et comportant manifestement une erreur sur ce point ledit avenant ayant été signé près de 20 ans après le début du bail.
Dès lors, la cour en conclut que la bailleresse énonce à bon droit que le bail rural a commencé entre les parties à la date du 1er décembre 1993 et que dès lors le congé notifié à la bailleresse le 22 mai 2019 ne peut être considéré comme tardif.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a retenu une cause de nullité de ce chef.
Sur les qualités présentées par le bénéficiaire de la reprise désigné par le congé :
L’article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.
Il sera précisé à titre liminaire que M. [P] [E] est bien le conjoint de la propriétaire des parcelles et est donc à ce titre éligible à la qualité de bénéficiaire de la reprise.
Il a été justifié de ce que M. [P] [E] est affilié en qualité de chef d’exploitation auprès de la MSA depuis le 28 octobre 1981 et que la superficie actuellement mise en valeur est de 13,0662 hectares dont 3,56 hectares de cultures spécialisées et que son entreprise agricole de culture de légumes, de melons, de racines et de tubercules est inscrite au répertoire Sirene est ancienne.
Il ne peut en aucun cas être considéré en conséquence que la vocation agricole de M. [P] [E] serait récente et se serait affirmée pour les simples besoins de la cause, aucun élément ne venant ainsi remettre en cause que le candidat à la reprise est bien dans l’intention de participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, sans se limiter à la surveillance ou à la direction de cette dernière.
Il est domicilié à proximité immédiate des terres objet de la reprise, l’une des parcelles se situant sur sa commune de résidence, à savoir le [Localité 14] et l’autre se situant à [Localité 12] commune située à une distance d’ environ 3 kms de [Localité 14], étant précisé que les parcelles sont en réalité jointives quoi que sur deux communes différentes.
M. [P] [E] n’est pas un pluri-actif qui serait de ce fait moins disponible pour les besoins de l’exploitation ou aurait besoin d’une autorisation administrative pour exploiter en raison du montant de ses revenus extra-agricoles. Mme [O] [E] née [H] en justifiant en produisant l’avis d’imposition du couple faisant apparaître que son conjoint ne dispose que de revenus agricoles et notamment à la date d’effet du congé. Il sera précisé que la relative modestie de la superficie exploitée par M. [E] s’explique par le fait que son activité est pour partie une activité maraîchère, moins exigeante en termes de superficie.
Sur la capacité agricole de M. [P] [E] :
Les conditions de capacité et d’expérience professionnelle sont prévues à l’article R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, à savoir :
– posséder un diplôme équivalent Baccalauréat professionnel spécialité “Conduite et gestion de l’exploitation agricole” ou au Brevet professionnel option “Responsable d’exploitation agricole”
ou
– justifier de 5 ans d’expérience en qualité d’exploitant, d’aide-familial, d’associé-exploitant, de salarié agricole ou de collaborateur, expérience acquise sur une exploitation d’une dimension suffisante, à savoir d’une surface au moins égale au 1/3 de la surface agricole utile moyenne fixée par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. En outre, cette expérience doit avoir été acquise au cours des 15 dernières années.
Le défaut de capacité ou d’expérience professionnelle n’interdit pas l’accès à la profession d’agriculteur, mais nécessite, alors, de déposer un dossier de demande d’autorisation d’exploiter auprès de l’administration et de se voir délivrer, ensuite, une autorisation.
L’article D 343-4-1 prévoit qu’un arrêté fixe la liste des diplômes, titres et certificats équivalents
Si un décret récent a allongé la liste des diplômes définissant la capacité agricole, la cour doit en fait se référer à l’arrêté applicable à la date des effets du congé à savoir l’arrêté du 19 octobre 2012. Force est de constater que la liste des diplômes repris par ce dernier arrêté reprend bien le diplôme Brevet professionnel option productions horticoles parmi les diplômes définissant la capacité professionnelle. Il y a lieu d’observer en l’espèce que le diplôme agricole dont M. [P] [E] est titulaire depuis plusieurs années est précisément le brevet d’étude professionnel agricole en horticulture, peu important qu’il soit délivré avec une sous-option ‘productions florales’.
Il s’ensuit que M. [P] [E] est bien titulaire du diplôme et qu’il n’y a donc pas lieu de déterminer si le candidat à la reprise dispose d’une expérience suffisance acquise sur une durée et une superficie suffisantes.
Sur la conformité au contrôle des structures :
Il est justifié de ce que M. [P] [E] a sollicité une autorisation d’exploiter dont récépissé lui a été délivré par la DDTM pour mettre en valeur les parcelles objet du litige, la demande d’autorisation d’exploiter énonçant notamment qu’il n’était pas pluri-actif.
Le fils de la locataire, M. [C] [S] avait lui-même formé une demande tendant à obtenir l’exploitation de ces mêmes parcelles dans le cadre du projet de cession de son droit au bail de Mme [M] épouse [S] pour lequel cette dernière avait saisi initialement la juridiction paritaire pour obtenir une autorisation à ce titre.
Dans les motifs de sa décision du 26 février 2020 , le préfet a mis en concurrence la demande de M. [C] [S] et celle de M. [P] [E] souhaitant mettre en valeur après reprise une superficie de 18,5241 hectares dont la superficie exploitée par unité de main d’oeuvre définie à l’article 3 du SDREA est inférieur à 60 hectares.
Relevant que la demande de M. [P] [E] relevait du 2ème rang de priorité et concluant que la demande de M. [C] [S] n’était pas prioritaire par rapport à celle du premier, le préfet du Nord a rejeté la demande d’autorisation d’exploiter par M. [C] [S]..
Cette décision préfectorale n’a pas été frappée de recours et c’est à la suite de ce rejet que Mme [M] épouse [S] a saisi à nouveau la juridiction paritaire aux fins de se voir reconnaître pour elle-même des droits au titre de la parcelle de subsistance.
Le 2 mars 2020, le préfet du Nord a indiqué encore à M. [E] que sa demande relevait d’un simple régime déclaratif et qu’il n’était pas ainsi tenu au regard de sa situation d’obtenir une autorisation pour exploiter les parcelles en cause.
Il y a lieu de conclure de ces éléments qu’il est justifié de la conformité de la situation de M. [E] par rapport au contrôle des structures.
Sur les moyens pour exploiter les parcelles en cause :
Il sera précisé à titre liminaire que M. [P] [E] exploite les parcelles en cause depuis de nombreuses années ce qui est déjà un gage du sérieux de cette exploitation et des moyens mis au service de cette dernière.
Mme [H] épouse [E] a encore produit aux débats un état des immobilisations de l’entreprise agricole de son mari à la date d’effet du congé faisant apparaître que cette entreprise bénéficié d’un matériel agricole suffisant et notamment d’un tracteur, d’une roto-bêche, d’une récolteuse à carottes, d’un vibroculteur, d’une herse rotative, de tapis, de chariots, d’une charrue
Le matériel est relativement récent et le tracteur date de fin 2014.
La cour en conclut qu’il est justifié ainsi des moyens pour exploiter les parcelles.
Au regard de l’ensemble des éléments de la cause, il y a lieu pour la cour de dire que le candidat à la reprise répond aux conditions exigées, de débouter par réformation du jugement Mme [M] épouse [S] de sa demande en annulation du congé signifié le 22 mai 2019 et de valider au contraire ledit congé, avec toutes conséquences de droit.
Sur la demande de Mme [M] épouse [S] tendant à la constitution d’une parcelle de subsistance :
Conformément à l’article L. 735-39 du code rural et de la pêche maritime, l’exploitant agricole est en effet autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur d’une parcelle, sans que cela fasse obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire.
Le choix d’une parcelle de subsistance peut porter aussi bien sur des terres dont le preneur est propriétaire, que sur des terres qui lui sont données à bail.
Mme [M] épouse [S] maintient en cause d’appel sa demande tendant à être autorisée à conserver les terres au titre de parcelle de subsistance, demandant plus précisément à être autorisée à conserver 4 hectares à prendre sur la totalité de la surface donnée à bail.
A supposer que la reconnaissance de la pleine validité du congé délivré par Mme [E] née [H], lequel congé n’est pas un congé délivré au visa des dispositions de l’article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime mais bien un congé pour reprise pour exploitation délivré sur le fondement de l’article L. 411-58 du même code, ne fasse pas obstacle à soi seule à la faculté de Mme [M] épouse [S] de se prévaloir du régime de la parcelle de subsistance, il convient pour la cour de relever que la demande de Mme [M] épouse [S] ne peut être en tout état de cause accueillie pour deux motifs.
En effet d’une part, l’arrêté préfectoral le plus récent portant sur la surface de subsistance dans le département du Nord a arrêté cette surface de subsistance dans le Nord à 2/5 de la surface d’assujettissement et fixe la surface minimale d’assujettissement à 10 hectares. La surface de subsistance est ainsi de 4 hectares. Cette surface est donc inférieure à celle des parcelles objet du bail litigieux et Mme [M] épouse [S] ne peut en raison du principe d’invisibilité du bail rural prétendre exercer son droit sur une partie de ces parcelles à hauteur de 4 hectares.
D’autre part, la comparaison des intérêts en présence ne justifie pas que Mme [M] épouse [S] puisse être autorisée à prendre de manière discrétionnaire 4 hectares sur la surface donnée à bail qui correspond à deux parcelles jointives sur deux communes au risque d’en détruire la valeur agricole, étant précisé qu’elle ne donne aucun élément d’information sur sa situation actuelle, et alors qu’il a été parfaitement justifié de l’intérêt de la reprise de ces parcelles familiales pour exploitation par le conjoint de Mme [E].
Au vu de l’ensemble de ces éléments , la jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [M] épouse [S] de sa demande de constitution d’une parcelle de subsistance.
Il y a donc lieu, au terme de l’ensemble de ces motifs d’ordonner l’expulsion de Mme [M] épouse [S] des parcelles données à bail.
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Dès lors que la demande initiale de Mme [M] épouse [S] était en partie fondée pour ce qui concerne l’action en répétition de l’indû, il convient par réformation du jugement entrepris, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais et dépens de première instance.
Ce qui est décidé en cause d’appel justifie par ailleurs que Mme [M] épouse [S] soit condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel.
Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel comme indiqué au présent dispositif.
PAR CES MOTIFS
Constate que la cour n’est pas saisie d’un appel des dispositions du jugement querellé qui ont :
-constaté que M. [F] [H] a remboursé à Mme [S] la somme de 6823,19 euros correspondant à la restitution de l’indû conformément à l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et lui donné quittance du remboursement de l’indû ;
-constaté en conséquence que la demande en paiement n’avait plus d’objet ;
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [M] épouse [S] de sa demande de constitution d’une parcelle de subsistance ;
Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute Mme [X] [M] épouse [S] de sa demande tendant à voir annuler le congé pour reprise signifié le 22 mai 2019 par Mme [O] [E] épouse [H] et valide ledit congé, avec toutes conséquences de droit ;
Ordonne en conséquence l’expulsion de Mme [X] [M] épouse [S] ainsi que celle de tous occupants de son chef des parcelles suivantes :
-parcelle sise à [Localité 14] :section ZB [Cadastre 1] pour une superficie de 2 ha 07 a 58 ca ;
-parcelle sise à [Localité 12] : section ZI [Cadastre 10] pour une superficie de 3 ha 10 a 83 ca.
Et dit que faute pour elle d’avoir quitté les parcelles passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt, elle pourra y être contrainte au besoin avec le concours de la force publique ;
Laisse à chaque partie la charge de ses frais et dépens de première instance ;
Condamne Mme [X] [M] épouse [S] aux dépens d’appel ;
La condamne à payer à Mme [O] [H] épouse [E] et M. [F] [H] une indemnité de 1800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS