Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/08059

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Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/08059
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N° RG 18/08059 – N° Portalis DBVX-V-B7C-MBGD

Décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de SAINT ETIENNE du 19 octobre 2018

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 16 Mars 2023

APPELANTE :

Mme [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475

Et ayant pour avocat plaidant Me Fabien LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON, toque : 149

INTIMEE :

SELARL JURIDIAL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant la SCP SCP O.RENAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1835

INTERVENANTE :

SELARL [T] [N] représentée par Maître [T] [N] agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Maître [X] [C]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475

Et ayant pour avocat plaidant Me Fabien LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON, toque : 149

* * * * * *

L’affaire a été régulièrement communiquée à Madame la Procureure Générale

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2021

Date de mise à disposition : 2 décembre 2021 prorogée au 17 février 2022, puis 5 mai 2022, 30 juin 2022, 29 septembre 2022, 15 décembre 2022 et 16 mars 2023 les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Anne WYON, président

– Françoise CLEMENT, conseiller

– Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Mme [C] qui exerçait à Lyon en cabinet individuel depuis 2011, a saisi le bâtonnier de Lyon d’un litige l’opposant à la société d’avocats Juridial exerçant au barreau de Bordeaux par lettre du 11 septembre 2017.

Dans sa lettre de saisine afin que lui soit restituée par la société Juridial la somme de 71’573,54 euros, elle relate que :

– en 2015, débitrice d’une dette fiscale importante et menacée de l’ouverture d’une procédure collective, elle s’est rapprochée des avocats de la Selarl Fiducial de [Localité 5] avec lesquels elle entretenait des liens amicaux ;

– ils ont convenu d’un projet d’association dont la formalisation a été différée, la société Juridial établissant un contrat de collaboration avec rétrocession d’honoraires afin de lui permettre d’obtenir du trésor public un échéancier favorable;

– il était prévu que Mme [C] facture l’ensemble de ses clients via la société Juridial et perçoive 55 % des sommes encaissées. La société Juridial s’engageait à souscrire un prêt de 40’000 euros au titre du rachat de sa clientèle, les échéances devant être prélevées sur le pourcentage de 45% retenu sur les encaissements de l’avocate, de même que le financement de ses frais et factures et l’utilisation qu’elle ferait du secrétariat de [Localité 5]. Un compte bancaire spécifique devait être ouvert à [Localité 4] pour ces opérations par la Selarl Juridial, le montage étant accompagné notamment de la gestion de sa comptabilité ;

– la dégradation des relations entre les parties a conduit à la rupture de leur accord en juillet 2017.

Une tentative de conciliation menée par les bâtonniers de Lyon et de Bordeaux est restée vaine ; le bâtonnier de Saint-Etienne a été saisi en qualité de tiers bâtonnier.

Par décision d’arbitrage du 19 octobre 2018, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint-Étienne a considéré qu’aucun acte de cession n’avait été formalisé et, après avoir établi un décompte, a énoncé qu’aucune somme n’était due de part et d’autre.

Le 24 octobre 2018, Mme [C] a déposé une requête en rectification d’erreur matérielle, au motif que les honoraires qui lui avaient été versés avaient été déduits sous deux rubriques différentes dans le tableau récapitulatif du décompte, qu’il en résultait un solde de 81’750,21 euros en sa faveur, demandant que la société Juridial soit condamnée à lui verser cette somme (sa pièce 12). Sa requête a été rejetée.

Par déclaration reçue au greffe le 16 novembre 2018, Mme [C] a relevé appel de la décision du 19 octobre 2018.

Par jugement du 14 mai 2019, elle a été placée en redressement judiciaire, la société [T] [N] représentée par Me [N] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Mme [C] a fait assigner la société Juridial le 24 juin 2019 devant le tribunal de grande instance de Lyon en extension de sa procédure de redressement judiciaire. Elle a été déboutée de sa demande suivant jugement du 19 septembre 2019.

Le 24 juin 2019, elle a également déposé plainte pour faux auprès du procureur de la République à l’encontre de la société Juridial, lui reprochant d’avoir établi à son préjudice un faux contrat de collaboration et une fausse facture de sous-traitance.

