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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 16/03/2023
N° de MINUTE : 23/278
N° RG 22/01975 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHQG
Jugement (N° 51-20-0013) rendu le 24 Mars 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer
APPELANTS
Madame [B] [S]
née le 05 Juillet 1949 – de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 28] Belgique
Monsieur [M] [E]
né le 25 Septembre 1991 à [Localité 37] Vietnam – de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 28] Belgique
Madame [O] [E]
née le 15 Septembre 1991 à [Localité 35] Vietnam – de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 31] Belgique
Madame [Z] [D] assistée de Maître [A] [N] en qualité d’administrateur aux biens ( chacune représentée par Me [U])
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 30] Belgique
Madame [J] [K]
née le 08 Février 1942 à [Localité 41] – de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 29] Belgique
Monsieur [Y] [C]
né le 29 Septembre 1964 à [Localité 33] – de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 23] Belgique
Monsieur [V] [C]
né le 18 Juillet 1962 à [Localité 40] – de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 26]
Madame [W] [C]
née le 22 Septembre 1959 à [Localité 40] – de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 25]
Madame [T] [C]
née le 28 Mars 1958 à [Localité 38] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 27]
Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras
INTIMÉ
Monsieur [X] [L]
né le 12 Avril 1957 à [Localité 34] – de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 32]
Représenté par Me Gonzague De Limerville, avocat au barreau d’Amiens
DÉBATS à l’audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié, magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé en date du 1er avril 1985, les consorts [C] ont consenti un bail à ferme à M. [X] [L] et Mme [P] [H] épouse [L] sur diverses parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’ cadastrées section AD [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20] et [Cadastre 21] pour une contenance totale de 20ha 25a 33ca.
M. [L] a divorcé dans le cours du bail et a poursuivi seul la mise en culture des parcelles.
Les bailleurs initiaux étant décédés, Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C], Mme [Z] [D] et Mme [B] [S] sont devenus propriétaires indivis des parcelles louées.
Par lettre recommandée en date du 13 février 2020, doublée d’une lettre simple en date du 10 mars 2020, Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C] et Mme [B] [S], auxquels ne s’est pas joint Mme [Z] [D], également propriétaire indivise, ont mis M. [L] en demeure de régler les arriérés de fermage pour les années 2014 à 2019.
Par requête enregistrée au greffe le 9 décembre 2020, Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C] et Mme [B] [S] ont sollicité la résiliation du bail et demandé à ce que M. [X] [L], Mme [Z] [D] et Maître [N] es qualité d’administrateur aux biens de Mme [Z] [D] soient appelés en audience de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil-sur-Mer.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l’audience non publique du 28 janvier 2021, Maître [N] es qualité d’administrateur aux biens de Mme [Z] [D] ayant envoyé un courrier au greffe précisant qu’elle se joignait à la procédure engagée par les autres indivisaires et avait donné mandat à Maître [U] pour la représenter, et aucun accord n’a pu être trouvé. L’affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par jugement en date du 24 mars 2022,auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil-sur-Mer a :
– déclaré recevable la demande de résiliation judiciaire du bail rural dont bénéficie M. [X] [L] et portant sur diverses parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’ cadastrées section AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 18], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface totale de 20ha 25a 33ca;
– rejeté la demande de résiliation du bail rural dont bénéficie M. [X] [L] et portant sur diverses parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’ cadastrées section AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 18], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface totale de 20ha 25a 33ca;
– rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C] et Mme [Z] [D] aux dépens,
– rejeté toute autre demande;
– rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.
Mme [B] [S], M. [M] [E], Mme [O] [E], Mme [Z] [D] assistée de Maître [A] [N] en qualité d’administrateur aux biens, Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C] et Mme [T] [C] ont interjeté appel de cette décision, la déclaration d’appel visant les dispositions qui ont :
– déclaré recevable la demande de résiliation judiciaire du bail rural dont bénéficie M. [X] [L] et portant sur diverses parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’ cadastrées section AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 18], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface totale de 20ha 25a 33ca;
– rejeté la demande de résiliation du bail rural dont bénéficie M. [X] [L] et portant sur diverses parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’ cadastrées section AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 18], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface totale de 20ha 25a 33ca;
– rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C] et Mme [Z] [D] aux dépens,
– rejeté toute autre demande.
Lors de l’audience devant cette cour, Mme [B] [S], M. [M] [E], Mme [O] [E], Mme [Z] [D] assistée de Maître [A] [N] en qualité d’administrateur aux biens, Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C] et Mme [T] [C], représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil-sur-mer en ce qu’il a déclaré la demande de résiliation recevable et de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de:
– prononcer la résiliation du bail dont est titulaire M. [X] [L] sur le territoire de la commune de [Localité 32] Lieudit ‘[Adresse 36]’ et portant sur les parcelles cadastrées
AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 18], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface totale de 20ha 25a 33ca;
En conséquence,
– ordonner l’expulsion de M. [L] et de tout occupant de son chef desdites parcelles dans le mois de la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un an;
– condamner M. [L] à payer à l’indivision la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner M. [L] aux entiers dépens de la présente instance.
