Tentative de conciliation : 2 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/06150

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Tentative de conciliation : 2 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/06150
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N° RG 18/06150 – N° Portalis DBVX-V-B7C-L4WQ

Décision du Tribunal d’Instance de NANTUA

du 12 juillet 2018

RG : 11-17-000529

[S]

C/

[P]

[B]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 02 Février 2023

APPELANT :

M. [I] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CAMACHO de la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau D’AIN

INTIMES :

M. [C] [P]

né le 28 Avril 1962 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3] (SUISSE)

Mme [T] [B] épouse [P]

née le 10 Décembre 1966 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3] (SUISSE)

Représentés par Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON, toque : 539

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 3 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 02 Février 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Les époux [C] [P] et [T] [B] (les époux [P]) ont fait appel à [I] [S], entrepreneur individuel, pour des travaux de terrassement et de carrelage.

Le 8 juillet 2016, ils ont signé un devis pour un montant total de 10.599,66 euros, comprenant 1.643,84 euros pour la fourniture du carrelage.

Une première facture de 3.588,01 euros a été transmise aux clients le 26 août 2016 et réglée le 30 août suivant.

Une seconde facture de 7.411,80 euros a été transmise le 27 octobre 2016, sur laquelle les époux [P] ont versé un acompte de 6.000 euros le 1er novembre 2016.

M. [S] a établi un second devis, rectifiant une erreur de métrage, pour un montant de 14.405,12 euros, incluant une somme de 2000,20 euros pour la fourniture du carrelage.

Les époux [P] ont refusé de signer ce devis et M. [S] a arrêté les travaux et quitté le chantier.

Par courriers datés du 13 avril 2017 et du 9 mai 2017, M. [P] a mis en demeure M. [S] de leur rembourser les acomptes versés.

Par acte d’huissier de justice du 12 septembre 2017, les époux [P] ont fait assigner M. [S] à comparaître devant le tribunal d’instance de Nantua pour, en principal, obtenir la restitution des sommes versées, en faisant valoir que l’entrepreneur a manqué à son obligation de résultat en ne réalisant pas les travaux commandés suivant contrat du 8 juillet 2016,

En l’état de leurs dernières demandes, ils ont réclamé :

– la somme de 9.558,01 euros correspondant aux acomptes versés avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 mai 2017,

– 400 euros en réparation du préjudice moral et de jouissance,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris le coût de la signification de l’assignation.

A titre subsidiaire, ils ont demandé que M. [S] soit condamné à terminer les travaux conformément au devis rectifié par ses soins et à la superficie réelle du balcon du 1er étage sans versement du moindre complément financier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Se fondant sur les articles 1103 et 1231-1 du code civil, ils ont soutenu que M. [S] a commis des erreurs de métrage sur le devis initial qu’ils n’ont pas à supporter. Il connaissait déjà les lieux pour y avoir travaillé et un plan lui a été remis. Il n’a pas réalisé les travaux commandés. Il a quitté le chantier en emportant des carreaux de carrelage déjà payés. Ils ont contesté avoir sollicité l’entrepreneur pour de nouveaux travaux. Ce dernier ne peut se prévaloir de ses propres manquements et erreurs.

Sur leur préjudice, ils font valoir qu’ils ont payé des acomptes pour des travaux non exécutés. Ils ont subi un fort stress et un préjudice de jouissance car ils ont été contraints de vivre au milieu d’un chantier déserté et inachevé. Des façades en bois ont été endommagées à cause de l’absence de pose des gouttières. Ils ne peuvent pas vendre leur bien en raison de l’inachèvement des travaux. M. [S] a récupéré les carreaux déjà payés.

M. [S] a demandé de prendre acte de la tentative de conciliation qu’il a proposée et, à défaut, de dire que le contrat initial a été respecté. Il a conclu au débouté des demandes. Reconventionnellement, il a demandé de dire que le second devis est d’ordre contractuel et condamner les époux [P] à lui payer 4.500 euros.

A titre subsidiaire, il a conclu que la poursuite des travaux soit ordonnée selon le second devis. En tout état de cause, il a réclamé la condamnation des demandeurs à lui payer 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Au visa de l’article 1104 du code civil, il a fait valoir que ses cocontractants lui ont commandé d’autres prestations après le début des travaux notamment l’extension des surfaces à réaliser. Il a alors débuté les nouveaux travaux et a souhaité régulariser la situation par un nouveau devis qui n’a pas été accepté par les clients. Il a soutenu qu’il a correctement exécuté la première tranche du contrat et a ensuite cessé légitimement les travaux supplémentaires du fait du refus de régularisation par les clients de la seconde partie des travaux.

Par jugement du 12 juillet 2018, le tribunal d’instance de Nantua a :

– jugé que M. [S] a manqué à ses obligations contractuelles en ne réalisant pas les travaux commandés suivant devis du 8 juillet 2016,

– condamné M. [S] à payer aux époux [P] la somme de 9.558,01 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017,

– condamné M. [S] à payer aux époux [P] la somme de 400 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle, en ce qu’il n’apporte pas la preuve de la commande de travaux supplémentaires censés justifier le second devis,

– débouté M. [S] de sa demande subsidiaire de reprise de travaux, le devis n’étant pas signé et l’exécution forcée en nature n’étant pas l’option choisie par les clients,

– débouté M. [S] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

– condamné M. [S] à payer 350 euros aux époux [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [S] aux dépens,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

M. [S] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 août 2018.

Par arrêt du 30 juin 2020, la Cour, avant dire droit, a ordonné une mesure d’expertise, confiée à [X] [Z], sursis sur l’intégralité des demandes et réservé les dépens.

L’expert a établi son rapport définitif en date du 15 mars 2021.

En ses dernières conclusions du 28 février 2022, M. [S] demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles 1104 du code civil et suivants :

– dire son appel recevable et fondé,

– réformer le jugement dont appel dans son intégralité,

statuant à nouveau,

– juger que le contrat initial a été respecté par l’appelant,

en conséquence,

– débouter les époux [P] de l’ensemble de leurs demandes,

en tout état de cause,

– condamner les époux [P] à payer à M. [S] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les époux [P] aux entiers dépens de l’instance y compris les frais d’expertise judiciaire.

Par dernières conclusions du 28 février 2022, les époux [P] demandent à la Cour de statuer comme suit, en visant les articles 1231-1 (anciennement 1147) et 1103 (anciennement 1134) du code civil et 515, 696 et 700 du code de procédure civile :

– homologuer le rapport d’expertise du 15 mars 2020,

– confirmer le jugement du tribunal d’instance de Nantua en date du 12 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

– juger que M. [S] a manqué à ses obligations professionnelles en commettant des erreurs de métrage sur le devis initial que les époux [P] n’ont pas à supporter,

– juger que M. [S] a manqué à son obligation de résultat en ne réalisant pas les travaux commandés par les époux [P] suivant contrat en date du 8 juillet 2016,

en conséquence,

– condamner M. [S] à rembourser aux époux [P] la somme de 9.558,01 euros correspondant au montant des acomptes versés par eux, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 mai 2017,

– rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur [S],

– condamner M. [S] à verser au profit des époux [P] la somme de 400 euros en réparation de leur préjudice moral et de jouissance,

– condamner M. [S] à verser aux époux [P] la somme de 350 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,

y ajoutant,

– condamner M. [S] à verser aux époux [P] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner M. [S] aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort des explications des parties que les travaux de carrelage portaient sur deux terrasses et des trottoirs en rez-de-chaussée, ainsi que deux balcons filants et une terrasse à l’étage.

Les opérations d’expertise ont fait apparaître que la maison des époux [P] a été vendue à M. [H] qui a emménagé en janvier 2019. A la suite d’un dégât des eaux, l’ouvrage a été refait en totalité sans modifier les surfaces.

M. [Z] a néanmoins pu mesurer la surface totale des terrasses et trottoirs du rez-de-chaussée pour 56,30 m² et des terrasses et balcons en étage pour 45,40 m², soit un total de 101,70 m².

Pour le rez-de-chaussée, le premier devis mentionne un total de 44,28 m² et le second devis 51,18 m², soit des sous-estimations successives de 21 et 10 %.

Selon M. [S], elles s’expliquent par le fait que les époux [P] lui ont communiqué un plan qui ne comportait pas des ajouts réalisés après l’édification de la maison en 2006. L’expert a toutefois noté que M. [S] ne lui a pas communiqué le plan remis par les maîtres d’ouvrage, de sorte qu’il n’a pas pu le comparer au plan annoté produit par les époux [P].

A tout le moins, comme le relève l’expert, M. [S], qui s’est rendu sur les lieux qu’il connaissait d’ailleurs à raison de précédents travaux, aurait dû se rendre compte de ce que le plan ne comportait pas toutes les terrasses et trottoirs du rez-de-chaussée.

En tout cas, l’expert a estimé que M. [S] n’a pas créé de surfaces de terrasse ou de trottoir en rez-de-chaussée mais a surélevé le niveau des existants par rajout de 10 à 12 cm de béton.

Concernant la terrasse et les balcons en étage, il a mesuré une surface totale de 45,40 m² (45 m² sur le plan), à comparer avec celle de 28,64 m² sur le devis initial et 40,99 m² sur le second devis, soit des sous-estimations successives de 35 et 10 %.

Il ressort de l’expertise que M. [S] a entièrement exécuté les travaux prévus en étage. Pour le rez-de-chaussée, M. [S] a soutenu auprès de l’expert qu’il restait à effectuer 10 m² lorsqu’il a abandonné les travaux, tandis que les époux [P] ont avancé qu’il restait plus de 30 m² inachevés. A l’examen des clichés produits par les époux [P], l’expert a estimé qu’il restait à carreler une surface de l’ordre de 23,30 m². En se livrant à une estimation basée sur la quantité de carrelage acquise, il aboutit à une surface restant à carreler assez voisine, pour 25,30 m².

Il est à noter que les époux [P] n’ont pas prétendu ni justifié avoir fait achever l’ouvrage par une autre entreprise. Ce que corroborent les déclarations de l’acquéreur, M. [H], qui a précisé à l’expert avoir acheté la maison en l’état des travaux inachevés au niveau des terrasses et trottoirs.

Quant aux devis et factures, l’expert a relevé une incohérence dans les pièces respectives des parties. Il reste que leurs positions respectives exprimées durant l’expertise sont les suivantes :

– Pour les époux [P], le devis initial était de 8.955,82 euros augmenté du prix du carrelage, acquis pour 1.643,84 euros ttc auprès de la société Comptoir des Fers, soit un total de 10.599,66 euros ttc.

– Pour M. [S], il faut ajouter à la facture initiale la somme de 840 euros au titre de la différence de surface sur la chappe exécutée en supplément, et il reste dû la somme de 1.041,65 euros comme solde du devis initial (10.599,66 – 9.558,01).

Les termes du jugement font ressortir que les deux parties ont chacune présenté le litige de manière fallacieuse :

D’une part, les époux [P] ont caché au premier juge que le principal des travaux avait été exécuté puisque, si l’on retient une surface inachevée de l’ordre de 24,30 m² (moyenne entre les deux estimations de l’expert à 23,30 et 25,30 m²), le travail était accompli pour 101,40 – 24,30 = 76,10 m², soit approximativement les 3/4 de l’ouvrage. En réalité plus des 3/4 puisque M. [S] avait réalisé la totalité de la chape béton.

D’autre part, M. [S] s’est défendu en prétendant que le nouveau devis correspondait à la prise en compte de travaux supplémentaires demandés par les époux [P], alors qu’il s’agissait en réalité de rattraper son erreur grossière de métrage.

M. [S] persiste à soutenir en appel que les maîtres d’ouvrage lui ont demandé des travaux supplémentaires par extension des surfaces à réaliser mais son devis initial fait ressortir que les différents trottoirs et terrasses étaient bien déjà prévus. A tout le moins, il ne démontre pas la demande de travaux supplémentaires que les époux [P] contestent.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [P], l’expert a considéré avec justesse que les devis, qui indiquent des surfaces et prix unitaires, n’établissent pas un marché à prix forfaitaire global, au sens des articles 1793 et 1794 du code civil. Le second devis correspond à un rattrapage partiel des erreurs de métré.

Si l’on peut comprendre que les époux [P] ont refusé le nouveau devis en considérant que le professionnel devait assumer son erreur, ils ne peuvent pour autant pas ignorer qu’il a exécuté plus des 3/4 de l’ouvrage et n’ont donc pas à réclamer la restitution des sommes versées trouvant leur contrepartie dans le travail déjà réalisé par M. [S]. Leur demande de restitution des fonds est dépourvue de tout fondement et le jugement doit être réformé en ce sens.

De son côté, M. [S] renonce en appel à sa prétention initiale de paiement d’une somme complémentaire de 4.500 euros, également infondée.

Par ailleurs, le préjudice moral allégué par les époux [P] est consécutif à la rupture des relations des parties, figées dans leurs positions intransigeantes et non dénuées de mauvaise foi. Les torts respectifs des parties conduisent à réformer également le jugement en son allocation d’une indemnité de ce chef.

Les époux [P], parties perdantes en principal, supportent les dépens de première instance ainsi que les dépens d’appel, sauf le coût de l’expertise qui sera partagé par moitié compte tenu du fait qu’elle a été rendue nécessaire par les carences respectives des parties, soit 5.451,22 / 2 = 2.725,61 euros.

Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède, les époux [P] doivent conserver la charge des frais irrépétibles qu’ils ont exposés et indemniser M. [S] de ses propres frais à hauteur de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 12 juillet 2018 par le tribunal d’instance de Nantua ;

Statuant à nouveau,

Condamne [C] et [T] [P] à payer à [I] [S] la somme de 2.725,61 euros en remboursement de la moitié du coût de l’expertise judiciaire ;

Condamne [C] et [T] [P] aux dépens de première instance et aux dépens d’appel autres que les frais d’expertise ;

Condamne [C] et [T] [P] à payer à [I] [S] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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