Tentative de conciliation : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19111

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Tentative de conciliation : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19111
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ 84 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19111 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGV32

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2022 -Tribunal de Commerce de MELUN RG n° 2021F00429

APPELANTE

S.A. MMA IARD Agissant en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au RCS du MANS sous le numéro : 440 048 882 00680

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMÉE

S.A.S. GABRIEL agissant en la personne de ses représentants légaux domicili

és en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro : 512 025 115

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant, Me Fany BAIZEAU, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Julien SENEL dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS GABRIEL exploite un restaurant de l’enseigne “McDonald’s”.

A la suite de l’interdiction de recevoir du public édictée par le gouvernement en mars 2020 au titre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19, plusieurs exploitants de restaurants McDonald’s ont déclaré un sinistre “perte d’exploitation” à la société MMA IARD (MMA) au titre de la garantie stipulée dans l’une des deux polices cadres multirisques souscrites auprès de MMA par la société McDonald’s France Services pour le compte des sociétés d’exploitation des restaurants de l’enseigne McDonald’s dont fait partie la société GABRIEL.

Par courrier du 10 septembre 2020, MMA a informé la SCIACI SAINT HONORE, courtier de la société GABRIEL, qu’elle refusait sa garantie au motif que les conditions de la garantie n’étaient pas remplies, dès lors que ‘l’arrêté du 14 mars 2020 et ses suites n’imposent pas la fermeture des restaurants mais interdisent ‘uniquement’ l’accueil du public pour la consommation sur place’, et que ‘la vente à emporter et la vente en livraison restent expressément autorisées’. MMA a par ailleurs précisé que le plafond de garantie applicable pour la garantie des pertes d’exploitation sans dommages serait, conformément aux deux polices souscrites par McDonald’s France Services, un plafond mutualisé limité à 300.000 € pour l’ensemble des pertes d’exploitation subies par l’ensemble des restaurants ainsi assurés.

Cette police, qui avait pris effet le 1er juillet 2018, pour une période de trois ans, n’a pas été renouvelée.

Par courrier du 8 janvier 2021, la SIACI SAINT HONORE a informé les franchisés du refus de MMA d’indemniser les sinistres ‘pertes d’exploitation’ déclarés au titre du premier confinement ; elle précisait être toujours sans nouvelles de la part de MMA des suites des déclarations éventuellement effectuées au titre du second confinement à l’automne 2020.

C’est dans ce contexte que la société GABRIEL a, par acte d’huissier de justice en date du 3 novembre 2021, assigné la société MMA IARD devant le tribunal de commerce de MELUN aux fins de condamnation à l’indemniser au titre de la garantie pertes d’exploitation sans dommage, outre le remboursement de la fraction de prime indûment perçue et le paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles et les dépens.

La société MMA a soulevé devant le tribunal une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris au motif de l’indivisibilité et subsidiairement de la connexité des demandes formées par la société GABRIEL à son encontre avec plusieurs demandes pendantes devant le tribunal de commerce de Paris, résultant de divers actes introductifs d’instance.

MMA a alors demandé au tribunal saisi de :

– joindre l’affaire opposant à celles d’autres sociétés,

– se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

– surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive dans les dossiers pendants devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 7 novembre 2022, le tribunal de commerce de MELUN après s’être déclaré compétent, a notamment :

– rejeté les demandes de jonction et de sursis à statuer formulées par les MMA,

– rejeté la demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, formulée par la société demanderesse,

– ordonné au greffier du tribunal de commerce de MELUN de réenrôler l’affaire aux fins de poursuite de l’instance,

– réservé les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 23 novembre 2022, la société MMA IARD a interjeté appel en mentionnant que l’appel tend à l’annulation ou la réformation du jugement en ce qu’il se déclare compétent et rejette l’exception de connexité.

Aux termes de ses conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 3 février 2023, la société MMA IARD demande à la cour au visa des articles 4, 75, et 101 du code de procédure civile, de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par MMA motif pris de l’indivisibilité ;

Statuant à nouveau :

– déclarer recevable et bien fondée l’exception d’indivisibilité soulevée,

– renvoyer l’affaire au tribunal de commerce de Paris,

– condamner la société GABRIEL à payer à MMA la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de la présente instance ;

A titre subsidiaire :

– REFORMER le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté l’exception de connexité soulevée par MMA ;

– CONSTATER la connexité de la demande formée par la société GABRIEL à l’encontre de MMA IARD et celles pendantes au tribunal de commerce de Paris et résultant des actes introductifs d’instance suivants :

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CHEMS par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015439,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PAR7 par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015441,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CMFG par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015442,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PARIT 1 par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015443,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PARIT 2 par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015444,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société KEYA par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015445,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société STALIREST par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015447,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CLEMENT PARIS ZENITH par exploit d’huissier du 1 er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015450,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CONZADEB par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015452,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société BIRDY par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019697,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société Montmartre Express par exploit d’huissier du 1 er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019698,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SAVOP par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021019699,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société BN EXPRESS par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021019700,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SAVPRO par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019903,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SAVGRAM par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019904,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société JUAD par exploit d’huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019905,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PHILIART par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022745,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société OLICA par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022750,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CAROLI par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022751,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SOFICAR par exploit d’huissier du 16 mars 2021 enrôlée sous le RG n°2021022755,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SL FORUM par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022757,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société FORUM CINE par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021022759,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société R R R par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022760,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SL VOLTAIRE par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022761,

L’assignation délivrée à la requête de la société SL BERGER par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022762,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SL RENARD par exploit d’huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022763,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PAROS par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038761,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société PARITOL par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038769,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CMFP par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038763,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SL BASTILLE par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021037098,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société NANDRE par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038765,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société CJAE par exploit d’huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038759,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société BAVACHY par exploit d’huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037237,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SAVCAD par exploit d’huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040691,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société GOREST par exploit d’huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037112,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SANTI par exploit d’huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040733,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société ELIKA par exploit d’huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040681,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SL REAUMUR par exploit d’huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040688,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société MADO SARL par exploit d’huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040685,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société REAUSTAT par exploit d’huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040686,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société HAMSCO par exploit d’huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037110,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SCHAMS par exploit d’huissier du 17 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021038767,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société MALIA par exploit d’huissier du 9 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022016059,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société COZUMEL par exploit d’huissier du 9 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017121,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société BYVA par exploit d’huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017123,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société KESHVAR par exploit d’huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017120,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société TABRIZALE par exploit d’huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017122,

‘ L’assignation délivrée à la requête de la société SAVCHAM par exploit d’huissier du 14 mars 2022 enrôlée sous le RG n° 2022017125 ;

– renvoyer au tribunal de commerce de Paris la présente instance, motif pris de la connexité ;

– condamner la société GABRIEL à payer à MMA la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de la présente instance ;

En tout état de cause :

– débouter la société GABRIEL de ses demandes de dommages-intérêts et d’amende civile fondées sur une prétendue résistance abusive de MMA ;

– débouter la société GABRIEL de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 6 février 2023, la société GABRIEL demande à la cour, au visa notamment des articles R. 114-1 du code des assurances, 32-1, 100 et 700 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement en ce que le Tribunal s’est déclaré compétent pour trancher le litige et débouté MMA IARD de ses demandes de renvoi du dossier devant le tribunal de commerce de Paris.

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté MMA IARD de sa demande de sursis à statuer,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société GABRIEL de sa demande de condamnation de MMA au paiement d’une amende civile ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau, condamner MMA à payer la somme de 179 787 euros à titre de dommages intérêt correspondant à l’acompte prévu contractuellement, outre l’amende civile ;

En tout état de cause :

– débouter MMA IARD de toutes demandes contraires au présent dispositif ;

– condamner MMA IARD à verser à la société GABRIEL la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

A l’audience, sur question de la cour, le conseil de l’appelant a précisé que les primes n’étaient pas payées directement par les franchisés et le conseil de l’intimée a précisé qu’il formait un appel incident pour les chefs du jugement non visés dans la déclaration d’appel mais dans ses conclusions récapitulatives, dont il demande l’infirmation (amendes civiles, dommages et intérêts).

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l’exception d’incompétence pour indivisibilité et l’exception de connexité

Vu les articles R. 114-1 du code des assurances, 4, 73 et suivants du code de procédure civile ;

Au cas présent, la société GABRIEL a saisi le tribunal de commerce de Melun selon elle exclusivement compétent pour trancher le litige l’opposant à MMA, relatif au versement d’une indemnité d’assurance, en application des dispositions de l’article R. 114-1 du code des assurances, en faisant valoir qu’il s’agit du ressort du domicile de l’assuré (plus précisément de son siège social) au sens de ce texte, d’ordre public.

Ce faisant, la société GABRIEL a effectivement respecté les dispositions d’ordre public qu’elle invoque, dès lors qu’elle dispose d’un droit propre, direct et personnel à l’encontre de l’assureur afin d’obtenir le versement de l’indemnité réclamée en exécution de ce contrat, peu important sur ce point que l’assuré tire son droit à garantie d’une stipulation pour autrui.

Sous réserve de l’examen des moyens qui vont suivre, la société MMA IARD n’en demeure pas pour autant irrecevable à soulever les exceptions d’incompétence et de connexité dont elle se prévaut dès lors qu’elle l’a fait avant toute défense au fond pour celle d’incompétence et que la connexité peut être soulevée par les parties en tout état de cause, et qu’elle a bien désigné la juridiction devant laquelle elle entend que l’affaire soit portée ; elle est donc recevable en ses demandes, qu’il convient d’examiner.

En cause d’appel, elle ne sollicite plus la jonction des différentes instances initiées devant le tribunal de commerce de Melun, que ledit tribunal a refusé de prononcer.

MMA demande la réformation du jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence qu’elle avait soulevée, pour indivisibilité et rejeté l’exception de connexité (qui est également un incident de compétence) qu’elle avait soulevée subsidiairement, au profit du tribunal de commerce de Paris en faisant valoir en substance que :

– outre l’intimée, ce sont à ce jour plus de 1470 exploitants de restaurants McDonald’s qui ont saisi la juridiction commerciale du lieu de leur siège social (soit 130 tribunaux de commerce), afin de solliciter la condamnation de MMA à garantir leurs pertes d’exploitation, pour un montant total cumulé de réclamations à hauteur d’environ 810.000.000 euros ;

– ce faisant, il existe un risque d’encombrement judiciaire et d’incompatibilité de décisions, alors que toutes ces instances portent sur le même contrat d’assurance, sont introduites contre le même défendeur, et ont le même objet ;

– le tribunal de commerce de Paris a été le premier saisi (par des assignations délivrées à MMA dès le 1er mars 2021), et il est aussi l’un des plus sollicités en nombre de procédures émanant des exploitants de restaurants McDonald’s (48 instances pendantes à ce jour) ; instances qui ont été rapprochées et font l’objet d’un calendrier commun ;

– pour pallier à la carence des demanderesses, MMA a assigné en déclaration de jugement commun McDonald’s France Services devant le tribunal de commerce de Paris dans les 48 instances introduites devant cette juridiction dès lors qu’il s’agit du cocontractant de MMA au titre du contrat d’assurance en litige et qu’il est de ce fait directement intéressé par l’interprétation et l’exécution des garanties d’assurance ;

– les prétentions soutenues au fond par l’intimée devant le tribunal de commerce de Melun sont exactement les mêmes que celles débattues actuellement devant le tribunal de commerce de Paris, par des dizaines de parties, et en présence du souscripteur ;

– l’instance au fond pendante devant le tribunal de commerce de Melun n’est en réalité qu’une facette d’un contentieux indivisible qui s’est noué devant le tribunal de commerce de Paris ;

– l’instance au fond pendante devant le tribunal de commerce de Melun doit en conséquence être renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris compte tenu de l’indivisibilité de l’ensemble des instances introduites par les exploitants des restaurants McDonald’s partout en France, dont l’intimée fait partie, et subsidiairement, au motif de la connexité.

L’intimée s’y oppose et demande la confirmation du jugement, en ce que le tribunal saisi s’est déclaré compétent pour trancher le litige, a débouté MMA IARD de ses demandes de renvoi du dossier devant le tribunal de commerce de Paris et a débouté MMA de sa demande de sursis à statuer.

Elle fait valoir en substance que :

– rien ne permet de déroger à la compétence d’ordre public du tribunal qu’elle a saisi, ni l’indivisibilité ni la connexité que lui opposent les MMA ;

– le tribunal saisi possède une compétence exclusive pour trancher le litige et ne peut être déclaré incompétent ;

– aucune indivisibilité ne peut remettre en cause la compétence du tribunal saisi dès lors que :

– le jugement à venir sera exécutable quelle que soit l’analyse retenue par d’autres juridictions, s’agissant de l’application des garanties aux sinistres subis par d’autres restaurateurs, parce que d’une part elle agit contre l’assureur sur la base d’un droit propre et sollicite l’indemnisation d’un sinistre personnel, et d’autre part, le contentieux ayant opposé AXA et ses assurés démontre que l’existence d’analyses divergentes entre les juridictions quant à l’application d’une garantie « pertes d’exploitation sans dommages » ne rend pas et n’a pas rendu l’exécution des décisions impossibles ;

– le jugement à venir sera exécutable quelle que soit l’analyse retenue par d’autres juridictions s’agissant de la prétendue application d’un plafond de garantie commun à tous les assurés dès lors que :

. d’une part, le contrat prévoyant un plafond d’indemnisation de 300.000 euros ‘par sinistre’, elle bénéficie d’un plafond d’indemnisation applicable à son seul restaurant, parce qu’elle a subi des sinistres qui lui sont propres ;

. d’autre part, les assurés n’ayant pas à se concerter pour déterminer la répartition de l’indemnité, les décisions à venir pourront être exécutées ;

– aucune connexité ne peut remettre en cause la compétence du tribunal qu’elle a saisi dés lors que :

. l’absence d’identité des parties exclut tout lien entre le présent dossier et ceux en cours à [Localité 2] ;

. l’absence d’identité des demandes exclut toute connexité entre les instances en cours devant la présente juridiction et celles pendantes à [Localité 2] en ce que :

. elle demande l’indemnisation d’un dommage qui lui est propre,

. elle agit sur la base de sa police et exerce un droit propre et personnel à l’égard de l’assureur,

. les restaurateurs sont susceptibles de suivre des stratégies distinctes de sorte qu’il n’est pas d’une bonne administration de la justice de renvoyer ces dossiers à [Localité 2] afin qu’ils fassent l’objet d’un traitement global ;

– contrairement aux affirmations de MMA, il n’est pas dans l’intérêt de l’administration d’une bonne justice de renvoyer le dossier devant le tribunal de commerce de Paris.

A titre liminaire, il convient de rappeler que le sursis à statuer demandé en première instance n’étant pas prévu par la loi, cette demande ne pouvait être accueillie qu’au regard de l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Il convient de prendre acte du fait que cette demande n’est plus soutenue, et que l’intimée demande la confirmation du chef de jugement sur ce point qui, n’étant pas visé dans la déclaration d’appel, n’est pas dévolu à la cour.

a- l’exception d’incompétence pour indivisibilité

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

L’indivisibilité ne peut résulter que d’une impossibilité juridique d’exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires.

En l’espèce, la cour ne peut suivre MMA lorsqu’elle affirme que l’impossibilité juridique d’exécution de décisions potentiellement contraires, justifiant l’exception d’incompétence pour indivisibilité dont elle se prévaut, résulte du fait que, alors qu’il existe une unique police d’assurance, et donc une seule clause de garantie invoquée par l’ensemble des assurés pour compte, ceux-ci ont éclaté le contentieux d’une façon telle que le litige unique portant sur cette clause se trouve soumis simultanément à 135 juridictions différentes saisies de près de 1470 assignations toutes identiques, de sorte qu’à supposer que certaines juridictions retiennent que cette police s’applique en l’espèce, tandis que d’autres estimeraient qu’elle ne s’applique pas, il en résulterait ‘la situation absurde et aberrante’ selon laquelle le même contrat serait simultanément applicable et non applicable, ‘aberration conceptuelle’ témoignant de la situation d’impossibilité juridique qui serait caractérisée s’il était permis que les centaines d’instances en cours se poursuivent devant chacune des juridictions saisies de ce litige.

En effet, comme le fait valoir l’intimée, chaque société d’exploitation de restaurant à l’enseigne McDonald’s assurée est une personne morale juridiquement distincte, indépendante, qui exerce son activité de façon libre et autonome, sans lien capitalistique avec la société McDonald’s France, ni relation avec les autres sociétés assurées auprès de MMA ; les assurés sont d’ailleurs considérés expressément comme des tiers les uns vis-à-vis des autres au terme de l’article 1.19 du programme d’assurance multirisques des restaurants sous enseigne McDonald’s et McDonald’s France Service ; s’il peut arriver que certaines de ces sociétés aient un même gérant, elles n’en demeurent pas moins distinctes juridiquement et elles revendiquent toutes un, voire plusieurs préjudices distincts (mise en jeu de la garantie, dommages et intérêts), dans le cadre d’un droit à agir qui leur est propre.

De plus, sans qu’il y ait lieu d’entrer à ce stade procédural dans le débat de fond, quelle que soit l’analyse retenue par les juridictions saisies concernant l’application de la garantie dite de ‘pertes d’exploitation sans dommages’ invoquée par les assurés, ou du plafond de garantie que leur oppose la société MMA, celle-ci ne démontre pas qu’il sera impossible juridiquement d’exécuter simultanément les décisions en découlant, rendues en sens contraire.

En effet, l’admission du droit d’un assuré ne saurait aucunement impacter la recevabilité des demandes formulées par un autre en ce que les jugements rendus par les juridictions saisies ne peuvent avoir d’effet à l’égard des tiers, de sorte qu’il ne sera pas possible à MMA d’opposer le jugement rendu dans un contentieux l’opposant à un tiers ayant adhéré à la « Police cadre » pour refuser d’indemniser l’intimée, qui ne pourra quant à elle pas se prévaloir du jugement rendu par une autre juridiction au profit d’un autre assuré pour contraindre l’assureur à faire droit à sa demande d’indemnisation, d’autant plus que l’intimée ne sollicite pas le versement d’une indemnisation au titre d’un seul et unique sinistre commun à tous les assurés, mais l’indemnisation d’un sinistre qui lui est propre et personnel, le programme d’assurance multirisque stipulant en page 48 que le ‘sinistre’, ici de pertes d’exploitation, est constitué par des pertes/pertes d’exploitation, ce qui a priori empêche toute globalisation des pertes en question.

Enfin, à ce stade procédural, il n’est pas établi que les sinistres déclarés par les sociétés exploitant un restaurant à enseigne McDonald’s au titre de leurs pertes d’exploitation ne constituent qu’un seul et même sinistre dont l’indemnisation globale serait plafonnée à 300 000 euros pour toute la France ; à tout le moins, comme l’invoque l’intimée, cette interprétation des clauses contractuelles en faveur d’un plafond de garantie globalisé reflète à ce jour le seul point de vue de l’assureur, d’autant plus que l’article 8.2.1 du contrat initial relatif à la garantie ‘Pertes d’exploitation sans dommages’ modifié par avenant le 1er juillet 2019 ne comprend aucune disposition expresse de globalisation de la garantie ; l’issue de ce débat ressort en toute hypothèse du fond.

Sans que puissent être également utilement invoquées les nécessités du respect du principe de la contradiction, dès lors que la cour estime qu’il ne s’agit pas de juger un litige formant un tout indivisible, l’exception d’incompétence sera rejetée.

b- l’incident de compétence tiré de l’exception de connexité

Vu les articles 101 et suivants du code de procédure civile ;

La juridiction à laquelle est présentée une demande de renvoi pour connexité doit rechercher si l’instance portée devant elle présente, avec une instance portée devant une autre juridiction, un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble.

Il y a connexité lorsque deux juridictions également compétentes sont saisies de deux litiges différents entre lesquels existe un lien de nature telle qu’il peut être de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble.

Le dessaisissement ne peut être demandé sur ce fondement lorsque plus de deux juridictions sont saisies.

Enfin, l’identité d’objet, de parties et de cause entre deux instances correspond à la définition de la litispendance et non de la connexité.

En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens développés par les parties sur l’existence d’un lien de nature telle qu’il serait de l’intérêt d’une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les affaires enrolées devant le tribunal de commerce de Melun avec celles pendantes devant le tribunal de commerce de Paris, résultant des actes introductifs d’instance listés dans les dernières conclusions de MMA, c’est à juste titre que l’intimée fait valoir que le caractère exclusif et d’ordre public de la compétence d’une juridiction interdit d’y faire échec pour cause de connexité.

En effet, une demande qui relève de la compétence exclusive d’une juridiction ne peut être transmise à une autre juridiction qu’en cas d’indivisibilité ; or, comme l’intimée l’expose, elle n’avait pas d’autre choix que de saisir le tribunal de commerce de Melun dans le cadre du litige l’opposant à MMA, relatif principalement au versement d’une indemnité d’assurance, ce tribunal étant exclusivement compétent pour trancher ce litige en application des dispositions d’ordre public de l’article R. 114-1 du code des assurances, en ce qu’il s’agit du tribunal du ressort où se situe le siège social de l’assuré.

Dès lors que, pour les motifs retenus par la cour, l’indivisibilité invoquée par MMA n’est pas retenue, l’exception de connexité ne peut prospérer.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’indivisibilité et l’exception de connexité, et s’est ainsi déclaré compétent.

2) Sur la demande de dommages et intérêts et d’amende civile

L’intimée soutient que la société MMA doit être condamnée pour abus dans l’exercice de se défendre dès lors que :

– MMA a commis une faute en multipliant des incidents purement dilatoires ;

– les fautes commises par MMA lui ont causé un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 40% de la somme réclamée.

Cependant, comme le réplique la société MMA, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à son encontre une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit dont elle a fait preuve en usant de la possibilité de soulever les incidents de procédure dans le cadre de sa défense en justice, étant par ailleurs relevé que :

– MMA justifie avoir déposé depuis le 10 novembre 2021 des conclusions au fond devant le tribunal de commerce de Paris,

– MMA a accepté de prendre part à une tentative de conciliation sous l’égide d’un juge conciliateur désigné par le tribunal de commerce de Paris.

Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts et d’amende civile.

Le jugement est confirmé sur ces points.

3) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement, qui a réservé les dépens et l’article 700 du code de procédure civile, est confirmé sur ces points.

Partie perdante en cause d’appel, la société MMA sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à l’intimée, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 6 000 euros.

La société MMA sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, publiquement, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Condamne la société MMA IARD aux dépens d’appel ;

Condamne la société MMA IARD à payer à la société GABRIEL la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société MMA IARD de sa demande formée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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