Les appelants soutiennent essentiellement que la mise en demeure en date du 10 mars 2020 a été reçue par M. [L] et porte sur plusieurs années de fermage arriérés et qu’ils ont attendu neuf mois avant de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux. Ils précisent que le montant du fermage est clairement établi dans le bail, ce dernier se suffisant à lui-même pour le calcul du fermage et que le bail prévoit expressément que le fermage sera dû en l’étude du notaire ou au domicile du bailleur ou à tout endroit indiqué par lui. Ils ajoutent que les paiements réalisés ne soldent pas, quelque soient les modalités de calcul, l’arriéré dû par M. [L].
Ils arguent aussi que M. [L] ne paie pas ses fermages régulièrement, procède à des paiements qui ne correspondent pas aux mises en demeure reçues, ne donne pas d’explications sur ses paiements et ne saisit pas la juridiction paritaire d’une contestation de la mise en demeure dans le délai de trois mois de sorte qu’il n’est manifestement pas de bonne foi.
Lors de l’audience devant cette cour, M. [L], représenté par son conseil, soutient les conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :
– juger irrecevables et en tout état de cause mal fondés les appelants en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– les en débouter,
– condamner solidairement Mme [O] [E], M. [M] [E], Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C], Mme [T] [C], Mme [Z] [D] et Maître [N] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [L] fait valoir que l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime ne peut entraîner la résiliation du bail que dans l’hypothèse où deux défauts de paiement de tout ou partie du fermage ou de la part de produit revenant au bailleur sont caractérisés. Il expose que contrairement aux termes du bail et depuis 1985, les fermages ont toujours été appelés et payés auprès de l’Etude de Maître [G], notaire à [Localité 39] et qu’il recevait chaque année le montant du loyer au mois de janvier qu’il réglait auprès de l’étude notariale. Il précise qu’à la suite du décès de Maître [G], la gestion du bail a été transmise à Maître [R], notaire à [Localité 40], et qu’aucune demande de fermage ne lui a jamais été adressée par le mandataire du bailleur. M. [L] expose que pour éviter tout reproche, il a décidé de verser des acomptes chaque année dans l’attente d’une régularisation du fermage. Il soutient qu’il n’a pas été destinataire du courrier recommandé avec accusé de réception daté du 17 février 2020, se trouvant alors hospitalisé et que le décompte y afférent est erroné dans la mesure où il vise des acomptes en déduction année par année alors qu’il devrait, conformément aux règles légales, imputer les acomptes réglés sur l’arriéré.
L’intimé précise aussi que le fermage de l’année 2014 ne pouvait en tout état de cause pas être pris en considération puisqu’il a été payé et se trouve en outre être prescrit à la date de la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux.
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE ,
Sur la demande de résiliation
Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Il résulte des dispositions de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
L’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose que sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants:
1° Deux défauts de paiement de fermage de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition.
(…)
Enfin, aux termes des dispositions de l’article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter.
A défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit: d’abord sur les dettes échues; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. A égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement’.
En l’espèce, une première mise en demeure a été adressée à M. [L] par l’étude notariale en charge de la gestion des parcelles louées, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 février 2020, revenue avec la mention ‘avisé et non réclamé’.
Si M. [L] justifie avoir rencontré des problèmes de santé en janvier et février 2020, ayant subi une hospitalisation, et avoir été hébergé par sa mère, Mme [I] [L], durant cette période, il ne conteste pas avoir été destinataire de la mise en demeure adressée par le notaire par lettre simple en date du 10 mars 2020, les termes de celle-ci étant identiques à ceux de la mise en demeure également adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 février 2020.
Ce courrier de mise en demeure fait état d’impayés de fermages pour les années suivantes :
– Fermage dû en décembre 2014: 2 691,00€
Sous déduction de l’acompte versé en mars 2015 de 1 000 euros soit la somme de 1 691 euros.
– Fermage dû en décembre 2015: 2 909,00€
Sous déduction de l’acompte versé en mars 2016 de 1 000€ et avril 2016 de
3 423,79e soit un trop perçu de 1 514,79€.
– Fermage dû en décembre 2016: 2 897,00€
Sous déduction des acomptes versés en mars 2017 de 1 000€ soit la somme de
1 897,00€
– Fermage dû en décembre 2017: 2 810,00€
Sous déduction de l’acompte versé en février 2018 de 2 640,00€ soit la somme de 170€,
– Fermage dû en décembre 2018: 2 560,00€
Sous déduction de l’acompte versé en mars 2019 de 2 577 euros soit un trop perçu de 17,00€;
– Fermage dû en décembre 2019: 2 603,00€
Soit la somme de 2 603,00€.
