Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02375

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Tentative de conciliation : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02375
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 16/03/2023

N° de MINUTE : 23/265

N° RG 21/02375 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSXE

Jugement (N° 51-19-0004) rendu le 29 Mars 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge

APPELANTS

GAEC De Buvignies pris en la personne de ses co-gérants, MM. [K] et [B] [M]

[Adresse 8]

[Localité 27]

Non Comparante, ni représentée

Monsieur [K] [M]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 27]

Représenté par Me Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille substitué par Me Charlotte Nourry, avocat au barreau de Lille

Monsieur [B] [M]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 27]

Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras

INTIMÉS

Madame [A] [V] veuve [N]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 34]

Monsieur [T] [N]

de nationalité Française

[Adresse 35]

[Localité 32] (Maroc)

Représentés par Me Jean-Marc Villesèche, avocat au barreau d’Avesnes sur Helpe

Monsieur [J] [N]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 26]

Monsieur [C] [O]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 28]

Non comparants, ni représentés

DÉBATS à l’audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Mme [A] [V] veuve [N] est propriétaire indivise avec M. [J] [N] et M. [T] [N] de plusieurs parcelles de terre :

– sur la commune d'[Localité 36], les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 19], [Cadastre 21], [Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 30], [Cadastre 25], [Cadastre 31], [Cadastre 7] et pour 1/10° les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 16], [Cadastre 29], [Cadastre 24] et section A n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 12] et [Cadastre 13];

– sur la commune de [Localité 34], les parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 23], [Cadastre 18], et pour 1/10° la parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 10].

Mme [A] [V] Veuve [N] est aussi nu-propriétaire des parcelles suivantes :

– sur la commune d'[Localité 36], les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 19], [Cadastre 21] pour 1/3ème, pour 1/6ème les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 30], [Cadastre 25], [Cadastre 31], [Cadastre 7], [Cadastre 33], [Cadastre 1] et pour 1/30ème les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 16], [Cadastre 29], [Cadastre 24] et section A n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 12] et [Cadastre 13],

– sur la commune de [Localité 34] pour 1/6ème les parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 23], [Cadastre 18] et pour 1/30ème la parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 10].

Elle est aussi propriétaire des parcelles situées sur la commune d'[Localité 36] cadastrée section ZA n°[Cadastre 17] et sur la commune de [Localité 34] cadastrée section ZB n°[Cadastre 22].

M. [C] [O] prenait à bail des parcelles en pâture à compter de l’année 2009, s’agissant des parcelles suivantes :

– sur la commune d'[Localité 36], les parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 30], [Cadastre 17], [Cadastre 19], [Cadastre 21] et [Cadastre 25],

– sur la commune de [Localité 34] les parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 18], [Cadastre 11] et [Cadastre 9].

Par acte sous seing privé en date du 24 avril 2019, M. [C] [O] informait Maître [I], notaire à [Localité 27], de l’abandon de son droit à exploiter les parcelles susvisées appartenant à Mme [A] [V] Veuve [N] à compter du 1er janvier 2019, ce que celle-ci acceptait par acte du même jour.

Courant mai 2019, Maître [I] informait Mme [A] [N] de la venue en son étude de M. [B] [M] et de M. [K] [M] se présentant comme étant les preneurs des parcelles appartenant à Mme [A] [V] Veuve [N]. Ils remettaient deux documents au notaire: le premier daté du 1er juin 2019 portant sur les parcelles sises commune d'[Localité 36] cadastrées section ZA [Cadastre 20], ZA [Cadastre 30], ZA[Cadastre 25], ZA[Cadastre 14], ZA[Cadastre 11], ZA[Cadastre 21], ZA[Cadastre 17], ZA[Cadastre 19] au prix de 147 euros l’hectare pour les terres et de 191 euros l’hectare pour les pâtures, le second daté du 1er juin 2019 portant sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 34] cadastrées section ZD[Cadastre 16], ZD[Cadastre 22], ZD[Cadastre 23], ZD[Cadastre 18], ZD[Cadastre 19] en nature de prairies et terres pour 147 euros l’hectare pour les terres et 191 euros l’hectare pour les pâtures.

Par requête déposée le 11 juillet 2019, Mme [A] [V] veuve [N], M. [J] [N] et M. [T] [N] ont sollicité la convocation de M. [C] [O], M. [B] [M], M. [K] [M] et du Gaec de Buvignies devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge aux fins de voir :

– M. [C] [O] condamné à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de 27 457,05 euros,

– déclarer nuls les documents présentés comme baux à ferme en date du 1er juin 2019, accessoirement déclarer nulle la demande d’autorisation d’exploiter contresignée par Mme [A] [V] veuve [N] de M. [B] [M] et M. [K] [M] en leur qualité de locataire, attribué à Mme [A] [V] veuve [N], tous deux en date du 1er juin 2018,

– ordonner l’expulsion de M. [K] [M] et de M. [B] [M] et du Gaec de Buvignies des parcelles sises:

* commune d'[Localité 36], cadastrées section ZA[Cadastre 17], [Cadastre 19], [Cadastre 21], [Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 30] et [Cadastre 25],

* commune de [Localité 34], cadastrées section ZB [Cadastre 18], [Cadastre 11], [Cadastre 22] et [Cadastre 23] sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de la décision à intervenir, laquelle astreinte courra pendant un délai de trois mois à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

– condamner in solidum M. [B] [M] et M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de

8 000 euros à titre d’indemnité d’occupation arrêtée au 1er juin 2019, outre une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

– ordonner l’exécution provisoire.

Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l’audience non publique du 4 novembre 2019 et aucun accord n’a pu être trouvé. L’affaire a été renvoyée en audience de jugement.

Par jugement en date du 29 mars 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge a :

– dit que les éléments de la procédure sont suffisants pour permettre la vérification par le juge de la signature de Mme [A] [V] veuve [N],

– dit n’y avoir lieu à ordonner une expertise graphologique ni le sursis à statuer,

– débouté M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies de leurs demandes d’expertise graphologique et de sursis à statuer,

– déclaré que la signature sur les actes du 1er juin 2019 intitulés ‘bail à ferme’ n’est pas celle de Mme [A] [V] veuve [N],

– déclarer nuls et de nul effet les actes présentés comme baux à ferme en date du 1er juin 2019 consentis à M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies,

– ordonné l’expulsion de M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies des parcelles sises:

* Commune d'[Localité 36]: section ZA [Cadastre 17], [Cadastre 19], [Cadastre 21] pour une surface de 1ha 88a 08ca en fauchant le 21/06/2019,

* Commune de [Localité 34]: section ZB [Cadastre 18] en fauchant surface 2ha 42a 04ca,

* Commune d'[Localité 36]: section ZA [Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 30], [Cadastre 25] pour une surface de 6ha 59a 26ca faisant paître du bétail,

* Commune de [Localité 34]: [Cadastre 11],[Cadastre 22] et [Cadastre 23] en travaillant cette terre et retournant la parcelle [Cadastre 23] pour une surface de 4ha 72a 69ca,

Sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la notification de la décision, laquelle astreinte courra pendant un délai de trois mois à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit;

– condamné in solidum M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de

9 000 euros à titre d’indemnité d’occupation à titre de provision à parfaire avec le constat de sortie des lieux, laquelle somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– condamné in solidum M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de

1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à son intimité et à son image,

– condamné M. [C] [O] à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de 27 457,05 euros au titre des fermages impayés, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– condamné in solidum M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies à payer à Mme [A] [V] veuve [N] la somme de

1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies de leur demande de répétition de l’indu,

– débouté M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies de leurs demandes indemnitaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné in solidum M. [B] [M], M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies et M. [C] [O] aux dépens de l’instance.

Le Gaec de Buvignies, pris en la personne de ses co-gérants, M. [K] [M] et M. [B] [M] ont interjeté appel de cette décision.

