Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02503

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Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02503
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ARRÊT N° /2023

SS

DU 20 JUIN 2023

N° RG 22/02503 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FCHN

Pole social du TJ d’EPINAL

21/00164

05 octobre 2022

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANT :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

comparant assisté de Me Marteyn substituant Me Brandone, selarl JCVBRL, avocat au barreau de Marseille

INTIMÉES :

Commune COMMUNE DE [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Dorothée BERNARD substituée par Me HARBIL de la SELARL BGBJ, avocats au barreau d’EPINAL

Représentée par Me Patrice GAUD de la SCP SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS

CPAM DES VOSGES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [P] régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : M. HENON

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Monsieur ADJAL (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 02 Mai 2023 tenue par M. HENON, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 20 Juin 2023 ;

Le 20 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

Selon déclaration du 7 août 2018, M. [S] [V], embauché en qualité d’agent technique polyvalent aux services techniques de la ville de [Localité 7], a été victime d’un accident alors qu’il crépissait le mur de l’école en prenant du sable dans l”il. Un certificat médical initial établi le même jour faisant mention d’une ulcération cornéenne de l”il gauche. La caisse primaire d’assurance maladie des Vosges (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé de M. [S] [V] a été déclaré consolidé au 5 janvier 2020. Son taux d’incapacité permanente partielle a été fixé à 40 %, pour « Ablation du globe avec mise en place d’une prothèse et névralgies ».

Après échec de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (procès-verbal de non conciliation du 4 février 2021 de la caisse), M. [S] [V] a déposé plainte contre son employeur le 8 février 2021 pour blessures involontaires par personne morale suivie d’une incapacité supérieure à un mois et a saisi le 10 septembre 2021 le tribunal judiciaire d’Epinal aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal a :

– ordonné la réouverture des débats,

– invité les parties à conclure sur la recevabilité de la demande de M. [S] [V],

– dit que l’affaire sera appelée à l’audience du 4 mai 2022,

– réservé l’ensemble des demandes.

Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal a :

– déclaré M. [S] [V] irrecevable en son recours,

– condamné M. [S] [V] aux dépens.

Par acte du 29 octobre 2022, M. [S] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions reçues au greffe le 3 avril 2023, M. [S] [V] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le recours irrecevable ;

– dire n’y avoir lieu à prescription ;

Ce faisant :

– juger que la commune de [Localité 7] s’est rendue responsable d’une faute inexcusable à son encontre à l’origine directe de son accident de travail ;

– juger qu’il bénéficiera d’une majoration de la rente ;

– fixer la majoration de la rente ainsi allouée à son taux le plus élevé,

– aux fins de quantifier les préjudices, ordonner une expertise médicale et désigner tel expert qu’il plaira au tribunal (sic), qui pourra se faire assister de tout sapiteur de son choix, avec pour mission de :

A) PREPARATION DE L’EXPERTISE ET EXAMEN

1. Dans le respect des textes en vigueur, dans un délai minimum de 15 jours, informer par courrier les victimes de la date de l’examen médical auquel elles devront se présenter,

2. Se faire communiquer par les victimes ou son représentant légal tous documents médicaux relatifs à l’accident, en particulier le certificat médical initial, les comptes rendus d’hospitalisation, et dossier d’imagerie, etc…

3. Prendre connaissance de l’identité des victimes ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d’activités professionnelles. Préciser, s’il s’agit d’un enfant, d’un étudiant ou d’un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation; s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, préciser son statut et sa formation,

4. A partir des déclarations des victimes (ou de son entourage si nécessaire) et des documents médicaux fournis,

4.1 relater les circonstances de l’accident,

4.2 décrire en détail les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution,

4.3 décrire en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsqu’elle a eu recours à une aide temporaire (humaine ou matérielle) en préciser la nature et la durée,

5. Décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en oeuvre jusqu’à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates exactes d’hospitalisation avec, pour chaque période, la nature et le nom de l’établissement,

6. Dans le chapitre des commentaires et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l’origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution,

7. Prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter,

8. Recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime ou par son entourage en faisant préciser notamment les conditions, date d’apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur la vie quotidienne,

9. Dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s’ils constituent un état antérieur susceptible d’avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées,

10. Procéder à un examen clinique détaillé en fonction de lésions initiales et des doléances exprimées par la victime. Retranscrire ces constatations dans le rapport,

B) ANALYSE ET EVALUATION

11.1 Analyser dans une discussion précise et synthétique l’imputabilité à l’accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment, les doléances des victimes et les données de l’examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l’incidence éventuelle d’un état antérieur.

11.2 Répondre ensuite aux point suivants :

12. Que la victime exerce ou non une activité professionnelle :

‘ Prendre en considération toutes les gènes temporaires subies par la victime dans la réalisation de ses activités habituelles à la suite de l’accident ; en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches ménagères),

‘ En discuter l’imputabilité à l’accident en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain,

13. En cas d’arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise. En discuter l’imputabilité à l’accident en fonction des lésions et de leur évolution, rapportées à l’activité exercée,

14. Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l’accident s’étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation. Elles sont représentées par “la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s’ajoutent les souffrances physiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et leur évolution”. Elles s’évaluent selon l’échelle habituelle de 7 degrés,

15. Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du dommage esthétique imputable à l’accident. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte physiologique déjà pris en compte au titre de l’atteinte permanente à l’intégrité Physique et Psychique,

16. Activités professionnelles :

Lorsque la victime fait déjà état d’une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles ou d’une modification de la formation prévue ou de son abandon (s’il s’agit d’un écolier, d’un étudiant ou d’un élève en formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant de son imputabilité à l’accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

Activité d’agrément :

Lorsque la victime fait était d’une répercussion dans l’exercice de ses activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement à l’accident, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l’accident, aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

Vie sexuelle :

Lorsque la victime fait état d’une répercussion dans sa vie sexuelle, émettre un avis motivé en discutant son immutabilité à l’accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

17. Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillages ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l’état séquellaire ; justifier l’imputabilité des soins à l’accident en cause en précisant s’il s’agit de frais occasionnels c’est-à-dire engagés la vie durant,

20. Conclure en rappelant la date de l’accident, la date et le lieu de l’examen, la date de consolidation et l’évaluation médico-légale pour les points 12 à 17,

– condamner la commune de [Localité 7] à lui verser une provision d’un montant de 50.000 € à valoir sur l’ensemble de ses préjudices,

– condamner la commune de [Localité 7] à lui verser une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du nouveau (sic) code de procédure civile ;

– surseoir à statuer pour le surplus dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

Selon conclusions déposées à l’audience du 2 mai 2023, la commune de [Localité 7] demande :

A titre principal :

De confirmer le jugement entrepris ;

De juger que les circonstances de l’accident sont indéterminées ;

De juger que le caractère professionnel de l’accident n’est pas rapporté

Juger que les demandes de M. [V] au titre de la faute inexcusable sont infondées ;

De débouter M. [V] de ses demandes ;

A titre subsidiaire

– De statuer ce que de droit sur la majoration de rente

– De limiter la mission de l’expert à l’évaluation des préjudices personnels énumérés à l’article L. 452-3 du code de sécurité sociale et non couvertes au titre du livre IV.

La caisse expose s’en rapporter sur le principe de la faute inexcusable et demande de faire droit à son action récursoire.

Pour l’exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l’audience.

Motifs

1/ Sur la prescription de l’action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur

Il résulte des dispositions des articles L. 431-2, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale que le délai de prescription biennale de l’action du salarié pour faute inexcusable de l’employeur commence à courir, soit à compter à dater du jour de l’accident, de la clôture de l’enquête, ou de la cessation de paiement de l’indemnité journalière, soit à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ( en ce sens, 2e Civ., 3 avril 2003, pourvoi n° 01-20.872, Bull. 2003, II, n° 98, 2e Civ., 11 octobre 2005, pourvoi n° 04-30.360, Bull. 2005, II, n° 242, Civ. 2ème 12 juillet 2012, n° 11-17.663, 11-17.442, Bull II n° 136).

L’article L. 452-4 code de la sécurité sociale dispose qu’à défaut d’accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d’une part, et l’employeur d’autre part, sur l’existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie, d’en décider.

Il est de jurisprudence constante que la saisine de la caisse aux fins d’organisation de la tentative de conciliation interrompt la prescription biennale ( Civ. 2ème , 13 septembre 2003, n° pourvoi n°02-30.490, Bull. 2003, II, n° 266, dans le même sens 2e Civ., 3 mars 2011, pourvoi n° 09-70.419, Bull. 2011, II, n° 58).

