Tentative de conciliation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/03572

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Tentative de conciliation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/03572
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 02 MARS 2023

N° RG 22/03572 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZZU

[R] [D]

c/

[O] [M]

[Z] [B]-[M]

Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le : 02 MARS 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 08 juin 2022 par le Tribunal judiciaire d’ANGOULEME (RG : 22/00038) suivant déclaration d’appel du 22 juillet 2022

APPELANT :

[R] [D], carrossier exerçant en tant qu’entrepreneur individuel

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de la CHARENTE

INTIMÉS :

[O] [M]

né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 7] (79)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Martine LEGALL-TEXIER

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 8] (Algérie française)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Jacques VINCENS de la SELARL ME JACQUES VINCENS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

Greffier lors du prononcé : Séléna BONNET

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Affirmant subir des nuisances sonores et olfactives du fait de l’activité de carrosserie de M. [R] [D], leur voisin locataire entrepreneur, M. [O] [M] et Mme [Z] [B] épouse [M], propriétaires d’un immeuble situé [Adresse 5] ont, par acte d’huissier du 31 janvier 2022, assigné celui-ci en référé devant le tribunal judiciaire d’Angoulême, aux fins de le voir condamner à effectuer des travaux conformes à la réglementation et nécessaires pour mettre fin aux nuisances causées par son entreprise de carrosserie et à produire, sous astreinte, un rapport de vérification de la conformité de l’installation.

Par ordonnance contradictoire du 8 juin 2022, le juge des référés a :

– dit que les époux [M] n’établissent pas des nuisances sonores caractérisant un trouble manifestement illicite mais établissent des nuisances olfactives caractérisant un tel trouble,

– débouté les époux [M] de leur demande tendant à la condamnation de M. [D] à effectuer des travaux,

– enjoint M. [D] de produire, dans le délai de 3 mois suivant notification de l’ordonnance, un rapport de vérification de l’état de conformité légale (législative et réglementaire) de son installation (activité de carrossier) émanant de l’APAVE ou de tout autre organisme ayant reçu l’accréditation COFRAC pour ce faire et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard entre l’expiration du délai de 3 mois suivant notification de l’ordonnance et l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la notification,

– condamné M. [D] à payer aux époux [M] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [D] aux dépens,

– rappelé que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 juillet 2022, M. [D] a relevé appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a :

– débouté les époux [M] de leur demande de radiation du rôle de la cour d’appel de l’affaire enregistrée sous le numéro RG 22/03572,

– débouté les époux [M] et M. [D] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Par conclusions déposées le 2 janvier 2023, M. [D] demande à la cour de :

– réformer l’ordonnance rendue le 8 juin 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angoulême en ce qu’elle a :

* dit que les époux [M] n’établissent pas des nuisances sonores caractérisant un trouble manifestement illicite mais établissent des nuisances olfactives caractérisant un tel trouble,

* enjoint à M. [D] de produire, dans le délai de 3 mois suivant notification de la présente ordonnance, un rapport de vérification de l’état de conformité légale (législative et réglementaire) de son installation (activité de carrossier) émanant de l’APAVE ou de tout autre organisme ayant reçu l’accréditation COFRAC pour ce faire, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard entre l’expiration du délai de 3 mois suivant notification de l’ordonnance et l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la notification,

* condamné M. [D] à payer aux époux [M] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [D] aux dépens.

Statuant à nouveau,

– débouter les époux [M] de l’ensemble de leurs prétentions,

– condamner solidairement les époux [M] à régler à M. [D] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les époux [M] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 28 novembre 2022, les époux [M] demandent à la cour de :

– juger recevable et bien fondée la demande présentée par les époux [M],

– confirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire d’Angoulême le 8 juin 2022,

Y ajoutant,

– condamner M. [D] à payer aux époux [M] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Au visa de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a fait l’objet le 2 septembre 2022 d’une ordonnance de fixation à bref délai à l’audience du 19 janvier 2023 avec clôture de la procédure le 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ainsi, l’existence de contestations sérieuses est indifférente pour la mise en oeuvre de ce texte, le trouble manifestement illicite se définissant comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire ; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d’y mettre un terme.

Le caractère illicite doit être évident et peut résulter d’une violation de la loi ou de stipulations contractuelles.

En l’espèce, l’ordonnance n’est critiquée qu’en ce qu’elle a retenu l’existence de nuisances olfactives et condamné M. [D] à produire sous astreinte et dans le délai de 3 mois suivant notification de la décision, un rapport de vérification de l’état de conformité légale (législative et réglementaire) de son installation (activité de carrossier) émanant de l’APAVE ou de tout autre organisme ayant reçu l’accréditation COFRAC pour ce faire.

Au soutien de son appel, M. [D] expose qu’il occupe en qualité de locataire un bien immobilier sis [Adresse 4] dans lequel il exerce depuis 2016, sous le statut d’autoentrepreneur et avec l’autorisation du propriétaire, une petite activité de carrosserie automobile comprenant la tôlerie et la peinture, qui génère un chiffre d’affaires annuel de 20.000 euros environ ; que la partie de l’immeuble dans laquelle il exerce son activité professionnelle se compose d’un atelier et d’une cabine de peinture dont la surface totale est inférieure à 100 m2; que la quantité de peinture utilisée pour son activité de peinture de carrosserie n’excède pas un litre par semaine. Il affirme que compte tenu de la superficie de son atelier et du volume de peinture utilisée, son activité n’est soumise à aucune déclaration ou autorisation préalable, de sorte qu’il ne peut se voir imposer la production d’un rapport tel qu’ordonné par le juge des référés.

Il conteste en outre les nuisances invoquées et soutient que les pièces produites à cet effet par la partie adverse sont dénuées de caractère probant. Il ajoute enfin que sur la base d’éléments identiques, le juge des référés ne pouvait, sans se contredire, retenir l’existence de nuisances olfactives tout en écartant celle des nuisances sonores.

Les époux [M], qui sollicitent la confirmation de l’ordonnance déférée, produisent au soutien du trouble anormal de voisinage allégué, des courriers adressés à la Ville de [Localité 6] et à la DREAL de la Charente, un constat d’échec de tentative de conciliation extra-judiciaire, un rapport d’information de la police municipale de [Localité 6], deux procès-verbaux de constat d’huissier établis par Maître [L], deux attestations et un plan cadastral.

Les courriers adressés à la Ville de [Localité 6] et à la DREAL de la Charente sont dépourvus de force probante en ce qu’ils émanent des requérants eux-mêmes.

Pour les raisons exposés par le premier juge, le constat d’échec de tentative de conciliation ne revêt pas de caractère probatoire, de même que le rapport d’information de l’agent de police judiciaire adjoint de la police municipale qui semble reprendre le contenu des échanges dudit APJ avec le conciliation alors que les échanges entre parties dans le cadre d’une tentative de conciliation doivent restés confidentiels.

En revanche, l’existence de nuisances olfactives caractérisant un trouble manifestement illicite est établie par :

– le constat d’huissier de justice du 15 décembre 2021 qui relate que depuis le jardin des époux [M], à proximité de leur terrasse, sont senties des odeurs fortes de produits de peinture et de solvants chimiques qui sont prenantes (au niveau des sinus) et sont importantes car elles perdurent dans le temps.

– le constat d’huissier de justice du 6 octobre 2022 selon lequel ‘dans le jardin (des époux [M]) et à proximité de leur terrasse (…), je peux sentir des odeurs fortes ressemblant à des produits de peinture, de vernis et de solvants. L’odeur est prenante et donne une sensation de picotement au niveau des sinus. Ces odeurs sont également respirables sur la terrasse des requérants. Je constate que dès que je m’approche du mur séparatif de propriété, les odeurs sont encore plus fortes. Je reste plusieurs minutes à l’extérieur, ces odeurs sont prenantes et perdurent dans le temps’.

– l’attestation de M. [S] [H], datée du 30 mars 2022, maçon ayant effectué des travaux en juillet et septembre 2020 chez les époux [M] et exposant avoir eu à supporter des odeurs très fortes voire insupportables de vernis de peinture sur carrosserie d’automobiles.

– l’attestation émanant de [A] [Y] et [W] [X], voisins des époux [M], indiquant avoir subi à plusieurs reprises des odeurs de vernis de peinture irrespirables,

étant relevé que les témoignages de voisins versés par M. [D], lesquels n’attestent pas de la situation chez les époux [M] mais de la simple absence de nuisance subie par eux-mêmes, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les attestations précitées, lesquelles sont en outre corroborées par les constats d’huissier.

Le trouble manifestement illicite étant caractérisé, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour le faire cesser.

A ce titre, les époux [M] sollicitent la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a enjoint à M. [D] de produire sous astreinte et dans le délai de 3 mois suivant notification de la décision, un rapport de vérification de l’état de conformité légale (législative et réglementaire) de son installation (activité de carrossier) émanant de l’APAVE ou de tout autre organisme ayant reçu l’accréditation COFRAC pour ce faire.

M. [D] fait cependant justement observer que son activité n’étant pas soumise à la réglementation relative aux installations classées, il ne saurait lui être imposé la production du rapport comme celui ordonné par le premier juge.

Il résulte en effet du décret n°2006-678 du 8 juin 2006 modifiant la nomenclature des installations classées et fixant les catégories d’installations classées soumises à des contrôles périodiques que la rubrique 2930 soumet à autorisation les ateliers de réparation et d’entretien de véhicules lorsque la surface de l’atelier est supérieure à 5000 mètres carrés ou à déclaration lorsque ladite surface est supérieure à 2000 mètres carrés tout en restant inférieure ou égale à 5000 mètres carrés. Cette même rubrique 2930 de la nomenclature des installations classées soumet aussi à autorisation l’application du vernis et peinture au sein desdits ateliers lorsque la quantité maximale de produits susceptibles d’être utilisée est supérieure à 100 kilogrammes par jour, le régime de la déclaration s’appliquant lorsque cette quantité est supérieure à 10 kg par jour.

Or, il est constant comme résultant du rapport d’information de la police municipale de [Localité 6] que vérification faite auprès de l’ARS, l’entreprise de M. [D] ne relève pas des installations classées.

En outre, si, suite à la décision attaquée, M. [D] a demandé à l’APAVE de lui établir un devis chiffrant le coût de la prestation telle qu’ordonnée par le juge des référés, il apparaît que l’APAVE lui a répondu qu’elle ne pouvait proposer aucune offre à ce sujet.

La mesure ordonnée par le premier juge n’étant pas de nature à faire cesser le trouble, il convient de la rejeter, aucune autre demande n’étant par ailleurs formée par les époux [M] aux fins de cessation du trouble existant.

L’ordonnance déférée sera par conséquent infirmée en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les époux [M] échouant en leurs prétentions, ils supporteront les dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Aucune considération d’équité, eu égard aux circonstances de la cause et à la situation respective des parties, ne justifie qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Infirme partiellement l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

– enjoint M. [D] de produire, dans le délai de 3 mois suivant notification de l’ordonnance, un rapport de vérification de l’état de conformité légale (législative et réglementaire) de son installation (activité de carrossier) émanant de l’APAVE ou de tout autre organisme ayant reçu l’accréditation COFRAC pour ce faire et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard entre l’expiration du délai de 3 mois suivant notification de l’ordonnance et l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la notification,

– condamné M. [D] à payer aux époux [M] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [D] aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite,

– Déboute les époux [M] de leurs demandes à l’égard de M. [D],

– Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance,

– Condamne in solidum les époux [M] aux dépens de première instance,

– Confirme toutes les autres dispositions du jugement non contraires,

Y ajoutant,

– Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d’appel,

– Condamne in solidum les époux [M] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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