Tentative de conciliation : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01290

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Tentative de conciliation : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01290

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 19 JANVIER 2023

N° RG 20/01290 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP55

[T] [Z]

c/

[L] [V]

[O] [E]

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : 19 JANVIER 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de Libourne ( RG : 17/00841) suivant déclaration d’appel du 05 mars 2020

APPELANTE :

[T] [Z]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Jean-jacques ROORYCK de la SELARL AEQUO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[L] [V]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

[O] [E]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Eugénie SIX de la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7]/FRANCE

Représentée par Me Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

En 2004, M. [L] [V] a bénéficié de la pose d’une couronne sur la dent n°36.

Début 2016, souffrant de cette dent n°36, M. [V] a consulté le docteur [C] [A] qui préconisait une ablation de la dent et pratiquait l’avulsion de celle-ci le 1er février 2016.

Devant une recrudescence des douleurs, M. [V] a, le 9 juin 2016, consulté le docteur [T] [Z], associée du docteur [A], qui diagnostiquait une dent fêlée en position n°37, sans procéder à la réalisation d’une radiographie. La dentiste prescrivait du Solupred 20 mg (3 comprimés le matin pendant 5 jours) et du Spifen 400 mg (1 comprimé 3 fois par jour en cas de douleur).

Présentant un gonflement du cou accompagné d’un trismus et d’une accentuation des douleurs de la dent n°37, M. [V] a consulté le 12 juin suivant le docteur [O] [E], médecin généraliste, qui lui a prescrit du Solupred 20 mg (4 comprimés par jour pendant 5 jours), du Birodogyl (un comprimé matin et soir pendant 5 jours), du doliprane et des bains de bouche.

Le 13 juin 2016, M. [V] a consulté son médecin traitant, le docteur [X], qui a arrêté le Solupred et poursuivi le Birodogyl (antibiotique).

Le 14 juin 2016, M. [V] est retourné voir son médecin traitant, qui l’a emmené dans son véhicule au service des urgences du Centre Hospitalier de [Localité 6]. Il était alors relevé une température corporelle à 40,5°, un score Glasgow à 15/15 et un pouls à 133 par minute.

Les suites furent caractérisées par deux interventions chirurgicales (15 et 18 juin 2016), une trachéotomie (23 juin) avec mise en place d’une sonde gastrique pendant 12 jours, une hospitalisation du 14 juin au 6 juillet, des soins locaux poursuivis jusqu’à fermeture de la trachéotomie, une antibiothérapie poursuivie jusqu’au 13 juillet 2016. Le compte rendu d’hospitalisation indiquait que ‘le tableau est évocateur d’une angine de Ludwig, avec un abcès important du plancher buccal’.

Le 8 décembre 2016, M. [V] a saisi la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’Aquitaine et mis en cause les docteurs [C] [A], [T] [Z], [R] [X] et [O] [E].

Le 8 mars 2017, le Président de ladite commission a désigné en qualité d’experts le Pr [B] [W], spécialisé en maladies infectieuses, ainsi que le Dr [D] [S], dentiste. Ceux-ci ont déposé leur rapport le 6 juin 2017. La date de consolidation a été fixée au 16 octobre 2016.

Au vu de ce rapport, la commission s’est déclarée incompétente, l’acte de soins litigieux n’étant pas à l’origine d’un dommage présentant les critères de gravité exigés par les dispositions de l’article D. 1142-1 du code de la santé publique.

Par acte du 7 août 2017, M. [V] a assigné les docteurs [Z] et [E] devant le tribunal de grande instance de Libourne, aux fins d’indemnisation de son entier préjudice.

Par acte du 17 mai 2019, M. [V] a assigné la CPAM devant le même tribunal.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 23 janvier 2020, le tribunal a :

– Débouté le docteur [E] de ses demandes,

– Condamné le docteur [T] [Z] à verser à la CPAM de la Gironde les sommes de 65 399,68 euros au titre de ses débours et de 1 080,00 euros pour ses frais de gestion, soit au total 66 479,68 euros.

– Condamné le docteur [T] [Z] à régler à M. [L] [V] la somme de 59 715,81 euros ainsi détaillée :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

* Aide par tierce personne : 773,31 euros ;

Préjudices extra patrimoniaux temporaires

* Déficit fonctionnel temporaire : 1 242,50 euros ;

* Souffrances endurées 5/7 : 30 000 euros ;

* Préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros ;

Préjudices patrimoniaux permanents :

– Déficit fonctionnel permanent 5% : 6 350 euros ;

– Préjudice esthétique permanent 1,5/7 : 2 000 euros ;

– Souffrances endurées 3/7 : 7 000 euros ;

Préjudice extra patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 5% : 6 350 euros ;

Préjudice esthétique permanent 1/7 : 2 000 euros ;

Préjudice sexuel : 1 000 euros ;

Total : 59 715,81 euros.

– Condamné le docteur [T] [Z] à verser à M. [L] [V] la somme de 1 500 euros pour l’indemniser de ses frais irrépétibles.

– Condamné le docteur [T] [Z] à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné le docteur [T] [Z] aux entiers dépens.

Mme [T] [Z] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 mars 2020 et, par conclusions déposées le 28 mai 2020, elle demande à la cour de :

– Juger recevable et fondé son appel, y faisant droit :

– Réduire en de justes proportions l’indemnisation du préjudice de M. [V] ;

– Constater que l’expertise sur laquelle est fondée la demande de réparation, propose de retenir la responsabilité conjointe du Dr [Z] chirurgien-dentiste, et du Dr [E] médecin généraliste, dans une perte de chance de 50 % d’éviter l’évolution péjorative de l’infection dont a été victime M. [V] ;

– Juger en conséquence que la réparation à la charge du Dr [T] [Z] sera limitée à 25% du montant des préjudices de M. [V].

– Réduire à de plus justes proportions l’indemnité demandée sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile par M. [V] et en répartir la charge par moitié entre les deux praticiens.

– Rejeter l’indemnité demandée sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile par la CPAM.

– Rejeter toutes autres demandes.

Par conclusions déposées le 5 juin 2020, M. [L] [V] demande à la cour de :

– Déclarer l’appel enregistré par le docteur [Z] recevable mais mal fondé ;

– Débouter le docteur [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions d’appel ;

– Déclarer l’appel incident interjeté par M. [V] recevable et bien fondé ;

– Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en date du 23 janvier 2020 en ce qu’il a déclaré le docteur [T] [Z] responsable des préjudices subis par le concluant ;

– Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en date du 23 janvier 2020 en ce qu’il a exclu la responsabilité du docteur [O] [E] ;

– Réformer ledit jugement en ce qu’il a limité l’indemnisation de M. [V] à la somme de 59 715,81 euros et condamner in solidum le docteur [Z] et le docteur [E] à verser à M. [L] [V] la somme de 73 661 euros, à titre d’indemnisation de tous les préjudices subis du fait des conséquences dommageables des fautes médicales commises par le docteur [Z] et le docteur [E] :

* 1 491 euros pour le DFT,

* 6 350 euros pour le DFP,

* 35 000 euros pour les souffrances endurées,

* 10 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire,

* 820 euros pour l’assistance à tierce personne,

* 10 000 euros pour l’incidence professionnelle,

* 2 000 euros pour le préjudice esthétique permanent,

* 3 000 euros pour le préjudice sexuel,

* 5 000 euros pour le préjudice d’agrément.

– Condamner in solidum le docteur [Z] et le docteur [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 20 août 2020, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Gironde demande à la cour de :

– Dire et juger la CPAM de la Gironde recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence :

– Confirmer le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu’il a jugé le docteur [T] [Z] responsable des préjudices subis par M. [L] [V] et par la CPAM de la Gironde ;

– Infirmer le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu’il a exclu la responsabilité du docteur [O] [E] ;

Statuant à nouveau :

– Dire et juger que le docteur [T] [Z] et le docteur [O] [E] sont tous deux responsables des préjudices subis par M. [L] [V] et par la CPAM de la Gironde ;

– Dire et juger que le préjudice de la CPAM de la Gironde est constitué par les sommes exposées dans l’intérêt de son assuré social, M. [L] [V], à hauteur de la somme de 65 399,68 euros ;

– Condamner in solidum le docteur [T] [Z] et le docteur [O] [E] à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 65 399,68 euros en remboursement des prestations versées pour le compte de son assuré social ;

– Condamner in solidum le docteur [T] [Z] et le docteur [O] [E] à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 1 091 euros au titre de l’indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l’ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;

– Dire et juger que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;

– Dire et juger qu’il sera fait application de l’article 1343-2 nouveau du code civil ;

– Condamner in solidum le docteur [T] [Z] et le docteur [O] [E] à verser à la CPAM de la Gironde en cause d’appel la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions déposées le 21 août 2020, le docteur [O] [E] demande à la cour de :

– Confirmer en tous points la décision rendue par le tribunal judiciaire de Libourne le 23 janvier 2020.

En conséquence :

– Constater que le docteur [E] a interrompu la prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien associé à un traitement corticoïde et a prescrit une antibiothérapie ;

– Voir dire et juger qu’il a agi selon les règles de l’art.

En toute hypothèse,

– Dire et juger que le docteur [E] n’engage pas sa responsabilité ;

– Rejeter l’ensemble des demandes formulées par M. [L] [V] et par le docteur [Z] à l’encontre du docteur [E] ;

– Condamner le docteur [Z] à verser au docteur [E] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Voir condamner le docteur [Z] aux entiers dépense de l’instance.

L’affaire a été fixée à l’audience du 1er décembre 2022.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur le droit à indemnisation de M. [V]

Aux termes de l’article L. 1142-1 I du code de la santé publique,

‘I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.’

A- Sur la responsabilité du docteur [Z], chirurgien-dentiste

L’article R. 4127-233 du code de la santé publique dispose :

‘Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige :

1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin ;

2° A agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui ;

3° A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient.’

En l’espèce, il est reproché au docteur [Z] de n’avoir pas réalisé de radiographie ce qui a entrainé un retard de diagnostic de l’infection et donc de la prise en charge de celle-ci, d’avoir prescrit à M. [N] des anti-inflammatoires non stéroidiens (Spifen) et des corticoïdes (Solupred) alors que l’association de ces médicaments majore le risque infectieux, enfin de n’avoir pas prescrit d’antibiotiques.

Il ressort des pièces produites et particulièrement de l’expertise judiciaire que lors de la consultation du 9 juin 2016, le docteur [Z] a diagnostiqué une fracture dentaire au niveau de la dent n°37, sans procéder à la réalisation d’une radiographie malgré l’insistance de M. [V] et de son épouse en ce sens.

Or, compte tenu de cette absence de radiographie, le docteur [Z] ne pouvait pas affirmer qu’il existait une fracture dentaire, l’évolution du processus infectieux n’ayant d’ailleurs pas confirmé celle-ci.

Surtout, il s’avère que le défaut de radiographique a empêché le diagnostic d’infection dentaire.

Les experts relèvent que la méconnaissance du diagnostic initial d’infection pulpaire a entraîné un retard de prise en charge et que si ‘l’infection ne présentait pas un caractère inévitable dans son évolution, un diagnostic plus précoce aurait probablement permis d’éviter une évolution aussi délabrante ainsi que le séjour en réanimation avec trachéotomie.’

En outre, il est établi qu’à l’issue de la consultation du 9 juin 2016, le docteur [Z] n’a prescrit aucun antibiotique à M. [V] mais lui a en revanche prescrit du Solupred 20 mg ainsi que du Spifen 400 mg alors que selon l’expertise judiciaire, la prescription de corticoïdes associée à une prescription d’anti-inflammatoires non stéroidiens n’est pas conforme aux recommandations en cas d’infection dentaire car elle favorise la propagation de celle-ci et donc le risque de cellulite cervicale.

Les conclusions experales mettent ainsi en évidence que le diagnostic et le traitement de l’infection n’ont pas été conduits conformément aux règles de l’art.

La preuve des fautes commises par le docteur [Z] est ainsi suffisamment rapportée.

Enfin, c’est à tort que l’appelante soutient que l’indemnisation de M. [V] doit être limitée à 50% au motif que les experts proposeraient d’imputer au retard de traitement de l’infection une perte de chance de 50% d’éviter cette évolution.

En effet, comme le rappelle justement M. [V], les experts concuent que :

– le sur-risque lié à l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de corticoïdes sans antibiothérapie associée peut être estimée à 50% du risque d’évolution vers la cellulite,

– le retard de diagnostic de la cellulite et de l’infection initialement présentée peut être estimée à 50% du dommage,

– si cette infection avait été prise plus tôt avec une non prescription d’anti-inflammatoires et de corticoïdes et sous antibiotique il n’y aurait probablement pas eu de cellulite de la face.

M. [V] est par conséquent fondé à solliciter la réparation de son entier dommage à l’encontre du docteur [Z].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

B- Sur la responsabilité du docteur [E], médecin généraliste

Il est fait grief au docteur [E], d’une part, d’avoir effectué une erreur de prescription médicamenteuse en prescrivant à nouveau à M. [V], lors de sa consultation du 12 juin 2016, un anti-inflammatoire non stéroïdien associé à des corticoïdes, et, d’autre part, de n’avoir pas diagnostiquer l’infection.

Or, contrairement à ce qui est allégué, si le docteur [E] a maintenu le traitement corticoïde (Solupred), il a en revanche interrompu la prescription de l’anti-inflammatoire non stéroïdien (Spifen), faisant ainsi cesser l’association médicamenteuse litigieuse.

En outre, le diagnostic d’infection a été porté par le docteur [E] qui a prescrit un antibiotique (birodogyl), s’accordant ainsi avec les conclusions des experts qui recommandaient une antibiothérapie pour lutter contre l’infection.

Aucune faute ne pouvant être reprochée au docteur [E], le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à son encontre.

Seule le docteur [Z] sera par conséquent déclarée responsable du préjudice subi par M. [V] et condamnée à réparer celui-ci.

II- Sur le préjudice

Au préalable, la cour relève que le dispositif du jugement déféré est manifestement entaché d’erreurs matérielles quant à l’évaluation du préjudice corporel de M. [V]. En effet, il est mentionné à tort les postes de préjudice suivants à deux reprises : souffrances endurées, DFP et PEP, de sorte que le préjudice corporel de la victime a été calculé de manière erronée par le tribunal à la somme de 59.715,81 euros déduction faite de la créance de la CPAM alors qu’il devait en réalité être fixé à la somme de 44.365,81 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux :

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

Sur les dépenses de santé actuelles :

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

Ces dépenses correspondent aux dépenses prises en charge par l’organisme social. La caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde a adressé un décompte définitif mentionnant un montant de prestations en nature pour 62.517,86 euros, déduction faite de la franchise, ce poste de préjudice étant constitué des débours du tiers payeur et aucune dépense de santé n’étant restée à la charge de M. [V].

Sur l’assistance tierce personne :

Ce poste couvre les dépenses liées à la réduction d’autonomie, entre le dommage et la consolidation. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance d’un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. L’expert judiciaire retient en l’espèce que l’état de M. [V] a justifié, avant sa consolidation, une aide à l’alimentation et à la toilette à raison d’1h30 par jour pendant un mois.

M. [V] sollicite la somme de 820 euros. Le docteur [Z] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Au regard du besoin d’assistance, de la gravité de l’infirmité, et de la spécialisation de la tierce personne requise, le premier juge a fait en l’espèce une exacte appréciation du montant de l’indemnité allouée (773,31 euros) en retenant un taux horaire de 17 €.

Sur la perte de gains professionnels actuels :

La perte de gains professionnels actuels concerne le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

Il est constant que la durée de l’incapacité temporaire est indiquée par l’expert, qu’elle commence à la date du dommage et finit au plus tard à la date de la consolidation c’est-à-dire à la date à partir de laquelle l’état de la victime n’est plus susceptible d’être amélioré d’une façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié.

L’évaluation des pertes de gains s’effectue in concreto au regard de la preuve des pertes de revenus apportée par la victime.

La perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

En l’espèce, l’expertise mentionne que M. [V] a été en arrêt de travail du 14 juin 2016 au 1er octobre 2016 puis à mi-temps thérapeutique du 2 octobre 2016 au 15 octobre 2016.

Il ressort du décompte définitif versé par la CPAM de la Gironde que celle-ci a versé à M. [V] la somme de 2.881,82 euros au titre de ses indemnités journalières.

M. [V] ne fait valoir aucune somme restée à sa charge au titre des PGPA.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur l’incidence professionnelle :

Ce poste de préjudice vise à indemniser, non la perte de revenus liée à l’invalidité consécutive à l’accident, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail et à l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé imputable au dommage, ou encore le préjudice subi résultant de l’obligation d’abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une activité professionnelle imposé par la survenance d’une infirmité.

L’expert relève que si M. [V] a repris son travail, il fait état d’une fatigabilité et d’un manque de concentration qui n’existaient pas avant les faits.

M. [V], clerc d’huissier, expose qu’il est également amené à effectuer de nombreux déplacements dans la journée et que son manque de souffle constitue une gêne particulièrement importante dans le cadre de son activité professionnelle. Il produit à ce titre un certificat médical daté du 14 mars 2018 qui confirme l’existence de ‘difficultés respiratoires depuis une cellulite oropharyngée en juin 2016″.

Au regard de ces éléments, le poste de préjudice lié à l’incidence professionnelle sera fixé à la somme de 5.000 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Les experts ont conclu à un déficit fonctionnel temporaire de :

– 100% du 14 juin au 6 juillet 2016

– 50% le 13 juin 2016 et du 7 juillet 2016 au 6 août 2016

– 25% du 7 août 2016 au 7 septembre 2016

– 10% du 8 septembre 2016 au 15 octobre 2016

M. [V] entend voir évaluer ce poste sur la base de 30 euros par jour, tandis que le docteur [Z] conclut à la confirmation du jugement.

Par une appréciation exacte et pertinente, le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 1.242,50 euros.

Sur les souffrances endurées :

Ce poste d’indemnisation comprend les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation.

M. [V] demande de se voir allouer une somme de 35.000 euros au titre des souffrances endurées, tandis que le docteur [Z] offre de les réparer à concurrence de 20.000 euros.

L’expert note ce poste de préjudice à 5 sur 7, au regard des douleurs importantes durant trois jours avant la prise en charge au centre hospitalier de [Localité 6], des interventions chirurgicales, de la trachéotomie, de l’antibiothérapie prolongée.

Le tribunal a justement alloué à ce titre une indemnité de 30.000 euros.

Sur le préjudice esthétique temporaire :

M. [V] sollicite une indemnisation de 10.000 euros tandis que le docteur [Z] propose une somme de 1.000 euros.

L’expert retient l’existence d’un préjudice esthétique temporaire lié à ‘un aspect physique non présentable (tuméfaction cervicale importante) puis séjour en réanimation avec intubation orotrachéale et cervicotomie et présence de lames puis trachéotomie. Ceci était très visible et a eu des conséquences sur l’entourage et sur le patient.’

Au regard de ces éléments, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 5.000 euros.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Il est rappelé que ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel de la victime résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

M. [V] sollicite une indemnisation de 6.350 euros.

L’expert conclut à un taux de déficit fonctionnel permanent à 5% compte tenu des douleurs cervicales au niveau du larynx, post trachéotomie et les troubles respiratoires post trachéotomie.

Au regard de l’âge de M. [V] (58 ans au jour de la consolidation), le déficit fonctionnel permanent a justement été indemnisé sur la base de 1270 euros du point, ce qui donne un montant de 6.350 euros.

Sur le préjudice esthétique permanent :

M. [V] réclame la somme de 2.000 euros.

L’expert judiciaire retient l’existence d’un préjudice esthétique permanent qu’il évalue à 1,5/7 compte tenu de deux cicatrices visibles au niveau cervical (cervicotomie et trachéotomie).

Au regard de ces éléménts, le premier juge a justement évalué ce préjudice à la somme de 2.000 euros.

Sur le préjudice sexuel :

Ce dommage recouvre le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi, le préjudice lié à l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer.

En l’espèce, M. [V] sollicite une indemnité de 3.000 euros.

L’expert note que M. [V] fait état de difficultés psychologiques ayant un retentissement sur sa vie sexuelle qui n’existaient pas avant les faits.

Le tribunal a alloué la somme de 1.000 euros à ce titre compte tenu de l’offre du docteur [Z] en ce sens. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice d’agrément :

Ce poste de préjudice répare l’impossibilité, les limitations ou les difficultés pour la victime de poursuivre régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

L’expert judiciaire indique qu’avant les faits, M. [V] pratiquait régulièrement du footing ainsi que le vélo amateur. Il effectuait aussi du jardinage. Il se dit épuisé après deux heures de jardinage et dans l’impossibilité de poursuivre cette activité.

M. [V] ne verse toutefois aucune pièce (notamment aucune attestation) confirmant qu’il exerçait lesdites activités. Faute de preuve de la réalité de son préjudice, il convient de le débouter de sa demande en ce sens. Le jugement sera confirmé de ce chef.

***

Au final, le préjudice de M. [V] sera liquidé comme suit :

Poste de préjudice

Evaluation du préjudice

dû à la victime

dû à la CPAM

Dépenses de santé actuelles

62.517,86 euros

0

62.517,86 euros

Assistance tierce personne

773,31 euros

Perte de gains professionnels actuels

2.881,82 euros

0

2.881,82 euros

Incidence professionnelle

5.000 euros

5.000 euros

Déficit fonctionnel temporaire

1.242,50 euros

1.242,50 euros

Souffrances endurées

30.000 euros

30.000 euros

Déficit fonctionnel permanent

6.350 euros

6.350 euros

Préjudice esthétique temporaire

5.000 euros

5.000 euros

Préjudice esthétique permanent

2.000 euros

2.000 euros

Préjudice d’agrément

0

0

Préjudice sexuel

1.000 euros

1.000 euros

Total

116.765,49 euros

51.365,81 euros

65.399,68 euros

Déduction faite de la créance de la CPAM poste par poste, le solde dû à M. [V] s’élève donc à la somme de 51.365,81 euros au paiement de laquelle sera condamné le docteur [Z].

En application de l’article 376-1 du code de la sécurité sociale, M. [V] sera condamné à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de 65.399,68 euros au titre des prestations et débours exposés dans l’intérêt de son assuré social.

La CPAM de la Gironde est en outre bien fondée à demander l’actualisation du montant de l’indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été allouée en première instance en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance 96-51 du 24 janvier 1996. Il lui sera donc alloué la somme de 1.091 euros.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Le docteur [Z] en supportera donc la charge, dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, le docteur [Z] sera condamnée à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros, à M. [E] la somme de 1.000 euros et à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu’il a :

– Condamné le docteur [T] [Z] à régler à M. [L] [V] la somme de 59 715,81 euros ainsi détaillée :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

* Aide par tierce personne : 773,31 euros ;

Préjudices extra patrimoniaux temporaires

* Déficit fonctionnel temporaire : 1 242,50 euros ;

* Souffrances endurées 5/7 : 30 000 euros ;

* Préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros ;

Préjudices patrimoniaux permanents :

– Déficit fonctionnel permanent 5% : 6 350 euros ;

– Préjudice esthétique permanent 1,5/7 : 2 000 euros ;

– Souffrances endurées 3/7 : 7 000 euros ;

Préjudice extra patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 5% : 6 350 euros ;

Préjudice esthétique permanent 1/7 : 2 000 euros ;

Préjudice sexuel : 1 000 euros ;

Total : 59 715,81 euros.

– Condamné le docteur [Z] à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 1.080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le préjudice de M. [V] sera liquidé comme suit :

Poste de préjudice

Evaluation du préjudice

dû à la victime

dû à la CPAM

Dépenses de santé actuelles

62.517,86 euros

0

62.517,86 euros

Assistance tierce personne

773,31 euros

Perte de gains professionnels actuels

2.881,82 euros

0

2.881,82 euros

Incidence professionnelle

5.000 euros

5.000 euros

Déficit fonctionnel temporaire

1.242,50 euros

1.242,50 euros

Souffrances endurées

30.000 euros

30.000 euros

Déficit fonctionnel permanent

6.350 euros

6.350 euros

Préjudice esthétique temporaire

5.000 euros

5.000 euros

Préjudice esthétique permanent

2.000 euros

2.000 euros

Préjudice d’agrément

0

0

Préjudice sexuel

1.000 euros

1.000 euros

Total

116.765,49 euros

51.365,81 euros

65.399,68 euros

En conséquence,

Fixe le préjudice subi par M. [V] à la somme de 116.765,49 euros,

Condamne le docteur [Z] à payer à M. [V] la somme de 51.365,81 euros, déduction faite de la créance de la CPAM de la Gironde poste par poste,

Condamne le docteur [Z] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.091 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

Le confirme pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne le docteur [Z] à payer :

– à M. [V] la somme de 2.000 euros,

– à M. [E] la somme de 1.000 euros,

– à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros.

en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le docteur [Z] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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