La prescription biennale prévue à l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale et le cours de celle-ci ne peut recommencer à courir tant que cet organisme, qui a la direction de la procédure de conciliation prévue à l’article L. 452-4 du même code, n’a pas fait connaître à l’intéressée le résultat de la tentative de conciliation. (Soc. 13 mai 1993, n° 90-19.548, Bull. civ. V, n° 142, Civ. 2ème., 10 décembre 2009, pourvoi n°08-21.969, Bull. 2009, II, n° 287).

Le salarié soutient que contrairement à l’appréciation du premier juge, l’action n’était pas prescrite car la caisse a versé des indemnités journalières du 7 aout 2018 au 5 janvier 2020 et qu’il a saisi la caisse d’une tentative de conciliation le 14 décembre 2020, laquelle a établi un procès-verbal de non conciliation le 4 février 2021.

Au cas présent, il est justifié par le relevé établi par la caisse et produit aux débats par le salarié que ce dernier a perçu des indemnités journalières du 7 aout 2018 au 5 janvier 2020. Il n’est pas contesté que l’intéressé a saisi la caisse aux fins de conciliation le 14 décembre 2020, laquelle a fait connaitre le résultat de cette tentative par un procès-verbal du 4 février 2021.

Il s’ensuit qu’au regard d’un délai de prescription commençant à courir à compter du 5 janvier 2020, et sans qu’il soit même nécessaire de tenir compte de l’interruption du délai biennal lié à la saisine de la caisse pour conciliation, l’action engagée par une saisine du tribunal en date du 10 septembre 2021 ne saurait être considérée comme atteinte par la prescription énoncée à l’article L. 431-1 du code de sécurité sociale.

2/Sur la contestation du caractère professionnel de l’accident :

Il résulte des articles L. 452-1 et L. 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l’employeur, l’accident ayant affecté le salarié (civ.2e 4 avril 2013 pourvoi n°12-13.600 Bull II n° 69). A cet égard, l’employeur reste fondé à contester, pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (civ.2e 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015, II, n° 247 ; dans le même sens civ.2e., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25.843).

L’employeur soutient que le salarié s’était plaint de douleurs aux yeux la veille de l’accident auprès de deux de ses collègues et que ce dernier lors de la saisine de la CCI de Lorraine n’évoquait aucune faute de l’employeur mais une faute médicale et que le rapport de l’expert de l’expert désigné dans ce cadre qui ne lui est pas opposable et fait une interprétation erronée du certificat médical initial. Aucun élément ne permet d’affirmer que le salarié a reçu du ciment.

Cependant, il convient de constater que si l’employeur soutient que l’intéressé s’était plaint de douleurs la veille de l’accident, il reste que le seul document en attestant se trouve constitué d’une lettre de réserves adressée à la caisse le 14 aout 2018 exposant que le salarié s’était plaint de première douleurs sous la douche le lundi (6 aout) auprès de deux de ses collègues, sans pour autant désigner les collègues en question. Il résulte de l’enquête de gendarmerie que si le responsable du service technique, M. [G], a effectivement précisé lors de son audition que le salarié se serait plaint le jour des faits de douleurs antérieures, il reste que celui-ci qui était en congés le jour des faits n’était pas présent et a désigné sur la demande des gendarmes, M. [D] comme étant la personne lui ayant fait part de cette information. Or, lors de son audition M. [D] n’a nullement fait état d’une telle plainte et au contraire, alors qu’il lui était demandé de s’exprimer spontanément sur les faits, a exposé avoir su que l’intéressé avait eu un accident pendant des travaux pour la commune sur le chantier de crépi de l’école. Il s’ensuit que cette allégation de l’employeur n’est nullement établie alors même que les témoignages et déclarations faites auprès des enquêteurs de la gendarmerie concourent toutes à la désignation du fait accidentel selon les conditions énoncées dans la déclaration d’accident du travail et qui se trouvent confortées par les constatations médicales opérées le jour même de l’accident par le praticien de la maison médicale du [Localité 5], dont M. [U] témoin entendu par les gendarmes a précisé que l’intéressé s’y était rendu après l’accident puisque cette maison médicale était toute proche du lieu de l’accident. Ce qu’a confirmé M. [D].

Il en résulte qu’en l’état d’une lésion oculaire survenue aux temps et lieu de travail, l’employeur ne saurait être fondé en sa contestation du caractère professionnel de l’accident.

3/ Sur les circonstances de l’accident :

Il est de jurisprudence constante que lorsque les circonstances de l’accident sont indéterminées, il ne peut être caractérisé une faute inexcusable de l’employeur (Civ. 2ème 13 octobre 2011, n° 10-21.398, Soc 11 octobre 1990, n° 88-15.637).

