Your cart is currently empty!
PS/DD
Numéro 23/2552
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/07/2023
Dossier : N° RG 21/00890 – N°Portalis DBVV-V-B7F-HZ5B
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur
Affaire :
[F] [J]
C/
S.A.S. [5], CPAM DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 23 Février 2023, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [F] [J]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Maître DARSAUT-DARROZE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMÉES :
S.A.S. [5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître MAYETON de la SELARL AVOXA NANTES, avocat au barreau de NANTES
CPAM DES LANDES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 17 FEVRIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/665
FAITS ET PROCEDURE
M. [F] [J] a été engagé le 1er septembre 2009 en qualité de technico-commercial par la société [8] qui a été reprise en 2011 par la Sas [5] à laquelle son contrat de travail a été transféré.
Le 28 avril 2015, la société [5] a adressé à la CPAM des Landes une déclaration d’accident du travail survenu le 17 mars 2015 à M. [J] accompagnée d’un certificat médical pour « burn out ».
Par jugement du 27 février 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes a dit que l’accident du 17 mars 2015 ci-dessus doit être qualifié d’accident du travail et pris en charge au titre de la législation professionnelle et déclaré le jugement inopposable à la société [5].
M. [J] a été déclaré guéri le 1er août 2015. Suivant certificat médical du 2 mai 2018, il a déclaré une rechute que, suivant courrier du 5 mars 2019, la CPAM des Landes a pris en charge la considérant en lien avec l’accident du travail. Par jugement du 12 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [J] imputable à l’accident du travail à 43 %.
M. [J] a été licencié le 8 octobre 2015 pour insuffisance professionnelle. Par arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Pau a notamment infirmé un jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan du 29 novembre 2017, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société [5] à verser à M. [J] les sommes de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Après une tentative de conciliation infructueuse, le 6 décembre 2019, M. [J] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de l’accident de travail du 17 mars 2015 et d’indemnisation.
Par jugement du 17 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
– débouté M. [J] de toutes ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [J] à supporter la charge des entiers dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Ce jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le courrier de notification adressé à M. [J] a été retourné à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé »
Il en a interjeté appel par courrier recommandé expédié au greffe de la cour le 13 mars 2021.
Selon avis de convocation du 23 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience du 23 février 2023, laquelle elles ont chacune comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions adressées au greffe par RPVA le 30 décembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [J], appelant, demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré,
– dire et juger qu’il a été victime d’une faute inexcusable de la part de son employeur,
En conséquence,
– porter sa rente à son taux maximum,
– ordonner une expertise médicale à même d’évaluer l’ensemble de son préjudice au sens de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale,
– lui allouer une provision de 2.000 € à valoir sur l’indemnisation de l’ensemble de son préjudice, et dire que la CPAM en fera l’avance,
– condamner la société [5] à lui verser une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire ce que de droit quant aux dépens.
Selon ses conclusions adressées au greffe par RPVA le 10 février 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [5], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
En conséquence,
– débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son égard,
– débouter la CPAM des Landes de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son égard,
En toutes hypothèses,
– condamner M. [J] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Selon ses dernières conclusions adressées au greffe par RPVA le 14 février 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM des Landes, intimée, demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel,
– constater qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour sur la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur,
En cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur :
– préciser le quantum de la majoration de l’indemnité en capital ou de la majoration de la rente à allouer à M. [J]
– constater qu’elle ne s’oppose pas à la mesure d’expertise sollicitée,
– limiter le montant des sommes allouées à M. [J] en réparation des préjudices :
. aux chefs de préjudices énumérés à l’article L.452-3 (1er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte de chance ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
. ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement,
– conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse assurant l’avance des sommes ainsi allouées, voir condamner l’employeur, la société [5] à lui rembourser :
. la majoration de l’indemnité en capital ou le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu’il sera calculé et notifié par la caisse,
. les sommes dont elle aura l’obligation de faire l’avance,
. les frais d’expertise,
. les intérêts légaux,
– condamner la société [5] à lui communiquer les coordonnées de son assurance sous astreinte de 50 € par jour de retard, et ce, à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir.
SUR QUOI LA COUR
Sur la présomption d’une faute inexcusable de l’employeur
M. [J] soutient que le risque qui s’est matérialisé a fait l’objet d’un signalement auprès de la société, invoquant à ce titre des procès-verbaux du CHSCT du 9 décembre 2014 et du 24 novembre 2015, ainsi qu’un arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 2021 dont il déduit qu’il n’est pas nécessaire que le signalement concerne un salarié particulier.
La société [5] conteste que les procès-verbaux du CHSCT s’analysent en un signalement d’un risque.
Sur ce,
En application de l’article L.4131-4 du travail dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.
Ces dispositions viennent après celles des articles L.4131-1 et L.4131-2 du code du travail qui disposent :
– L.4131-1 du code du travail : Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
– L.4131-2 du code du travail : Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l’article L.4132-2.
Il n’est pas exigé que le risque porté à la connaissance de l’employeur présente le caractère d’un danger grave et imminent mais doivent être caractérisés le signalement d’un risque particulier et l’existence d’un lien entre le risque signalé et celui qui s’est matérialisé.
Contrairement à ce qui est prétendu par M. [J], l’arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 2021 n° 20-11904 n’est d’aucun intérêt dans le présent litige, s’agissant d’un arrêt de rejet du pourvoi formé contre un arrêt confirmatif d’une cour d’appel ayant débouté un salarié d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance d’un accident du travail.
Au point n° 10 du procès-verbal du CHSCT du 9 décembre 2014 intitulé « retour sur les risques psycho-sociaux » produit par M. [J], il est indiqué : « Nous avons évoqué les RPS avec Mme [T] [V] [R]. Les changements d’organisation et/ou de poste entraînent une perte de repère importante voire un sentiment de non reconnaissance du travail effectué jusqu’alors. Les transitions sont difficiles à vivre pour les salariés. C’est pourquoi il est important de communiquer avant (bien anticiper), pendant et après tout changement. De plus un accompagnement de chaque personne devrait être fait par la hiérarchie. Ceci permet de lever les doutes, les points de friction ou de blocage que peut rencontrer chaque salarié dans ses nouvelles fonctions. A ce jour, nous n’avons pas eu de retour sur les résultats du baromètre social effectué en 2014 ». Il n’y a pas là de signalement d’un risque concernant M. [J] qui n’allègue ni ne caractérise avoir fait l’objet d’un changement d’organisation de son service, s’agissant du service commercial, ou de poste. De même, outre que le procès-verbal du 24 novembre 2015 du CHSCT est postérieur à l’accident et ne peut donc être pris en compte, il y est fait des observations relativement aux conditions de travail des salariés du service client dont M. [J] ne faisait pas partie.
Il résulte de ces éléments que les conditions de la présomption ne sont pas réunies. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la faute inexcusable prouvée
M. [J] fait valoir qu’il avait des conditions de travail dégradées, ainsi qu’il a été définitivement jugé le 27 février 2018, que la société [5] a mis en oeuvre un management hostile, strict et implacable, exigeant sans cesse de lui une amélioration de ses résultats, soufflant en permanence le chaud et le froid et systématiquement enclin à lui faire entendre que ses jours étaient comptés au sein de l’entreprise. Il y a un manquement délibéré à l’obligation de sécurité de l’employeur.
La société [5] objecte qu’elle ne pouvait avoir conscience d’un risque alors qu’elle n’a reçu aucune alerte de la part de M. [J], conteste l’existence tant de conditions de travail dégradées que d’un management hostile et objecte que le supérieur de M. [J] a répondu favorablement dès le 16 mars 2015 à sa demande d’entretien du 15 mars 2015.
Sur ce,
En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité et de protection de la santé. Le manquement à cette obligation légale constitue une faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire.
La faute de la victime n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité, sauf si elle est la cause exclusive de l’accident du travail.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime.
En application de l’article 480 du code civil, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Il en résulte que le jugement du 27 février 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes n’a pas autorité de jugée relativement à la reconnaissance de conditions de travail dégradées de travail de M. [J]. Ce dernier produit :
– un mail qu’il a adressé le 12 mars 2015 à 18 h 38 à M. [M] [E], son N +2, ainsi rédigé : « Pour faire suite aux informations dont je suis détenteur depuis ce matin par l’intermédiaire de [G] au sujet de mes états de service au sein de l’entreprise, je te demande de bien vouloir me fixer un rendez-vous dans les meilleurs délais afin d’en discuter. Je ne te cache pas que dans cette période de reconquête de nos clients et de nouvelles ouvertures de comptes, cette situation a un effet dévastateur sur mon moral. Je te remercie par avance. Cordialement » ;
– un mail reçu en réponse de M. [M] [E] le 15 mars 2015 à 23 h 06, ainsi rédigé « Nous étions sur le salon Orcab jusqu’à tard vendredi soir. Je suis très surpris par les propos de ton mail, tu as fait une belle remontée en chiffre d’affaire, avec l’ouverture de nouveaux comptes clients et nous avons ensemble une journée prometteuse de programmée à [Localité 10] avec 3 prospects. Je te propose de t’appeler demain, vers 17 h pour en parler de vive voix. »
– un long mail adressé le 15 mars 2015 à 21 h 05 à Mme [T] [V]-[R], consultante et thérapeute notamment en entreprise et auprès de la société [5], par lequel il fait état de sa souffrance au travail depuis le remplacement de son N + 1 parti de l’entreprise en septembre 2014 par M. [G] [X] en invoquant les éléments suivants :
. le remplacement de la marque [8] par la marque [11] sans préparation en amont, générant des fabrications non conformes, des délais de livraison extrêmement longs et un service après-vente débordé, et, par suite, l’insatisfaction des clients et des doléances et commentaires très virulents de ceux-ci ;
. un appel téléphonique reçu le le 6 janvier 2015 d’un collègue, M. [K] [Z], par lequel il l’a informé que son N + 1, M. [G] [X], s’était répandu négativement auprès de lui sur ses « états de service » et ses chiffres d’affaires, alors que ce même [G] [X] l’avait contacté quelques minutes auparavant sans lui faire aucun reproche concernant son travail ;
. une journée de travail à [Localité 9] le 5 février 2015 avec son N + 1, M. [G] [X], et un collègue, M. [K] [Z], sans contenu concret ;
. une discussion avec son N + 1, M. [G] [X], le 12 mars 2015, à l’occasion d’une « tournée duo » organisée les 12 et 13 mars 2015, qu’il relate en ces termes : « Les premières questions ont commencé rapidement, mon âge, ma situation familiale, les métiers que j’aurais aimé faire si je n’avais pas été commercial… ma projection dans l’avenir… J’ai bien évidemment immédiatement compris la tournure que prenait cet entretien. J’ai laissé poursuivre M. [G] B. qui n’a pas tardé à lâcher : “si la tendance ne s’inverse pas d’ici le mois de juillet il faudra en tirer toutes les conséquences” puis il a cru bon de rajouter “pour [H] (un commercial de l’entreprise) il est à ‘ 40 % et sa cause est quasiment entendue” (pour une meilleure compréhension je suis actuellement à ‘ 7 % pour une baisse globale de l’entreprise de ‘ 8 % dans un marché national qui est en recul de 12 % … ces chiffres sont d’ailleurs confirmés par M. [G] B.) »
Il poursuit que ce qu’il a analysé comme une remise en cause de sa présence dans l’entreprise lui a été insupportable et incompréhensible compte tenu de sa présence assidue sur le terrain et de perspectives prometteuses compte tenu de l’ouverture récente de 15 comptes clients obtenue grâce à l’envoi par la direction par courrier du catalogue de l’entreprise à 1.500 prospects de son secteur et à sa prospection personnelle, et qu’il ignore si cette remise en cause est le fait de M. [G] [X] seul ou est réalisée en accord avec la direction.
Il conclut ce mail ainsi « Je sais, Madame, que vous êtes soumise au secret professionnel et que ce mail ne peut être lu que par vous ».
– un mail qu’il a adressé le 22 septembre 2015 au CHSCT par lequel il relate que son employeur lui a reproché son silence à l’égard de l’entreprise durant son arrêt de travail du 17 mars au 2 septembre 2015, lui a proposé une rupture conventionnelle qu’il a refusée, puis l’a convoqué à un entretien préalable à un licenciement qu’il vit comme une injustice « Mon implication dans mon travail m’a amené à en tomber malade (burn out) et pour toute récompense l’entreprise que j’ai servie loyalement pendant plus de 6 ans me remercie en me licenciant pour des motifs qui sont pour moi totalement inconnus ! » ;
– un certificat du docteur [O], psychiatre, du 5 novembre 2015 d’où il résulte que M. [J] a été hospitalisé du 23 mars au 23 avril 2015 pour un épisode dépressif majeur, d’intensité sévère, d’évolution longue et jugé comme réactionnel à des psychotraumatismes professionnels successifs depuis environ 1 an ¿ sans antécédent psychiatrique ni de trouble de la personnalité mis en évidence par ailleurs, et que son état psychologique s’est de nouveau dégradé dans les suites de la procédure de licenciement ;
– le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes du 27 février 2018 dans les motifs desquels il est indiqué que suivant un témoignage de M. [D] [A], lors d’une visite de clientèle le 17 mars 2015 au matin, M. [J] a consulté sa messagerie professionnelle et s’est effondré en larmes après la lecture d’un message de M. [G] [X], son N + 1, relativement au contrôle de son activité, et faisant suite à un autre message reçu quelques semaines plus tôt de M. [G] [X] lui demandant de contacter ses clients en reprenant mot pour mot une argumentation commerciale ;
M. [J] ne produit ni le témoignage de M. [A], ni les messages reçus de M. [G] [X].
L’employeur produit pour sa part :
– la déclaration d’accident du travail en date du 28 avril 2015 dans laquelle il est indiqué, s’agissant des circonstances de l’accident : « Nous venons de recevoir des arrêts de travail pour “accident du travail ‘ maladie professionnelle” qui se substituent à des arrêts maladie, et ce par conséquent depuis le 17 mars 2015. Cela explique qu’avant ce jour, nous n’avons pas pu faire de déclaration d’AT n’ayant eu aucune information à ce sujet. Bien évidemment, nous émettons toute réserve sur la qualification donnée à ces arrêts de travail n’ayant ni témoin ni déclarations à ce titre. Nous ne connaissons d’ailleurs pas les conséquences ni l’heure de ce prétendu accident. »
– le certificat médical initial établi le 17 mars 2015, faisant état d’un « burn out nécessitant une mise au repos immédiate ‘ traitement et surveillance » ;
– le procès-verbal d’audition le 26 mai 2015 de M. [M] [E], N+2 de M. [J], dans le cadre de l’enquête menée par la CPAM de Landes suite à la déclaration d’accident du travail : « M. [J] est responsable commercial sur 7 départements (Sud Ouest), et dépend d’un chef des ventes M. [X] [G] depuis octobre 2014 (M. [X] est basé dans le département 42). Je suis le responsable hiérarchique de M. [X], manager expérimenté partant à la retraite fin juillet 2015. Depuis octobre 2014, rien de particulier à signaler : M. [J] a un chiffre d’affaires constant (ce qui est normal en regard au marché actuel). Début 2015 a été entamée une action d’envoi de documentation de prospection à l’initiative de P. [X] à laquelle M. [J] a complètement souscrit. Un point hebdomadaire était fait entre les 2 hommes et ils se rencontraient environ 1 fois par mois. Les 12 et 13 mars 2015, ils ont passé 2 jours ensemble pour aller voir des clients et des prospects (= clients potentiels). Dans les 2 jours d’échanges, M. [X] a rappelé à M.. [J] les règles de base d’un commercial. M. [J] a eu du mal à les accepter. Je l’ai appelé le 16/03 (suite à son mail du 12/03) pour comprendre les tensions qu’il y avait pu y avoir entre les 2 hommes. M. [J] contestait la légitimité de M. [X] en tant que chef des ventes, et pour apaiser les tensions je lui ai proposé de passer 2 jours avec lui, pour lui expliquer les règles de base. Je lui ai proposé de remplacer M. [X] sur les 2 jours prévus en avril, ce qui lui a parfaitement convenu. C’est le dernier échange oral que j’ai eu avec M. [J]… » ;
– un mail adressé le 7 novembre 2014 par M. [G] [X], N + 1 de M. [J], à ce dernier, par lequel il le félicite de la progression de son chiffre d’affaires en ces termes « Bravo, pour les deux premiers mois de l’exercice, respectivement + 37 % et + 60 %, dans ce marché difficile, c’est une performance et c’est très encourageant pour l’avenir. »
– un mail adressé le 17 mars 2015 par M. [G] [X], N+ 1 de M. [J], à ce dernier, repris, s’agissant de sa première phrase, dans les motifs du jugement du 27 février 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, de sorte qu’il est identifiable comme étant le message suite auquel M. [J] s’est effondré, ainsi rédigé : « [F], merci de m’adresser ton programme de la semaine avec les noms et typologies clients, prospects, ou prévision de visite sans RDV, et journée de bureau. Pour les rapports de cette semaine en duo, je les fais et te les passe aujourd’hui. Est-ce que tu veux une conf pour l’amélioration de la remise chez Garonne alu et as-tu confirmation de disponibilité pour stand foire de [Localité 6] ‘ » ;
– le contrat de travail de M. [J] ; à l’article 12, « obligations en cours de contrat », il est stipulé que « il [M. [J]] devra adresser à la Direction un rapport tous les huit jours indiquant les clients visités et contenant tous les renseignements pouvant être utilisés par le service commercial à propos des réactions de la clientèle, des efforts de la concurrence… ».
Au vu de ces éléments, il ne peut être retenu comme établi qu’une faute inexcusable de l’employeur est en lien avec l’accident alors que :
– la remise en cause par l’employeur alléguée par M. [J] de ses résultats et de sa présence dans l’entreprise n’est étayée que par ses déclarations, étant en outre observé que celles-ci ne permettent pas d’exclure une interprétation de sa part des propos de M. [G] [X], son N + 1, s’agissant à tout le moins de la remise en cause de sa présence dans l’entreprise ;
– il était contractuellement convenu que M. [J] devait rendre compte de son activité, ce qui est d’usage, s’agissant d’un commercial, et il n’est pas caractérisé que la demande faite à ce titre par son N + 1, M. [G] [X], par mail du 17 mars 2015, était anormale, que ce soit s’agissant de son contenu ou de sa formulation ;
– en réponse à la demande d’entretien faite le soir du jeudi 12 mars 2015 par M. [J] à son N + 2, M. [M] [E], ce dernier a, par mail du dimanche 15 mars 2015, expliqué le temps mis à lui répondre tenant à sa présence sur un salon, manifesté sa surprise s’agissant de la mise en cause des résultats de M. [J] par son N + 1, et lui a proposé un entretien téléphonique le lundi 16 mars 2015 ; l’échange de mails n’ayant pas eu de suite, il est à considérer que cet entretien téléphonique a bien eu lieu et que la demande d’entretien de M. [J] n’a donc pas été laissée sans suite par l’employeur ;
– l’employeur n’a pas été destinataire du mail adressé par M. [J] à Mme [T] [V]-[R] le 15 mars 2015 et ne pouvait donc y apporter une suite.
En conséquence, le jugement doit être également confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
L’équité commande de rejeter les demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile à la cause. M. [J] sera condamné aux dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social de [Localité 7] le 17 février 2021,
Y ajoutant :
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne M. [F] [J] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,