Tentative de conciliation : 17 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02199

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Tentative de conciliation : 17 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02199
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SELARL [5]

SELARL [10]

CPAM DE L’INDRE

EXPÉDITION à :

[Y] [X]

SAS [11]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX

ARRÊT du : 17 JANVIER 2023

Minute n°08/2023

N° RG 20/02199 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GHLG

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHÂTEAUROUX en date du 7 Juillet 2020

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [Y] [X]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Assisté de Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉES :

SAS [11]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Pierre FEYTE de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

CPAM DE L’INDRE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Mme [P] [N], en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 2]

[Localité 9]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

L’affaire a été débattue le 18 OCTOBRE 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant la cour composée, en double rapporteur, de Madame Carole CHEGARAY , Président de chambre et, Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 18 OCTOBRE 2022.

ARRÊT :

– Contradictoire, en dernier ressort.

– Prononcé le 17 JANVIER 2023, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [Y] [X], né en 1973, est entré au service de la société [11] en 1997 dans le cadre de missions d’intérim. Il a été embauché par cette société suivant un contrat à durée indéterminée à compter du 9 juillet 2001 en qualité d’opérateur CN puis de chef d’équipe et de responsable de fabrication, et ce jusqu’au 14 mai 2016, date à laquelle il a été licencié pour inaptitude médicalement constatée d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

M. [Y] [X] a fait parvenir à la caisse primaire d’assurance maladie une déclaration de maladie professionnelle en date du 13 avril 2014 pour ‘toxidermie’. Le certificat médical intial établi le 27 mars 2014 mentionne ‘toxidermie des 2 mains, prurit, brûlures, lésions cutanées’.

Par décision du 10 octobre 2014, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 13] Centre, la caisse a pris en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie de M. [Y] [X] inscrite au tableau n° 36 ‘affections provoquées par les huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse’.

L’état de M. [Y] [X] a été déclaré consolidé à la date du 4 avril 2016 avec séquelles non indemnisables.

A la demande de M. [Y] [X], la caisse primaire d’assurance maladie a mis en place une tentative de conciliation le 9 décembre 2016, à l’issue de laquelle la société [11] a refusé de reconnaître sa faute inexcusable.

Par requête du 30 janvier 2018, M. [Y] [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Indre en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, majoration de la rente au maximum et désignation d’un expert aux fins d’évaluation du préjudice subi.

L’instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance de Châteauroux en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020.

Par jugement du 7 juillet 2020, le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux a :

– dit que la maladie professionnelle de M. [Y] [X] n’est pas due à la faute inexcusable de la SAS [11],

en conséquence,

– rejeté l’ensemble des demandes de M. [Y] [X],

– rejeté la demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile de la SAS [11],

– condamné la caisse primaire d’assurance maladie de l’Indre aux dépens.

Suivant déclaration du 29 octobre 2020, M. [Y] [X] a intejeté appel de ce jugement au contradictoire de la société [11] et de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Indre.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 18 octobre 2022 et soutenues oralement à l’audience du même jour, M. [Y] [X] demande à la Cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la maladie professionnelle de M. [Y] [X] n’est pas due à la faute inexcusable de la SAS [11] et rejeté l’ensemble des demandes de M. [Y] [X],

en cause d’appel,

– constater que la SAS [11] a commis une faute inexcusable,

Vu les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale et le procès-verbal de non-conciliation en date du 9 décembre 2016,

– constater que la maladie professionnelle subie par M. [Y] [X] est due à la faute inexcusable de la SAS [11],

Vu l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale en raison de la particulière gravité de la faute,

– fixer la majoration de la rente afférente à cette maladie à son taux maximum en application de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale,

Avant dire droit sur les préjudices corporels strictement personnels induits par cette maladie,

– ordonner dans les termes de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale une mesure d’expertise médicale,

– désigner tel expert qu’il plaira à la cour pour y procéder avec mission de convoquer les parties aux fins de :

* examiner M. [Y] [X],

* prendre connaissance de son dossier médical et se faire remettre tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

* décrire les lésions qui résultent de la maladie professionnelle dont il a été victime,

* dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des chefs de préjudices corporels prévus à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, à savoir :

. les souffrances physiques et morales par lui endurées,

. le préjudice esthétique subi,

. le préjudice d’agrément subi (tant avant qu’après la consolidation),

. le cas échéant, la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle résultant de la maladie professionnelle,

* indiquer les périodes pendant lesquelles M. [Y] [X] a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* dire si l’état de M. [Y] [X] est susceptible de modifications ou d’aggravation,

– dire que l’expert déposera son rapport au greffe de la cour pour être statuer sur ce que de droit,

– condamner la SAS [11] à payer à M. [Y] [X] une somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, outre une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– dire qu’en application des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie procèdera à l’avance de cette provision et en récupèrera le montant auprès de l’employeur.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 18 octobre 2022 et soutenues oralement à l’audience du même jour, la SAS [11] demande à la Cour de :

Vu les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

A titre principal,

– dire et juger M. [Y] [X] non fondé en ses demandes, fins et conclusions,

– juger que la société [11] n’a pas commis de faute inexcusable,

– débouter par conséquent M. [Y] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [Y] [X] à payer à la société [11] la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. [Y] [X] aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

– dire et juger M. [Y] [X] irrecevable au titre de ses demandes d’expertise portant sur l’incidence professionnelle de la maladie professionnelle,

– débouter par conséquence M. [Y] [X] de sa demande d’expertise,

– ramener à de plus justes proportions la provision qui pourrait lui être allouée.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 18 octobre 2022 et soutenues oralement à l’audience du même jour, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Indre demande à la Cour de :

– lui décerner acte de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour sur le point de savoir si la maladie professionnelle du 27 mars 2014 dont a été reconnu atteint M. [Y] [X] est imputable ou non à une faute inexcusable de l’employeur,

– dans l’affirmative, condamner la société [11] à rembourser à la caisse les sommes qu’elle sera amenée à verser au titre des préjudices extrapatrimoniaux.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

En application de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’accident, ou la maladie professionnelle, est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 2ème., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021).

Il appartient au salarié de rapporter la preuve que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.

En l’espèce, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [Y] [X] n’est pas contesté par l’employeur.

Pour les besoins de son activité d’usinage, la société [11] utilise depuis plus de 30 ans de l’huile de coupe qui est systématiquement diluée dans de l’eau dans des proportions 95 % eau / 5 % huile de coupe. L’huile de coupe Blasocut de la marque Blaser a été utilisée à compter de 2005.

Il ressort de l’enquête de la caisse primaire d’assurance maladie corroborée par des factures de fournisseurs communiquées par l’employeur qu’au mois de juillet 2013, la société [11] a utilisé une nouvelle huile d’usinage Quakercool 7101 ALF fournie par la société [14], laquelle a été remplacée au début du mois de janvier 2014 par l’huile précédemment utilisée, Blasocut, à la suite de l’apparition de pathologies cutanées identiques chez des salariés de l’équipe de nuit de l’entreprise dont M. [Y] [X].

Les risques liés à l’utilisation des fluides de coupe sont connus depuis de très nombreuses années, comme en témoigne un document de l’INRS de 2002 relevant notamment qu’il y a ‘beaucoup d’atteintes cutanées’ dans ce domaine et que ‘la plupart des mesures de prévention, collectives ou individuelles, sont déjà connues mais pas toujours observées’.

Les fiches des données de sécurité CE des produits Blasocut de Blaser et Quakercool de Quaker, si elles mentionnent que ces produits ne sont pas une préparation dangereuse au sens des directives de la CE et ne sont donc pas soumis à l’obligation de marquage, n’en précisent pas moins les mesures de protection individuelle à adopter, à savoir le port de gants de protection appropriés, de lunettes de sécurité avec protection latérale et de vêtements de travail à manches longues.

La société [11] ne pouvait donc qu’avoir conscience du danger auquel elle exposait ses salariés du fait de l’utilisation de l’huile de coupe.

Il ressort des pièces produites par la société [11] que les salariés sont pourvus d’équipements de protection : gants, vêtements de travail (blouse, pantalon et veste), ce qui n’est pas remis en cause par M. [Y] [X] qui figure sur la liste des salariés bénéficiant de cet équipement.

En ce qui concerne la filtration de l’air, la société [11] établit que ses installations sont équipées de deux étages de filtration, ‘la combinaison de ces deux médias filtrant permettant une efficacité opérationnelle suffisante pour capter la partie particulaire des over spray d’huile dans l’ambiance’, selon une note technique d’AAA France.

Enfin, il apparaît que la société [11] est revenue à l’utilisation de l’huile Blasocut dès qu’elle a eu connaissance d’une possible incidence de l’utilisation de la nouvelle huile sur les lésions cutanées de certains de ses salariés, une fois écarté le diagnostic erroné de gale initialement avancé par la médecine du travail, et a fait nettoyer et désinfecter à la fin du mois de décembre 2013 les ateliers et vestiaires par la société [12], comme en attestent les factures produites et M. [S] [G], salarié de la société.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur a pris les mesures nécessaires à la protection de la santé de ses salariés au regard des risques générés par l’utilisation de l’huile de coupe. Par ailleurs, la preuve n’est pas rapportée qu’il aurait dû avoir conscience d’un risque d’allergie accru pour ses salariés du seul fait du passage à l’huile de coupe Quakercool de Quaker -au lieu de Blasocut de Blaser- au vu des préconisations en matière d’exposition quasi-similaires des deux produits mentionnées sur les fiches de données de sécurité et de l’existence dans les locaux d’une ventilation requise pour l’utilisation du second produit.

Enfin, l’allégation de M. [Y] [X] selon laquelle la société [11] a eu recours à un nouveau lubrifiant Exafluid A L250, moins cher, pour lequel aucune formation ni indication précise n’a été fournie aux salariés qui ont très rapidement développé de graves lésions cutanées, n’est pas établie par les pièces produites. En effet, ni la photographie d’un récipient de 200 kg de ce produit ni sa revente sur le bon coin par un salarié de la maintenance de la société (dont l’attestation constituant la pièce 40 ne figure pas au dossier de l’appelant) ne saurait suffire à démontrer que ce produit a été utilisé comme huile de coupe au cours du 2ème semestre de l’année 2013, ce que l’employeur conteste fermement.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la maladie professionnelle de M. [Y] [X] n’est pas due à la faute inexcusable de l’employeur.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été justement réglé par les premiers juges.

M. [Y] [X] qui succombe supportera la charge des dépens d’appel.

Compte tenu des conditions respectives des parties, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS:

Confirme le jugement du 7 juillet 2020 du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux en toutes ses dipositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [X] aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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