L’employeur fait valoir que les circonstances de l’accident ne sont pas établies dans la mesure où aucun témoin n’a été mentionné par l’intéressé lors de la déclaration d’accident du travail et qu’il existe un sérieux doute quant au jour réel de réalisation de l’accident.

Au cas présent, il convient de constater qu’au vu des propres déclarations de l’intéressé, en particulier devant les forces de gendarmerie, ce dernier se trouvait seul lors de l’accident.

A cet égard, les déclarations et explications de M. [F] ne sauraient être retenues en ce que les explications successives de l’intéressé sont contradictoires, puisque ce dernier a exposé dans un premier temps aux gendarmes avoir été présent lors d’un accident qu’il situait à la fin de mois de juillet avant son départ en congés alors qu’interrogé sur ces questions par les enquêteurs, il n’a pas été en mesure de donner d’explications plus claires sauf à constater l’allégation d’un accident survenu en fin de semaine contrairement aux indications au planning de présence produit par le responsable données et par l’intéressé lui-même.

La fait que l’intéressé était seul au moment de l’accident ne saurait être en lui-même de nature à caractériser que les circonstances de l’accident sont indéterminées alors que celles-ci se trouvent corroborées par les autres pièces du dossier.

En effet, il est établi que le jour des faits, l’intéressé était affecté au crépissage du mur de l’école et se trouvait à son poste dès lors que cette présence a été attestée par M. [N] qui était passé le voir sur le chantier avant de repartir sur un autre chantier.

Il est encore établi par l’enquête de gendarmerie qu’au cours de la matinée, l’intéressé a appelé M. [D] pour lui annoncer qu’il avait « pris un truc dans l « ‘il » et lui demander de lui amener du collyre, et que ce dernier lui a indiqué d’aller en cas de besoin au cabinet du [Localité 5]. M. [D] a exposé que l’intéressé l’avait rappelé en fin de matinée ou en début d’après-midi pour l’informer qu’il devait se rendre à l’hôpital.

L’attestation de la maison de santé correspondant à ce cabinet confirme que l’intéressé s’est bien rendu dans cet établissement et qu’il a été constaté à cette occasion la lésion figurant au certificat médical initial par le praticien ayant établir ce certificat et reçu l’intéressé avant de le diriger vers un centre hospitalier.

Il s’ensuit qu’il est établi qu’au cours de la matinée du 7 aout 2018, alors qu’il était affecté à des travaux de crépissage sur le chantier de l’école, l’intéressé a été victime d’une projection de sable ou équivalent lui ayant occasionné une ulcération cornéenne de l”il gauche.

4/ Sur la faute inexcusable de l’employeur

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu’il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage (Cass . Ass plen, 24 juin 2005, pourvoi n°03-30.038).

Le salarié soutient que la commune a commis de nombreux manquements, le personnel n’étant pas formé pour exécuter des travaux de maçonnerie et que le matériel fourni n’était pas conforme puisque les équipements individuels de protection n’étaient pas fournis.

L’employeur soutient que l’intéressé était qualifié pour procéder à des travaux de maçonnerie comme étant ouvrier qualifié et spécialisé en maçonnerie. Il précise que la mauvaise foi du salarié est patente puisqu’il est justifié par de nombreuses attestations de la remise d’EPI et notamment de lunettes de protection.

Au cas présent, l’employeur avait conscience du danger représenté par des projections dès lors que ce dernier soutient et établit que les salariés travaillant au sein des services techniques disposaient d’équipements individuels de protection au nombre desquelles figuraient des lunettes de protection.

En revanche, il apparait que ce même employeur n’a pas pris les mesures pour préserver le salarié du danger consistant à porter des lunettes de protection dès lors que le port de ces équipements était de nature à éviter les conséquences dommageables qui ont été constatées.

