Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03723

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Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03723
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 16/03/2023

N° de MINUTE : 23/267

N° RG 22/03723 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UNPX

Jugement (N° 51-19-0003) rendu le 31 Décembre 2019 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville

Arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d’appel d’Amiens

Arrêt rendu le 13 avril 2022 par la Cour de cassation Paris

DEMANDEURS à la saisine

Monsieur [Z] [M]

né le 20 Août 1976 à [Localité 5] – de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Monsieur [U] [M]

né le 16 Juin 1965 à [Localité 5] – de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 3]

EARL du [Adresse 13]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Chloé Schmidt-Sarels, avocat au barreau de Lille

DEFENDERESSE à la saisine

GFA ASRPJ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai assistée de Me Ahmed Akaba, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS à l’audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié, magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par acte notarié reçu par Maître [C] le 25 novembre 2008, le GFA Asrpj a donné à bail de dix-huit ans à M. [U] [M] et M. [Z] [M] différentes parcelles de terres, pour une contenance de 28 ha 64a 75ca sises à [Localité 8], [Localité 9], [Localité 7], [Localité 10], [Localité 12], [Localité 6] pour une fermage annuel de 6 904,33 euros payable en deux termes égaux les 31 août et 25 décembre de chaque année.

La désignation des biens donnés à bail étant incomplète, un second acte authentique a été reçu le 28 novembre 2008 par Maître [C], une parcelle supplémentaire sise sur la commune de [Localité 10] étant ajoutée au bail, portant la surface totale des parcelles louées à 29ha 47a 20ca pour un fermage annuel de 7 103,05euros, les autres charges et conditions du bail demeurant inchangées.

Par acte d’huissier de justice en date du 9 janvier 2018, le GFA Asrpj a fait délivrer aux preneurs un commandement de payer les fermages dus au titre de l’année 2017, soit une somme principale de 9 591,97 euros.

Par acte d’huissier de justice en date du 27 décembre 2018, le bailleur a fait délivrer un nouveau commandement de payer les fermages dus au titre de l’année 2018 pour la somme de 9 673 euros.

Ces commandements étant restés en partie infructueux, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er avril 2019, le GFA Asrpj a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville afin d’obtenir la résiliation des baux susvisés sur le fondement de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime.

Après échec de la tentative de conciliation, par jugement en date du 31 décembre 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux d’ Abbeville a :

– prononcé la résiliation des baux conclus les 25 novembre et 5 décembre 2008 aux torts et griefs de MM. [U] et [Z] [M],

– dit que les lieux devront être libérés par MM. [U] et [Z] [M] de leurs personnes, de leurs biens et de tous occupants de leurs chefs au plus tard le 31 janvier 2020,

– dit que faute pour MM.[U] et [Z] [M] d’avoir libéré de les lieux, le bailleur est autorisé à procéder à leur expulsion le cas échéant avec l’aide de la force publique,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement MM. [U] et [Z] [M] aux dépens.

MM. [U] et [Z] [M] et l’Earl du [Adresse 13] ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 17 novembre 2020, la cour d’appel d’Amiens a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouté MM. [U] et [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] de leur demande de fixation de l’échéance du fermage, débouté le Groupement Foncier Agricole Asrpj de toutes ses demandes, condamné le GFA Asrpj à payer la somme de 2 500 euros à MM. [U] et [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le GFA Asrpj a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.

Par arrêt en date du 13 avril 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d’appel d’Amiens mais seulement en ce qu’il rejette les demandes du groupement foncier agricole Asrpj.

MM. [U] et [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] ont sollicité l’inscription de l’affaire au rôle de la cour.

Lors de l’audience devant cette cour, MM.[U] et [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] , représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles ils demandent à cette cour :

– juger leur appel sur renvoi après cassation recevable et bien fondé;

– juger recevable leur demande tendant à admettre l’existence de raisons sérieuses et légitimes justifiant le retard de paiement des fermages de nature à faire obstacle à la résiliation en application de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime;

A titre principal et statuant à nouveau,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville le 31 décembre 2019 sur l’ensemble de ses dispositions et notamment en tant qu’il prononce la résiliation des baux consentis par le GFA Asprj et qu’il leur fait l’obligation de libérer les lieux au plus tard le 31 janvier 2020;

– juger que les conditions légales de résiliation des baux consentis par le GFA Asprj telles que prévues par l’article L.411-31 du code rural n’étaient pas réunies au jour de l’introduction de la de l’instance pardevant le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville;

– débouté le GFA Asrpj de sa demande en résiliation des baux ruraux conclus avec MM. [U] et [Z] [M] et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions y afférent,

– juger en conséquence que les baux consentis par le GFA Asprj demeurent parfaitement valides et que les appelants bénéficient toujours de la qualité de preneurs desdits baux,

– constater le consentement mutuel tacite des parties quant à la modification de la clause du contrat de bail relative aux modalités de règlement du fermage annuel et à la périodicité du règlement des fermages,

– fixer la date d’échéance du fermage de l’année N au mois de janvier de l’année N+1, postérieurement à l’émission de la facture y afférent,

A titre subsidiaire et statuant de nouveau,

– juger qu’ils sont autorisés à libérer les lieux postérieurement à la fin des récoltes de tout ce qu’ils auront semé avant la date du délibéré,

En tout état de cause,

– débouté le GFA Asprj de sa demande de condamnation des appelants à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;

– condamner le GFA Asprj à verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;

– condamner le GFA Asprj à verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamner le GFA Asrpj aux entiers frais et dépens.

MM. [U] et [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] soutiennent essentiellement que le paiement effectué après le délai de trois mois, mais avant l’instance, libère le preneur, les motifs de résiliation judiciaire devant s’apprécier au jour de la demande en justice. Ils précisent qu’à la date de délivrance du commandement de payer, soit le 9 janvier 2018, ils n’étaient redevables que d’un fermage de 9 591,97 euros et non d’un montant de 9 798,13 euros et qu’à la date de la délivrance du second commandement de payer, soit le 27 décembre 2018, ils n’étaient plus redevables d’aucune somme au titre du fermage réclamé pour l’année 2017 de sorte qu’à la date d’introduction de l’instance, seul un défaut de paiement de fermage pouvait être valablement retenu à leur encontre. Ils ajoutent que les dates d’établissement et de paiement des factures de fermage pendant plusieurs années démontrent l’existence d’un accord implicite entre les parties concernant les modalités de paiement des fermages. A titre subsidiaire, ils font valoir que l’EARL du [Adresse 13] se trouvait jusqu’au 29 mars 2019 en situation d’interdiction bancaire de sorte que sa situation financière ne lui a pas permis de procéder au règlement des fermages dans le délai de trois mois.

Lors de l’audience devant cette cour, le GFA Asrpj, représenté par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles il demande à cette cour de :

– dire et juger recevables et biens fondées les demandes, fins et conclusions du GFA Asrpj,

En conséquence,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [U] [M], M. [Z] [M] et de l’EARL du [Adresse 13],

– déclarer irrecevable comme nouvelle la demande des appelants tendant à voir admettre une excuse au titre du retard dans le paiement des loyers qui justifierait le débouté de la demande en résiliation en application de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime,

-confirmer le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville en ce qu’il a :

* prononcé la résiliation des baux conclus le 25 novembre et le 5 décembre 2008,

* dit que les lieux devront être libérés par M. [U] [M] et M. [Z] [M] de leurs personnes, de leurs biens et de tous occupants de leurs chefs, au plus tard le 31 janvier 2020,

* dit que faute par M. [U] [M] et M. [Z] [M] d’avoir libéré les lieux de leurs personnes, de leurs biens et de tous occupants de leurs chefs, le bailleur est autorisé à procéder à leur expulsion, le cas échéant avec l’aide de la force publique,

– infirmant pour le surplus et y ajoutant,

– juger que le fermage est à payer au domicile du bailleur ainsi qu’il est précisé aux baux conclus le 25 novembre et le 5 décembre 2008,

– condamner solidairement M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] au paiement de toutes indemnités d’occupation, à compter du 1er février 2020, dont le montant sera équivalent au montant des fermages majorés des taxes foncières, jusqu’à restitution effective des lieux ces derniers et tous occupants de leur chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

– condamner solidairement M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] à verser au GFA Asrpj la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner solidairement M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’EARL du [Adresse 13] à verser au GFA Asrpj la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Le groupement foncier agricole Asrpj soutient essentiellement qu’à la date du 1er avril 2019, date de la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, les appelants n’avaient pas entièrement réglé les sommes dues au titre des deux fermages de l’année 2018, s’agissant d’un solde de fermage au titre de l’année 2017 qui s’ajoutait à celui de l’année 2018. Il précise qu’aucune preuve de l’existence d’un avenant implicite n’est rapportée par les consorts [M] et que l’analyse des relevés de compte démontre l’existence de paiements irréguliers et aléatoires.

En outre, il fait valoir que pour la première fois devant la cour de renvoi, les appelants invoquent une excuse de retard qui justifierait le débouté de la demande de résiliation de sorte que cette demande constitue une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable et que le défaut de paiement, reposant sur des difficultés financières alléguées, ne constitue pas un cas d’excuse alors que les parcelles étaient mises à disposition au profit de l’EARL du [Adresse 13] et des consorts [M] qui doivent être regardés comme des coobligés au titre du règlement des fermages et des obligations découlant de l’exécution du bail.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

SUR CE ,

Sur la résiliation du bail

Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose que sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants:

1° Deux défauts de paiement de fermage de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition.

(…)

La défaillance du preneur est appréciée au jour de la demande introductive de l’instance en résiliation formée par le bailleur.

En l’espèce, il résulte des termes du bail rural à long terme régularisé par actes authentiques en date des 25 novembre et 5 décembre 2008 que le preneur s’oblige à payer le fermage au bailleur ou à son fondé de pouvoir en deux termes égaux payables les 31 août et 25 décembre de chaque année.

Si les consorts [M] et l’EARL du [Adresse 13] invoquent l’existence d’un accord implicite entre les parties relatif aux dates d’établissement et de paiement des factures de fermage pendant plusieurs années, faisant valoir qu’antérieurement à la demande en résiliation, les factures ont majoritairement été établies à échéance annuelle à l’expiration de l’année d’exercice et le paiement réalisé postérieurement, le tribunal a justement relevé que cet usage existant entre les parties ne saurait avoir pour effet de manifester la volonté du bailleur de modifier la date d’échéance du fermage stipulée dans l’acte authentique mais tout au plus de faire coïncider, pour chaque année considérée, l’échéance du fermage et la date de la facture adressée au preneur postérieurement à la date d’échéance contractuellement prévue.

Ainsi, les appelants ne justifient pas de l’existence d’une modification conventionnelle de la date d’échéance des fermages, fixée au 31 août et au 25 décembre de chaque année, de sorte que les commandements de payer litigieux ont pu valablement être délivrés par actes d’huissier de justice en date du 9 janvier 2018 au titre des fermages de l’année 2017 et en date du 27 décembre 2018 au titre des fermages de l’année 2018.

S’agissant du premier commandement de payer en date du 9 janvier 2018, celui-ci porte sur la somme de 9 591,47 euros au titre des fermages dus pour l’année 2017 suivant facture établie par le GFA Asrpj le 4 janvier 2018 et annexée au commandement.

Il n’est pas contesté par les parties que les preneurs ont procédé à trois versements en vue du règlement des sommes réclamées, soit:

– 4 730,44 euros le 15 février 2018,

– 2 500 euros le 30 avril 2018 et la même somme le 18 mai 2018, ces deux versements étant intervenus postérieurement au 9 avril 2018, correspondant à l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L.411-31 susvisé.

En outre, un second commandement de payer les deux échéances du fermage 2018 a été délivré aux preneurs par acte d’huissier de justice en date du 27 décembre 2018 portant sur la somme de 9 673 euros en principal au titre des fermages dus pour l’année 2018.

Alors qu’il ressort des éléments du dossier qu’un seul versement est intervenu avant le 27 mars 2019, date d’expiration du délai de trois mois prévu pour le règlement de l’intégralité des échéances réclamées par le bailleur, les consorts [M] et l’EARL du [Adresse 13] ne justifiant avoir réalisé qu’un versement le 14 février 2019 pour un montant de 2 500 euros, les deux derniers règlements sont intervenus les 2 avril et 5 avril 2019 soit postérieurement à l’expiration du délai de trois mois après la signification du commandement de payer et postérieurement à l’introduction de l’instance aux fins de résiliation du bail intervenue le 1er avril 2019.

Alors que les manquements du preneur doivent être appréciés au jour de la demande en résiliation de bail, force est de constater que les consorts [M] et l’EARL du [Adresse 13], qui disposaient d’un délai de trois mois pour apurer leur dette, soit jusqu’au 27 mars 2019, n’ont réglé l’intégralité des échéances du fermage que postérieurement à cette date et à la saisine du tribunal par le bailleur, le règlement partiel intervenu le 14 février 2019 n’étant pas libératoire.

Devant la présente cour, les preneurs invoquent à titre subsidiaire l’existence de raisons sérieuses et légitimes les ayant empêcher de régler les fermages, l’EARL du [Adresse 13] se trouvant à cette époque et jusqu’au 29 mars 2019, en situation d’interdiction bancaire.

L’invocation de raisons sérieuses et légitimes ayant été un obstacle au paiement des fermages ne s’analyse pas en une demande nouvelle mais à un moyen de défense au fond qui est comme tel parfaitement recevable.

Si les appelants produisent aux débats une attestation établie par la Banque populaire le 27 avril 2022 indiquant que l’Earl du [Adresse 13] était en interdiction bancaire jusqu’au 29 mars 2019, ce qui signifiait que cette société avait l’interdiction d’émettre des chèques et communiquent des relevés de compte de cette société en date des 10 janvier, 17 janvier et 1er mars 2019, force est de constater que ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser l’impossibilité pour cette société de faire face au règlement des fermages alors même qu’aucune précision n’est communiquée quant à la durée de cette période d’interdiction bancaire ni l’impossibilité pour les consorts [M], qui sont les preneurs à bail et qui sont solidairement tenus au paiement des fermages en application des dispositions de l’article L.411-37 alinéa 5 du code rural et de la pêche maritime, de prendre en charge personnellement le règlement des fermages.

Ainsi, alors que la preuve de l’existence de raisons sérieuses et légitimes incombe au preneur, les appelants ne justifient pas de circonstances rendant impossible le règlement des fermages sollicités par le bailleur et ne rapportent pas la preuve de la connaissance de ce dernier quant aux difficultés financières rencontrées par l’EARL du [Adresse 13].

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire des baux conclus les 25 novembre et 5 décembre 2008 aux torts et griefs des consorts [M] et de l’EARL du [Adresse 13], de dire que les lieux devront être libérés par M. [U] [M] et M. [Z] [M] de leurs personnes, de leurs biens et de tous occupants de leurs chefs et que faute d’avoir libéré les lieux, le bailleur est autorisé à leur expulsion, avec au besoin le concours de la force publique.

Il y a lieu de rejeter la demande du Gfa Asrpj au titre du prononcé d’une astreinte.

L’article 1777 alinéa 1er du code civil qui accorde au preneur sortant le droit de procéder aux récoltes restant à faire ne s’applique pas lorsque l’occupation des lieux se poursuit à la suite d’une décision de justice ordonnant une expulsion.

Dès lors, la présente décision ordonnant l’expulsion des preneurs, ces derniers seront déboutés de leur demande tendant à se voir autoriser à ne libérer les lieux que postérieurement à la fin des récoltes de tout ce qui aura été semé avant le présent arrêt.

Enfin, il y a lieu de constater que le prononcé de la résiliation des baux conclus entre les parties rend sans objet la demande du bailleur tendant à voir juger que le paiement des fermages est payable au domicile du bailleur.

La décision déférée sera donc complétée de ces chefs.

Sur la demande indemnitaire du Gfa Asrpj

Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Si le Gfa Asrpj fait valoir que les appelants se maintiennent dans les lieux dans l’espoir de tirer un profit de leur exploitation, force est de constater qu’il ne rapporte pas la preuve d’un abus de ces derniers dans l’exercice des voies de recours de sorte qu’il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les consorts [M] et l’Earl du [Adresse 13]

Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les consorts [M] et l’Earl du [Adresse 13] sollicitent la condamnation du bailleur au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral. Ils font valoir que d’une part, M. [M] a dû s’acquitter du paiement d’un pas-de-porte prohibé pour un montant de 349 000 euros et, d’autre part, que depuis la date d’introduction de la demande en résiliation, en date du 1er avril 2019, le bailleur tient des propos dénigrants à leur égard tant au niveau local que dans le monde agricole.

Si les appelants produisent aux débats un certificat médical établi le 22 mars 2016 par le Docteur [F], médecin vétérinaire, faisant état de ce que le troupeau de M. [V], gérant du GFA, était touché par la paratuberculose lors de son introduction dans le cheptel du Gaec du [Adresse 13] ainsi qu’un courrier en date du 17 juin 2008 de la Direction départementale des services vétérinaires de la Somme mettant l’Earl Le Chant des Oiseaux et M. [V] en demeure de contrôler les bovins aux fins de vérification de l’absence de prophylaxie, ces seuls éléments ne sauraient suffire à caractériser l’existence d’une faute du bailleur de nature à engager sa responsabilité à l’égard des consorts [M] et l’EARL du [Adresse 13] alors même que ces derniers ne justifient pas avoir engagé une action à ce titre à l’encontre du Gfa Asrpj.

En outre, s’agissant des allégations de l’existence du paiement d’un pas-de-porte prohibé, les appelants fournissent pas les éléments de nature à caractériser l’existence d’un préjudice à ce titre alors qu’un accord régularisé par les parties a été homologué par jugement rendu par le tribunal d’instance d’Abbeville le 17 novembre 2016, entraînant l’extinction de l’instance.

Enfin, si les attestations produites aux débats par l’intimé révèlent l’existence de désaccords anciens existant entre les parties, ces seuls éléments sont insuffisants à caractériser une faute commise par le bailleur ni celle d’un préjudice subi par les appelants.

Dès lors, il y a lieu de débouter les consorts [M] et l’Earl du [Adresse 13] de leur demande indemnitaire à ce titre.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [M] et l’Earl du [Adresse 13], parties perdantes, seront condamnés à supporter les dépens d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de les condamner à verser au Gfa Asrpj la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2022,

Confirme le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville le 13 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’Earl du [Adresse 13] de leur demande tendant à être autorisés à libérer les lieux postérieurement à la fin des récoltes de tout ce qui aura été semé avant le présent arrêt;

Constate que la demande du Gfa Asrpj tendant à voir juger que le paiement des fermages est payable au domicile du bailleur est dépourvue d’objet;

Déboute le Gfa Asrpj de sa demande de dommages et intérêts;

Déboute M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’Earl du [Adresse 13] de leur demande indemnitaire,

Condamne M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’Earl du [Adresse 13] à verser au Gfa Asrpj la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. [U] [M], M. [Z] [M] et l’Earl du [Adresse 13] aux dépens d’appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS

 


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