Tentative de conciliation : 17 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07034

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Tentative de conciliation : 17 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07034
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 17 Novembre 2023

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/07034 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRDT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/01229

APPELANTE

S.A.S. [12]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Carole RUFFIN DESJARDINS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1345 substituée par Me Delphine DREZET, avocat au barreau du HAVRE

INTIMES

Monsieur [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 7]

comparant en personne, assisté de Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque: E1543

CPAM DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Société [10]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Maïtena LAVELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0317 substituée par Me Claire FAGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R133

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

M Christophe LATIL, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par

Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la société [12] d’un jugement rendu le 9 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à M. [E].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [D] [E] était salarié de la société [10], entreprise de travail temporaire, (désignée ci-après ‘l’Employeur’) depuis le 2 décembre 2012 en qualité de technicien de maintenance et a été mis à la disposition de la société [12] dans le cadre de contrats de mission successifs à partir du 2 décembre 2013.

Le 19 décembre 2013, il a été victime d’un accident survenu sur son lieu de travail que l’employeur a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis (ci-après désignée ‘la Caisse’) en ces termes « il m’a été rapporté que Monsieur [E] est intervenu suite à une panne de convoyeur de colis sans avoir au préalable mis la machine hors tension ; Nature de l’accident : doigt coupé ; Objet dont le contact a blessé la victime : convoyeur ; Siège des lésions : index main droite ; Nature des lésions: section de la dernière phalange ».

Le certificat médical initial, établi le 19 décembre 2013, faisait mention d’une « section de la dernière phalange de l’index de la main droite  ».

La Caisse a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels puis, par courrier du 28 juin 2018, au regard des séquelles persistantes à la date de consolidation fixée au 4 juin 2018 consistant en des « douleurs, diminution de sensibilité et de la mobilité de l’index », elle a notifié à M. [E] un taux d’incapacité permanente partielle de 7 % lui permettant de bénéficier d’une indemnité en capital.

Par courrier du 8 novembre 2018, M. [E] a saisi la Caisse d’une demande de conciliation aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [10], laquelle a été rejetée par courrier du 19 novembre 2018, au motif que son action était prescrite depuis le 20 décembre 2017.

M. [D] [E] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis, à défaut de décision explicite, il a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny,

Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020, a :

– déclaré l’action de M. [D] [E] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [10], recevable,

– débouté la SAS [12] de sa demande de mise hors de cause,

– débouté la SAS [12] de sa demande de sursis à statuer,

– dit que la SAS [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à la société [10], a commis une faute inexcusable qui est à l’origine de l’accident survenu le 19 décembre 2013 au préjudice de M. [D] [E],

– dit que M. [D] [E] a droit à la majoration maximale de la rente fixée conformément aux dispositions de l’article L. 452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, et qu’elle suivra le cas échéant l’évolution éventuelle de son taux d’incapacité permanente partielle,

– dit que la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ne pourra récupérer la majoration de la rente auprès de la société [10] que sur le seul taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur soit 7 %,

– avant dire droit sur la réparation de son préjudice corporel, tous droits et moyens des parties étant réservés, ordonné une expertise médicale judiciaire qu’il a confiée au docteur [F] avec pour mission, notamment, de déterminer et évaluer l’ensemble des préjudices subis par M. [E] des suites de l’accident du travail,

– dit que les frais d’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis,

– fixé à la somme de 1 200 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert,

sera caduque et privée de tout effet ;

– débouté M. [D] [E] de sa demande de condamnation de la société [10] et de la SAS [12] à lui payer la somme de 100 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

– fait droit à l’action récursoire de la Caisse,

– ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 10 mars 2021 à 9 heures

– réservé les autres demandes des parties,

– condamné la société [10] à verser à M. [D] [E] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens de l’instance,

– déclaré le présent jugement commun à la caisse primaire d’assurance malade de Seine-Saint-Denis,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le jugement a été notifié aux parties le 18 septembre 2020 et la société [12] a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 18 octobre 2020. L’affaire a alors été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 18 octobre 2020 puis renvoyée à l’audience du 22 février 2022, 16 novembre 2022 et 20 septembre 2023 pour être plaidé.

Entre temps, l’expert a réalisé sa mission le 10 novembre 2020 et déposé son rapport au greffe du service des expertises le 16 novembre suivant. Ses conclusions sont ainsi formulées:

– les séquelles imputables à l’accident du travail du 19/12/2013 sont une amputation traumatique trans P2 de l’index droit dominant traitée par réimplantation chez un homme de 33 ans, persistance d’une diminution de sensibilité et de la mobilité de son index droit dominant avec perte d’efficacité de la pince pouce-index,

– le déficit fonctionnel temporaire avant consolidation de son état :

¿ une gêne temporaire totale dans toutes les activités personnelles pendant la période d’hospitalisation et / ou d’immobilisation totale à domicile pour les périodes des 19 au 29 décembre 2013 (hospitalisation à l’hôpital privé pour une chirurgie de réimplantation), 3 au 5 mars 2014 (Hospitalisation en chirurgie pour ablation de broches), 25 au

29 mars 2015(hospitalisation en chirurgie pour arthrolyse et lambeau de Hueston dorsal),

¿ une gêne temporaire partielle dans toutes les activités personnelles :

* de classe 2 : du 30 décembre 2013 au 04 mars 2014, en raison des pansements, des soins infirmiers, de la kinésithérapie trois fois par semaine puis du 30 mars au 30 juin 2015 en raison des soins infirmiers, de la kinésithérapie, des antalgiques,

* de classe l : 02 juin 2014 au 24 mars 2015 puis du 01er juillet 2015 à la date de consolidation le 05 juin 2018 en raison des soins de kinésithérapie, des antalgiques,

– l’état de santé de M. [D] [E] a nécessité l’aide d’une tierce personne durant les périodes de classe 2 pour l’aider aux soins d’hygiène, faire ses courses, effectuer les démarches administratives, et effectuer les tâches ménagères, préparer son repas couper les aliments, à raison de 5h30 par semaine.

– depuis le 01er août 2018, il a obtenu un CDI chez [9] comme technicien de maintenance.

– les souffrances endurées physiques et morales sont évaluées à 3 ,5 sur 7 en raison de trois interventions chirurgicales avec réimplantation de l’interphalangienne distale, dépose des broches et arthrodèse, des douleurs, des soins antalgiques, des soins de kinésithérapie,

– le préjudice esthétique : 2/ 7 avant la consolidation et 1,5/7 après la consolidation en raison des trois cicatrices, de l’ongle dystrophique, d’un doigt plus court à droite,

– le préjudice sexuel : le patient allègue une diminution de la libido. Il n’a voulu aucune prise en charge par un psychiatre,

– le préjudice d’agrément : M. [E] ne pourra plus pratiquer l’athlétisme, car il a des difficultés pour les appuis sur les membres supérieurs ni effectuer de sport ou de loisirs nécessitant l’utilisation de sa main droite que ce soit en force ou pour des gestes nécessitant de la précision,

– il n’y a pas d’autre préjudice à évaluer.

Par ailleurs, au terme d’un arrêt rendu le 4 mai 2021 par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Paris, la société [12] ainsi que son dirigeant ont été relaxés des chefs de blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence commis le 19 décembre 2013.

Par arrêt du 1er juin 2022, la Cour de cassation, saisie par M. [E], a considéré que les pièces de la procédure et les moyens soulevés n’étaient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi,

Lors de la présente audience, la société [12], reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire (service contentieux social) de Bobigny et statuant à nouveau,

– juger que les demandes de M. [E] sont prescrites.

Subsidiairement, la Société demande à la cour de prononcer sa mise hors de cause.

En tout état de cause, elle demande de :

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusions ;

– débouter la Caisse et la société [10] de toutes leurs demandes à son encontre,

– condamner M. [E] au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [E], reprenant partiellement le bénéfice de ses conclusions récapitulatives, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 9 septembre 2020, en ce qu’il a :

o déclarer son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [10], recevable ,

o débouté la SAS [12] de sa demande de mise hors de cause,

o dit que la SAS [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à la société [10], a commis une faute inexcusable qui est à l’origine de l’accident survenu le 19 décembre 2013 à son encontre,

o dit qu’il a droit à la majoration maximale de la rente fixée conformément aux dispositions de l’article L. 452-2 alinéa 2 du code de sécurité sociale, et qu’elle suivra le cas échéant l’évolution éventuelle de son taux d’incapacité permanente partielle ,

o ordonné une expertise médicale judiciaire avec toutes les conséquences de droit.

Statuant à nouveau sur les chefs querellés, M. [E] demande à la cour de :

– juger que la CPAM, la société [12] et la société [10] ont abandonné toute demande se rapportant à une prétendue prescription et confirmer le jugement en ce qu’il n’est pas prescrit en sa demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur ,

– juger que la Société [10] et de la société [12] ont commis une faute inexcusable et, en conséquence,

– juger que la rente doit être majorée en prenant en compte sa dernière évolution (passage de 7% à 11 %),

– ordonner l’intérêt légal au jour de la saisine ainsi que la capitalisation des intérêts,

– débouter la société [10]. et la société [12] de l’ensemble de leurs demandes. Subsidiairement, M. [E] demande à la cour de renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin de statuer sur la liquidation des préjudices.

M. [E] abandonne sa demande tendant à infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 9 septembre 2020 en qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation de la société [10] et de la SAS [12] à lui payer la somme de

100 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison des préjudices subis.

La société [10], reprenant ses conclusions, demande à la cour de :

– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur la responsabilité de la société [12] dans la survenance de l’accident dont a été victime M. [E] le 19 décembre 2013,

– dans l’hypothèse où la responsabilité de la société [12] serait confirmée, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que :

¿ la société [10] ne pouvait se voir reprocher une quelconque faute dans la survenance de l’accident du travail du 19 décembre 2013,

¿ la société [12] devait être condamnée à garantir la société [10] de l’ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable dès lors qu’elle s’était substituée à la direction du salarié,

¿ débouter M. [E] de sa demande d’indemnisation à hauteur de 100 000 euros,

¿ ordonner une expertise judiciaire,

¿ il appartenait à la CPAM de procéder à l’avance des fonds alloués à la victime.

La Caisse, demande oralement à la cour, de :

– lui donner acte qu’elle s’en rapporte sur la faute inexcusable et la garantie de la société [12],

– si la faute inexcusable était retenue, lui donner acte qu’elle fera l’avance des sommes qui seront allouées à M. [E],

– rappeler qu’en vertu de son action récursoire, elle pourra récupérer les sommes dont elle aura fait l’avance auprès de l’employeur.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la prescription des demandes de monsieur [E]

La société [12] rappelle qu’elle avait soulevé la prescription des demandes de M. [E] mais que le tribunal ne s’est toutefois pas prononcé sur ce point. A l’appui de ce moyen, elle affirme que l’action en reconnaissance de sa faute inexcusable n’a pas été engagée dans les deux ans prévus par l’article L. 431-2 du code du travail, de l’accident ou de la cessation du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale. Elle estime que l’action aurait dûe être intentée au plus tard le 20 décembre 2017, puisque l’assuré a cessé de percevoir des indemnités journalières le 20 décembre 2015, que l’action pénale n’a été engagée que le 14 mai 2018 et que le tribunal a été saisi par requête le 19 février 2019.

La Société précise que si une action pénale a bien été intentée par M. [E], celle-ci l’a été au delà du délai de prescription. Elle entend rappeler qu’il est de jurisprudence constante que ni les instructions adressées par le procureur de la République à un officier de police judiciaire lors de l’enquête préliminaire, ni les procès-verbaux dressés par l’inspection du travail, ni une plainte simple déposée près le procureur de la République ne constituent l’engagement d’une action pénale interruptive de la prescription et que si la citation de l’employeur devant le tribunal correctionnel est de nature à interrompre le délai de prescription, encore faut-il qu’elle intervienne dans le délai de deux ans.

M. [E] rétorque que la prescription n’était pas acquise lorsqu’il a saisi le tribunal puisqu’une procédure pénale avait été diligentée dans les suites de l’accident. Il fait valoir qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits. Il estime, en substance, que l’action pénale, interruptive de prescription, est engagée par l’accomplissement des actes d’enquête que le procureur de la République a fait diligenter dès lors qu’ils aboutissent à la citation et à la condamnation de l’employeur devant les juridictions pénales. C’est le cas le concernant puisque suite à l’accident du travail du 19 décembre 2013, une enquête a été menée par l’inspecteur du travail et la police judiciaire jusqu’en 2015 laquelle a donné lieu à une audience de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance le 14 mai 2018 à la suite d’une citation délivrée le 27 octobre 2017 et un jugement de condamnation le 4 juin 2018.

La Caisse indique qu’en première instance, elle avait abandonné ce moyen. Elle s’associe en cause d’appel aux observations de M. [E].

La société [10] s’en rapporte de ce chef.

Sur ce,

La cour constate que si devant le tribunal la Caisse avait renoncé à se prévaloir de la prescription, il ne résulte d’aucun acte de la procédure que la société [12] en avait fait autant, le jugement étant taisant sur ce point d’autant que le dossier du tribunal ne comporte pas de notes d’audience mais des notes non signées et dont le rédacteur n’est pas identifiable.

Ce faisant, le tribunal a statué sur la recevabilité de l’action de M. [E] au motif qu’une procédure pénale était encore en cours et avait interrompu le délai de deux ans après son accident du travail.

Aux termes de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige :

Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :

1°) du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l’article L. 443-1 et à l’article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l’état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l’avis émis par l’expert ou de la date de cessation du paiement de l’indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l’article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l’éducation surveillée dans le cas où la victime n’a pas droit aux indemnités journalières.

(…)

Toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.

La cour précisera que la saisine de la caisse primaire d’assurance maladie par le salarié aux fins d’organisation de la tentative de conciliation interrompt la prescription biennale et le cours de celle-ci ne peut recommencer à courir tant que cet organisme, qui a la direction de la procédure de conciliation prévue à l’article L. 452-4 du même code, n’a pas fait connaître à l’intéressée le résultat de la tentative de conciliation.

En l’espèce, l’accident de M. [E] s’est produit le 19 décembre 2013 et a été reconnu par la Caisse à une date qui n’est pas précisée des parties. Il a perçu par contre des indemnités journalières au titre de cet accident jusqu’au 20 décembre 2015, ainsi qu’il résulte d’une attestation de paiement des indemnités journalières, le 15 juin 2018 étant la date à laquelle son état de santé a été considéré comme consolidé à la suite d’une rechute.

Par ailleurs, M. [E] a, par courrier du 8 novembre 2018, saisi la Caisse d’une demande de conciliation aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [10] qui l’a rejetée par courrier du 19 novembre 2018, au motif que son action était prescrite depuis le 20 décembre 2017.

La société [12] soutient qu’entre le 20 décembre 2015 et la saisine du tribunal il n’y a eu aucun fait interruptif d’instance, l’enquête pénale n’étant pas en soi, avant l’engagement des poursuites, interruptive de prescription.

S’il résulte effectivement du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits, ni les instructions adressées par le procureur de la République à un officier de police judiciaire lors de l’enquête préliminaire, ni les procès-verbaux dressés par l’inspection du travail ne constituent l’engagement d’une action pénale et que seuls des actes révélant l’engagement de l’action pénale ou sa mise en mouvement, peuvent interrompre l’action, il résulte cependant des pièces produites, notamment le jugement du tribunal correctionnel, que la citation de l’employeur par le procureur de la République est intervenue le 20 novembre 2017, M. [E] produisant par ailleurs un avis d’audience émanant du procureur de la République établi le 27 octobre 2017 l’invitant à se présenter à l’audience.

Il sera ainsi relevé que l’engagement de l’action publique par le procureur de la République est intervenu à l’intérieur du délai biennal à compter de la fin de versement des indemnités journalières. Dans ces conditions, la prescription de l’action engagée par M. [E] devant le tribunal de Bobigny le 19 février 2019, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenue de son accident le 19 décembre 2013, n’est pas encourue.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la mise hors de cause de la société [12]

La société [12] fait grief au tribunal d’avoir rejeté sa mise hors de cause alors même qu’elle n’a jamais été l’employeur de M. [E].

M. [E] s’oppose à cette demande au regard des dispositions combinées des articles L. 412-6 et L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale. Il sollicite la confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale

Pour l’application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l’utilisateur, le chef de l’entreprise utilisatrice ou ceux qu’ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l’employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l’action en remboursement qu’il peut exercer contre l’auteur de la faute inexcusable .

l’article L. 241-5-l du même code précisant

Pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d’utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l’accident et de la maladie professionnelle définis aux articles L. 411-1 et L. 461-1 est mis, pour partie à la charge de l’entreprise utilisatrice si celle-ci, au moment de l’accident, est soumise au paiement des cotisations mentionnées à l’article L. 241-5. En cas de défaillance de cette dernière, ce coût est supporté intégralement par l’employeur. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l’espèce.

(…)

Dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l’employeur, sans qu’il y ait eu mise en cause de l’entreprise utilisatrice, l’entreprise de travail temporaire est tenue d’appeler en la cause l’entreprise utilisatrice pour qu’il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d’une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable.

Au cas présent, il est incontestable que lorsque l’accident est intervenu, M. [E] avait été mis à la disposition de la société [12] par la société [10] dans le cadre d’un contrat de mission. Elle a ainsi la qualité d’entreprise utilisatrice et, en tant que telle, elle est considérée comme substituée dans la direction de l’employeur.

A toutes fins utiles, il sera rappelé que possède la qualité de substitué dans la direction toute personne qui dirige l’exécution du travail et exerce un pouvoir de contrôle et de surveillance ce qui était à l’évidence le cas de la société [12].

C’est donc par une exacte application des dispositions ci-dessus rappelées que le tribunal a jugé régulière et recevable la mise en cause de la société [12].

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable

Au soutien de son appel, la Société [12] affirme que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le poste occupé par M. [E] n’était pas un poste à risque de sorte qu’elle n’avait pas à lui dispenser une formation renforcée. Elle indique par ailleurs que toutes les mesures avaient été prises pour protéger la santé et la sécurité des salariés et que la machine sur laquelle intervenait M. [E] était aux normes et en bon état de fonctionnement.

La Société souligne encore qu’au vu des circonstances de l’accident, celui-ci résulte exclusivement du comportement de l’intérimaire sans qu’aucune faute ne soit caractérisée à l’égard de la société utilisatrice. Elle ajoute qu’aucun manquement ni aucun grief de quelque nature qu’il soit n’est caractérisé par M. [E] à son égard. Enfin, elle entend rappeler qu’elle a été relaxée par la cour d’appel de Paris des chefs de blessures involontaires, de sorte qu’il ne peut être retenu aucune faute à son égard.

M. [E] fait d’abord valoir qu’il bénéficie de la présomption de faute inexcusable puisqu’il était salarié intérimaire occupant un poste à risque. Si l’employeur conteste ce dernier point, il relève que la société [12] s’abstient de produire la liste des postes à risques qu’elle était tenue d’établir. Il fait valoir ensuite que la société [12] a commis une faute inexcusable en le faisant intervenir sur un convoyeur mobile à bande avec un coffret électrique sans carter, sans bouton d’arrêt d’urgence, avec des fils électriques apparents et sans protection. Il précise que l’APAVE a confirmé que cette machine présentait des dispositions techniques non conformes avec les règles de conception applicables. Il estime par ailleurs que son employeur et la société utilisatrice ne lui ont pas fourni de formation adaptée ni produit de notice explicative pour intervenir sur un tel matériel de sorte qu’il a découvert son fonctionnement le jour même de l’accident et n’avait aucun moyen de maîtriser cet équipement. Il estime que les attestations des autres salariés qu’il verse aux débats démontrent la véracité de ses déclarations. En tout état de cause, M. [E] estime que la société [10] et la société utilisatrice ne démontrent pas leur absence de responsabilité.

La société [10] fait valoir qu’en tant qu’entreprise de travail temporaire, elle ne pouvait se substituer à l’entreprise utilisatrice, la société [12], sur laquelle pèse la responsabilité des conditions de travail du salarié, pour mettre en oeuvre la formation à la sécurité et prendre les mesures adaptées pour assurer la sécurité de M. [E]. Il appartient donc à l’entreprise utilisatrice de répondre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat invoquée et de s’expliquer sur les circonstances de l’accident survenu à l’intérimaire et, par la même, de répondre à l’action qu’il a intentée. Elle souligne cependant que, contrairement à ce que prétend la victime dans ses écritures, seule l’entreprise utilisatrice peut se voir reprocher une faute inexcusable dans la mesure ou pendant la durée de la mission confiée au salarié victime, c’est à elle qu’incombe la responsabilité de prendre les mesures de sécurité nécessaires destinées à prévenir la survenance d’un quelconque risque. De la même façon, l’entreprise utilisatrice est responsable de la formation du salarié intérimaire en vertu des dispositions de l’article L. 4121-2 du code du travail.

Pour sa part, elle estime avoir rempli ses obligations, son rôle, en qualité de société d’intérim, étant de mettre à disposition de l’entreprise utilisatrice des salariés compétents destinés à occuper un poste préalablement déterminé. Ainsi, M. [E] a été mis à disposition de la société [12] en qualité de technicien de maintenance, domaine dans lequel il disposait d’une compétence et d’une ancienneté ainsi qu’il résulte de son CV. Son poste au sein de la société utilisatrice ne nécessitait par ailleurs aucune qualification particulière et son contrat de mission ne faisait mention d’aucun risque particulier, ni d’aucun facteur de pénibilité. En outre, elle souligne que préalablement à son embauche, elle avait remis à

M. [E] un livret d’accueil sécurité lui rappelant les consignes de sécurité à respecter ainsi qu’une fiche sécurité l’informant sur les règles en matière de prévention, de sécurité et d’hygiène au sein des entrepôts. Elle lui a donc bien fait bénéficier d’une sensibilisation à la sécurité et son salarié connaissait les mesures de prévention du poste de travail qu’il allait occuper. Enfin, elle rappelle que M. [E] avait été déclaré apte à son poste par la médecine du travail, sans restriction aucune.

La Société estime que M. [E] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu’elle a commis une faute.

La Caisse, quant à elle, s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur l’existence d’une faute inexcusable de la Société.

Sur ce

Sur l’application de la présomption de faute inexcusable :

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale

Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Par ailleurs, l’article L. 4154 du code du travail prévoit que

La faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés temporaires victimes d’un accident de travail alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2 , dans l’entreprise dans laquelle ils sont occupés;

L’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale édicte:

Pour l’application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l’utilisateur, le chef de l’entreprise utilisatrice ou ceux qu’ils se sont substitués dans la direction, sont regardés comme substitués dans la direction, au sens des dits articles, à l’employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l’action en remboursement qu’il peut exercer contre l’auteur de la faute inexcusable.

Enfin, l’article R. 4624-23 du code du travail précise

I.-Les postes présentant des risques particuliers mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-2 sont ceux exposant les travailleurs :

1° A l’amiante ;

2° Au plomb dans les conditions prévues à l’article R. 4412-160 ;

3° Aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction mentionnés à l’article R. 4412-60 ;

4° Aux agents biologiques des groupes 3 et 4 mentionnés à l’article R. 4421-3 ;

5° Aux rayonnements ionisants ;

6° Au risque hyperbare ;

7° Au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages.

II.-Présente également des risques particuliers tout poste pour lequel l’affectation sur celui-ci est conditionnée à un examen d’aptitude spécifique prévu par le présent code.

III.-S’il le juge nécessaire, l’employeur complète la liste des postes entrant dans les catégories mentionnées au I. par des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-2, après avis du ou des médecins concernés et du comité social et économique s’il existe, en cohérence avec l’évaluation des risques prévue à l’article L. 4121-3 et, le cas échéant, la fiche d’entreprise prévue à l’article R. 4624-46. Cette liste est transmise au service de prévention et de santé au travail, tenue à disposition du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et des services de prévention des organismes de sécurité sociale et mise à jour tous les ans. L’employeur motive par écrit l’inscription de tout poste sur cette liste.

Il résulte de la combinaison de ces textes, une présomption de faute inexcusable de l’employeur au bénéfice du salarié intérimaire victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dès lors qu’il était affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité.

En prévoyant que l’entreprise utilisatrice doit indiquer à l’entreprise de travail temporaire si le poste de travail occupé par le travailleur présente des risques particuliers mentionné à l’article L. 4624-2 du code du travail, le législateur a entendu faire peser sur l’entreprise utilisatrice l’obligation d’identifier les postes à risques qui nécessitent une formation renforcée à la sécurité et de les signaler à l’entreprise d’intérim.

La liste de ces postes de travail est établie par le chef d’établissement, après avis du médecin du travail et du CSE’et elle est tenue à la disposition de l’inspecteur du travail.

Dans le cas des travailleurs intérimaires, l’obligation de sécurité est à la charge conjointe des deux entreprises. L’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice sont tenues, à l’égard des salariés mis à disposition, d’une obligation de sécurité dont elles doivent assurer l’effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques.

Ainsi, l’obligation de formation incombe à l’entreprise utilisatrice qui doit organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité dont l’étendue, l’organisation et le contrôle varie selon la taille de l’établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés et le type des emplois occupés. Cette formation doit être renouvelée périodiquement dans des conditions fixées par voie réglementaire ou par accord collectif.

En effet, les obligations de l’employeur en matière de sécurité des salariés temporaires sont régies par les dispositions du code du travail suivantes :

– l’article L. 232-3-1, en vigueur au moment des faits, qui dispose

Tout chef d’établissement est tenu d’organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, au bénéfice des travailleurs qu’il embauche, de ceux qui changent de poste de travail ou de technique, des travailleurs liés par un contrat de travail temporaire en application des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 à l’exception de ceux auxquels il est fait appel en vue de l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité et déjà dotés de la qualification nécessaire à cette intervention et, à la demande du médecin du travail, de ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’une durée d’au moins vingt et un jours. Cette formation doit être répétée périodiquement dans des conditions fixées par voie réglementaire ou par convention ou accord collectif

– l’article R. 4141-14

La formation à la sécurité relative aux conditions d’exécution du travail s’intègre à la formation ou aux instructions professionnelles que reçoit le travailleur.

Elle est dispensée sur les lieux du travail ou, à défaut, dans les conditions équivalentes.

Par ailleurs, en matière d’accident du travail imputable à la faute inexcusable de l’employeur, il résulte de l’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale que l’entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l’article L. 452-1, à l’entreprise de travail temporaire et l’article L. 1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

L’existence d’une faute inexcusable peut donc s’apprécier au regard du comportement de l’entreprise utilisatrice mais l’employeur (entreprise de travail temporaire) reste seule tenue des conséquences de la faute inexcusable vis-à-vis de la Caisse, avec la possibilité d’exercer une action récursoire contre l’entreprise utilisatrice fautive en remboursement de tout ou partie de la charge qu’entraîne pour lui la faute inexcusable.

Si la présomption de faute inexcusable s’applique, alors celle-ci est induite de la seule survenance de l’accident, sans que le salarié n’ait à prouver que les éléments constitutifs de cette faute sont bien réunis.

Il est par ailleurs de jurisprudence constante que cette présomption de faute inexcusable ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l’article L. 4154-2 du code de la sécurité sociale. Elle s’applique même lorsque les circonstances de l’accident sont indéterminées ou lorsque le salarié a fait preuve d’imprudence ou a commis une faute grossière, dès lors que l’employeur a affecté un salarié recruté sous contrat à durée déterminée à des postes dangereux, sans l’avoir fait bénéficier d’une formation adaptée.

En l’espèce, la lecture des contrats de travail temporaire établis du 2 au 13 décembre 2013 et du 14 décembre 2013 au 17 janvier 2014 inclus entre la société [10] et M. [E], ainsi que celles des contrats de mise à disposition conclus pour les mêmes dates entre la société [10] et la société [12], font apparaître la mention « non fournie » dans la partie consacrée à l’information tenant à préciser si le poste de travail figure sur la liste des postes à risque au titre de l’article L. 4154-2 du code du travail.

Il n’est pas contesté que M. [E] exerçait le poste de technicien de maintenance et qu’il était amené, dans le cadre de ses missions, à intervenir sur des machines mécaniques.

Le jour de l’accident, M. [E] intervenait sur un convoyeur à bande circulaire.

Il résulte de ces éléments que l’accident a eu lieu dans le cadre d’un contrat de mise à disposition conclu entre une entreprise de travail temporaire, qui est l’employeur, et une entreprise utilisatrice, et que le salarié a eu un doigt sectionné lors de son intervention sur une machine.

M. [E] peut ainsi bénéficier de la présomption de faute inexcusable s’il établi, d’une part, qu’il était affecté à des postes de travail présentant des risques particuliers et que, d’autre part, qu’il n’avait pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée.

Il sera alors rappelé que les énonciations du contrat de travail ne lient pas la juridiction dans la mesure où sont en cause les règles d’ordre public de la faute inexcusable pour les salariés intérimaires. Il appartient, dans ce cas, à la juridiction, suivant les éléments qui lui sont produits par les parties, de rechercher si le poste de travail était effectivement à risque.

Le tribunal rappellera qu’en application de la loi n° 90-613 et de la circulaire OT 18/90 du 30 octobre 1990, les postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité sont dressés sur une liste par le chef d’établissement. Plusieurs catégories de postes de travail doivent figurer sur cette liste, notamment les travaux dangereux et qui nécessitent une certaine qualification ainsi que les travaux exposant à certains risques (travaux en hauteur, certains produits chimiques ou substances telles que l’amiante, bruit > 85 décibels, vibrations).

Il résulte tant de la fiche de poste « technicien de maintenance » que du document unique de prévention des risques que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le poste occupé par M. [E] ne comportait aucun des risques « particuliers » prévus par l’article L. 4624-2 du code du travail. Par ailleurs, il ressort de l’évaluation des risques effectuée par la Société à l’occasion de l’élaboration de son DUER, valable pour l’année 2013 et qui n’a fait l’objet d’aucune remarque de l’inspection du travail, qu’il n’avait pas été mis en évidence de risque « particulier » pour la santé et la sécurité des salariés s’agissant spécifiquement des risques pour le travail de maintenance notamment à l’occasion :

– de l’accès aux organes de transmission de la puissance (courroie, engrenage), notamment dans ‘la salle des machines’,

– de l’utilisation d’outils électriques,

– et des structures difficiles à entretenir.

La fiche de poste concernant le technicien de maintenance, dont l’application au cas de M. [E] n’est pas contestée des parties, prévoit, notamment, au titre des activités principales, d’établir et respecter le planning des traitements et des entretiens réglementaires sur l’ensemble des éléments en fonction de la réglementation, gérer et surveiller les automates du site ou faire intervenir les prestataires extérieurs, ranger la salle des machines. Plus spécifiquement, sur la fonction de remise en état des machines, il est mentionné que les opérations consistent à :

– entretenir et assurer les opération de première maintenance,

– effectuer les tâches d’entretien prévues sur le site : machines, transtockeur, ensemble du matériel et bâtiment,

– établir et négocier des devis pour le remplacement des pièces,

– s’assurer que l’installation fonctionne correctement en particulier les dispositifs de régulation et de sécurité,

– effectuer des tests de remise en servir.

La fiche précise s’agissant du profil de compétences une compétence en électromécanique et/ou en froid industriel.

Si effectivement, la société [12] n’a pas produit la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité, qu’il lui incombait d’établir et d’indiquer à l’entreprise de travail temporaire, il n’en demeure pas moins, au regard des développements ci-dessus que les missions confiées à M. [E], même s’il était amené à effectuer des opérations de maintenance sur des machines mécaniques, n’était affecté à un poste de travail devant être considéré comme présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité tel qu’entendu par les dispositions précitées. L’intervention sur les machines demeuraient limitée aux réparations courantes, les autres étant au demeurant laissés au prestataire extérieur, de sorte que ce travail ne comportait pas de risques particuliers.

Dès lors, il appartient à M. [E], qui entend voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenue de son accident de démontrer, d’une part, que celui-ci avait conscience du danger auquel il l’exposait et, d’autre part, qu’il n’a pas pris les mesures utiles pour empêcher la réalisation du risque ou, à tout le moins, d’en réduire les conséquences.

Sur la caractérisation de la faute inexcusable

Il sera au préalable rappelé que l’article L. 4121-2 du code du travail dispose

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

et l’article R. 4121-1 du même code

L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

Il se déduit de la combinaison de ces textes que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé

S’agissant de la conscience du danger, il ne peut être nié qu’en faisant intervenir des salariés sur des machines mécaniques pouvant être coupantes, tranchantes, pinçantes ou percutantes, l’employeur ne pouvait ignorer les risques d’entraînement, de coupure ou d’écrasement des membres. Ce risque était d’autant plus connus de l’employeur que le DUER mentionnait l’intervention sur ces machines comme « des situations dangereuses » en raison notamment « d’un contact avec le fonctionnement mécanique d’un instrument de la salle des machines, de l’atelier de reconditionnement ». Le document précisait les risques encourus tels que « brûlures, coupure voir perte d’un membre » ainsi que « risques de blessure par l’action mécanique d’une machine ».

S’agissant des mesures prises par l’employeur, celui-ci rappelle que l’arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Paris l’a relaxé des faits de blessures involontaires pour inobservation des règles de sécurité et de prudence. Il indique que cette décision lie la présente juridiction.

Il sera tout d’abord rappelé que la relaxe prononcée par une juridiction pénale en cas de poursuite pour un délit d’imprudence ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une faute inexcusable. Le juge de la sécurité sociale doit rechercher si les éléments du dossier permettent de caractériser l’existence d’une faute inexcusable, laquelle s’apprécie de façon distincte des éléments constitutifs de l’infraction.

Toutefois, la relaxe ne fait pas obstacle à l’application du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, qui interdit à une juridiction civile de remettre en cause ce qui a été définitivement et nécessairement décidé par la juridiction répressive statuant sur l’action publique, sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale ainsi que sur sa qualification et les éléments constitutifs de l’infraction.

Il sera rappelé que l’accident est survenu alors que M. [E] intervenait dans le cadre d’une opération de maintenance sur un convoyeur à bande circulaire (tapis roulant). Après le remplacement de la pièce défectueuse, la machine a été remise en fonctionnement et la main du salarié a été entraînée par la roue dentée qui venait d’être remplacée et qui n’était pas couverte de son carter de protection. Son index droit a été pris dans le mouvement de la roue, provoquant l’arrachement de la troisième phalange.

M. [E] fait valoir, au soutien de sa demande en reconnaissance de faute inexcusable que l’accident est survenu « d’une part, en raison d’un défaut de formation appropriée au travail spécifique demandé et d’autre part, à un manque de moyens d’effectif et de sécurisation de la machine ». Il affirme ainsi que :

– l’équipement qu’il devait utiliser ne respectait aucune des précautions élémentaires en ce que le convoyeur avait des fils apparents, qu’il n’avait pas de bouton poussoir d’arrêt d’urgence, qu’il n’y avait plus de porte sur l’armoire électrique, qu’il n’y avait aucune étiquette d’affichage et qu’il n’y avait plus de bouton en plastique sur l’interrupteur sectionneur. Le coffret commande était en très mauvais état’. Il soutient que la machine « n ‘était aucunement aux normes » et s’appuie en cela sur le rapport de l’APAVE de 2014 commandé par l’inspecteur du travail qui a considéré que « la machine présente des dispositions techniques non conformes avec les règles de conception applicables »,

– aucune notice ne lui avait était remise qui aurait pu lui permettre d’utiliser la machine correctement, machine dont il a découvert le fonctionnement lors de l’accident,

– que l’intervention s’était faite sur la zone de travail, pendant une période de travail, alors que le convoyeur aurait dû être amené dans l’atelier pour l’intervention,

– que son responsable lui a demandé de changer la pièce en zone de travail sans interrompre le travail sur la zone de travail, sans retirer le convoyeur et l’emmener dans l’atelier alors que les cartons continuaient d’arriver sur le convoyeur et qu’il était obligé de s’arrêter pour passer ou pousser les cartons pendant l’intervention,

– qu’il n’avait pas reçu de formation,

Le tribunal correctionnel de Meaux a, par jugement du 4 juin 2018, relaxé la société [12] et M. [M] [O], directeur, des chefs de blessures involontaires avec incapacité des travail n’excédant pas trois mois par mise à disposition de travailleurs d’équipement de travail conformes aux règles techniques ou de certification, obligation pour laquelle le manquement est caractérisé par la mise à disposition d’une machine (transporteur à bande) présentant de nombreuses non conformité imputables selon le rapport établi le 17 mars 2014 par l’APAVE à l’utilisation résultant d’une mesure, d’un démontage ou d’une dégradation en rapport à un état initial supposé satisfaisant.

Pour parvenir à cette décision, le tribunal a jugé qu’il ne ressortait pas du rapport de l’APAVE que les points de non conformité relevés aient été à l’origine de l’accident, le convoyeur disposant bien d’un mécanisme de consignation électrique permettant l’interruption. Il excluait également que les modifications techniques apportées par la Société sur le convoyeur aient pu être à l’origine de l’accident.

Ce chef de relaxe n’a pas été contesté de sorte qu’il est devenu définitif et s’impose à la cour.

Pour sa part, la chambre des appels correctionnels, dans son arrêt du 4 mai 2021, a relaxé la société [12] et M. [M] [O], directeur, des autres chefs de poursuite à savoir:

– blessures involontaires avec incapacité des travail n’excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence,

– blessures involontaires avec incapacité des travail n’excédant pas trois mois par maladresse, imprudence, inattention négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce :

o l’obligation de mettre à disposition des travailleurs des équipements de travail conformes aux règles techniques ou de certification, obligation pour laquelle le manquement est caractérisé par la mise à disposition d’une machine (transporteur à bande), présentant de nombreuses non conformité imputable selon le rapport établi le 17 mars 2014 par l’APAVE à l’utilisation résultant d’une mesure, d’un démontage ou d’une dégradation en rapport à un état initial supposé satisfaisant,

o l’obligation pour l’entreprise utilisatrice d’organiser pour les travailleurs temporaires une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, obligation pour laquelle le manquement est caractérisé par l’absence de formation dispensée à la victime,

o l’obligation pour l’employeur d’exécuter des travaux de maintenance dans le respect des règles de sécurité, obligation pour laquelle le manquement est caractérisé par la réalisation d’une opération de maintenance sur le transporteur à bande comportant des organes en mouvement susceptibles de présenter un risque, sans avoir pris toutes les mesures pour empêcher la remise en marche inopinée de l’équipement de travail, ni avoir pris les dispositions particulières pour mettre en oeuvre des conditions de fonctionnement, une organisation du travail et des modes opératoires permettant de préserver la sécurité des travailleurs

La cour constate en premier lieu que les arguments invoqués par M. [E] pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur sont exactement ceux qui ont donnés lieu aux relaxes.