A cet égard, ce dernier ne saurait se prévaloir de l’attitude hostile du salarié au port de lunettes de protection alors qu’il lui appartenait de donner les instructions appropriées au salarié pour s’assurer de l’effectivité des mesures qu’il entendait mettre en place et d’en vérifier l’application. En l’espèce, s’il résulte des attestations produites par l’employeur que le salarié avait indiqué «  je ne vais pas mettre ça » à propos de lunettes de protection et des éléments recueillies au cours de l’enquête de gendarmerie que l’intéressé ne faisait pas trop attention aux règles de sécurité, il reste que ces mêmes éléments ne font état d’aucun élément précis de nature à établir qu’au regard de cette attitude que dénonce l’employeur, ce dernier avait donné des instructions précises quant au port de ces équipements. Au contraire, les éléments recueillis pour établir la disposition d’équipements de sécurité individuels que les salariés ou agents pouvait venir prendre, ne font pas état de consignes ou d’instructions précises de l’employeur quant à l’emploi de ces équipements dont l’usage apparaissait laissé à la libre appréciation de ces personnels.

Il s’ensuit qu’en ne prenant pas les mesures pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé, l’accident dont a été victime ce dernier procède de la faute inexcusable de l’employeur.

5/ Sur les conséquences de la faute inexcusable :

Dès lors qu’il n’est ni établi ni allégué de faute inexcusable commise par le salarié, il y a lieu d’ordonner la majoration à son taux maximum de la rente servie à ce dernier (Cass Ass. Plen. 24 juin 2005, pourvoi n° 03-30.038).

Il résulte de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu’en cas de faute inexcusable, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d’autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte du dernier alinéa de ce texte que les frais de l’expertise ordonnée en vue de l’évaluation des chefs de préjudice subis par la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, sont avancés par la caisse qui en récupère le montant auprès de celui-ci .

Le salarié demande d’ordonner la mise en ‘uvre d’une expertise.

Ce dernier ne saurait solliciter d’expertise que pour autant qu’elle porte, d’une part, sur les chefs de réparations complémentaires énoncées à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale destinés à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, d’autre part, sur ceux qui ne sont pas déjà réparés par le livre IV du code de la sécurité sociale .

Au regard des éléments produits aux débats et compte tenu des conséquences envisageables de l’accident, l’expertise portera, sur les chefs de préjudice énoncés au dispositif du présent arrêt, aux frais avancés de la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur.

En ce qui concerne la demande de provision, compte tenu des conséquences de l’espèce que révèlent notamment les éléments relatifs à la consolidation et les séquelles persistantes, l’allocation d’une provision de 5000 € apparait justifiée, laquelle sera versée par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DIT que l’accident du travail dont a été victime M. [V] le 7 aout 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la commune de [Localité 7] ;

ORDONNE la majoration de rente servie à M. [V] à son taux maximum,

DIT que cette majoration sera versée à M. [V] par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges qui en récupérera la montant auprès de l’employeur, la commune de [Localité 7],

FIXE à 5000 € la provision à valoir sur la réparation définitive des préjudices subis par M. [V],

DIT que cette somme sera avancée par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, la commune de [Localité 7],

ORDONNE une expertise médicale confiée au docteur [R], [Adresse 2], avec pour mission de:

– entendre contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel

– recueillir les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l’accident et sa situation actuelle

– se faire communiquer par la victime tous documents médicaux la concernant notamment ceux consécutifs à l’accident litigieux et à son état de santé antérieur

– procéder, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime

– d’évaluer la réparation liée au déficit fonctionnel temporaire antérieur à la consolidation ou la guérison fixée dans le cadre de la législation professionnelle (décision de la caisse ou juridictionnelle sur recours)

– d’évaluer la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales

– d’évaluer la réparation liée au déficit fonctionnel permanent postérieur à la consolidation

– d’évaluer le préjudice esthétique

– d’évaluer le préjudice d’agrément

– d’évaluer le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle

– d’évaluer le préjudice sexuel,

DIT que l’expert devra préciser contradictoirement aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la méthodologie, le coût et le calendrier prévisible de ses opérations et qu’il devra, en cas de difficultés ou de nécessité d’une extension de la mission en référer au magistrat chargé du contrôle de l’expertise qui appréciera la suite à y donner,

DIT que l’expert désigné pourra, en cas de besoin, s’adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises,

DIT que l’expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,

DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la cour dans les quatre mois à compter de l’acceptation de sa mission, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d’expertise, et en adresser une copie aux conseils des parties,

FIXE à 900 euros la consignation des frais à valoir sur la rémunération de l’expert,

DIT que ces frais seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, la commune de [Localité 7],

RESERVE les autres chefs de demandes et les dépens,

RENVOIE l’affaire à l’audience de la chambre sociale du 19 décembre 2023 à 13h30, la notification du présent arrêt valant convocation des parties à cette audience ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par madame Laurène RIVORY, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute de dix pages

 


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