Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00699

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Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00699
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ARRET N°

du 20 juin 2023

N° RG 22/00699 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FE3A

S.A.S. PIVETEAU BOIS

c/

[T]

[K]

[I]

[V]

[C]

[E]

[Y]

[Y]

[P]

[P]

[H]

[DL]

[DL]

[GL]

[GL]

Société GIRODITH

S.A.S. BURGER ET CIE

S.A.R.L. LEDOUX JARDIN

Formule exécutoire le :

à :

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

la SELARL D. LEGRAS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 20 JUIN 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 22 février 2022 par le Tribunal judiciaire de REIMS

S.A.S. PIVETEAU BOIS

[Adresse 24]

[Localité 22]

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Thierry BURAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [J] [T]

[Adresse 4]

[Localité 15]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [A] [K]

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [W] [I]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [U] [V] épouse [I]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [R] [G]

[Adresse 19]

[Localité 18]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [Z] [E] épouse [G]

[Adresse 19]

[Localité 18]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [B] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 15]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [R] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 15]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [F] [P]

[Adresse 23]

[Localité 17]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [D] [P]

[Adresse 23]

[Localité 17]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [N] [H]

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [M] [DL]

[Adresse 6]

[Localité 16]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [L] [DL]

[Adresse 6]

[Localité 16]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [S] [GL]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Madame [O] [GL]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

Société GIRODITH Société civile au capital de 59 800 euros, immatriculée au RCS de REIMS sous le n°335 781 365, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

S.A.R.L. LEDOUX JARDIN, Société à responsabilité limitée au capital de 100.000 euros, immatriculée au RCS de REIMS sous le n° 507 425 015, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 20]

[Localité 13]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

S.A.S. BURGER ET CIE prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au siège social

[Adresse 25]

[Localité 21]

Représentée par Me Delphine LEGRAS de la SELARL D. LEGRAS, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant,et Me Olivier SCHNEIDER de la SELARL ASKEA AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Eva MARTYNIUK, greffière lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 02 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Ledoux Jardin a posé des terrasses extérieures chez M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL], avec des lames de bois composite fabriquées par la SAS Piveteau Bois et vendues par la société Architecture du Bois, aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Burger et Cie (ci-après la SAS Burger et Cie).

M et Mme [I], se plaignant de désordre, ont fait assigner la société Ledoux Jardin le 30 juin 2017 devant le tribunal judiciaire de Reims afin d’être indemnisés de leurs préjudices. La société Ledoux Jardin a fait assigner, à son tour, les 20 et 23 octobre 2017, les sociétés Burger et Cie et Piveteau Bois en intervention forcée. Une expertise a été ordonnée dans le cadre de cette procédure, par le juge de la mise en état, qui a désigné M [X] [NS].

La SARL Ledoux Jardin a, elle-même, sollicité du juge des référés, une expertise, qui a été ordonnée et exécutée au contradictoire des parties à la présente procédure, par M [NS] également. Puis, la société Ledoux Jardin et les propriétaires de terrasses ont fait assigner les sociétés Piveteau Bois et Burger et Cie par actes du 22 février 2021 au fond afin d’obtenir le paiement de différentes sommes au titre des désordres atteignant les terrasses.

Les deux procédures ainsi initiées ont été jointes et par jugement du 22 février 2022, le tribunal judiciaire de Reims a :

– Déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie des vices cachés,

– Jugé que la SAS Piveteau Bois a engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à l’obligation de délivrance conforme envers, d’une part, la SARL Ledoux Jardin et, d’autre part, les maîtres d’ouvrage,

– Condamné la SAS Piveteau Bois à payer à la SARL Ledoux Jardin, en réparation des préjudices subis, les sommes suivantes :

o 5 143.68 euros au titre du coût des stocks,

o 7 970 euros au titre du coût des franchises restées à sa charge,

o 723.19 euros au titre des frais de déplacement,

o 14 520 euros en indemnisation du préjudice d’exploitation,

o 10 000 euros en indemnisation du préjudice moral,

o 10 000 euros en indemnisation du préjudice d’image,

– Condamné la SAS Piveteau Bois à payer en réparation des préjudices subis :

A M [J] [T] :

7 638. 51 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A Mme [A] [K] :

14 249.58 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E] :

6 036.89 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [B] [Y] et Mme [R] [Y] :

16 632.25 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [F] [P] et Mme [D] [P] :

6 406.50 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A la SCI Girodith :

7 145.71 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A Mme [N] [H] :

6 036.89 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [M] [DL] et Mme [L] [DL] :

32 032.48 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

6 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [S] [GL] et Mme [O] [GL] :

