Tentative de conciliation : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02164

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Tentative de conciliation : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02164
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JN/DD

Numéro 23/2556

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/07/2023

Dossier : N° RG 21/02164 – N°Portalis DBVV-V-B7F-H5FK

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur

Affaire :

E.U.R.L. [7]

C/

[O] [W],

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 15 Juin 2023, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame NICOLAS, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

E.U.R.L. [7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître PENEAU de la SCP PENEAU-DESCOUBES PENEAU, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

INTIMÉS :

Monsieur [O] [W]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Maître BORDES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES

Prise en la personne de son représentant légal, savoir son Directeur Monsieur [I] [V], domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 28 MAI 2021

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 20/00232

FAITS ET PROCÉDURE

Le 4 février 2017, M. [O] [W] (le salarié), salarié de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [7] (l’employeur) en qualité de livreur, a été victime d’un accident du travail, pris en charge le 14 février 2017, par la caisse primaire d’assurance maladie des Landes (la caisse l’organisme social), au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 29 février 2020, l’état de santé du salarié a été déclaré consolidé.

Une rechute, déclarée le 28 avril 2020, a également été prise en charge au titre de l’accident du 4 février 2017.

Le 10 juillet 2020, après une tentative de conciliation infructueuse initiée le 6août 2019, le salarié a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, afin d’indemnisation.

Par jugement du 28 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :

– débouté l’employeur de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse,

– dit que l’accident du 4 février 2017 revêt bien un caractère professionnel,

– dit que cet accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur,

– ordonné la majoration au maximum légal de la rente versée au salarié au titre de son accident du travail,

– dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l’évolution de son taux d’incapacité, sera productive d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– ordonné, avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par le salarié, une expertise judiciaire confiée au docteur [X], aux frais avancés de la caisse, selon mission contenue au jugement et à laquelle il est expressément renvoyé,

– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du 22 octobre 2021,

– dit que la caisse versera directement au salarié les sommes dues au titre de la majoration de la rente et des indemnités complémentaires qui pourront lui être allouées en application de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale tel qu’interprété à la lumière de la décision n° 2018-8 QPC du 18 juin 2020 du Conseil Constitutionnel et qu’elle en récupérera le montant auprès de l’employeur,

– condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’employeur aux dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l’employeur le 1er juin 2021.

Le 25 juin 2021, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, l’employeur, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation en date du 7 avril 2023 contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience de plaidoiries du 15 juin 2023, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses « conclusions 4 » transmises par RPVA le 9 juin 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’employeur la société [7] l’appelant, conclut :

1- à titre principal, à la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, demande à la cour de :

– dire que l’accident du salarié du 4 février 2017 n’a pas de caractère professionnel,

– déclarer inopposable la décision de la caisse du 14 février 2017 tendant à reconnaître le caractère professionnel de l’accident du salarié,

– débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner le salarié à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens,

2- à titre subsidiaire, si la cour devait déclarer que l’accident du 4 février 2017 revêt un caractère professionnel, à la réformation du jugement pour le surplus en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, demande à la cour de :

– débouter le salarié de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable,

– débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner le salarié à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens outre les dépens.

3- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait reconnaître que l’accident est dû à sa faute inexcusable :

– à la confirmation de la mission donnée au docteur [X] par le premier juge,

– au débouté de la caisse de sa demande tendante à voir condamner l’employeur à lui communiquer sous astreinte les coordonnées de son assureur,

– au débouté du salarié de sa demande de provision,

– à ce qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Selon ses « conclusions 2 » transmises par RPVA le 13 juin 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [O] [W], intimé, conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf :

– s’agissant de l’expertise ordonnée, à la confier à un médecin du département de l’Isère, et à y ajouter une mission complémentaire, afin de de demander à l’expert de se prononcer sur le déficit fonctionnel permanent, sur les postes de pertes de gains professionnels et incidence professionnelle,

– s’agissant de la provision allouée, à la fixer à 30’000 €,

et y ajoutant, à la condamnation de l’employeur à lui payer 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée sur ce même fondement par le premier juge, ainsi qu’à supporter les dépens.

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 22 mai 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Landes, intimée, conclut :

– à la confirmation du jugement déféré, en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande d’inopposabilité à son égard de la décision de la caisse du 14 février 2017 tendant à la prise en charge de l’accident du travail du salarié du 4 février 2017,

– à ce qu’il soit constaté qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour sur la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dans les rapports employeurs/salarié, de même que sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,

-en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, elle demande de : – préciser le quantum de la majoration de la rente à allouer au salarié,

– constater que la caisse ne s’oppose pas à l’expertise médicale sollicitée,

– limiter le montant des sommes à allouer au salarié en réparation de ses préjudices :

>aux chefs de préjudices énumérés à l’article L. 452-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

>ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement,

– condamner l’employeur à rembourser à la caisse, conformément à l’article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale :

>la majoration de l’indemnité en capital ou le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu’il sera calculé et notifié par la caisse,

>les sommes dont la caisse aura l’obligation de faire l’avance,

>les frais d’expertise,

>les intérêts légaux,

– condamner l’employeur à communiquer à la caisse les coordonnées de son assurance sous astreinte de 50 € par jour de retard, et ce, à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir.

SUR QUOI LA COUR

I – Sur l’opposabilité à l’employeur de la décision de la caisse reconnaissant le caractère professionnel de l’accident du 4 février 2017

L’employeur ne développe aucun moyen au soutien de cette demande, présente seulement au dispositif de ses conclusions.

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable se caractérise par son indépendance à l’égard de la procédure administrative de prise en charge menée par la caisse.

Au cas particulier, à l’occasion de la procédure administrative, l’employeur n’a porté sa contestation de l’opposabilité à son égard, de la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels, que devant la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a rejeté la demande, par décision du 9 mai 2017, dont la notification du 10 mai 2017, qu’il produit, lui rappelait régulièrement les délais et modalités de recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont-de-Marsan, en application des dispositions de l’article R 142-18 du code de la sécurité sociale alors applicable.

Faute d’un tel recours judiciaire, la décision par laquelle la caisse a pris en charge l’accident litigieux au titre de la législation sur les risques professionnels, est opposable à l’employeur.

La demande de l’employeur n’est pas fondée et sera rejetée, par confirmation du jugement déféré.

En revanche, l’employeur peut toujours défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable sur le fond, en contestant le caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute, même si comme au cas particulier, la décision administrative de prise en charge de l’accident du travail est définitive à son égard.

II – Sur la contestation du caractère professionnel de l’accident du 4 février 2017

Pour contester, comme devant le premier juge, le caractère professionnel de l’accident litigieux, l’employeur fait valoir en substance que :

-il n’existe aucun témoin des faits,

-le salarié ne s’est plaint du prétendu accident, qu’à la fin de sa tournée, à 13 heures, alors qu’il prétend que les faits se seraient produits dès 7h30, et qu’il ne peut être exclu qu’il ait pris son poste avec une épaule déjà blessée, alors même que ce salarié a occupé préalablement des emplois de nature physique, a un long passé dans les sports de combat et le parachutisme, et s’est toujours plaint de problèmes physiques,

-quelques jours avant le prétendu accident, un différend venait d’opposer le salarié et son employeur, à propos d’une modification d’horaires de service, à l’occasion duquel, le salarié aurait adopté un comportement agressif, et affirmé qu’il ferait le nécessaire pour ne plus avoir à venir,

-le certificat médical initial du 4 février 2017, est particulièrement sibyllin, ne constate aucune lésion, faisant simplement mention de « douleur », tout en indiquant, après un arrêt de travail de sept jours, que des soins seront nécessaires pendant une durée de trois mois, donnant l’impression soit que le médecin connaissait les pathologies préexistantes développées par son patient, soit a délivré cet arrêt par pure complaisance,

– le salarié souffrait d’antécédents médicaux sur son épaule droite, puisque les pièces médicales qu’il produit, relèvent des traumatismes anciens, avec une lésion transfixiante de coiffe en 2010,

-l’examen radiologique, effectué le mardi 7 février 2017, soit trois jours plus tard, écarte totalement l’existence d’un traumatisme costal, et ne fait état que d’une « probable » contusion post-traumatique.