Ensuite, la cour relève que pour parvenir à la relaxe, la chambre des appels correctionnels a jugé, après avoir repris les différentes versions de M. [E], de l’employeur et des témoins, que :

– M. [E] avait été engagé en raison de sa formation et de son expérience préalable dans le domaine de la maintenance des équipements utilisés dans les entreprises de logistiques,

– que le salarié disposait des équipements de sécurité requis par la loi, notamment chaussures et gants, ainsi que le livret d’accueil comportant les règles de sécurité de base en vigueur sur le site,

– que M. [E] avait appuyé sur le bouton pour redémarrer la machine sans avoir replacé le carter de protection,

– que la notice d’instruction du convoyeur dont a eu connaissance l’inspection du travail indiquait qu’il fallait, avant toute opération sur le mécanisme de transmission (pignon et chaîne en cause), de remonter le carter de protection avant tout redémarrage ou intervention,

– que si l’APAVE avait relevé divers points de non conformité imputables à l’utilisation résultant d’une usure, d’un démontage ou d’une dégradation, l’équipement était bien doté d’un interrupteur-sectionneur verrouillable permettant l’isolation électrique de celui-ci même si les circuits électriques avaient été modifiés par l’utilisateur afin d’y intégrer un variateur de fréquence pour l’alimentation du moteur d’entraînement.

Sur l’ensemble de ces points, la cour a jugé que :

– M. [E] disposait de la formation, de la compétence et de l’expérience notamment pour le travail sur des convoyeurs à bande, notamment lors de son travail, durant plusieurs années, à l’aéroport de [11],

– qu’il avait bénéficié de formation à la sécurité et a passé différentes habilitations électriques, la dernière en 2013, année de l’accident,

– que M. [E] connaissait parfaitement, et de longue date, les procédures de sécurité sur ce types de matériel,

– qu’au moment de l’intervention, l’alimentation avait été coupée et n’avait été remise en service que pour s’assurer de son fonctionnement,

– que la remise en service devait se faire après la remise du carter par M. [E], ainsi qu’il en avait reçu l’ordre de son supérieur, présent lors de l’intervention,

– que l’ensemble des consignes nécessaires à la sécurité lui avaient été fournie par son supérieur, notamment la remise du carter mais que M. [E] n’a pas respectées,

La cour jugeait en outre que :

– si les consignes de sécurité avait été écrites sous forme d’une notice au lieu d’être dites « elles n’auraient pas eu plus d’effet car c’est bien volontairement que [M. [E]] a continué d’intervenir sur le convoyeur sans remettre le carter, ce contre quoi sa collègue l’avait mis en garde en vain »,

– qu’il n’y a pas eu de remise en marche inopinée de la machine,

– qu’il n’est pas établi que si l’opération de changement d’une pièce unique avait eu lieu dans l’atelier, dans des conditions différentes aurait évité l’accident,

– que si M. [E] soutient que la machine avait des fils apparents, n’avait pas de bouton d’arrêt d’urgence ni de porte sur l’armoire électrique ni même de bouton en plastique sur l’interrupteur sectionneur et que le coffret de commande était en très mauvais état, le rapport de l’APAVE « a fait litière de ces prétendus défauts et a démontré qu’aucune anomalie de machine, aucun écart par rapport aux normes en vigueur ne pouvait être en rapport avec l’accident » précisant même qu’il « existait un mécanisme de consignation électrique en permettant l’interruption ».

Elle concluait que l’accident avait pour cause le comportement de M. [E] qui a laissé en marche le convoyeur à bandes sans poser au préalable le carter de protection, contrairement aux instructions précises qui lui étaient données par le chef de la maintenance en présence de témoins. La faute de la victime est la cause unique et exclusive de l’accident.

La cour ne peut alors que constater que les éléments sur lesquels se fondent M. [E] pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur sont ceux qui ont précisément été écartés par les juges correctionnels. Il ne présente pas d’autres éléments qui auraient été la cause de son accident et qui n’auraient pas été tranchés par le juge pénal.

Dès lors, au regard de l’autorité de la chose jugée au pénal, qui interdit à une juridiction civile de remettre en cause ce qui a été définitivement et nécessairement décidé par la juridiction répressive statuant sur l’action publique, sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, la cour ne peut porter d’appréciations différentes.

Il résulte de ce qui précède qu’il a été définitivement jugé que la Société avait mis en place toutes les mesures de sécurité nécessaires pour éviter le risque de coupure mais qu’elle ne pouvait pas prévoir qu’un technicien de maintenance pouvait positionner son doigt sur la chaîne de la machine après avoir remis la machine en fonctionnement et sans avoir préalablement remis le carter de protection malgré les consignes et injonctions du superviseur et malgré les consignes de sécurité préalablement fournies.

Ainsi il est manifeste qu’aucun manquement de l’entreprise n’est établi pour retenir l’existence d’une faute inexcusable de la société [12].

En conséquence également, il n’y a pas lieu de statuer sur les autres chefs de demandes en lien avec la faute inexcusable.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles

M. [E] succombant, il sera condamné aux dépens de l’instance.

Par ailleurs, ni l’équité ni la situation respective des parties ne justifiant l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes formées de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 9 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny (19-1229) sauf en ce qu’il a dit l’action en reconnaissance de la faute inexcusable formée par M. [D] [E] non prescrite et rejetée la demande de mise hors de cause de la société [12] ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

JUGE que l’accident du travail dont a été victime M. [D] [E] le 19 décembre 2013 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. [E] aux dépens.

La greffière La présidente

 


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