15 646.63 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

A M [W] [I] et Mme [U] [I] :

20 205.10 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

– Mis hors de cause la SAS Burger et Cie, anciennement Architecture du Bois,

– Rejeté le surplus des demandes,

– Condamné la SAS Piveteau Bois à payer une indemnité pour frais irrépétibles de 20 000 euros à la SARL Ledoux Jardin,

– Condamné la SAS Piveteau Bois à payer une indemnité pour frais irrépétibles de 800 euros à M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL],

– Condamné la SAS Piveteau Bois aux dépens de l’instance, y compris les frais des expertises judiciaires ordonnées par décisions des 10 novembre 2017 et 20 avril 2018 avant déduction des éventuelles provisions,

– Ordonné l’exécution provisoire.

Il a relevé que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie des vices cachées n’avait pas été soumise au juge de la mise en état, seul compétent pour en connaître.

S’agissant de la responsabilité de la SAS Piveteau Bois envers la SARL Ledoux Jardin, il a exclu l’application de la garantie décennale au motif que la SARL Ledoux Jardin ne prouvait pas l’existence d’un contrat la liant directement à la SAS Piveteau Bois et qu’il est de droit constant que la responsabilité contractuelle de droit commun, et non la responsabilité décennale, s’applique aux fabricants de matériaux à l’égard de l’entrepreneur acheteur du matériau.

Il a en revanche retenu la responsabilité contractuelle de la société Piveteau Bois pour manquement à son obligation de délivrance conforme, compte tenu de l’existence d’une chaîne de contrats et des conclusions de l’expert dont il a retenu que les caractéristiques techniques des lames ne correspondaient pas à celles contractuellement prévues par le biais de la fiche technique du fabricant, qui était nécessairement entrée dans le champ contractuel.

S’agissant de la responsabilité de la société Piveteau Bois envers les maîtres d’ouvrage, le tribunal a estimé que les lames litigieuses ne constituent pas des EPERS et que l’article 1792-4 du code civil n’est donc pas applicable. Il a considéré que la responsabilité contractuelle de droit commun devait en revanche être retenue contre le fabricant des lames, à raison de leur non-conformité.

La SAS Piveteau Bois a relevé appel de ce jugement par déclaration du 19 mars 2022 visant expressément la totalité des chefs de décision.

Par conclusions notifiées le 3 novembre 2022, elle demande à la cour d’appel :

– D’infirmer le jugement,

– Juger en conséquence irrecevable l’action intentée sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme,

– Juger que l’action de la société Ledoux Jardin et des demandeurs maître d’ouvrage prescrite tant sur le fondement de l’article 1648 du code civil que sur la prescription de droit commun de 5 ans à compter de la livraison,

– Rejeter l’ensemble de leurs demandes, fins, conclusions, appels incidents et la décharger de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

– Condamner in solidum les intimés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 4 000 euros et en tous les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertises, distraits au profit de la SCP inter-barreaux Hermine Avocats Associés.

Elle estime que le tribunal était compétent pour statuer sur la prescription qu’elle invoquait, compte tenu de la tentative de conciliation intervenue en 2013 et de la date de l’acte introductif d’instance, antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions conférant au juge de la mise en état la compétence de statuer sur les fins de non-recevoir.

La société Piveteau Bois ne conteste pas le principe de sa responsabilité, mais affirme qu’un vice caché est en cause et non un défaut de conformité, dès lors que c’est la destination normale des lames qui est affectée par le défaut et, qu’en tout état de cause, le demandeur ne dispose pas d’une option lorsque le défaut rend la chose impropre à son usage normal et qu’il ne peut agir que sur le fondement de la garantie des vices cachés, quand bien même le défaut rendrait en outre la chose contraire aux stipulations contractuelles.

Elle soutient que le délai biennal de prescription de l’article 1648 du code civil trouve donc à s’appliquer et que l’action de la société Ledoux Jardin et des maîtres d’ouvrage est prescrite.

Elle conteste l’application de la garantie décennale en affirmant que les lames litigieuses n’ont pas été fabriquées spécifiquement pour les chantiers en cause et ne constituent donc pas des EPERS, que leur mise en ‘uvre n’entraîne aucune atteinte à un ouvrage, que les articles 1792 et suivants ne peuvent concerner que des éléments qui ont été intégrés à l’ouvrage lors de la construction et non ceux qui ont été ajoutés à un ouvrage préexistant tels que les terrasses et que ce régime suppose que ce soit l’ouvrage principal dans son ensemble qui soit rendu impropre à son usage, ce qui n’est pas le cas des terrasses extérieures à la construction.