Le salarié, au contraire, conclut à la confirmation du jugement déféré, estimant que les éléments produits, constituent un faisceau d’indices permettant de caractériser la matérialité de l’accident.

La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.

Sur ce,

Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale,

«Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Il est constant que constitue un accident du travail :

« un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle- ci ».

Ainsi, l’accident du travail se définit par trois critères :

– un événement ou une série d’événements survenus à une date certaine,

– une lésion corporelle,

– un fait lié au travail ou survenu à l’occasion du travail.

La lésion peut être une atteinte psychique, lorsque son apparition est brutale, et liée au travail, permettant ainsi de distinguer l’accident du travail de la maladie.

Si l’article L411-1 du code de la sécurité sociale institue une présomption, il s’agit d’une présomption simple qui ne vaut que jusqu’à preuve contraire, consistant en la démonstration que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail.

Une affection pathologique qui s’est manifestée à la suite d’une série d’atteintes à évolution lente et progressive, et non en raison d’une action brutale et soudaine assimilable à un traumatisme, ne peut être considérée comme un accident du travail.

S’agissant d’un fait juridique, la preuve de l’accident du travail peut être établie par tous moyens, et peut notamment résulter d’un faisceau d’indices ou de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l’article 1382 du code civil (anciennement 1353).

Au cas particulier, si aucune des parties ne produit la déclaration d’accident du travail, chacune produit la décision de la commission de recours amiable, qui en rappelle sans contestation le contenu.

Il est ainsi établi que l’employeur a, le 6 février 2017, déclaré sans réserve que le 4 février 2017, à 6h25, le salarié, alors qu’il travaillait pour le compte de l’employeur, de 5h30 à 13 heures, sur l’aéroport de [Localité 9], a été victime d’un accident à l’occasion du « chargement du camion-en raison du vent, une porte s’est refermée sur l’épaule du chauffeur », les lésions étant situées à l’épaule, l’employeur ayant été avisé de l’accident le jour même, à 12h30, et faisant état de l’existence d’un témoin des faits.

Le certificat médical initial établi le 4 février 2017, par le Docteur [T], fait état de « douleur et impotence épaule droite, douleur costale droite, suite traumatisme » et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 13 février 2017.

Il est également produit les examens médicaux effectués dans les suites de la déclaration d’accident (radiographie de l’épaule, du gril costal droit et pulmonaire, et échographie de l’épaule droite), réalisés dès le 7 février 2017, sur indication de « bilan traumatique, impotence fonctionnelle de l’épaule droite, antécédents de lésion traumatique des les tendons de la coiffe », et l’échographie de l’épaule droite, met en évidence, une « tuméfaction du tendon du long biceps’ surplombée par une tuméfaction des parties molles avec une sensibilité élective à la pression de la sonde. Contusion post-traumatique probable’ ».

Enfin, le salarié produit sous sa pièce numéro 15, des bulletins météorologiques, et articles de presse, qui établissent que le 4 février, vers cinq heures, le sud-ouest en général, et la Gironde en particulier, ont été balayés par une tempête exceptionnelle, justifiant que Météo-France place les départements concernés en « vigilance rouge », s’agissant du niveau d’alerte maximal, de cinq heures à 13 heures, pour des vents pouvant atteindre 160 km/h par endroit .

Ainsi, il est établi que l’employeur- informé de l’accident le jour même-, a procédé à une déclaration d’accident sans réserve, par laquelle il cite lui-même -nonobstant le fait qu’elle n’ait pas été entendue-une personne témoin des faits, fait état de lésions médicalement constatées le jour même, et confirmées médicalement trois jours plus tard, par échographie, ainsi que des circonstances météorologiques de grand vent, confirmées par les bulletins météorologiques produits au dossier.

Ces éléments constituent un faisceau d’indices graves, précis et concordants,

venant confirmer les déclarations du salarié, selon lesquelles, au temps et au lieu de son travail, la porte du camion à charger s’est refermée sur lui, lui causant des lésions.

L’accident du travail est caractérisé, et permet l’application de la présomption d’imputabilité au travail, des lésions apparues à la suite de l’accident du travail.

Il appartient en conséquence à l’employeur, pour prouver contre cette présomption, d’apporter la preuve contraire.

