Tentative de conciliation : 2 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04915

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Tentative de conciliation : 2 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04915
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C8

N° RG 21/04915

N° Portalis DBVM-V-B7F-LD7V

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SELARL ALTER AVOCAT

La CPAM DE SAVOIE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 02 JUIN 2023

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d’une décision (N° RG 20/00022)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de CHAMBERY

en date du 25 octobre 2021

suivant déclaration d’appel du 24 novembre 2021

APPELANT :

M. [C] [S]

né le 11 octobre 1960

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 11]

comparant en personne, assisté de Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Raphaelle PISON, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

La SARL [8], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 10]

non comparante, ni représentée

La CPAM de la Savoie, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

Service juridique

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 4]

comparante en la personne de Mme [I] [T], régulièrement munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, président,

Mme Isabelle DEFARGE, conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, conseiller,

DÉBATS :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme Laëtitia CHAUVEAU, juriste assistant, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 02 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la cour.

L’arrêt a été rendu le 02 juin 2023.

Le 04 juin 2018 la SARL [8] à [Localité 10] (73) a déclaré à la [6] (la caisse) l’accident dont son salarié M. [C] [S] né le 11 janvier 1960 a été victime le samedi 02 juin 2018 à 09h00 dans les circonstances ainsi décrites :

‘A [Localité 9] (73) chez Mme [E] [J] M. [S] montait un escalier en bois fixé par le propriétaire pour accéder à une vieille grange ; la 4ème marche a cassé et M. [S] est tombé en arrière (env 80 cm de hauteur) sur le sol. Nature et siège des lésions : douleur au cou, épaules, dos, en attente d’un scanner pour définir les réelles lésions.’

Le certificat médical initial établi le 07 juin 2018 au CHU de [Localité 7] mentionne une contusion médullaire sur traumatisme cervical et une cervicarthrose et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 07 septembre 2018.

Le 03 octobre 2018 après enquête et avis médical la caisse a notifié une décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation du travail.

L’état de santé de M. [S] a été déclaré consolidé le 09 mars 2019 selon certificat médical final établi par le Dr [O] à [Localité 11] mentionnant ‘perte de rotation cervicale, cervicalgies, paresthésies du Mb sup G, déficit partiel MG sup Dt’.

Le 10 mai 2019 il a été déclaré inapte à son poste, avec reclassement possible ‘seulement sur un travail fortement allégé évitant le travail en hauteur, le port de charges lourdes, l’utilisation d’outils vibrants, la conduite d’engins, les postures contraignantes pour le rachis cervical’ et licencié pour ce motif le 27 mai 2019.

Le 06 février 2020 après recours la commission médicale de recours amiable de la caisse a notifié à M. [S] un taux d’incapacité permanente partielle de 40 % dont 5 % pour le taux professionnel à compter du 10 mars 2019 ainsi que l’attribution à ce titre d’une rente d’incapacité.

Après échec de la tentative de conciliation, M. [S] a saisi aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de cet accident le pôle social du tribunal de Chambéry qui par jugement du 25 octobre 2021 :

– l’a débouté de sa demande,

– l’a condamné aux dépens,

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement le 24 novembre 2021 et au terme de ses conclusions communiquées le 7 avril 2022 il demande à la cour :

– de dire que l’accident du travail dont il a été victime le 02 juin 2018 est dû à une faute inexcusable de son employeur,

– de fixer au maximum la majoration de sa rente,

– de condamner la SARL [8] à réparer son entier préjudice,

– d’ordonner à cette fin une expertise médicale afin d’évaluer :

– son préjudice causé par ses souffrances physiques et morales,

– son préjudice esthétique temporaire et permanent,

– son préjudice d’agrément,

– son préjudice subi par la perte de ses possibilités de promotion professionnelle,

– son préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire,

– son préjudice sexuel,

– son préjudice lié au recours à une tierce personne,

– de condamner la SARL [8] à lui verser une provision de 10 000 € à valoir sur ces préjudices,

– de le renvoyer devant l’organisme compétent pour liquider ses droits,

– de condamner la SARL [8] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– d’ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

La SARL [8] n’a pas comparu.

Au terme de ses conclusions déposées le 29 novembre 2022 soutenues oralement à l’audience la [6] demande à la cour :

– de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable,

– dans cette hypothèse :

– d’ordonner une expertise en se limitant aux préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale,

– de rejeter toute autre demande,

– de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à juge sur la majoration de la rente et le montant de la provision,

– de condamner la SARL [8] à lui rembourser toutes les sommes dont elle aura fait l’avance y compris les frais d’expertise.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE

Selon les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsqu’un accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime a droit à une indemnisation complémentaire ; elle reçoit une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du livre IV de ce code.

Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale.

Ce salaire annuel et cette majoration sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.

Indépendamment de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

Dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a par ailleurs déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve qu’elles ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

Enfin par arrêt du 20 janvier 2023 n° 21-23.947 la Cour de cassation a jugé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que dès lors, la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

Il incombe à la victime de démontrer que son employeur avait conscience du danger auquel elle a été exposée et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Sur les circonstances de l’accident M. [S] expose ‘j’avais un travail à faire dans une grange pour remplacer le bois sous la charpente mon collègue de travail est monté avant moi, l’escalier monte suivre et arrivé dernière marche ça casse sour l’escalier n’étant ‘ Je suis tombé j’ai glissé sous l’escalier ma tête arrive sur la pierre.’

Selon les pièces produites, M. [S] a été salarié par la SARL [8] du 1er février 2005 au 7 juillet 2007 en qualité de maçon niveau 3 selon contrat à durée indéterminée ; il a ensuite été embauché à plusieurs reprises par la même société selon contrats à durée déterminée :

– du 26 juin 2014 au 23 décembre 2014,

– du 11 mars 2015 au 18 décembre 2015,

– du 1er mars 2016 au 23 décembre 2016.

Il a ensuite été embauché selon ‘contrat pour la durée d’un chantier’ du 21 mars 2017 au 22 décembre 2017 et le jour de l’accident selon ‘contrat pour la durée d’un chantier’ du 12 mars 2018 sur le chantier SCI [14] à [Localité 13].

L’accident s’est produit selon la déclaration même de l’employeur ‘chez [E] [J] [N] [Localité 5] le 2 juin 2018′, soit un samedi et en un autre lieu que celui mentionné sur le contrat de travail du salarié, de surcroît alors qu’il était affecté à des tâches de démontage de charpente ne relevant pas de sa qualification de maçon.

L’employeur devait donc nécessairement avoir conscience du danger de chute de hauteur auquel son salarié a été exposé à cette occasion.

L’échelle par laquelle il était seulement possible d’accéder à l’étage sur lequel le salarié était censé intervenir pour démonter la charpente, dont il produit la photographie sans être contredit, n’est manifestement pas conforme aux règles de sécurité, s’agissant en réalité non pas d’une échelle mais d’un escalier en bois très ancien.

La faute inexcusable de la SARL [8] est donc démontrée et le jugement sera infirmé.

.La rente servie à M. [S] par la caisse sera majorée à son maximum.

.Une expertise sera ordonnée dans les termes prévus au dispositif.

.M. [S] a souffert des suites directes de l’accident d’une contusion médullaire sur traumatisme cervical . Le compte-rendu d’hospitalisation mentionne : ‘patient en bonne santé habituelle qui chute d’un escalier d’une hauteur de 1,50 m avec un traumatisme crânien léger mais surtout le développement de cervicalgies et fourmillements au bout des doigts sans déficit neurologique ; le scanner cervical ne montre pas de fracture traumatique ; il présente cependant une cervicarthrose importante’.

Il lui sera alloué à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices la somme de 2 000 € qui sera avancée comme les frais de l’expertise par la caisse, qui en récupérera le montant auprès de la SARL [8].

.La SARL [8] devra supporter les dépens de l’entière instance en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et verser à M. [S] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que l’accident du travail dont M. [C] [S] a été victime le samedi 2 juin 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur la SARL [8],

Ordonne la majoration à son maximum de la rente servie à M. [S] par la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie,

Avant-dire-droit sur l’indemnisation des préjudices de M. [S] ordonne une expertise médicale et désigne à cet effet le Dr [Y] [D], [Adresse 1] avec pour mission de :

– prendre connaissance des documents que les parties voudront lui soumettre, convoquer et, avec son assentiment, examiner M. [C] [S] en présence des médecins mandatés par les parties, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur son identité, sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s’il est demandeur d’emploi, son mode de vie antérieur à l’accident et sa situation actuelle ;

– décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins ;

– recueillir les doléances de M. [S], l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

– le cas échéant, décrire les antécédents susceptibles avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

– analyser dans un exposé précis et synthétique :

* la réalité des lésions initiales,

* la réalité de l’état séquellaire,

* l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur ;

– tenir compte de la date de consolidation fixée par l’organisme social ;

– évaluer, sur une échelle de 1 à 7, les éléments de chacun des préjudices visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

* souffrances endurées temporaires;

* souffrances endurées définitives ;

* préjudice esthétique temporaire ;

* préjudice esthétique définitif ;

– évaluer les éléments de chacun des préjudices,non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :

* déficit fonctionnel temporaire, en indiquant les périodes pendant lesquelles la personne examinée a été, antérieurement à la date de consolidation, affectée d’une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d’hospitalisation, et en cas d’incapacité partielle, en précisant le taux et la durée,

*déficit fonctionnel permanent

* assistance par tierce personne avant consolidation, en indiquant le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, en précisant la nature de l’aide prodiguée et sa durée quotidienne,

* frais de logement et/ou de véhicule adaptés, en donnant un avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

* préjudices permanents exceptionnels et préjudice d’établissement, en indiquant si la personne examinée subit, de manière distincte du déficit fonctionnel permanent, des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents et un préjudice d’établissement,

* préjudice sexuel, en indiquant s’il existe ou s’il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),

– préciser si la personne examinée est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;

Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport, et dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;

Dit que l’expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que les frais de l’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie ;

Dit que l’expert déposera son rapport au greffe de la cour d’appel de Grenoble, chambre sociale, dans le délai de six mois à compter de sa saisine ;

Désigne le président ou tout magistrat de la chambre sociale de la cour pour surveiller les opérations d’expertise ;

Condamne la SARL [8] à verser à M. [C] [S] la somme de 2 000 € à titre de provision, qui sera avancée par la caisse ;

Dit que l’affaire sera de nouveau appelée sur la liquidation des préjudices au titre de l’indemnisation complémentaire, après dépôt du rapport, à l’initiative de la partie la plus diligente ;

Condamne la SARL [8] à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie les sommes dont cette dernière aura fait l’avance ;

Condamne la SARL [8] aux dépens de l’entière instance.

Condamne la SARL [8] à payer à M. [C] [S] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, président et par M. OEUVRAY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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