Elle rappelle le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et que les demandeurs disposent d’une action contractuelle contre leur propre vendeur et contre le fabricant.

Par conclusions notifiées le 14 avril 2023, la SAS Burger et Cie venant aux droits de la société Architecture du Bois demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il rejette le surplus des demandes, concernant spécialement celle qu’elle a formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de :

– Condamner la société Piveteau Bois au paiement de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de 1ère instance,

– A titre subsidiaire, condamner la société Piveteau Bois à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

– Débouter les parties de l’intégralité de leurs demandes formulées contre elle,

– Condamner à hauteur d’appel la société Piveteau Bois à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Elle soutient que le juge de la mise en état était seul compétent pour statuer sur le moyen pris de la prescription et approuve le tribunal d’avoir retenu un manquement de la société Piveteau Bois à son obligation de délivrance conforme, en affirmant que les lames ne présentaient pas les caractéristiques techniques mentionnées dans les notices et guides techniques, lesquels sont entrés dans le champ contractuel et que la contractualisation d’une propriété de la chose conduit à un refoulement de la garantie des vices cachés au profit de l’obligation de délivrance conforme.

La société Burger et Cie estime que la société Piveteau Bois est donc seule responsable des désordres, aucune faute n’ayant été caractérisée à sa charge.

Elle conteste toute prescription, qu’il s’agisse de l’action en garantie des vices cachés ou de l’absence de délivrance conforme, dès lors, dans le premier cas, que ce sont les rapports d’expertises qui ont permis de découvrir la cause exacte du vice, que les promesses fallacieuses de la société Piveteau Bois retardent le point de départ du délai de prescription et que la jurisprudence de la cour de cassation n’enferme plus la prescription de cette action dans le double délai biennal et quinquennal de droit commun et, dans le second cas, que son action récursoire trouve sa cause dans l’action principale, le point de départ correspondant donc au jour de sa propre assignation.

Par conclusions transmises le 13 octobre 2022, la société Ledoux et les propriétaires des terrasses sollicitent :

– La confirmation du jugement quant aux sommes allouées à la société Ledoux Jardin, à l’exception du préjudice moral et des frais irrépétibles, et aux propriétaires des terrasses au titre de leur préjudice matériel, ainsi que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à la mise hors de cause de la société Burger et Cie, et la condamnation de la société Piveteau aux dépens,

– L’infirmation de la décision pour le surplus,

– La condamnation, à titre principal de la société Piveteau Bois et, à titre subsidiaire de la société Burger et Cie, à lui verser les sommes suivantes :

o 2 323.54 euros couvrant le coût des interventions,

o 13 473.38 euros pour le surcoût d’assurance,

o 50 000 euros en indemnisation du préjudice moral,

o 24 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

o 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

o La condamnation de la société Burger et Cie aux dépens,

– La condamnation, à titre principal de la société Piveteau Bois et, à titre subsidiaire de la société Burger et Cie, à verser les sommes suivantes :

A M [J] [T] :

8 559.10 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A Mme [A] [K] :

16 036.35 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E] :

6 764.45 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A M [B] [Y] et Mme [R] [Y] :

18 636.75 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A M [F] [P] et Mme [D] [P] :

6 406.50 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

2 000 euros en réparation du préjudice moral,

6 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

A la SCI Girodith :

7 145.71 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

2 000 euros en réparation du préjudice moral,

6 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens

A Mme [N] [H] :

7 178.60 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A M [M] [DL] et Mme [L] [DL] :

35 893 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

6 000 euros en réparation du préjudice moral,

9 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens

A M [S] [GL] et Mme [O] [GL] :

17 532.35 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

A M [W] [I] et Mme [U] [I] :

22 640,20 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

3 000 euros en réparation du préjudice moral,

7 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel,

– En tout état de cause, le rejet de la demande de la société Piveteau Bois au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Ils entendent exercer contre la société Piveteau Bois, à titre principal, l’action directe contractuelle fondée sur la non-conformité de la chose vendue, dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou le vendeur intermédiaire au titre de la théorie de l’accessoire.

Subsidiairement, ils affirment que dans le cadre d’une chaîne contractuelle, les vendeurs professionnels intermédiaires et les maîtres d’ouvrage sont recevables à agir directement contre le fabricant sur le fondement de la garantie décennale et soutiennent que les terrasses constituent en elles-mêmes des ouvrages, que les lames sont indissociablement liées aux ouvrages préexistants et que la société Piveteau Bois est constructeur dès lors qu’elle crée une lame dont les caractéristiques sont spécifiques.

A titre infiniment subsidiaire, ils invoquent la jurisprudence de la cour de cassation consacrant la responsabilité délictuelle d’une partie au contrat lorsque son manquement contractuel cause un préjudice à un tiers.

La société Ledoux Jardin approuve le tribunal d’avoir retenu la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur la prescription.

Subsidiairement, s’il devait être fait application de la garantie des vices cachés, elle conteste toute prescription en développant les mêmes moyens que la société Burger et Cie. Elle conteste de même toute prescription.

S’agissant de leur demande présentée subsidiairement contre la société Burger et Cie, ils invoquent principalement la responsabilité décennale de celle-ci en sa qualité de fournisseur et, subsidiairement, sa responsabilité contractuelle au titre de son obligation de délivrance conforme. Les propriétaires des terrasses invoquent en outre la responsabilité délictuelle de la société Burger et Cie sur le fondement de la jurisprudence précitée de la cour de cassation.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir prise de la prescription

L’article 789 du code de procédure civile, qui confère au juge de la mise en état une compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir, est applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

La jonction de deux procédures n’a pas pour effet de créer une procédure unique et il convient donc de prendre en compte la date d’introduction des deux instances en cause.

Si l’instance introduite par la SARL Ledoux Jardin et les propriétaires de terrasses contre les société Piveteau Bois et Burger et Cie a été initiée le 22 février 2021, celle engagée par M et Mme [I] l’a été en 2017.

Dès lors, l’éventuelle prescription de l’action de la société Ledoux et des propriétaires devait être soumise au juge de la mise en état, en application de l’article 789 précité, et la société Piveteau Bois était irrecevable à la soumettre au tribunal et ce, quand bien même il aurait été convenu entre les parties la recherche préalable d’un accord amiable, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie des vices cachés opposée à la SARL Ledoux Jardin et aux propriétaires de terrasses.

En revanche, la procédure engagée par M et Mme [I] est antérieure à la réforme et le tribunal pouvait connaître de la fin de non-recevoir soulevée par la société Piveteau Bois, en l’absence de compétence du juge de la mise en état pour connaître alors d’un tel moyen. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie des vices cachés invoquée à l’encontre de M et Mme [I].

Les intimés soutenant qu’un défaut de conformité et non un vice caché est en cause, il est nécessaire de déterminer laquelle de ces qualifications doit être retenue en l’espèce pour décider si le délai biennal de forclusion propre à la garantie des vices cachés trouve à s’appliquer.

Sur la qualification du défaut

Il résulte de l’article 1603 du code civil que le vendeur doit délivrer une chose conforme à ce qui était convenu, dans sa qualité, sa quantité et son identité.

L’article 1641 dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Au terme de ses deux rapports, l’expert a relevé les désordres suivants :

– Allongement et élargissement des lames composites (allant jusqu’à 10 centimètres d’allongement),

– Déformation de lames contrariées par les obstacles,

– Planches d’about déformées,

– Formation de flaques du fait des jointoiements de lames (disparition du joint entre lames du fait des gonflements),

– Altérations localisées de la piscine chez M et Mme [DL] du fait des allongements de lames,

– Tâches,

– Ruptures de lames.

L’analyse de la composition des lames par un laboratoire sapiteur a mis en évidence que les propriétés physiques d’une lame de référence, extraite du stock présent dans les locaux de la société Ledoux Jardin et non soumise aux intempéries, sont très éloignées de celles de la fiche technique quant à la composition des lames (40% de polymère au lieu de 33%), la densité mesurée (1.195 au lieu de 1.15), et l’absorption d’eau (1.2% au lieu de 0.5%). Ces écarts font douter l’expert de la qualité de la production.

En outre, il est apparu qu’une fois en service, les propriétés des lames se détériorent parce que leur composition change ; elles perdent alors des charges minérales, certainement par action de l’eau de pluie, ce qui donne un matériau plus fragile, présentant des décohésions, que montre la diminution importante de la densité et la dilatation, irréversible, du matériau est ainsi facilitée.

Deux courriers adressés à la société Architecture du Bois (aux droits de laquelle se trouve à présent la société Burger et Cie) en 2013 et 2014 par le responsable technique WEX et le responsable commercial et marketing WEX de la société Piveteau Bois tendent à confirmer ces conclusions, puisqu’ils mentionnent que les lames de terrasse s’allongent de façon anormale et que cet allongement est dû à une reprise d’humidité de la fibre de bois contenue dans la lame, phénomène qui se trouve accentué en cas de météo humide durant longtemps.

La notice technique de mise en ‘uvre contient un tableau des données techniques des lames, faisant état des caractéristiques de densité et d’absorption d’eau mentionnées par l’expert.

Le guide technique établi par la société Piveteau Bois mentionne également la présence d’1/3 de polymère dans la composition des lames et non 40% comme relevé par l’expert. Il fait état d’une très bonne résistance du produit aux variations climatiques et précise qu’il s’agit d’un matériau compact et homogène, qui ne réagit pas aux variations d’hygrométrie et convient aux environnements humides et marins et que les lames ne se déforment pas.

Ces deux documents, propres au matériel vendu, engagent le vendeur quant aux caractéristiques qui y sont énoncées et font ainsi partie du champ contractuel.

Or, les lames vendues par la société Piveteau Bois aux sociétés Architecture Bois et Ledoux Jardin ne présentent pas les propriétés et qualités ainsi promises par le vendeur dans les documents précités, dont certaines, comme la résistance à l’eau, sont pourtant mises en avant.

Dès lors, la société Piveteau Bois ne peut valablement faire valoir qu’aucune spécificité particulière n’a été exigée par la société GRAD (Architecture Bois, Burger et Cie) et que les lames mises en ‘uvre était standard, alors que ce sont, précisément certaines des qualités du produit standard qui font défaut.

En outre, ce défaut de qualité du produit, bien que présent dès la vente puisqu’il se retrouve dans la lame dite ” de référence ” prélevée dans le stock de la SARL Ledoux Jardin, n’a pu être mis en évidence par l’expert judiciaire qu’au moyen d’une analyse de la composition des lames. La société Piveteau Bois n’est donc pas fondé à soutenir que la société Burger et cie, venant aux droits de la société Architecture du bois-Grad aurait refusé la chose livrée si elle n’avait pas été conforme à sa spécification.

Le guide technique démontre que les lames sont vendues pour la construction de terrasses. Dans ces conditions, les mentions de l’expertise judiciaire faisant état d’une instabilité physico-chimique du produit Piveteau Bois qui rend le matériau incompatible avec ses objectifs d’utilisation en terrasse d’agrément extérieur caractérise avant tout un défaut de conformité aux stipulations contractuelles, notamment quant à l’usage convenu entre les parties et non pas un vice caché.

La société Piveteau Bois n’est donc pas fondée à invoquer le délai biennal de forclusion prévu par l’article 1648 du code civil.

Sur les responsabilités

Il est constant que le maître de l’ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu’il dispose donc à cet effet contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée (Cass. ass. plén. 7 févr. 1986, Bull. ass. plén. n° 2).

M [T], Mme [K], M et Mme [I], M et Mme [G], M et Mme [Y], M et Mme [P], la SCI Girodith, Mme [H], M et Mme [DL], M et Mme [GL] , comme la SARL Ledoux Jardin en qualité de sous-acquéreur, sont donc fondés à invoquer la responsabilité de la société Piveteau Bois, fabricant des lames défectueuses à raison du défaut de conformité précédemment caractérisé. Le jugement sera donc confirmé à cet égard.

Sur la réparation des préjudices

– Les préjudices des propriétaires de terrasses

L’expert judiciaire a constaté des défauts sur toutes les terrasses des parties à l’instance et il indique que la solution unique, pour chacune d’elles, est la démolition de la terrasse et sa reconstruction. Les préjudices des propriétaires des terrasses seront donc liquidés en tenant compte de ces éléments.

M [T] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 8 559.10 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : l’expert dit avoir relevé sur la terrasse de M [T], tous les ” défauts classiques ” (allongement et déformation des lames, présence de taches, porosité du matériau en surface) qui ont nécessairement diminué la jouissance que celui-ci pouvait avoir de la terrasse ; M [T] habite la maison depuis 2015 ; son préjudice de jouissance sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros, durant 7 ans et demi, soit 5 400 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

Mme [K] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 16 036.35 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été construite en 2011 et qu’une première réparation a eu lieu en novembre 2013 et Mme [K] évoque une apparition de désordres courant 2014 ; il est également précisé que l’escalier est d’origine et qu’il est très dégradé ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros durant 9 ans, soit 6 480 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [G] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 6 764.45 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée le 3 juin 2011 et que les désordres sont apparus dans les 18 mois ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros durant 10 ans et demi, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande de M et Mme [G] en leur allouant une somme de 7 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [Y] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 18 636.75 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été facturée le 3 novembre 2011 et que les premières réparations sont intervenues au mois d’octobre 2013 ; l’expert a relevé en particulier un gonflement des lames qui sont devenues jointives, de sorte que des flaques d’eau se forment dans les creux, ainsi qu’une difficulté à man’uvrer le portail du fait de la gîte de la terrasse dans l’allée d’accès du garage ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande de M et Mme [Y] en paiement d’une somme totale de 7 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [P] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 7 178.60 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en juillet 2011 et que les déformations ont été relevées en 2013 ; l’expert a relevé une déformation des lames par allongement, une déformation des bandeaux de rive et un allongement des lames selon un coefficient plus de 20 fois supérieur aux prévisions du fabricant, une surface souple des lames au point que la pression du doigt chasse l’eau sous la zone de pression et un gonflement dans le sens de la largeur rendant les lames jointives permettant l’apparition de flaques d’eau; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande de M et Mme [P] en paiement d’une somme totale de 7 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

la SCI Girodith :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 8 006.90 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en octobre 2011 et que les désordres ont été déclarés en 2016 ; l’expert a relevé un allongement et une déformation des lames, ainsi que des taches indélébiles ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros, soit 4 680 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

Mme [H] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 6 764.45 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en juin 2011 et que les désordres sont apparus depuis 2013 ; l’expert a relevé un allongement et une déformation des lames, ainsi que des taches ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie l’allocation d’une somme mensuelle de 60 euros, soit 6 840 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [DL] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 35 893 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en 2011 ; l’expert a relevé un allongement des lames pouvant aller jusqu’à 10 cm, des déformations et pressions sur les lisses basses des menuiseries, des planches d’about déformées, la formation de flaques du fait des jointoiement de lames, des altérations localisées de la piscines insérée dans la terrasse, du fait de l’allongement des lames, des taches et des ruptures de lames ; ces désordres ont nécessairement causé à M et Mme [DL] un préjudice de jouissance, qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme de 9 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [GL] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 17 532.35 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en avril 2011 et que les désordres sont apparus depuis 2013 ; l’expert a relevé un allongement et une déformation des lames, ainsi que des taches, une rétention d’eau et des ruptures de lames près des appuis ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie qu’il soit fait droit à la demande de M et Mme [GL] à hauteur de 7 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros,

M et Mme [I] :

– Préjudice matériel : il convient d’allouer le coût de démontage et de reconstruction de la terrasse selon devis réactualisé du 28 avril 2022 : 22 640.20 euros TTC,

– Préjudice de jouissance : il résulte de l’expertise que la terrasse a été posée en octobre 2011 et que les désordres sont apparus à partir de l’année 2014/2015 ; l’expert a relevé une ” déformation spectaculaire ” des planches de rives, un affaissement des lames, des taches et un allongement des lames, entre 4 et 5 cm pour une lame de 4 m ; le préjudice de jouissance qui en résulte justifie qu’il soit fait droit à la demande de M et Mme [I] à hauteur de 7 000 euros,

– Préjudice moral : ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros.

En conséquence, la société Piveteau Bois sera condamnée à payer les sommes précitées aux propriétaires des terrasses et le jugement sera infirmé du chef des sommes allouées au titre des préjudices matériels et de jouissance et confirmé du chef de leur préjudice moral.

– Les préjudices de la SARL Ledoux Jardin

° Sur le coût des stocks

L’expert a constaté que la SARL Ledoux Jardin conservait en stock deux bottes de lames composites, conservées depuis 5 ans, dont une lame a servi de référence pour l’expertise, ce qui a permis de constater qu’elle ne présentait pas les caractéristiques physiques contractuelles.

La société Ledoux Jardin ne pourra donc pas employer ces bottes et doit être indemnisée de leur coût d’achat. Une facture du 28 février 2013 montre que deux bottes de lames étaient à cette époque payées 5 143.68 euros par la société Ledoux Jardin. Il convient donc de faire droit à la demande de celle-ci en paiement d’une telle somme au titre du coût des stocks et le jugement sera confirmé de ce chef.

° Sur le coût des interventions sur les terrasses défectueuses

La société Ledoux Jardin affirme, sans être contredite par les intéressés, qu’elle est réintervenue sur les terrasses litigieuses afin de les sécuriser, pour un coût total de 2 323.54 euros, qui ne lui a pas été réglé, ainsi que son expert-comptable le confirme.

Ces prestations trouvant leur cause dans les défauts des lames de terrasses imputables à la société Piveteau Bois, celle-ci est tenue d’indemniser la société Ledoux Jardin en lui versant la somme de 2 323.54 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

° Sur le coût des franchises restées à charge

La société Ledoux Jardin affirme que son ancien assureur a accepté de régler les franchises applicables pour la reprise de dizaines de terrasses, mais que certaines franchises n’ont pas été remboursées et laissées à sa charge.

Elle produit les factures des travaux de reprise, distincts des travaux de sécurisation précités, ainsi que les quitus donnés à son assureur pour la garantie d’une partie de leur coût. Il est donc justifié de faire droit à la demande de la société Ledoux Jardin tendant à être indemnisée du différentiel, resté à sa charge et qui représente un montant total de 7 970 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

° Sur le surcoût des cotisations d’assurance

La SARL Ledoux Jardin affirme que son ancien assureur, la société MMA, a résilié son contrat pour motif de risques récurrents et que, pour des prestations et garanties strictement similaires, elle doit verser à son nouvel assureur des primes biens plus élevées (20 271.38 euros en 2019 auprès de la société Allianz, contre 6 798 euros en 2018 à la société MMA).

Elle produit le courrier de résiliation de la MMA sur lequel apparaît le motif ” fréquence sinistre “, ainsi que le contrat souscrit auprès de la société Allianz.

Cependant, elle ne produit pas son ancien contrat d’assurance conclu avec la société MMA et il est donc impossible de vérifier que les garanties offertes sont bien les mêmes. En outre, il ressort du contrat de la société Allianz que le montant de la cotisation annuelle est calculée en fonction du montant du dernier chiffre d’affaires des travaux de construction réalisés par l’assuré.

Dans ces conditions, l’imputabilité du surcoût des cotisations d’assurance à la société Piveteau Bois du fait des défauts de ses lames n’est pas suffisamment établie.

En conséquence, la demande de la société Ledoux Jardin fondée sur un tel surcoût doit être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

° Sur les frais kilométriques

La SARL Ledoux Jardin explique qu’elle a été contrainte d’assurer et de financer les déplacements en expertise judiciaire puis en expertise chimique de son gérant et de son salarié.

Si l’expert indique, comme celle-ci le fait valoir, que cette société a largement participé à la recherche de la vérité technique avec ses équipes, le sapiteur et l’expert de justice, sa demande décompte le même kilométrage pour le gérant et le salarié, avec deux véhicules différents, sans aucune justification.

En outre, le tableau qu’elle produit répertorie les déplacements chez chacun des propriétaires de terrasses, manifestement pour les besoins de l’expertise judiciaire, mais il n’est donné aucun détail sur les déplacements que l’expertise chimique aurait nécessités.

Il convient donc de retenir uniquement les frais kilométriques du gérant pour les besoins de l’expertise judiciaire, s’agissant du représentant légal de la personne morale, soit 379.08 euros.

La société Piveteau Bois sera donc condamnée à verser cette somme à la SARL Ledoux Jardin et le jugement sera infirmé de ce chef.

° Sur le préjudice d’exploitation

La société Ledoux Jardin invoque un préjudice d’exploitation du fait du temps passé en expertise judiciaire et en expertise chimique et propose un calcul tenant compte de 2 jours passés par un salarié, 10 jours passés par le gérant et 25 jours passés par une autre salariée.

Compte tenu de l’investissement, souligné par l’expert, de la société Ledoux Jardin dans les opérations d’expertise, il est justifié d’indemniser celle-ci d’un préjudice d’exploitation, puisque ce temps n’a pu être consacré à l’activité de la société elle-même.

Mais, en l’absence de précisions sur les tâches liées à l’expertise qui auraient occupé une salariée durant 25 jours complets, ce poste de préjudice sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 5 520 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

° Sur le préjudice moral

Le préjudice moral que la société Ledoux Jardin dit avoir subi du fait de l’inertie du fabricant pourtant responsable de la situation, de l’obligation de faire face à des clients mécontents, du temps passé à rassurer ceux-ci et de l’angoisse, de l’incertitude, de la fatigue et du stress subi en raison d’un sinistre sériel, pour concerner au premier chef les salariés de la société, a nécessairement rejailli sur la société elle-même compte tenu de la durée des faits et de leur multiplicité.

Ce préjudice sera entièrement réparé par l’allocation de 10 000 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.

° Sur le préjudice d’image et de réputation

Si la société Piveteau Bois est fondée à faire valoir qu’une personne morale n’est pas douée de sensibilité, il n’en demeure pas moins qu’elle peut subir un préjudice à raison de l’atteinte portée à sa réputation et à son image.

Précisément en l’espèce, le caractère sériel des désordres est de nature à jeter le discrédit sur ses compétences et à entacher son image auprès de ses clients et de ses fournisseurs.

Ce préjudice justifie l’allocation de la somme de 10 000 euros et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la mise hors de cause de la société Burger et Cie

La société Burger et Cie n’était visée par les demandes de la société Ledoux Jardin et des propriétaires qu’à titre subsidiaire, pour le cas où il n’aurait pas été fait droit à leurs demandes présentées contre la société Piveteau Bois.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il met cette société hors de cause.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs, sauf à le compléter en ce qu’il est équitable d’allouer à la société Burger et Cie la somme de 3 500 euros pour ses frais irrépétibles de première instance.

La société Piveteau Bois, partie condamnée, doit supporter les dépens d’appel. Sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

Il est équitable d’allouer, pour leurs frais irrépétibles d’appel, les sommes suivantes à :

– La SARL Ledoux Jardin : 5 000 euros,

– M [T], Mme [K], M et Mme [I], M et Mme [G], M et Mme [Y], Mme [H], M et Mme [DL], M et Mme [GL] : 1 000 euros chacun,

– M et Mme [P], la SCI Girodith : 800 euros chacun,

– La société Burger et Cie : 3 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 22 février 2022 par le tribunal judiciaire de Reims en ce qu’il:

– Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie des vices cachés de la SARL Ledoux Jardin, ainsi que de M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL],

– Juge que la SAS Piveteau Bois a engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à l’obligation de délivrance conforme envers, d’une part, la SARL Ledoux Jardin et d’autre part, M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL],

– Condamne la SAS Piveteau Bois à payer à la SARL Ledoux Jardin les sommes suivantes :

o 5 143.68 euros au titre du coût des stocks,

o 7 970 euros au titre du coût des franchises restées à charge,

o 10 000 euros en réparation du préjudice moral,

o 10 000 euros en réparation du préjudice d’image,

– Déboute la SAS Piveteau Bois de sa demande au titre du surcoût des cotisations d’assurance,

– Condamne la SAS Piveteau Bois à payer la somme de 1 000 euros chacun à M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL] en réparation de leur préjudice moral,

– Met hors de cause la SAS Burger et Cie, anciennement Architecture Bois,

– Condamne la SAS Piveteau Bois à payer une indemnité pour frais irrépétibles de 20 000 euros à la SARL Ledoux Jardin,

– Condamne la SAS Piveteau Bois à payer une indemnité pour frais irrépétibles de 800 euros à M [J] [T], Mme [A] [K], M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V], M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E], M [B] [Y] et Mme [R] [Y], M [F] [P] et Mme [D] [P], la SCI Girodith, Mme [N] [H], M [M] [DL] et Mme [L] [DL], M [S] [GL] et Mme [O] [GL],

– Condamne la SAS Piveteau Bois aux dépens de l’instance,

Complète le jugement en ce sens que la SAS Piveteau Bois est condamnée à payer à la SAS Burger et Cie la somme de 3 500 euros pour ses frais irrépétibles de première instance,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action en garantie des vices cachés de M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V],

Déboute la SAS Piveteau Bois de cette fin de non-recevoir,

Condamne la SAS Piveteau à payer les sommes suivantes :

– A M [J] [T] : 8 559.10 euros TTC, au titre du préjudice matériel et 5 400 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

– A Mme [A] [K] : 16 036.35 euros TTC au titre du préjudice matériel et 6 480 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

– A M [R] [G] et Mme [Z] [G]-[E] : 6 764.45 euros TTC au titre du préjudice matériel et 7 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– M [B] [Y] et Mme [R] [Y] : 18 636.75 euros TTC au titre du préjudice matériel et 7 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– M [F] [P] et Mme [D] [P] : 7 178.60 euros TTC au titre du préjudice matériel et 7 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 800 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– A La SCI Girodith : 8 006.90 euros TTC au titre du préjudice matériel et 4 680 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 800 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– Mme [N] [H] : 6 764.45 euros TTC au titre du préjudice matériel et 6 840 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

– M [M] [DL] et Mme [L] [DL] : 35 893 euros TTC au titre du préjudice matériel et 9 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– M [S] [GL] et Mme [O] [GL] : 17 532.35 euros TTC au titre du préjudice matériel et 7 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

– M [W] [I] et Mme [U] [I] née [V] : 22 640.20 euros TTC au titre du préjudice matériel et 7 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre 1 000 euros pour leurs frais irrépétibles d’appel,

Condamne la SAS Piveteau à payer les sommes suivantes à la SARL Ledoux Jardin :

– 2 323.54 euros correspondant au coût d’intervention sur les terrasses défectueuses,

– 379.08 euros au titre des frais kilométriques,

– 5 520 euros au titre du préjudice d’exploitation,

– 5 000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne la SAS Piveteau Bois à payer à la SAS Burger et Cie la somme de 3 500 euros pour ses frais irrépétibles d’appel,

Déboute la SAS Piveteau Bois de sa propre demande en paiement d’une indemnité pour ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne la SAS Piveteau Bois aux dépens d’appel.

Le greffier La conseillère faisant fonction de présidente de chambre

 


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