A l’audience du 21 octobre 2021, se référant expressément à ses conclusions écrites n°5 déposées au greffe le 21 septembre 2019 et aux pièces qu’elle a communiquées, Mme [C] et la société [T] [N] représentée par Me [T] [N] demandent à la cour de réformer la décision entreprise en ce qu’elle l’a déboutée de ses demandes et, statuant à nouveau, de :

– au visa de l’article 564 du code ‘civil’, déclarer irrecevables les demandes de la société Juridial s’élevant à 45’921,45 euros,

– écarter des débats la pièce adverse n° 16, qui est couverte par le secret des échanges entre avocats,

– à titre principal,

– prononcer la nullité de la cession de clientèle,

– dire et juger qu’il y a lieu de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de cette cession,

– condamner la société Juridial à lui verser la somme de 100’444,75 euros hors-taxes outre intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2017, date de la saisine du bâtonnier de Lyon,

– débouter la société Juridial de ses demandes, fins et conclusions,

– à titre subsidiaire, condamner la société Juridial à lui verser la somme de 106’634 euros correspondant aux honoraires qui ont été encaissés et qui correspondent à des diligences accomplies antérieurement à la cession,

– à titre infiniment subsidiaire :

– dire qu’il s’est formé entre elle-même et la société Juridial, de juillet 2015 à juillet 2017, une société créée de fait,

– désigner un expert afin d’examiner la comptabilité de la société Juridial et de déterminer sur la période considérée le bénéfice ou la perte à répartir entre les quatre associés de cette société et elle-même,

– condamner la société Juridial à lui verser la part de bénéfices lui revenant sur cette période,

– en tout état de cause, condamner la société Juridial à lui verser la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts, à supporter les dépens et à lui payer 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Se référant expressément à ses conclusions écrites n°4 déposées au greffe le 1er octobre 2021 et aux pièces qu’elle a communiquées, la société Juridial demande à la cour de réformer la décision du 19 octobre 2018 en ce qu’elle a rejeté ses demandes et, statuant à nouveau, de :

– juger que Mme [C] lui a cédé sa clientèle en septembre 2015 au prix de 25’000 euros,

– juger les demandes formulées par Mme [C] à titre subsidiaire et tendant à sa condamnation à des honoraires prétendument perçus avant la cession comme étant nouvelles en cause d’appel et à ce titre les juger irrecevables,

En conséquence :

– débouter Mme [C] de sa demande d’annulation de la cession de clientèle,

– débouter Mme [C] de ses demandes de condamnation de la société Juridial concernant des honoraires prétendument perçus avant la cession,

Reconventionnellement :

– ordonner la fixation au passif du redressement judiciaire de Mme [C] de la somme de 61’930,50 euros,

– subsidiairement, juger qu’après application de la méthodologie au réel, elle ne reste devoir aucune somme à Mme [C],

En tout état de cause :

– débouter Mme [C] de toutes demandes, fins, prétentions et moyens,

– la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le ministère public a indiqué par écrit le 27 juin 2019 qu’il ne formulait pas d’observations.

MOTIVATION

– sur les irrecevabilités

Les articles 564 à 566 du code de procédure civile n’interdisent pas aux parties de soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour proposer compensation, ou des prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ni d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En saisissant le bâtonnier, Mme [C] a réclamé la restitution par la société Juridial de sommes lui restant dues dans le cadre de son partenariat avec la société Juridial en vigueur de juillet 2015 à juillet 2017.

La demande de Mme [C] tendant à obtenir le paiement des honoraires encaissés par la société Juridial après le 1er septembre 2015, date de la cession de clientèle objet du litige, au titre des diligences qu’elle avait accomplies avant cette date, n’a pas été soumise au bâtonnier. Toutefois, se rapportant à des sommes que la société Juridial aurait perçues à tort et devrait lui restituer, elle tend aux mêmes fins que sa demande initiale au sens des textes précités et sera donc déclarée recevable.

De même, l’augmentation du montant de sa demande en paiement par la société Juridial dans le cadre du compte à faire entre les parties ne saurait rendre celle-ci irrecevable.

– sur le retrait de la pièce n°16 de la société Juridial

Il s’agit d’un courrier adressé par un membre d’un cabinet lyonnais à la bâtonnière de l’ordre des avocats de Lyon le 19 avril 2017 pour l’informer des propos tenus à son endroit par Mme [C] lors d’une communication téléphonique relative à une cliente ayant quitté ce cabinet au profit de celui de Mme [C], propos qu’il estimait contrevenir aux principes essentiels de la profession d’avocat de confraternité, modération et courtoisie.

La société Juridial s’oppose à la demande en faisant valoir que ce courrier qui n’est pas une correspondance entre avocats n’est pas soumis à l’article 3 du règlement intérieur national.

Les articles 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971, 2 et 3 du règlement intérieur national ne soumettant pas au secret professionnel les courriers échangés entre un avocat et une autorité ordinale, la demande de retrait de cette pièce sera rejetée.

– sur le fond

‘ sur la convention liant les parties

Il est admis par les parties que le projet d’acte de cession de clientèle que Me [J] du cabinet Juridial a adressé à Mme [C] par courriel du 17 juillet 2015 n’a pas été régularisé. Ce projet prévoyait essentiellement la fixation de l’indemnité de cession à 40’000 euros et la conclusion entre les parties d’un contrat de collaboration libérale (pièce n°1 de Mme [C]). Dans sa lettre de saisine du bâtonnier citée ci-avant, Mme [C] rappelle les éléments essentiels de cette convention.

Mme [C] affirme que la cession n’est pas intervenue faute d’accord des parties sur le prix de cession, précisant qu’aucun prix ne lui a été payé. Elle ajoute que les éléments matériels du fonds et notamment le droit au bail n’ont jamais été cédés à la société Juridial et qu’elle a continué à traiter ses dossiers sous son seul nom, seuls les encaissements étant réalisés par la société Juridial.

La société Juridial répond qu’il était convenu de fixer le prix de cession à 40 % du chiffre d’affaires de Mme [C] correspondant à la moyenne des trois dernières années, que celle-ci avait évalué cette moyenne à 100’000 euros, que le projet d’acte de juillet 2015 a été établi sur cette base mais qu’après obtention du chiffre d’affaires moyen de 81’557euros avec une tendance baissière, le prix a été réduit à 25’000 euros.

Elle indique qu’à partir de septembre 2015, elle a réglé les loyers de Mme [C], fait établir ses cartes de visite et pris à sa charge ses abonnements (EDF, téléphone), et qu’à compter d’octobre 2015, a réglé les factures de sous-traitance. Elle répond à Mme [C] qui qualifie ces factures de faux qu’elle les a fait établir par l’expert-comptable du cabinet, conformément à la pratique suivie dans certains cabinets et pour les besoins de la comptabilité des parties, et qu’il ne s’agit pas de faux puisqu’elles correspondent à des flux réels. Elle indique avoir payé le prix de cession au trésor public pour régler la dette fiscale de Mme [C] afin de lui permettre d’obtenir un échéancier aux meilleures conditions possibles, le surplus des paiements soit 5 000 euros ayant été imputé sur ses droits à rémunération. Elle ajoute avoir accepté la proposition de Mme [C] visant à lui reverser officiellement le plafond minimum de rétrocession d’honoraires accepté par l’ordre des avocats de Lyon.

Sur ce :

Le projet d’acte communiqué à Mme [C] en juillet 2015 fixait le prix de cession à 40’000 euros. Le courriel d’envoi indique que ce prix est calculé sur le chiffre d’affaires judiciaires par application d’un coefficient de 0,4. Toutefois, l’emplacement réservé dans le projet d’acte à l’indication des chiffres d’affaires judiciaires réalisés par Mme [C] au cours des exercices 2012 à 2014 est vierge.

Dans un courriel du 15 mars 2016 adressé à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP), Mme [C] écrit : ‘j’ai cédé ma clientèle, et l’intégralité du prix de cession a été versé directement d’une part au CCSF (20 000 euros) et d’autre part à M. [F] (service impôt [Localité 4] 3) pour le recalcul d’IR sur les deux dernières années (10 000 euros). Je suis donc aujourd’hui collaboratrice et je n’ai plus aucune source de revenu mis à part le montant de la rétrocession de 2500 euros brut soit, après paiement des charges, un reliquat d’environ la moitié (puisque je continue à payer les différentes cotisations). (…) Au regard de cette situation, et sous réserve de la confirmation de son accord pour le montant par mon employeur, je vous propose un paiement direct par ce dernier entre vos mains d’un montant de 700 euros par mois à imputer en priorité sur la dette de TVA ‘ (pièces n°7 et 13 de Mme [C]).

Mme [C] soutient qu’elle a ‘cherché à rassurer’ l’administration fiscale afin que le plan qui lui a été accordé ne soit pas dénoncé, et qu’elle a expliqué qu’elle devait intégrer le cabinet en qualité d’associée.

Or, l’on ne peut déduire des termes qu’elle a employés qu’un projet d’association existait entre les parties, d’autant que Mme [C] utilise le mot ’employeur’ pour qualifier la société Juridial. La profession d’avocat de Mme [C] étant consubstantielle à une parfaite maîtrise de la langue française, ses déclarations confirment qu’elle ne considérait nullement à cette date comme une associée du cabinet Juridial.

Il résulte de plus de ses déclarations que le prix de cession convenu entre les parties ne dépassait pas 30’000 euros, contrairement à ce qu’affirme Mme [C], et qu’il a été payé par acquittement d’une partie de sa dette fiscale, avec son consentement.

La société Juridial justifie pour sa part avoir payé au Service des Impôts des Particuliers de [Localité 4] en paiement des dettes de Mme [C] la somme de 10 737 euros le 22 février 2016 et au CCSF celle de 20 000 euros le 23 février suivant (pièces 27 de Mme [C], 8 et 13 de la société Juridial), puis des mensualités de 700 euros pour un montant total de 41.074,60 euros.

Elle produit également une facture n° 2015.0132 au titre des honoraires de sous-traitance de Mme [C], datée du 21 octobre 2015, pour une somme de 5000 euros hors-taxes correspondant aux honoraires de sous-traitante des mois d’août et septembre 2015 (sa pièce 9), ainsi qu’un relevé de son grand livre général définitif faisant apparaître deux versements de 5000 et 2500 euros à Mme [C] le 21 octobre 2015. Elle affirme que son paiement de 30 000 euros des 22 et 23 février 2016 recouvre le remboursement du prix de cession pour 25 000 euros et la somme de 5 000 euros correspondant à la rétrocession d’honoraires pour les mois d’août et septembre 2015.

Mme [C] argue de faux la facture n° 2015.0132 et pour le démontrer produit sa propre facture au numéro identique correspondant à des honoraires à elle dus par la société Etiq'[Localité 4] et datée du 19 juin 2015.

Toutefois, elle ne conteste ni le paiement par la société Juridial de sa dette fiscale à hauteur de 30’737 euros en février 2016, ni la perception d’une somme de 5 000 euros à titre de rétrocession d’honoraires en octobre 2015. Elle ne conteste pas non plus le contenu de l’échange de courriels de juillet 2016 avec l’expert-comptable de la société Juridial dont il résulte que Mme [C] ne détenait pas de justificatifs de sa comptabilité 2015 et que l’expert-comptable réclamait sa pleine collaboration afin d’établir sa comptabilité (p 45 de la société Juridial). La société Juridial qui produit cet échange soutient que les difficultés de Mme [C] pour tenir sa comptabilité ont motivé l’établissement des factures d’honoraires de sous-traitance par le cabinet bordelais. D’autre part, Mme [C] ne produit aucun élément comptable justifiant de ses chiffres d’affaires 2012, 2013 et 2014, qui infirmerait les déclarations de la société Juridial au sujet de la détermination du prix de cession.

La société Juridial produit le courriel qu’elle a adressé à sa banque le 31 mars 2016 pour solliciter un prêt de 25’000 euros afin de financer la cession de la clientèle de Mme [C] et justifie de l’obtention d’un prêt de ce montant le 6 avril 2016, ce qui tend à confirmer le montant du prix de cession, étant rappelé que le projet d’acte de juillet 2015 précisait que le prix de cession serait financé par un emprunt.

La société Juridial produit aussi le courriel qu’elle a adressé à Mme [C] le 27 juillet 2017 (pièce 2 de Mme [C]), ainsi que les tableaux récapitulatifs et les décomptes qui y étaient annexés. Me [J] indique déduire de ses calculs qu’aucune somme ne revenait à Mme [C] à l’issue de leur partenariat. Lesdits calculs intègrent le coût de la clientèle de Mme [C] pour une somme de 25’000 euros, et il n’apparaît pas que Mme [C] ait émis de contestation sur ce montant avant de saisir le bâtonnier de Lyon le 11 septembre 2017.

Enfin, dans son courriel du 20 avril 2017 à Me [J] de la Selarl Juridial, Mme [C] écrit : ‘(…) une trésorerie pour [Localité 4] d’environ 40’000 euros qui aurait pu par exemple aider à rembourser le prêt de 20’000 en une seule fois’, ce qui confirme sa connaissance, même approximative, du montant du prêt souscrit par la société Juridial pour financer l’acquisition de sa clientèle et par conséquent la réduction du prix fixé dans le projet d’acte initial.

Il résulte de ces éléments que le prix de cession convenu verbalement entre les parties et effectivement payé par la société Juridial s’élevait à 25’000 euros, et qu’un accord est intervenu entre les parties sur la chose et le prix de la convention de cession qui a au surplus été exécutée pendant deux ans.

En conséquence, il n’y a pas lieu à annulation de la convention pour défaut d’accord sur le prix comme le demande Mme [C], étant au surplus observé que si un acte de cession de clientèle doit être enregistré auprès des services fiscaux et entraîne le paiement de droits d’enregistrement, et si les ordres professionnels doivent en être avisés, ces règles fiscales et professionnelles sont sans incidence sur la validité de la convention dont aucune disposition n’impose qu’elle soit conclue par écrit, contrairement à ce qu’a retenu l’arbitre dans la décision critiquée.

Par ailleurs, Mme [C] excipe des dispositions de l’article 1202 du code civil qui ne sont pas applicables en l’espèce en l’absence d’acte écrit, étant relevé par la cour que la version invoquée de l’article 1202 issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 2 octobre 2016 n’est pas applicable à la présente convention conclue en 2015.

Mme [C] soulève également la nullité du contrat de cession faute de respect du libre choix de l’avocat, en faisant valoir que ses clients n’ont pas été informés de la cession de clientèle ; elle précise que la société Juridial n’a pas sollicité de l’ordre des avocats de [Localité 4] l’autorisation d’ouvrir un cabinet secondaire à [Localité 4] dans les locaux professionnels où elle exerçait avant le mois de février 2017. Elle indique avoir continué à travailler sous son seul nom, n’avoir jamais utilisé l’adresse mail du cabinet Juridial créée pour le bureau de [Localité 4] et avoir facturé ses honoraires à ses clients sous son seul nom. Elle précise avoir transmis les paiements de ses honoraires à la société Juridial à qui elle reproche de n’avoir pas établi de factures à ses clients.

La société Juridial quant à elle justifie notamment avoir soumis à Mme [C] le 17 juillet 2015 son projet de papier à en tête du cabinet où elle figurait, lui avoir également soumis le 15 mars 2016 un modèle de carte de visite et avoir financé le loyer des locaux où elle exerçait à [Localité 4] ainsi que certains abonnements.

Dans son courriel du 14 avril 2017 intitulé ‘lettre d’amis désabusés’, Me [J] reproche notamment à Mme [C] de ne pas avoir transmis ses dossiers afin qu’ils soient intégrés à la base du logiciel de gestion [du cabinet Juridial] malgré les solutions qui lui ont été proposées à plusieurs reprises, ce 18 mois après le début de leur partenariat (pièce 19 Juridial).

Mme [C] ne peut dès lors se prévaloir de sa propre carence dans la présentation à sa clientèle du cabinet cessionnaire alors qu’il était convenu entre les parties qu’elle assurerait l’activité de la société Juridial à [Localité 4] et qu’elle a exécuté la convention pendant deux ans sans en informer ses clients. Aucune nullité n’est en conséquence encourue à ce titre et il convient de faire le compte entre les parties sur les bases déterminées par leur accord, en raison de la fin de leur partenariat.

Mme [C] demande enfin la reconnaissance d’une société de fait avec désignation d’un expert. Ainsi que le fait justement observer la société Juridial, non seulement elle ne démontre nullement avoir effectué le moindre apport au profit de la société Juridial, mais encore elle ne justifie pas de l’affectio societatis qui l’aurait animée, le partenariat qui devait aboutir à l’association, aux termes du projet de cession de clientèle non régularisé étant manifestement destiné à lui permettre d’assainir d’abord sa situation financière et s’étant interrompu avant toute association.

Les demandes de Mme [C] étant rejetées, il convient de faire le compte entre les parties sur les bases déterminées par leur accord, en raison de la fin de leur partenariat.

‘ sur le compte entre les parties

Il ressort tant du projet d’acte de juillet 2015 que des courriels adressés par Mme [C] à la société Juridial le 24 juillet 2015 et à la DGFIP le 15 mars 2016 que les parties ont convenu de faire bénéficier Mme [C] du statut de collaborateur. Celle-ci a elle-même proposé à la société Juridial la fixation de sa rétrocession à la somme mensuelle de 2 500 euros, somme correspondant au minimum versé à un avocat collaborateur à [Localité 4] (pièce 6 de Mme [C]), et des sommes lui ont été versées mensuellement à ce titre d’août 2015 à décembre 2016, justifiées par des factures émises par la société Juridial et qu’elle argue de faux pour ce motif, sans toutefois contester avoir perçu les sommes correspondantes (pièce 46 Juridial).

D’autre part, il était prévu entre les parties un accord de rémunération aux termes duquel le cabinet rétrocéderait à Mme [C] 55 % de la somme qu’il encaisserait au titre des honoraires versés par sa clientèle, ainsi que le relate Mme [C] dans ses lettres de saisine des bâtonniers de [Localité 5] (sa pièce 6) et de [Localité 4] et dans un courriel qu’elle a écrit à Me [J] le 20 avril 2017, un compte bancaire ayant été ouvert pour recevoir ces fonds. Contrairement à ce que soutient Mme [C] qui affirme qu’elle a toujours été considérée comme associée et qu’aucun contrat de collaboration n’a été conclu, alors qu’elle affirme le contraire dans son courriel à la DGFiP, la rémunération d’apport d’affaires est admise entre un avocat et son collaborateur, de sorte qu’elle pouvait cumuler les deux rémunérations sans qu’il en résulte la moindre irrégularité.

– sur les sommes résultant de l’activité de Mme [C] et encaissées par la société Juridial

Mme [C] réclame la restitution des honoraires perçus par la société Juridial au titre des diligences qu’elle avait accomplies avant la cession.

Or, ces honoraires ont été versés à la société Juridial soit par Mme [C] elle-même, soit par ses clients à la demande expresse de Mme [C], de sorte qu’il apparaît que ces paiements résultent de la seule volonté de Mme [C] et ne peuvent que correspondre à l’exécution par celle-ci du contrat verbal de cession de clientèle conclu entre les parties, de sorte que sa demande à ce titre sera rejetée.

Les sommes encaissées par la société Juridial au titre de l’activité de Mme [C] et telles qu’elles ont été retenues par le bâtonnier arbitre sont les suivantes :

– année 2015: 92’440,60 euros

– année 2016: 106’477,00 euros

– année 2017: 46’395,00 euros

Mme [C] conteste ces deux dernières sommes et s’appuie sur les pièces n°2 (dernière page) et 3 communiquées par la société Juridial pour affirmer que son chiffre d’affaires 2016 s’élevait à 108’810,50 euros et son chiffre d’affaires 2017 à 52’219,53 euros. Toutefois, les indications dont elle se prévaut émanent des calculs effectués personnellement par Me [J] et Me [W] alors que les sommes énoncées ci-dessus, qui figurent en annexe de la pièce n°2 de la société Juridial, ont été validées par l’expert-comptable de la société comme indiqué par Me [W] dans son courriel d’accompagnement. Mme [C] ne produisant aucun document comptable ou élément objectif susceptible de contredire les chiffres retenus par l’expert-comptable de la société Juridial, c’est à juste titre que le bâtonnier a retenu les sommes figurant ci-dessus.

Conformément à l’accord des parties tel qu’il résulte tant du projet de convention de cession de clientèle que des lettres de saisine des bâtonniers par Mme [C], 55 % de ces sommes revenaient à Mme [C], dont à déduire les rétrocessions d’honoraires qu’elle a perçues. Seront retenus les montants de ces rétrocessions hors taxes qui figurent dans les pièces comptables versées aux débats par la société Juridial (p 28) qui ne sont pas combattues utilement par l’appelante, comme indiqué ci-dessus:

– pour l’année 2015: 50’842,33 – 15 416,67 = 35 425,66 euros

– pour l’année 2016: 59’845,77 – 43 366,34 = 16’479,43 euros

– pour l’année 2017: 25’517,25 – 25’731,23 = – 213,98 euros

Il revient en conséquence à Mme [C] la somme totale de 51’691,11 euros au titre de ses honoraires en application de la convention conclue entre les parties.

La société Juridial sollicite que soit déduite des sommes revenant à Mme [C] la dette fiscale qu’elle a acquittée, en ce comprise la somme de 25’000 euros correspondant au prix d’acquisition de la clientèle de Mme [C]. Celle-ci ne conteste pas que le paiement de cette dette fiscale née avant la convention de partenariat lui incombait, mais affirme qu’aux termes de la convention dont elle a rappelé les termes dans un courriel du 20 avril 2017 (pièce 18 de la société Juridial), la société Juridial s’était engagée à l’appliquer sur les 45 % de son chiffre d’affaires affecté en réserve de trésorerie. Il lui incombe de rapporter la preuve de cette affirmation qui ne résulte que de son propre courriel, qui est contredit par ses déclarations à la DGFIP déjà rappelées. En conséquence, faute pour elle de prouver l’accord aux termes duquel le paiement de sa dette fiscale devait être imputé sur les 45 % de son chiffre d’affaires conservés par la société Juridial, il y a lieu de déduire cette somme de

41 074,60 euros du montant de 51 691,11 euros lui revenant, de sorte que sa créance s’établit à :

51 691,11 – 41 074,60 = 10’616,51 euros.

– sur les demandes reconventionnelles de la société Juridial :

La société Juridial réclame à Mme [C] la restitution de la somme de 20’533,50 euros représentant 45 % de la somme de 38’358,33 euros facturée par Mme [C] pendant l’exécution de la convention et restée impayée.

Elle démontre que Mme [C] a perçu sans les lui rétrocéder des paiements de la société ZEG et de M. [H] au titre des diligences qu’elle a accomplies en 2016 et début 2017, soit pendant la période d’exécution de la convention.

Elle rapporte la preuve que sa facture du 3 novembre 2016 d’un montant de 3 630 euros a été payée par la société ZEG le 23 février 2018 au bénéficiaire dénommé ‘Juridial-[Localité 4]’ dont le compte bancaire à la société générale n’est pas un des comptes dont elle est titulaire (sa pièce 32). Elle démontre également que l’un des deux chèques de 2 000 euros émis par

M. [H] les 13 février et 24 mai 2017 ne lui a pas été remis par Mme [C] (sa pièce 34).

Mme [C] conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que ses clients n’ont jamais été ceux de la société Juridial et que la seule relation de ses clients avec la cabinet Juridial s’est limitée à la réception de factures et que les factures impayées doivent être exclues des calculs.

La société Juridial ne démontrant pas que l’intégralité des factures d’un montant total de 38’358,33 euros ont été payées à Mme [C], il sera fait droit à sa demande à hauteur de la somme de : (3 630 + 2 000) x 45% = 2 412 euros.

La société Juridial réclame encore à Mme [C] le remboursement de la somme de

9 775 euros en indiquant qu’elle avait pris en charge le loyer des locaux de [Localité 4] mais que Mme [C] sous-louait une partie de ces locaux à un autre avocat, et qu’elle a conservé les sommes ainsi perçues.

Mme [C] répond qu’elle était seule titulaire du bail et que la société Juridial n’a aucune qualité juridique pour se plaindre du fait qu’elle ait donné un bureau en sous-location à un confrère.

La société Juridial évalue à 425 euros par mois ‘ selon les informations obtenues’ le sous-loyer versé à Mme [C]. Toutefois, ce montant n’est corroboré par aucun élément versé aux débats, de sorte que la demande de ce chef sera rejetée.

La société Juridial réclame aussi le remboursement du coût de l’abonnement souscrit pour les locaux de [Localité 4] auprès de l’opérateur Orange, dont elle s’est acquittée faute d’avoir interrompu les prélèvements entre août 2017 et octobre 2018 inclus et sollicite la condamnation de Mme [C] à lui payer 1204,50 euros à ce titre (sa pièce 37). Mme [C] s’oppose à cette demande en faisant valoir que ces sommes sont déjà comptabilisées au titre des charges d’exploitation comme le montre le tableau établi en juillet 2017.

Il est justifié par la société Juridial que la somme de 1204,50 euros concerne des factures postérieures à juillet 2017, qu’il ne lui appartenait pas d’assumer. Il sera donc fait droit à sa demande de ce chef.

La société Juridial sollicite en outre le remboursement du mobilier et du matériel informatique mis à la disposition de Mme [C] que celle-ci aurait conservé, pour un montant de 1155,50 euros. Toutefois, elle ne produit aucun justificatif à ce titre. Ce chef de demande sera rejeté

La société Juridial réclame enfin le remboursement de la somme de 25’000 euros correspondant au prix de la clientèle initialement cédée. Mme [C] répond que cette somme ne lui a pas été versée. La cour n’ayant pas déduit la somme de 25’000 euros du montant de la dette fiscale acquittée par la société Juridial, il n’y a pas lieu de la mettre en compte.

En conséquence, Mme [C] est redevable à l’égard de la société Juridial de la somme de 2412 + 1204,50 = 3 616,50 euros.

– sur la compensation des créances respectives des parties

Il y a lieu d’y procéder d’office et de condamner la société Juridial à payer à Mme [C] et à la société [T] [N] représentée par Me [T] [N] ès qualités la somme de 10’616,51 – 3 616,50 = 7000,01 euros.

Mme [C] ne démontrant pas que la société Juridial ait fait preuve de mauvaise foi dans le cadre de cette procédure, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Chacune des parties perdant partiellement, elles seront condamnées à conserver chacune la charge de leurs propres dépens et seront déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare recevables les demandes de Mme [C] et de la société [T] [N] représentée par Me [T] [N] tendant à obtenir le paiement d’honoraires perçus avant la cession de clientèle et celle de la Selarl Juridial tendant à obtenir paiement d’une somme de 45 921 45 euros ;

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°16 de la Selarl Juridial;

Infirme la décision rendue par le bâtonnier du barreau de Saint-Étienne le 19 octobre 2018 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

Condamne la Selarl Juridial à payer à Mme [C] et à la société [T] [N] représentée par Me [T] [N] ès qualités la somme de 7 000,01 euros ;

Déboute Mme [C] et la société [T] [N] représentée par Me [T] [N] ès qualités de leur demande de dommages et intérêts ;

Déboute chacune des parties du surplus de ses demandes ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

 


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