Lors de l’audience devant cette cour, M. [K] [M], représenté par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles il demande à cette cour d’infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Omer en date du 29 mars 2021 et demande à la cour, statuant à nouveau de :

A titre principal et in limine litis,

– prononcer un sursis à statuer dan l’attente des suites données à la plainte pénale,

A titre subsidiaire,

– avant dire-droit, ordonner une expertise graphologique et en vérification de signature des baux litigieux, et désigner tel expert à cette fin,

– débouter Mme [A] [V] veuve [N] et M. [T] [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– à titre reconventionnel, si la cour faisait droit aux demandes en nullité des baux, condamner Mme [A] [V] veuve [N] et M. [C] [O] à lui verser la somme de 17 685,91 euros,

En tout état de cause,

– condamner Mme [A] [V] veuve [N] et M. [T] [N], M. [J] [N] et M. [C] [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K] [M] fait essentiellement valoir que l’acte d’appel mentionne qu’il a fait appel ‘du jugement’ de sorte que ce dernier vise l’ensemble des dispositions du jugement entrepris.

En outre, il précise que les faits font l’objet d’une enquête pénale actuellement en cours et que cette dernière est de nature à éclairer la juridiction dans la mesure où Mme [A] [V] veuve [N] dénie sa signature des baux litigieux.

De plus, il fait valoir que les baux concernés ont été régulièrement signés par Mme [A] [V] veuve [N] et que les attestations produites aux débats démontrent sa qualité de locataire des parcelles litigieuses.

Lors de l’audience devant cette cour, M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N], représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles ils demandent à cette cour de:

– déclarer nulle la déclaration d’appel en date du 28 avril 2021 régularisée par M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Dans tous les cas,

– condamner M. [K] [M] à leur payer la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [K] [M] et le Gaec de Buvignies aux dépens de l’instance.

M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N] font valoir que la déclaration d’appel est entachée de nullité en ce qu’elle ne mentionne pas la profession, la nationalité, les date et lieu de naissance des appelants et pour la personne morale, sa forme, le siège social et l’organe qui la représente légalement et qu’elle ne précise pas non plus les chefs du jugement critiqué, ces omissions leur causant un grief.

En outre, ils soutiennent que Mme [N], es qualité d’usufruitière, n’a pas qualité pour consentir seule des baux ruraux et qu’elle dénie les signatures apposées sur ces documents, ayant déposé plainte pour usage de faux le 23 mai 2019.

Ils ajoutent qu’ils sont empêchés de conclure un bail rural avec le locataire de leur choix et qu’une indemnité d’occupation doit être versée en contrepartie de l’occupation des parcelles pendant trois ans.

M. [J] [N] et M. [C] [O] ont été convoqués à l’audience de la cour par lettres recommandées avec accusé de réception. Ils n’ont pas comparu à l’audience de la cour et ne se sont pas faits représenter.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

SUR CE ,

Sur la déclaration d’appel

En cause d’appel, M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N] invoquent la nullité de la déclaration d’appel régularisée par M. [K] [M] le 28 avril 2021 aux motifs qu’elle ne mentionne pas la profession, la nationalité, les date et lieu de naissance des appelants et pour la personne morale, sa forme, le siège social et l’organe qui la représente légalement et qu’elle ne précise pas les chefs du jugement critiqué.

Aux termes des dispositions de l’article 892 du code de procédure civile, lorsque les décisions du tribunal paritaire sont susceptibles d’appel, celui-ci est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire.

L’article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57 et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant;

2° L’indication de la décision attaquée;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté;

4° Les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Si, lorsque la procédure d’appel est avec représentation obligatoire, la déclaration d’appel doit mentionner les chefs expressément critiqués, faute de quoi la dévolution n’opère pas, il n’en est pas de même en procédure d’appel sans représentation obligatoire pour laquelle les charges procédurales doivent être allégées de manière à permettre aux parties dans l’assistance d’un professionnel du droit d’accomplir les actes de la procédure d’appel. En conséquence, la déclaration d’appel, en procédure sans représentation obligatoire, qui ne mentionne pas les chefs critiqués, opère la dévolution pour l’ensemble des chefs du jugement. (Cass. 2ème civ, 9 septembre 2021).