Montant total: 4 839,21€
Alors que le montant total des fermages impayés visé par cette mise en demeure s’élève à la somme de 4 829,21 euros, M. [L] a effectué un versement de la somme de 3 338 euros le 26 mars 2020 en faisant valoir que le décompte n’est pas justifié et qu’une partie de celui-ci est prescrit.
En premier lieu, il convient de relever que si M. [L] soutient qu’il n’a été destinataire d’aucune demande de fermage établie par les bailleurs ou par leur mandataire, il résulte des éléments du dossier qu’une mise en demeure lui a été précédemment adressée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 mars 2016 visant les fermages de décembre 2014 et décembre 2015.
En outre, alors que le contrat de bail prévoit expressément, au titre des obligations du preneur, que le fermage doit être payé régulièrement soit en l’étude du notaire soussigné, soit au domicile du bailleur, soit en tout endroit indiqué par lui, le tribunal a justement relevé que M. [L] ne peut valablement invoquer un changement d’étude notariale pour justifier des retards de paiement dans la mesure où il lui appartenait de régler le fermage de lui-même auprès de la nouvelle étude notariale en charge de la gestion du bail.
De la même manière, s’agissant de la méthode de calcul du fermage, le contrat de bail établi par acte notarié en date du 7 août 1985 prévoit notamment que le fermage annuel dû par le preneur est représenté par ‘la valeur en espèces de cent quintaux de blé de qualité loyale et marchande’ et que ce fermage sera payable en un seul terme le 26 décembre de chaque année, le premier paiement devant avoir lieu le 26 décembre 1985, le montant de chaque terme du fermage étant calculé en prenant comme base le cours du blé en vigueur au jour de chaque échéance, le tribunal ayant à juste titre souligné que le calcul du fermage est ainsi aisément réalisable.
Ainsi, alors qu’il n’est pas contesté que la totalité des acomptes versés par M. [L] est repris par le décompte du notaire, ce dernier ayant versé la somme de 11 640,39 euros sur le montant réclamé de 16 477 euros au titre des fermages pour la période allant de 2014 à 2020, le solde restant dû s’élevant à la somme de 4 829,21 euros, le seul choix du mode d’imputation des paiements année par année et non sur les fermages les plus anciens ne fait pas grief à M. [L], le solde restant dû étant identique, le preneur ne contestant pas par ailleurs ne pas avoir réglé la totalité des fermages mis à sa charge et ne proposant aucun mode de calcul alternatif.
En outre, l’imputation des acomptes versés par le preneur sur les fermages les plus anciens exclut la mise en oeuvre de la prescription quinquennale, les acomptes versés en 2014 et 2015 ayant soldé les fermages dûs pour les années 2014 et 2015 mais non la totalité du solde réclamé, objet de la mise en demeure en date du 14 mars 2016.
Ainsi, il résulte de ces éléments que M. [L] ne règle pas ses fermages régulièrement et ne procède qu’à des règlements partiels, qui ne présentent pas de caractère libératoire, sans fournir d’explications sur ces versements et n’a pas saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une contestation de la mise en demeure dans le délai de trois mois.
En conséquence, la récurrence de ces manquements dans le paiement des fermages, en l’absence de toute preuve d’un motif légitime et sérieux permettant de justifier le paiement partiel des sommes réclamées dans la mise en demeure adressée par les bailleurs, exclut toute bonne foi du preneur et justifie de prononcer la résiliation du bail rural dont bénéficie M. [L] et d’ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef et d’assortir cette expulsion d’une astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration du délai d’un mois après la signification de la présente décision, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois.
La décision entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
M. [L], partie perdante, sera condamné à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable de le condamner à verser aux bailleurs la somme de
2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l’action en résiliation du bail rural engagée par cour, Mme [B] [S], M. [M] [E], Mme [O] [E], Mme [Z] [D] assistée de Maître [A] [N] en qualité d’administrateur aux biens, Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C] et Mme [T] [C],
Ecarte le moyen de la prescription soulevée par M. [L] ;
Prononce la résiliation du bail rural dont est titulaire M. [X] [L] portant sur les parcelles situées sur le territoire de la commue de [Localité 32], lieudit ‘[Adresse 36]’, cadastrées AD[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 8] partie, [Cadastre 10] partie, [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21] pour une surface globale de 20ha 25a 33ca,
Ordonne l’expulsion de M. [X] [L] et de tout occupant de son chef desdites parcelles dans le mois suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu’à défaut de libération des parcelles par M. [X] [L] dans le mois suivant la signification du présent arrêt, il y sera contraint passé ce délai sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois ;
Condamne M. [X] [L] à payer à Mme [B] [S], M. [M] [E], Mme [O] [E], Mme [Z] [D] assistée de Maître [A] [N] en qualité d’administrateur aux biens, Mme [J] [K], M. [Y] [C], M. [V] [C], Mme [W] [C] et Mme [T] [C] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [X] [L] aux entiers dépens.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS