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Arrêt n° 23/00025
19 Janvier 2023
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N° RG 21/01672 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRCU
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Tribunal Judiciaire de Metz – Pôle social
09 Juin 2021
18/1684
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
dix neuf Janvier deux mille vingt trois
APPELANT :
Monsieur [M] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par l’association ADEVAT-AMP, prise en la personne de Mme [E] [O], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial
INTIMÉS :
L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 10]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
substitué par Me HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
[Adresse 3]
[Adresse 9]
[Localité 5]
représentée par Mme [F], munie d’un pouvoir général
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 11]
[Localité 8]
représenté par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 30 juin 1955, Monsieur [M] [G] a été employé par les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), devenues par la suite Charbonnages de France, de 1977 à 1999, en qualité d’ouvrier. Monsieur [G] a été affecté au fond de 1977 à 1998.
Il a bénéficié d’un congé charbonnier fin de carrière du 1er février 1999 au 31 octobre 2002.
Selon formulaire daté du 15 septembre 2016, Monsieur [G] a déclaré à l’assurance maladie des mines- la CANSSM (ci-après la caisse) une maladie professionnelle sous forme d’«atteinte pleurale bénigne, plaques pleurales», attestée par un certificat médical initial établi le 2 juin 2016 par le Docteur [P].
Après instruction, la caisse a, le 6 mars 2017, informé Monsieur [G] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont il est atteint au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, relatif aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante.
Monsieur [G] a introduit devant la caisse, aux fns de conciliation, une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son ancien employeur, par courrier du 13 mars 2017.
Le 4 mai 2017, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente de Monsieur [G] à 5% et lui a attribué une indemnité en capital d’un montant de 1.952,33 euros à compter du 3 juin 2016, soit au lendemain de sa date de sa consolidation.
Le 1er juin 2017, Monsieur [G] a accepté l’offre du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) suivante :
– Préjudice moral : 15.400 euros ;
– Préjudice physique : 200 euros ;
– Préjudice d’agrément : 1.200 euros.
Après échec de la tentative de conciliation introduite le 13 mars 2017, Monsieur [G] a, selon courrier recommandé expédié le 22 octobre 2018, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle aux fins d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable des Charbonnages de France dans la survenance de sa maladie professionnelle.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Moselle, qui agit pour le compte de la CANSSM depuis le ler juillet 2015, a été mise en cause.
Le FIVA est intervenu volontairement à l’instance, ainsi que l’Agent Judiciaire de l’Etat (AJE), qui agit pour le compte des Charbonnages de France dont la clôture de la liquidation est intervenue le 31 décembre 2017 et dont les droits et obligations ont été transférés à l’Etat.
Par jugement du 9 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a:
– déclaré le présent jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM – Assurance Maladie des Mines ;
– déclaré recevable en la forme le recours de Monsieur [M] [G] ;
– déclaré le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits de Monsieur [M] [G], recevable en ses demandes ;
– dit que l’existence d’une faute inexcusable des Houillères du bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, aux droits desquels vient l’Agent Judiciaire de l’Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [M] [G] inscrite au tableau 30B, n’est pas établie;
– débouté Monsieur [M] [G] et le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante de leurs demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de leurs demandes subséquentes ;
– déclaré en conséquence sans objet les demandes de la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM – Assurance Maladie des Mines ;
– débouté Monsieur [M] [G] et le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné in solidum Monsieur [M] [G] et le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante aux entiers frais et dépens de l’instance ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par courrier recommandé expédié le 22 juin 2021, Monsieur [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par LRAR reçue le même jour.
Par conclusions datées du 11 octobre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, Monsieur [G] demande à la cour de :
– infirmer intégralement le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz rendu le 9 juin 2021.
Statuant à nouveau :
– juger que la maladie professionnelle du tableau 30B de Monsieur [M] [G] est due à la faute inexcusable de l’employeur, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat ;
– Par conséquent, ordonner la majoration de la rente ou du capital à son taux maximal ;
– statuer ce que de droit quant aux demandes du FIVA ;
– débouter l’AJE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
– condamner l’AJE à payer à Monsieur [M] [G] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner 1’AJE aux entiers frais et dépens.
Par conclusions datées du 7 juin 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris
et, statuant à nouveau :
– juger recevable la demande formée par monsieur [M] [G], dans le seul but de faire reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur,
– juger recevable la demande du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits de monsieur [G],
– juger que la maladie professionnelle dont est atteint monsieur [G] est la conséquence de la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France prise en la personne de l’Agent Judiciaire de l’Etat,
– fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital prévue à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1 952,33 €,
– juger que la CPAM de la Moselle pour le compte de la CANSSM – Assurance Maladie des Mines, devra verser cette majoration de capital au FIVA en sa qualité de créancier subrogé,
– juger que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de monsieur [G], en cas d’aggravation de son état de santé,
– juger qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.
– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de monsieur [G] comme suit :
:
Préjudice d’agrément 1 200.00 €
Souffrances morales 15 400.00 €
Souffrances physiques 200.00 €
TOTAL 16 800.00 €
– juger que la CPAM de Moselle pour le compte de la CANSSM – Assurance Maladie des Mines, devra verser cette somme de 16 800.00 au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,
– condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au FIVA une somme de 1 500.00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.
Par conclusions datées du 17 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL:
– confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Metz en date du 9 juin 2021 en ce qu’il a considéré que la preuve de l’exposition et d’une faute inexcusable commise par l’exploitant minier, ainsi que des préjudices allégués, n’est pas rapportée.
Par conséquent :
– débouter Monsieur [G], le FIVA et l’Assurance maladie des mines de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant n’étant pas rapportée.
A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue : Sur les souffrances physiques et morales endurées et le préjudice d’agrément
– débouter le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [G] et au titre d’un préjudice d’agrément subi par ce dernier ;
– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes du FIVA au titre des souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [G].
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– déclarer infondée la demande présentée par Monsieur [G] au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– Par conséquent, l’en débouter, ou, tout au moins, réduire toute condamnation prononcée sur ce fondement à la somme de 500 euros ;
– déclarer infondée la demande du FIVA au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– Par conséquent, le débouter purement et simplement de ce chef ;
– dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 17 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société Charbonnages de France (AJE).
Le cas échéant :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par Monsieur [G] [M] et le FIVA.
– En tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1952,33 euros.
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [G] [M].
– constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès Monsieur [G] [M] consécutivement à sa maladie professionnelle.
– donner acte a la caisse qu’elle s’en remet a la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [G] [M].
– Le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30B de Monsieur [G] [M].
– condamner l’Agent judiciaire de l’Etat intervenant pour la compte de la Société CDF à rembourser à la caisse les sommes qu’elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l’indemnité en capital et de l’intégralité des préjudices ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application
des dispositions de l’article l.452-3-1 du Code de la Sécurité Socale
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est
expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE :
Monsieur [G] estime rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur, exposant que l’ensemble des éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunies. Il souligne qu’il en veut pour preuve les témoignages de ses collègues de travail dont il a produit de nouvelles attestations en appel dont celles de Messieurs [B] et [T] sont assorties d’un relevé de leurs périodes d’emplois permettentant d’établir qu’ils ont travaillé dans les mêmes unités d’exploitation que M. [G].
Le FIVA soutient les arguments de M. [G].
L’AJE conteste l’exposition au risque de Monsieur [G] et critique l’imprécision des nouveaux témoignages produits qui ne rapportent pas la preuve de son exposition au risque, ni de la défaillance de l’exploitant minier à mettre en ‘uvre à son égard toutes les mesures de protection collectives et individuelles alors existantes.
La caisse s’en remet à la sagesse de la cour.
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Monsieur [G] (ses pièces n°2) a travaillé exclusivement au fond de la mine entre le 2 mars 1977 et le 30 août 1998 aux Puits Reumaux et Vouters, où il a exercé aux postes suivants :
– apprenti mineur
– conducteur d’engin déblocage taille
– piqueur d’élevage
– boiseur chantiers machine dressant
– abatteur boiseur
– conducteur de machines abattage entretien dressant
– rabasseneur.
Pour établir la faute inexcusable de l’employeur,le salarié doit établir son exposition professionnelle au risque, la conscience qu’avait l’employeur au moment de l’exposition du danger auquel il l’exposait et le fait que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.
Les conditions de travail de M. [G] sont décrites par trois témoins, en la personne de Messieurs [D] [B], [S] [T] et [D] [K] (pièces n°7 à 9 de l’appelant) qui ont complété, en vue de l’instance d’appel, leurs témoignages initiaux par des attestations datées respectivement des 13 juillet 2021, 1er juillet 2021 et 25 octobre 2021.
Or, il apparaît que ces attestations, même reprises et complétées à hauteur de cour, demeurent peu probantes.
Les attestations de Messieurs [B] et [T] apparaissent rédigées en des termes similaires, avec une absence de passages propres suffisamment circonstanciés, ce qui laisse penser que les témoins ont ainsi recopié un modèle préétabli ce qui ne permet pas à la cour d’en apprécier l’authenticité.
Quant à la troisième attestation, émanant de Monsieur [K], elle apparaît rédigée en termes généraux, sans précisions suffisantes sur les postes occupés par le témoin qui l’auraient fait côtoyer Monsieur [G] en qualité de collègue direct.
S’agissant des pièces générales produites par M. [G] ( cf son bordereau de pièces), elles ne
permettent de tirer aucune conclusion sur son cas individuel tant au regard de ses conditions d’exposition que des mesures prises par l’employeur pour préserver sa santé.
La référence à de présentes décisions de justice rendues dans les rapports entre Charbonnages de France et d’autres salariés n’ établit pas davantage que Monsieur [G] a été exposé aux poussières d’amiante dans les conditions constitutives d’une faute inexcusable.
Ainsi, en l’absence d’autres éléments produits de nature à justifier des conditions de travail de Monsieur [G], le jugement entrepris qui l’a débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable des Charbonnages de France auxquels se substitue l’AJE, est confirmé.
La cour dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [G], succombant en son recours, est condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris du 9 juin 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz.
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur [M] [G] aux dépens d’appel.
Le greffier Le Président