Alors que les intimés ne rapportent pas la preuve d’un grief résultant du défaut des mentions prévues par les articles 54 et 57 du code de procédure civile, ayant été en mesure d’identifier les requérants et de faire valoir leurs moyens de défense, la déclaration d’appel régularisée par M. [K] [M] opère la dévolution pour l’ensemble des chefs du jugement, s’agissant d’une procédure sans représentation obligatoire.

M. [N] et Mme [V] veuve [N] seront donc déboutés de leur demande en nullité de la déclaration d’appel.

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

M. [K] [M] sollicite le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente de l’enquête pénale en cours à la suite de la plainte déposée par Mme [A] [V] veuve [N] pour faux en écriture.

Alors que le prononcé d’un sursis à statuer implique que le résultat de la procédure à venir ait une conséquence sur l’affaire en cours, le dépôt d’une plainte pénale par Mme [A] [V] veuve [N] n’impose pas la suspension du jugement de l’action engagée devant la juridiction paritaire des baux ruraux.

La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

Sur la demande d’expertise graphologique

Aux termes des dispositions de l’article 1373 du code civil, la partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d’écriture.

L’article 287 du même code dispose que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres. (…)

Il résulte des dispositions de l’article 288 du même code qu’il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint, aux parties de produire tous documents à lui comparer et faire composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture.

Il résulte de ces dispositions que lorsque la partie à laquelle on oppose son engagement sous seing privé, désavoue son écriture ou sa signature, le juge doit, après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture, vérifier l’acte contesté, à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.

En l’espèce, Mme [A] [V] veuve [N] conteste la signature qui lui est attribuée par les consorts [M] figurant sur les actes datés du 1er juillet 2019 produits aux débats par les appelants pour justifier de l’existence de baux ruraux consentis à leur profit.

Alors que Mme [N] produit aux débats une copie certifiée conforme de sa signature figurant sur son passeport en date du 12 juin 2019 ainsi que celle figurant sur son procès-verbal d’audition en date du 23 mai 2019 établi par les services de gendarmerie lors de son dépôt de plainte, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que ces éléments sont suffisants pour procéder à une vérification d’écritures et retenu que la comparaison visuelle des signatures figurant sur ces documents permet d’écarter la signature attribuée à Mme [A] [V] veuve [N] figurant sur les actes litigieux compte tenu de la forme différente des cursives.

En l’absence de tout autre élément de preuve produit par les appelants de nature à justifier de la nécessité de recourir à une expertise graphologique, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande des consorts [M] tendant à voir ordonner une expertise graphologique ainsi qu’un sursis à statuer.

Sur la nullité des actes en date du 1er juillet 2019

Aux termes des dispositions de l’article L.411-4 du code rural et de la pêche maritime, les contrats de baux ruraux doivent être écrits.

L’article 595 alinéa 4 du code civil dispose que :

‘L’usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un fonds rural. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier ne peut passer seul un tel acte qu’avec une autorisation de justice’.

Le bail consenti par l’usufruitier seul est nul à l’égard du nu-propriétaire et celui-ci peut en poursuivre la nullité sans qu’il lui besoin au demeurant d’attendre la fin de l’usufruit.

En l’espèce, M. [K] [M] se prévaut de la propriété apparente.

Cependant, il est de principe que pour pouvoir invoquer de manière utile la notion de propriété apparente, le preneur doit apporter la preuve de sa bonne foi et de l’erreur commune qu’il a commise et des circonstances qui lui permettaient de se dispenser de prendre des renseignements sur la situation réelle de son bailleur. Une telle exigence est fondée sur la nécessité de respecter pleinement le but poursuivi par l’article 595, alinéa 4 qui doit permettre au nu-propriétaire de réintégrer la maîtrise totale de son bien lors de la consolidation de ses droits. Il est donc logique qu’un preneur ne puisse invoquer trop facilement la théorie de l’apparence et s’en prévaloir sur le seul motif que le bailleur n’a pas fait état des droits sur l’immeuble susceptibles d’être détenus par d’autres personnes.

Alors qu’il résulte des développements précédents que la signature figurant sur les actes litigieux ne peut être retenue comme étant celle de Mme [A] [V] veuve [N], les seules attestations produites aux débats faisant état de l’occupation des parcelles par les consorts [M] depuis 2017 et la qualification donnée de ‘locataire’ en raison de l’apparence et du comportement de ces derniers ainsi que la capture d’écran d’échanges de sms attribués à M. [C] [O] faisant état du paiement de ‘fermage’ sont insuffisants à caractériser l’existence d’un bail consenti sur les parcelles litigieuses.

Par ailleurs, s’agissant de l’existence d’un bail verbal, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que les appelants ne démontrent pas l’intention de Mme [N] de leur donner à bail les parcelles litigieuses alors même qu’après avoir été informée par son notaire de la position des consorts [M] en mai 2019, elle a fait établir un procès-verbal de constat par acte d’huissier de justice en date du 23 mai 2019 et fait ensuite délivrer une mise en demeure de libérer les parcelles par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 juillet 2019 et que les appelants ne démontrent pas avoir versé de fermage depuis le 1er juin 2018 ni avoir déposé une demande d’autorisation d’exploiter à leur profit, la seule production des dossiers PAC établis au nom du Gaec de Buvignies, n’ayant qu’une valeur déclarative, étant insuffisante à démontrer l’existence de la volonté de Mme [N] de leur donner les parcelles à bail.

Ainsi, M. [M] ne peut se prévaloir de la théorie de l’apparence.

Enfin, en tout état de cause, alors qu’il n’est pas contesté que Mme [N] est propriétaire indivise des parcelles litigieuses ou usufruitière, force est de constater qu’elle n’avait pas qualité pour consentir seule à la conclusion de baux ruraux, les actes litigieux n’étant pas signés par les autres coindivisaires.

En conséquence, il y a lieu de déclarer nuls les actes sous seing privé en date du 1er juillet 2019, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.

La nullité de ces actes entraînant la remise en état antérieur entre les parties, il y a lieu d’ordonner l’expulsion des consorts [M] et du Gaec de Buvignies des parcelles litigieuses et compte tenu de l’ancienneté de l’occupation des lieux, d’assortir cette expulsion d’une astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration du délai d’un mois après la signification de la présente décision, la décision entreprise étant infirmée sur ce point, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois.

Par ailleurs, alors que ces dispositions ne font l’objet d’aucune critique des appelants, il résulte du procès-verbal de constat établi le 23 mai 2019 que les parcelles appartenant à Mme [N] sont ensemencées et que des bêtes sont présentes dans les pâtures, l’accès aux parcelles étant fermé par un cadenas et les appelants ne contestent pas occuper ces parcelles depuis 2017, cette durée d’occupation étant aussi confortée par les attestations produites aux débats.

En outre, les consorts [M] ne contestent pas ne jamais avoir versé aucune somme en contrepartie de l’occupation des terres alors que Mme [N] avait donné ses parcelles en location à M. [O] de sorte que la preuve d’un préjudice est rapportée en l’espèce.

Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a condamnés au paiement de la somme de 9 000 euros, correspondant au versement d’un fermage annuel de 2 250 euros à titre d’indemnité d’occupation depuis 2017, suivant compte arrêté à la date du 31 décembre 2020, la cour modifiant la décision déférée en précisant que l’indemnité d’occupation à hauteur de montant de l’indemnité d’occupation annuelle est due jusqu’à parfaite libération des lieux.

Sur la demande reconventionnelle

Aux termes des dispositions de l’article 1235 du code civil, tout paiement suppose une dette: ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

A titre reconventionnel, M. [K] [M] sollicite la condamnation de Mme [N] et de M. [O] au paiement de la somme de 17 685,91 euros au titre de la répétition de l’indu et de l’amélioration des fonds.

Au soutien de sa demande, M. [M] produit aux débats deux factures établies les 1er juin et 8 août 2018, établies à son nom, faisant état du versement des sommes de 8 000 euros, 6 000 euros, 3 000 euros et 685,91 euros au titre de l’amélioration du fond sur lesquelles figurent une signature attribuée à M. [C] [O].

Alors que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, s’agissant de factures établies par M. [K] [M], force est de constater que le courrier produit aux débats, attribué à M. [O] et faisant état de la perception de la somme de 17 685,91 euros au titre de l’amélioration des parcelles appartenant à Mme [N] et d’un premier acompte de 8 000 euros versé le 1er juin 2018, ainsi que les échanges de sms attribués à M.. [O], sont insuffisants à démontrer l’existence d’une sous-location consentie par M. [O] au profit des consorts [M] et du Gaec de Buvignies, le tribunal ayant justement relevé que la signature de M. [O] figurant sur ces documents ne correspond pas à celle figurant sur l’accusé de réception à l’audience.

Enfin, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que les consorts [M] ne démontrent pas l’agrément donné par Mme [N] et les autres coindivisaires à une éventuelle cession ou sous-location des parcelles litigieuses par M. [C] [O] à leur profit ni que M. [O] serait intervenu en qualité d’intermédiaire entre les consorts [N] et les consorts [M] et le Gaec de Buvignies ni enfin, qu’il aurait perçu des sommes pour participer à l’amélioration des parcelles.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté les consorts [M] de leur demande en répétition de l’indu.

Sur la demande en paiement des fermages

Aux termes des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1728 dispose que le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu qu’alors que Mme [N] a adressé à M. [C] [O], par courrier en date du 6 mars 2018, une mise en demeure de régler les fermages pour une somme de 23 183,44 euros au titre des années 2013 à 2017 et que M. [O] a renoncé à son droit d’exploiter par courrier en date du 24 avril 2019, il y a lieu de le condamner au paiement de la somme de 27 457,05 euros telle que fixée par la note de fermage en date du 8 novembre 2018 établie par Maître [I], cette créance ne faisant l’objet d’aucune contestation ni en son principe ni en son quantum.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par Mme [N]

Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’absence de toute contestation développée sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de dommages et intérêts de Mme [A] [V] Veuve [N] en retenant que les allégations des consorts [M] aux termes desquelles elle entretenait une relation sentimentale avec M. [O], ce qui aurait motivé l’organisation de ‘fausses’ signatures sur les actes datés du 1er juin 2019 ainsi que la remise de fonds indus, a porté atteinte à sa dignité et à son image lui occasionnant un préjudice moral compte tenu de son âge et du contexte dans lesquels ces propos ont été tenus.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K] [M], partie perdante, sera condamné à supporter les dépens d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de le condamner à verser à M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déboute M. [T] [N] et Mme [A] [V] Veuve [N] de leur demande en nullité de la déclaration d’appel,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum et le point de départ de l’astreinte et sauf à repréciser les modalités de la condamnation de M. [K] [M], M. [B] [M] et du Gaec de Buvignies au paiement d’une indemnité d’occupation ;

Statuant à nouveau sur ces deux points,

Dit qu’à défaut de libération des parcelles par M. [K] [M] dans le mois suivant la signification du présent arrêt, il y sera contraint passé ce délai sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois ;

Condamne in solidum M. [K] [M], M. [U] [M] et le Gaec de Buvignies à payer à M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N] une indemnité d’occupation de 9 000 euros suivant compte arrêté à la date du 31 décembre 2020 au titre de l’occupation des parcelles litigieuses depuis 2017, ainsi qu’une indemnité annuelle d’occupation d’un montant de 2 250 euros due depuis cet arrêté de compte jusqu’à la date de libération des parcelles, au prorata de la période effective d’occupation ;

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [M] à verser à M. [T] [N] et Mme [A] [V] veuve [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. [K] [M] aux dépens d’appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS

 


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