Au cas particulier, cette preuve n’est pas rapportée par les seules allégations de l’employeur, relatives à la préexistence d’un état pathologique antérieur.

Les contestations de l’employeur sont jugées non fondées.

Le premier juge sera confirmé.

III – Sur la contestation de la faute inexcusable de l’employeur

Les parties sont contraires sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.

Le premier juge, pour retenir la faute inexcusable de l’employeur, a jugé que :

– les portes arrière du fourgon n’étaient pas munies d’un arrêtoir,

-si cette pièce avait pour objet d’empêcher que les portes ne cognent la carrosserie lors de l’ouverture, il allait de soi qu’elle avait également pour objet d’empêcher une fermeture intempestive, et qu’il s’agissait en conséquence d’un élément indispensable pour assurer la sécurité des salariés,

– l’employeur, à l’origine de la dépose de cette pièce, savait qu’elle faisait défaut, et ne justifiait d’aucune action pour faire effectuer les réparations nécessaires et prévenir tout accident alors que celui-ci était prévisible, indépendamment de conditions météorologiques exceptionnelles.

L’employeur, pour contester le jugement déféré, fait valoir en substance que :

– l’élément manquant sur la porte du fourgon, n’a pour fonction que de « limiter l’ouverture de la porte et éviter qu’elle ne s’ouvre intégralement sur le côté de la carrosserie »,

-c’est donc à tort, qu’il a été jugé qu’il avait pour fonction « d’empêcher la fermeture de la porte »,

– d’ailleurs, il ne s’agit pas « d’arrêtoir », mais de « limiteur de porte arrière »,

– pour lever toute ambiguïté, il a fait réaliser un constat d’huissier, sur un véhicule identique, faute de détenir le véhicule utilisé lors de l’accident,

– ainsi la présence de cette pièce n’aurait pas empêché la porte du camion de se rabattre,

– le premier juge, a méconnu les caractéristiques techniques du véhicule,

-le fait que la porte du camion se soit rabattue violemment, par l’effet supposé d’une rafale de vent, était totalement imprévisible pour l’employeur, et ce d’autant qu’un tel risque n’a jamais été évalué, et ne figure pas dans le document unique d’évaluation, aucune difficulté ayant été révélée à ce titre,

– contrairement à ce que soutenu par le salarié, le véhicule était régulièrement entretenu, ainsi qu’en attestent les factures d’entretien depuis son achat neuf et sa mise en circulation le 19 janvier 2015 pour une somme de plus de 5500 €, alors que le coût de la pièce avoisine les 35 €.

Le salarié, pour solliciter la confirmation du jugement déféré, expose que les arêtoirs de porte permettent d’éviter que les portes ne se referment sans l’intervention de l’utilisateur du fourgon, et que la porte arrière droite qu’il avait ouverte à 180°, de façon perpendiculaire au fourgon, dans l’attente d’ouvrir l’autre porte de la même manière, s’est rabattue sur lui, car l’employeur avait coupé l’arrêtoir.

Sur ce,

En matière de sécurité, l’employeur est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et les maladies professionnelles.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L 452 -1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie survenus au salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

La faute de la victime n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité, sauf si elle est la cause exclusive de l’accident du travail.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime.

En conséquence, le salarié doit à ce sujet, faire la démonstration comme imputables à son employeur, de la conscience du danger, et du défaut de mesures appropriées.

Cependant, lorsque la faute est susceptible de relever d’un manquement de l’employeur aux règles de sécurité, le juge doit examiner l’ensemble des pièces produites par les parties.

Au cas particulier, il n’est pas contesté, l’employeur ne démontrant aucune réparation à ce titre, que le dispositif d’origine dont disposaient les portes arrière du véhicule utilisé par le salarié, le jour de l’accident, avait été déposé par l’employeur, car il ne fonctionnait plus, ainsi qu’en atteste dans les formes légales, un ancien salarié de la société employeur, en la personne de M. [E], en ces termes :

« J’ai été employé par la société [7] du 4 octobre 2015 au 31 décembre 2016. J’ai vu M. [B] [M] couper l’arrêtier de la porte arrière droite du fourgon « Ford transit » immatriculé [Immatriculation 8]. Ne fonctionnant plus, M. [B] a préféré le couper plutôt que de le faire réparer. Auparavant il a essayé de le démonter mais il n’y est pas arrivé. Il est à noter que l’arrêtier de la porte arrière gauche du même fourgon avait été démonté préalablement’ ».

La question qui oppose les parties, est de savoir si la présence de cette pièce manquante, aurait eu pour effet d’empêcher, le jour du sinistre, la porte du fourgon de se refermer, et d’éviter ainsi l’accident.

Les seules affirmations du salarié, sur le fait que cette pièce permet d’éviter que les portes ne se referment sans l’intervention de l’utilisateur du fourgon, ne sont corroborées par aucun élément objectif du dossier, et si, dans les explications qu’il produit sous sa pièce numéro 16, le salarié soutient que plusieurs concessionnaires lui auraient téléphoniquement indiqué que la pièce manquante servait à arrêter la porte dans les deux sens, et non pas juste à restreindre l’ouverture complète, ces éléments sont insuffisants à en justifier.

Le premier juge n’a pas trouvé d’autres justificatifs à cet égard, estimant que cette fonction « allait de soi ».

L’employeur reconnaît que la fonction de la pièce manquante, permet de bloquer la porte, lorsque celle-ci est ouverte à 90°.

En revanche, il soutient qu’en cas de l’ouverture de la porte à 180°, comme au cas particulier, la pièce manquante n’a pour effet que d’empêcher la porte de s’ouvrir davantage, mais nullement d’empêcher la porte de se refermer.

Le constat d’huissier qu’il a fait réaliser, sur un véhicule de même type que celui utilisé par le salarié lors du sinistre, et qu’il produit en cause d’appel, confirme sa position.

Or au cas particulier, ainsi que l’expose le salarié lui-même dans ses conclusions, en page 11, le salarié a « ouvert la porte arrière droit du fourgon et l’a mise perpendiculaire au fourgon », c’est-à-dire l’a positionnée selon un angle de 180°.

Il s’en déduit qu’en de pareilles circonstances, la présence de la pièce manquante, n’aurait pas empêché la porte de se refermer sous l’effet du vent.

Ces éléments, et le caractère variable du blocage de la porte, selon son degré d’ouverture, s’ils établissent que la pièce manquante possède incontestablement une utilité pratique, ne permettent pas de considérer qu’il s’agit d’un élément nécessaire à assurer la sécurité du salarié.

En conséquence, le défaut d’entretien du véhicule imputable à l’employeur, consistant à ne pas avoir fait remplacer la pièce manquante, ne constitue pas un manquement à son obligation de sécurité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il ne peut pas être retenu que la connaissance par l’employeur, de l’absence de la pièce manquante, lui conférait ou aurait dû lui conférer la conscience d’un risque encouru par le salarié, de subir une blessure du fait de la fermeture intempestive et violente d’une porte arrière du véhicule, alors même que la présence de cette pièce n’était pas de nature à empêcher la fermeture de la porte ouverte à 180°, qu’un tel risque ne figure pas au document unique d’évaluation (l’employeur n’étant pas contredit lorsqu’il soutient qu’un tel risque n’a jamais été objectivé),et que sa survenance trouve sa cause dans le caractère exceptionnel, extérieur à l’employeur et imprévisible, d’une tempête.

En conséquence, il ne peut pas être retenu que l’employeur se serait abstenu de prendre les mesures nécessaires pour préserver le salarié d’un risque connu ou qui aurait dû l’être.

La faute inexcusable n’est pas caractérisée.

Le premier juge sera infirmé.

IV/sur les frais irrépétibles et les dépens

La situation respective des parties, justifie qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs, chacune des parties supportera les dépens par elle exposés tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition,

Confirme le jugement du Pôle social du Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan en date du 28 mai 2021, mais seulement en ce qu’il a débouté l’EURL [7] de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision administrative du 14 février 2017, par laquelle la caisse primaire d’assurance maladie des Landes a pris en charge l’accident survenu le 4 février 2017, à M. [O] [W], au titre de la législation sur les risques professionnels,

L’infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [W] de l’intégralité de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne chacune des parties, à supporter les dépens par elle exposés, tant en première instance qu’en appel.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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