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ARRET N°
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21 Juin 2023
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N° RG 19/00044 – N° Portalis DBVE-V-B7D-B22F
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S.A.S. [10]
C/
[L] [J], CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE, S.A.S. [8]
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Décision déférée à la Cour du :
20 décembre 2018
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE CORSE
21800040
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
SURSIS A STATUER
ARRET DU : VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
S.A.S. [10]
N° SIRET : 479 64 5 5 09
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Philippe GOOSSENS, avocat au barreau de PARIS et par Me Claude CRETY, avocat au barreau de BASTIA substituée par Me Pierre-Marie ACQUAVIVA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Madame [L] [J] agissant tant en son nom personnel qu’au nom de son fils mineur [H] [R]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-François POLI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Céline PIANELLI-COQUE, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE
Service Contentieux
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA
SAS [8] prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège
N° SIRET : 501 01 6 1 82
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie-Christine MANTE SARROLI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Christelle ELGART, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.
ARRET
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
– Signé par Madame COLIN, pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
***
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [F] [R], employé par la société de travail temporaire [8] a été mis à disposition de la SAS [10] dans le cadre de deux missions successives exécutées du 27 janvier au 30 mai 2014 avec la qualification de conducteur d’engins mineur.
Alors qu’il intervenait sur la réalisation du tunnel du [Localité 11], il était victime le 28 mai 2014, en compagnie d’un autre salarié, Monsieur [T] [P], d’un dramatique accident du travail lié à un éboulement qui a entraîné son décès immédiat et de graves blessures pour son camarade.
Sa compagne, Madame [L] [J] tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de leur fils mineur, [H] [R], a présenté à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Corse, le 19 mai 2016 une demande en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de la SASU [8].
La tentative de conciliation ayant échoué, l’intéressée a, le 7 janvier 2020, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bastia dans le même but.
Par jugement rendu contradictoirement le 20 décembre 2018, cette juridiction a :
– dit que l’accident du travail dont Monsieur [F] [R] a été victime le 28 mai 2014 est dû à une faute inexcusable de la SAS [10],
– fixé au maximum la majoration de la rente forfaitaire revenant à Madame [L] [J] et à [H] [R] en leur qualité d’ayants-droit de la victime et dit que cette majoration sera calculée conformément aux dispositions de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale,
– alloué, en réparation du préjudice moral et d’affection, les sommes de :
40 000 € à Madame [J], concubine de la victime
70 000 € à Madame [J] en qualité de représentante légale de leur fils mineur, [H] [R], né le 14 octobre 2001,
– condamné la SAS [10] à relever garantir la SASU [8] de l’ensemble des sommes allouées au titre de la majoration de la rente et des indemnités allouées en réparation des préjudices ainsi que de toutes les conséquences pécuniaires résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable,
– dit, en conséquence et en tant que besoin, que les rentes versées seront intégralement imputées au compte employeur de la SAS [10],
– dit que la Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Corse, devra faire l’avance de sommes à charge pour elle d’en obtenir le remboursement suivant les règles applicables, par l’employeur, la SASU [8] sous la garantie de l’entreprise utilisatrice, la SAS [10] à l’encontre desquelles le présent jugement régulièrement notifié tiendra lieu de titre exécutoire,
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples, différentes ou contraires,
– condamné la SAS [10] à payer à Madame [L] [J] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par courrier électronique du 21 janvier 2019, la SAS [10] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses écritures adressées à la cour par voie électronique le 1er avril 2022,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société appelante qui conclut à l’infirmation de la décision déférée (en toutes ses dispositions), sollicite :
* à titre principal,
– le constat que Madame [L] [J] ne rapporte pas la preuve de la prétendue faute inexcusable,
– le constat que le caractère imprévisible de l’accident a été reconnu par l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia du 5 juin 2019 et a autorité de fait jugé,
– le constat qu’elle ne pouvait avoir conscience du danger lié à la survenance d’un phénomène géologique imprévisible,
– le constat qu’elle avait pris toutes les mesures de protection nécessaires,
en conséquence,
– qu’il soit dit que les faits constatés par l’arrêt de la chambre de l’instruction de Bastia du 5 juin 2019 sont revêtus de l’autorité de la chose jugée,
– qu’il soit dit que, en qualité d’entreprise utilisatrice, n’a pas commis de faute inexcusable,
– le rejet de l’ensemble des demandes adverses,
* à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’autorité du fait jugé ne serait pas reconnue,
– qu’il soit jugé que le caractère imprévisible de l’éboulement l’a privée de la conscience d’un danger,
– qu’il soit jugé que les mesures adéquates avaient été prises,
– qu’il soit jugé, ce faisant, que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies,
– le rejet des demandes adverses,
* à titre infiniment subsidiaire,
– que ces demandes soient ramenées à de plus justes proportions,
– qu’il soit procédé plus équitablement à la répartition du coût de l’accident entre elle et la SASU [8] .
Aux termes de ses conclusions déposées le 3 mars 2020,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [J] sollicite :
– le rejet de l’ensemble des demandes adverses,
– la confirmation du jugement déféré,
et y ajoutant,
– la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 4 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées le 30 septembre 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SASU [8] qui conclut à l’infirmation du jugement déféré, sollicite :
* à titre principal,
– qu’il soit dit et jugé que l’accident survenu à Monsieur [F] [R] le 28 mai 2014 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur,
– le rejet des demandes présentées par Madame [J] agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de son fils mineur,
– le rejet des demandes formées par la CPAM à l’encontre de l’employeur,
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la faute inexcusable de l’employeur devait être retenue,
– qu’il soit dit et jugé que Madame [J] est irrecevable à formuler une demande de condamnation directe à son encontre, les sommes qui lui seront allouées devant lui être avancées par la CPAM,
– qu’il soit dit et jugé que seule Madame [J] est concernée par la majoration de la rente,
– qu’il soit dit et jugé que sur production de la notification de la rente à l’enfant mineur, celui-ci sera concerné également par la majoration de la rente,
– que soit ramenée à de plus justes proportions la somme qui sera allouée à Madame [J] et à son fils au titre du préjudice moral, une somme de 30 000 € pour chacun paraissant satisfactoire,
– qu’il soit dit et jugé que l’accident survenu est intégralement imputable à la SAS,
– la condamnation de la SAS à la relever garantir de l’ensemble des conséquences financières résultant de la faute inexcusable,
– la confirmation du jugement déféré sur ces derniers points,
en conséquence,
– la condamnation de la SASU à prendre en charge la majoration de la rente, les préjudices moraux ainsi que toutes indemnités allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et tout autre frais éventuel,
– la modification de la répartition du coût de l’accident du travail du 28 mai 2014,
– qu’il soit dit et jugé que les rentes versées seront intégralement imputées au compte employeur de la SAS,
– le rejet des demandes formulées par la SAS [10] à son encontre,
– que soit ramenée à de plus justes proportions la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui ne saurait être supérieure à 1 500 €,
– qu’il statuer ce que de droit sur les dépens,
– que la décision à intervenir soit déclarée commune et opposable à la CPAM de Haute-Corse qui devra faire l’avance de toutes sommes allouées à Madame [J].
Dans ses conclusions, la SASU [8] qui conclut à l’infirmation du jugement déféré, sollicite :
* in limine litis
– qu’il soit dit et jugé que [H] [R] est majeur depuis le 14 octobre 2019,
-qu’en conséquence, il soit dit et jugé que Madame [J], n’a plus qualité à agir en son nom en tant que représentante légale,
* à titre principal,
– qu’il soit dit et jugé que l’accident dont a été victime Monsieur [F] [R] n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur,
– le rejet de l’ensemble des demandes présentées par Madame tant en son nom personnel qu’en celui de son fils, [F] [R],
– le rejet des demandes présentées par la CPAM de Haute Corse et dirigées contre l’employeur,
– la condamnation de Madame [J] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* à titre subsidiaire, si la faute inexcusable de l’employeur devait être retenue,
– qu’il soit dit et jugé que seule Madame [J] est concernée par la majoration de la rente,
– qu’il soit dit et jugé que surproduction de la notification de la rente à l’enfant [H] [R], celui-ci sera concerné également par la majoration de la rente,
– que soit ramenée à de plus justes proportions la somme qui sera allouée à Madame [J] et à son fils mineur au titre du préjudice moral, la somme de 30 000 € pour chacun s’avérant satisfactoire,
– qu’il soit dit et jugé que l’accident survenu est intégralement imputable à la SAS,
– la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS la relever et garantir de l’ensemble des conséquences financières résultant de la faute inexcusable,
– la condamnation de la SAS [10] à prendre en charge la majoration de la rente, les préjudices moraux, ainsi que toutes indemnités allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et tout autre frais éventuel,
– qu’il soit dit et jugé que les rentes versées seront intégralement imputées au compte employeur de la SAS [10] ,
– le rejet des demandes de la SAS [10] formées à son encontre,
– que soit ramenée à de plus justes proportions la somme qui sera allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui ne saurait être supérieure à 1500 €,
– qu’il soit statué sur les dépenses ce que de droit,
– que l’arrêt à intervenir soit déclaré commun à la CPAM de Haute-Corse qui devra faire l’avance de toutes sommes allouées à Madame [J].
La CPAM de Haute-Corse est défaillante.
Par arrêt avant-dire droit en date du 21 septembre 2022, la chambre sociale de la cour d’appel de Bastia a :
– ordonné la ré-ouverture des débats et invite les parties à faire connaître leur position sur l’utilité de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la cour de cassation, saisie de demandes similaires présentées par Monsieur [T] [P] dans le cadre du même accident du travail,
– renvoyé [par une erreur de plume] l’affaire à l’audience du 11 janvier 2023 à 9 heures, [en réalité, l’audience du 10 janvier 2023 à la même heure, ce dont les parties seront utilement avisées]
– réservé les dépens.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2013, la SAS [10] et la SASU [8] ont émis un avis favorable à ce sursis, alors que dans des écritures notifiées le 6 janvier 2023 xdans les mêmes formes, Madame [J] a exprimé son opposition à une telle mesure estimant que les situations de fait entre les deux dossiers étaient radicalement différentes, en raison des positions non similaires des deux victimes au moment de l’éboulement. La CPAM de Haute-Corse n’a pas fait connaître sa position.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel :
Interjeté dans les formes et délai de la loi, l’appel de la SAS [10] sera déclaré recevable. Cette recevabilité déjà constatée lors du précédent arrêt, n’a pas été reprise dans le dispositif, il convient d’y remédier à l’occasion de la présente décision.
Sur le sursis à statuer :
Victime dans les mêmes circonstances de l’éboulement d’une partie de la paroi du tunnel en cours de creusement, Monsieur [T] [P], en présence des mêmes parties, a sollicité son indemnisation après qu’il a été fait droit à sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS [10].
Par arrêt infirmatif du 28 juillet 2021, la présente chambre a rejeté ses prétentions. Un pourvoi ayant été interjeté, il apparaît, renseignement pris auprès de la cour de cassation, que l’affaire va très prochainement être examinée en audience et qu’un délibéré sera vraisemblablement fixé fin septembre 2023.
S’il est vrai que les situations des deux victimes ne sont pas parfaitement identiques, il est incontestable que leurs dommages proviennent du même événement et qu’en conséquence la connaissance d’un point du vue juridique, des considérations de la Cour de cassation, notamment sur la prévisibilité de l’éboulement et la conscience du danger, sera utile pour la résolution du présent litige.
Il paraît opportun de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir.
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe de la cour,
REÇOIT la SAS [10] en son appel,
SURSOIT à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour de cassation à intervenir prochainement dans l’affaire similaire concernant Monsieur [T] [P],
RENVOIE l’affaire à l’audience du 14 novembre 2023 à 9 heures,
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation à cette audience,
RÉSERVE les dépens.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE