Tentative de conciliation : 16 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01221

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Tentative de conciliation : 16 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01221
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ARRÊT N°

BUL/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 16 MAI 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 21 mars 2023

N° de rôle : N° RG 22/01221 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ERFX

S/appel d’une décision

du Pole social du TJ de VESOUL

en date du 10 juin 2022

Code affaire : 89B

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur

APPELANT

Monsieur [S] [Z], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Xavier CLAUDE, Postulant, avocat au barreau de HAUTE-SAONE présent et par Me Hubert VEAUVY, Plaidant, avocat au barreau de TOURS, présent

INTIMEES

COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE [Localité 4], sise [Adresse 2]

représentée par Me Catherine SUISSA, avocat au barreau de BESANCON , absente et substituée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON, présente

CPAM 70, sise [Adresse 3]

représentée par Mme [N] [A], chargée d’études juridiques, présente , selon pouvoir signé le 8 mars 2023 par M. [K] [R], directeur de la CPAM de Haute-Saône

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 21 Mars 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

en présence de Mme COSTY, greffiére stagiaire

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 16 Mai 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [S] [Z] a été victime d’un premier accident du travail survenu le 29 octobre 2007, à l’origine de la fracture de deux vertèbres lombaires ayant nécessité une arthrodèse (L2 à L5), à la suite duquel la date de consolidation a été fixée au 31 décembre 2011 et un taux d’incapacité permanente partielle retenu à hauteur de 45%.

Il a à nouveau été victime d’un accident du travail le 28 juillet 2014 alors qu’i1 était salarié de la Communauté d’agglomération de [Localité 4], affecté à la collecte des ordures ménagères, qui a généré une lombosciatique droite.

Le médecin conseil de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Saône (ci-après CPAM), ainsi que les médecins experts désignés par la Caisse et par le tribunal judiciaire de Vesoul ayant tous fixé la date de consolidation de l’état de l’intéressé au 21 décembre 2018, ce tribunal a entériné ces conclusions par jugement du 10 juin 2022 et fixé la date de consolidation à cette date.

Par arrêt de ce jour la présente cour a confirmé cette décision sur ce point.

Parallèlement, par requête du 10 avril 2017, M. [S] [Z] a saisi la CPAM d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et, suite à l’échec de la tentative de conciliation, a saisi par requête transmise sous pli recommandé expédié le 18 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociales de Vesoul aux mêmes fins.

Par jugement du 18 mai 2018, ce tribunal a retenu que l’accident du travail du 28 juillet 2014 était imputable à la faute inexcusable de l’employeur, a ordonné une mesure d’expertise médicale et alloué une provision à la victime.

Saisie par la Communauté d’agglomération de [Localité 4], la présente cour a, par arrêt du 29 janvier 2019, confirmé la décision déférée sauf en ce qui concerne la désignation de l’expert et le montant de la provision, a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [X] afin d’évaluer les préjudices du salarié et fixé à

15 000 euros le montant de la provision, avancée par la CPAM.

Le docteur [G], désigné en remplacement du docteur [X] suivant ordonnance du 6 février 2019, ayant déposé son rapport du 28 février 2020 le 2 mars 2020, le tribunal judiciaire de Vesoul a par jugement du 10 juin 2022 :

– rejeté la demande de jonction avec l’instance en fixation de la date de consolidation

– déclaré l’expertise judiciaire du docteur [G] du 28 février 2020 régulière

– condamné la Communauté d’agglomération de [Localité 4] à payer à M. [S] [Z] les sommes suivantes :

* 9 018 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 6 000 euros au titre des souffrances endurées

– débouté M. [S] [Z] de ses autres demandes d’indemnisation (préjudice esthétique temporaire et permanent, déficit fonctionnel permanent, préjudice sexuel, préjudice d’agrément, assistance tierce personne temporaire et permanente, frais d’achat d’un véhicule adapté)

– dit que la Caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Saône assurera le paiement des indemnisations, après déduction de la provision de 15 000 euros versée conformément à l’arrêt de la cour d’appel du 29 janvier 2019, et pourra recouvrer à l’encontre de la Communauté d’Agglomération de [Localité 4] le montant de ces indemnisations, ainsi que les frais d’expertise

– condamné la Communauté d’Agglomération de [Localité 4] au paiement de la somme de 2 500 euros à Maître Hubert VEAUVY, conseil de M. [S] [Z], au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens

Par déclaration du 20 juillet 2022, M. [S] [Z] a relevé appel de la décision et aux termes de ses écritures visées le 30 janvier 2023, demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l’avance faite par la Caisse, aux frais irrépétibles et dépens

– prononcer la jonction des instances RG n°22/01260 et RG n°22/01221

– annuler ou constater la nullité du rapport d’expertise du docteur [G]

– se fonder sur le rapport d’expertise du docteur [O] du 20 août 2021

– condamner la Communauté d’agglomération de [Localité 4] à lui verser la somme de 193 111,18 euros se décomposant comme suit :

* 28 695 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 15 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 1 991, 62 euros au titre de l’incapacité permanente partielle,

* 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

* 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

* 5 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 6 570 euros au titre de l’assistance à tierce personne temporaire,

* 61 854, 56 euros au titre de l’assistance à tierce personne permanente,

* 66 000 euros au titre des frais de véhicule adapté

A défaut,

– ordonner une nouvelle expertise judiciaire avant dire droit

En tout état de cause,

– débouter la communauté d’agglomération de [Localité 4] et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes à son encontre

– condamner la communauté d’agglomération de [Localité 4] et la CPAM, in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, à verser à son conseil, Maître Hubert VEAUVY, la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique

– condamner la communauté d’agglomération de [Localité 4] et la CPAM, in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, aux entiers dépens d’appel

Selon conclusions visées le 23 janvier 2023, la Communauté d’agglomération de [Localité 4] demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [S] [Z] les sommes suivantes :

* 9 018,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 6 000,00 € au titre des souffrances endurées

– le condamner à rembourser à son assureur la SMACL la somme de 15 000 € qui lui a été allouée à titre de provision

– confirmer le jugement déféré pour le surplus

A titre subsidiaire,

– constater que la Communauté d’agglomération de [Localité 4] versera à M. [S] [Z] la somme de 66 € à raison du déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % pour la période du 28 juillet 2014 au 29 août 2014

– condamner M. [S] [Z] en conséquence, à rembourser à la SMACL, son assureur, la somme de 15 000 € qui lui a été allouée en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Besançon du 29 janvier 2019 à titre de provision

A titre infiniment subsidiaire,

– réduire les demandes de M. [S] [Z] pour les ramener à de plus justes proportions

En tout état de cause,

– condamner M. [S] [Z] à lui payer la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens

Selon conclusions visées le 20 février 2023, la CPAM de Haute-Saône demande à la cour de lui donner acte qu’elle s’en rapporte sur l’appréciation faite par la cour de la fixation des indemnités sollicitées et de dire qu’elle récupérera les sommes avancées à ce titre et au titre des frais d’expertise auprès de l’employeur.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, qu’elles ont développées oralement lors de l’audience de plaidoirie du 21 mars 2023, la Communauté d’agglomération de [Localité 4] ayant fait préciser qu’elle sollicitait la condamnation de l’appelant à lui rembourser le montant de la provision versée et non pas à son assureur la SMACL, comme indiqué par erreur dans ses écrits, lequel n’est pas en la cause.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la jonction des deux instances

En vertu des dispositions combinées des articles 367 et 368 du code de procédure civile, le juge dispose d’une mesure d’administration judiciaire lui permettant, à la demande des parties ou d’office, d’ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Si en l`espèce, M. [S] [Z] est actuellement partie à deux instances pendantes devant la présente cour, l’une l’opposant à la Communauté d’agglomération de [Localité 4] et à la CPAM dans le cadre du présent litige, l’autre l’opposant à la CPAM dans le cadre d’une demande en fixation de la date de la consolidation de son état ensuite de l’accident du travail du 28 juillet 2014, ces deux affaires ne sont pas de même nature, compte tenu de l’indépendance des rapports entre d’une part la Caisse et la victime de l’accident du travail et d’autre part l’employeur et le salarié dans le cadre d’une procédure en vue de la reconnaissance d’une faute inexcusable, de sorte qu’il n’apparaît de l’intérêt d’une bonne justice de procéder à leur jonction.

Il ne sera donc pas fait droit à cette demande.

II – Sur la demande d’annulation de l’expertise du docteur [G]

M. [S] [Z] fait grief aux premiers juges d’avoir retenu que le docteur [G] avait satisfait au principe du contradictoire et répondu, avec conscience, objectivité et impartialité à la mission confiée et à ses onze dires, à l’exception d’un seul qu’il indique ne pas avoir reçu, et d’avoir écarté sa demande d’annulation du rapport d’expertise.

Au soutien de sa demande tendant soit à l’annulation soit au constat de la nullité du rapport d’expertise du docteur [G], M. [S] [Z] fait valoir que ce médecin a failli à trois obligations qui lui incombaient en tant qu’expert, en contrevenant au principe du contradictoire, en manquant à son obligation d’accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité et en fixant illicitement la consolidation, plus de 4 ans avant la date fixée par la CPAM.

La Communauté d’agglomération de [Localité 4] réplique qu’aucun des griefs avancés à l’appui de ce moyen n’est opérant et que les opérations de l’expert [G] ne souffrent d’aucune irrégularité.

Il est rappelé que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées par les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure.

S’agissant en premier lieu de la violation du principe du contradictoire, l’appelant fait grief à l’expert de ne pas viser clairement dans son pré-rapport les 11 dires qui lui ont été adressés par son conseil, ainsi que les nombreuses pièces qui y étaient jointes, le privant ainsi de la possibilité de vérifier que l’ensemble de celles-ci avait été examiné à ce stade.

Il ajoute qu’en page 12 de son rapport final, le docteur [G] indique ne pas avoir reçu le dire n°8 et évoque même la possibilité qu’il ait été effacé par mégarde de sa messagerie, et déplore qu’il n’ait pas pu prendre en compte le rapport du docteur [M], joint audit dire.

Cependant, la cour relève sur ce point particulier que si l’expert indique ne pas avoir été destinataire du dire n°8 adressé par voie électronique le 22 juillet 2019, il incombe à la partie qui transmet ses observations sous cette forme de s’assurer de la bonne réception de son envoi, ce dont elle ne justifie pas en l’espèce, évoquant une simple ‘preuve d’envoi’, insuffisante à cet égard, en citant au surplus une pièce n°50 qui ne correspond nullement à une telle preuve. En toute hypothèse, il résulte clairement du rapport définitif de l’expert qu’il a bien pris connaissance du rapport du docteur [M] joint au dire n°8, dont il explique en page 13 qu’il n’est pas de nature à lui faire modifier son analyse.

Pour le surplus, s’il est exact qu’il incombe à l’expert de prendre en considération les observations ou réclamations des parties, conformément à l’article 276 du code de procédure civile, rien ne permet d’affirmer à la lecture du rapport définitif litigieux que son auteur aurait négligé certaines des observations transmises par le conseil de l’appelant puisqu’il résulte au contraire des pages 11 à 15 de son rapport qu’il a repris et répondu aux dires litigieux.

Enfin, ce dernier ne peut faire grief à l’expert de ne pas avoir formellement joint lesdites observations à son rapport, dans la mesure où il n’est tenu de le faire, en vertu du texte précité, que si la partie le lui demande. Or tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il résulte de ce qui précède que M. [S] [Z] qui ne justifie au surplus d’aucun grief résultant du manquement allégué, échoue à démontrer la violation par l’expert du principe du contradictoire.

S’agissant en deuxième lieu du manquement du docteur [G] à l’obligation d’accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité comme le lui impose l’article 237 du code de procédure civile, M. [S] [Z] ne caractérise ni n’illustre de façon convaincante en quoi l’expert aurait contrevenu aux obligations précitées, ses reproches ne portant que sur les conclusions médicales de ce dernier et sur ce qu’il estime être une minimisation des séquelles de son accident du travail du 28 juillet 2014. Or l’appréciation divergente des conséquences de cet événement au regard d’un précédent accident du travail survenu le 29 octobre 2007 et de l’état antérieur qui en résulte en termes de séquelles, ainsi que d’arrêts de travail de droit commun, postérieurs à la consolidation retenue par la Caisse, ne suffit pas à caractériser un tel manquement.

C’est pertinemment que les premiers juges ont retenu sur ce point qu’il ne peut être reproché un tel manquement à l’expert au seul motif qu’il ne proposerait pas une lecture des pièces transmises et de l’examen clinique réalisé conforme à celle que la victime en espérait, étant rappelé en tout état de cause que les conclusions de l’expert ne lient pas le juge.

Il apparaît en outre que la Communauté d’agglomération de [Localité 4] n’est pas contredite lorsqu’elle affirme dans ses écrits que M. [S] [Z] a été présent et accompagné de son conseil à chacune des réunions d’expertise et qu’aucun des deux n’a émis d’observations ou de protestations sur la tenue des réunions, ou exprimé les griefs articulés en la cause contre l’homme de l’art.

S’agissant en troisième lieu du grief tenant à l’illégalité de la fixation de la date de consolidation, que l’expert évalue au 28 août 2014, soit un mois après l’accident, les premiers juges ont à juste titre retenu que la fixation de la date de consolidation étant incluse dans la mission confiée à l’expert par la décision judiciaire le désignant, il ne pouvait lui être reproché d’avoir proposé une date à cet effet et qu’en toute hypothèse il ne sera pas tenu compte de cette date, laquelle a été fixée au 21 décembre 2018.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [S] [Z] doit être débouté de sa demande d’annulation ou, subsidiairement, de constat de la nullité du rapport d’expertise du docteur [G]. Le jugement qui a ainsi statué mérite confirmation de ce chef.

Pour autant, les conclusions figurant à son rapport seront appréhendées par la cour au regard de l’ensemble des productions, en particulier des pièces médicales, mais également de l’expertise du docteur [O], dont les conclusions sont en partie divergentes, certes désigné dans l’instance en fixation de la date de consolidation de l’état de la victime mais dont le rapport a été régulièrement communiqué et discuté contradictoirement dans le présent litige.

III- Sur l’indemnisation des préjudices

En application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

L’article L.452-3 dispose ainsi à sa suite que ‘Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle…’.

Cependant il résulte de l’article L.431-1 du code de la sécurité sociale figurant au chapitre I du titre III du livre IV du même code qu’en cas d’accident du travail, les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d’une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie, de sorte qu’ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l’employeur en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété à la lumière de la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 (Civ. 2, 4 avril 2012, n° 11-18.014).

Au cas présent, M. [S] [Z] a été victime d’un accident du travail le 28 juillet 2014, au cours duquel il a ressenti une violente douleur lombaire droite en tentant de déplacer une poubelle anormalement lourde.

Les séquelles de cet accident du travail, et partant leur indemnisation, doivent néanmoins être appréhendées, comme l’ont fait les experts [O] et [G], à la lumière d’un précédent accident du travail survenu le 28 octobre 2007, dont a été victime l’intéressé, dont la consolidation est intervenue le 31 décembre 2011 avec une IPP évaluée à 45% après une arthrodèse des vertèbres L4/L5 et L5/S1, et d’une histoire rachidienne post-traumatique complexe.

Il résulte en effet des nombreuses pièces médicales communiquées que les séquelles de ce premier accident du travail se sont manifestées par des lombalgies persistantes et des douleurs neuropathique du membre inférieur droit.

Le docteur [I], médecin conseil de la Caisse a, le 14 décembre 2018, estimé que l’état de la victime était consolidé à la date du 21 décembre 2018 sans séquelles indemnisables liées à l’accident du travail du 28 juillet 2014.

C’est également en ce sens que conclut le docteur [G] le 28 février 2020, lequel sans remettre en cause la réalité des troubles consécutifs à l’événement accidentel du 28 février 2014, qu’il qualifie néanmoins de limités, conclut à une absence de déficit fonctionnel permanent en lien avec cet accident, expliquant que les symptômes décrits postérieurement à celui-ci relèvent de façon indiscutable des troubles signalés antérieurement, recouvrant les mêmes caractéristiques topographiques et cliniques.

Il explique à ce titre de façon pertinente qu’aucun document médical, en particulier d’imagerie, ne permet de retenir une explication lésionnelle traumatique récente aux troubles présentés par M. [S] [Z], postérieurement à la consolidation retenue et qu’au contraire ces troubles relèvent exclusivement de l’état antérieur.

Ainsi il apparaît que si le docteur [Y] évoque dans un courrier du 10 septembre 2019 une ‘très discrète fracture corporéale L1″ apparaissant dans une IRM réalisée le 28 août 2014, ce praticien tout comme d’autres à sa suite, a à tort établi un lien entre cette lésion et l’accident du 28 juillet 2014, alors qu’elle est déjà évoquée dans un courrier du docteur [T] du 7 mars 2012 et constatée dans le rapport d’expertise du docteur [H] du 14 novembre 2012, soit antérieurement à l’accident qui intéresse le présent litige.

Le professeur [U] souligne d’ailleurs lors d’une consultation du 4 novembre 2015 que l’histoire rachidienne post-traumatique de l’intéressé est complexe et qu’il a subi lors d’un accident du travail survenu le 28 octobre 2007 une fracture corporéale L1 avec mise en place d’une arthrodèse souple L4/L5 et L4/S1, qui s’est décompensée lors d’un second accident survenu le 28 juillet 2014.

Le docteur [O] retient pour sa part une augmentation de 5% du déficit fonctionnel permanent après avoir précisé que l’état séquellaire de 45% ensuite de l’accident du 28 octobre 2007 ‘était voué à une aggravation’ et que la reprise de certaines activités telles que la moto et le vélo de randonnée avaient eu une action délétère évidente sur le rachis lombaire, participant certainement à la détérioration rachidienne progressive.

Cependant, s’il indique que ‘l’accident du 28 juillet 2014, survenant sur cet état antérieur conséquent, a été une épine irritative qui a très certainement accéléré le processus évolutif mais il n’est pas responsable de manière directe, certaine et exclusive de cette évolution qui doit être rattachée au premier accident’, il retient néanmoins que ‘l’accident du travail est responsable d’un déficit fonctionnel permanent de 5%’.

Dans ces conditions, c’est à tort que la Communauté d’agglomération de [Localité 4] a interprété les conclusions de cet expert et sa réponse à un dire sur cette question comme excluant tout déficit fonctionnel permanent imputable à l’accident du 28 juillet 2014.

III-1 le déficit fonctionnel permanent

S’il était précédemment admis que la rente versée à la victime d’un accident du travail

indemnisait, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle

de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent, de sorte que le déficit fonctionnel permanent était couvert par le livre IV du CSS et ne pouvait donner lieu à une indemnisation au titre de l’article L.452-3 du CSS (Civ. 2, 4 avril 2012, n° 11-14.311 et 11-14.594), cette rente n’est plus considérée par la Cour de cassation comme réparant le déficit fonctionnel permanent (Assemblée Plénière, 20 janvier 2023, n°21-23.947).

L’expert [O] dont il convient d’entériner les conclusions sur ce point au regard de l’ensemble des productions, ayant retenu un déficit fonctionnel permanent de 5%, soit inférieur au seuil de 10%, il y a lieu d’allouer, conformément aux dispositions des articles L.434-1, R.434-1 et D.434-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité à M. [S] [Z] sous la forme d’un capital d’un montant de 1 991,62 euros, après réévaluation au 1er avril 2021.

C’est à tort que le jugement déféré a écarté ce poste de préjudice. Il sera donc infirmé de ce chef.

III-2 le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste indemnise l’aspect non économique de l’incapacité temporaire correspondant à la gêne dans les actes de la vie courante et à la perte de qualité de vie et des joies usuelles, incluant les préjudices sexuel et d’agrément subis jusqu’à la consolidation.

A l’issue de ses opérations, l’expert [G] a conclu à un déficit fonctionnel temporaire de 10% du 28 juillet au 28 août 2014, alors que l’expert [O] a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 100% durant les hospitalisations successives (soit 325 jours) et de 50% entre les hospitalisation et du 3 au 21 décembre 2018.

C’est ainsi que sur la base d’un coût journalier de 27 euros, les premiers juges, entérinant les conclusions de l’expert [O] en omettant toutefois les périodes inter-hospitalisations, ont alloué à M. [S] [Z] la somme de 9 018 euros en réparation de ce poste de préjudice.

L’employeur propose pour sa part à hauteur de cour une indemnisation sur la base de 2 euros par jour entre le 28 juillet et le 28 août 2014 (33 jours), soit 66 euros, laquelle ne peut bien évidemment pas être retenue.

L’appelant sollicite, sur la base d’un coût de 30 euros par jour l’indemnisation de ses 325 jours d’hospitalisation à hauteur de 100% et l’indemnisation des 1 263 jours hors hospitalisations à hauteur de 50%, soit une somme totale de 28 695 euros, estimant que les premiers juges ont interprété de façon erronée les conclusions de l’expert [O] dès lors qu’il convient nécessairement d’appliquer le déficit partiel aux périodes inter-hospitalisations.

Or, si l’appréciation du coût journalier retenu par les premiers juges à hauteur de 27 euros est justifié, c’est en revanche à tort qu’ils ont limité l’indemnisation du déficit fonctionnel partiel à la période du 3 au 21 décembre 2018 en omettant les périodes intersticielles.

Dans ces conditions, réformant partiellement le jugement entrepris, il sera alloué à M. [S] [Z] la somme de 25 785 euros, se décomposant comme suit :

– 27 X 325 X 100% = 8 775 euros

– 1 260 X 27 X 50% = 17 010 euros

III-3 l’assistance tierce personne temporaire

Si le docteur [G] ne retient pas la nécessité, en lien avec l’accident du 28 juillet 2014, pour M. [S] [Z] de recourir à une tierce personne antérieurement à la consolidation le docteur [O] a en revanche retenu une telle aide à raison d’une heure par jour au cours de la première année et ses conclusions, qui apparaissent en conformité avec les productions, doivent être entérinées sur ce point.

Le jugement déféré qui a rejeté sa demande encourt donc l’infirmation et il sera alloué à ce titre à l’appelant, sur la base de 16 euros par jour la somme de 5 840 euros.

III-4 les souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime du jour de l’accident à celui de la consolidation, étant rappelé qu’à compter de cette date les souffrances endurées relèvent du déficit fonctionnel permanent.

L’expert [G] a fixé le préjudice à 1 sur une échelle de 7 alors que le docteur [O] propose une évaluation de 4 sur 7.

Dès lors que le premier a quantifié ce poste en se fondant sur une période sensiblement plus courte puisqu’il estimait la consolidation acquise un mois après l’accident, et que le second a manifestement surévalué ce poste, compte tenu de l’interférence de l’état antérieur, il convient de retenir au regard des productions et des faits de la cause une indemnisation de 6 000 euros, comme l’ont fixée selon une juste appréciation les premiers juges.

III-5 le préjudice esthétique temporaire

Si l’expert [G] exclut tout préjudice esthétique, son homologue, après avoir dans un premier temps écarté ce poste, a modifié sa position en réponse à un dire, et l’a évalué à 2 sur 7 compte tenu du port d’un corset et de l’usage d’une canne, qu’il circonscrit à une durée d’un an.

L’appelant ne communique aucune pièce, telle que des clichés photographiques, ni ne précise durant quelle période il a été contraint d’utiliser son corset, privant ainsi la cour d’une appréciation complète de ce poste, en particulier sur la visibilité du port du corset et son impact dépréciant éventuel sur l’image de la victime aux yeux des autres.

Toutefois, l’expert ayant retenu la nécessité de l’usage d’une canne durant un an, c’est à tort que les premiers juges ont intégralement rejeté la demande de M. [S] [Z] à hauteur de 2 000 euros à ce titre. Il apparaît justifié de retenir une indemnisation dans la limite de 500 euros.

III-6 l’assistance tierce personne permanente

Aucun des deux experts ne retient la nécessité, en lien avec l’accident du 28 juillet 2014, pour M. [S] [Z] de recourir à une tierce personne postérieurement à la consolidation.

Le jugement déféré qui a rejeté sa demande à ce titre mérite confirmation.

III-7 le préjudice esthétique permanent

Aucun des deux experts ne retenant de préjudice esthétique permanent et aucun élément objectif n’étayant la demande de l’appelant à ce titre fondée sur le port allégué d’une canne voire des déplacement ponctuels en fauteuil, la demande formalisée à hauteur de 1 000 euros doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

III-8 le préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément s’entend uniquement de l’impossibilité ou de la difficulté à se livrer à une activité sportive ou de loisir déterminée, qui doit être expressément confirmée par l’expert, étant rappelé que la privation des agréments normaux de l’existence est intégrée au déficit fonctionnel permanent.

En l’espèce, aucun des deux experts n’ayant retenu que la victime n’avait pu reprendre les activités de loisirs qu’elle indiquait avoir pratiqué précédemment, et dont elle justifie en la cause, à savoir la moto et le vélo de randonnée, il n’est pas démontré que M. [S] [Z] endure une diminution de ses capacités d’agrément à ce titre. Sa demande doit par conséquent être écartée.

Le jugement déféré ne peut donc qu’être confirmé de ce chef.

III-9 le préjudice lié à l’aménagement du véhicule

Si M. [S] [Z] prétend que la conduite d’un véhicule sur de longues distances lui est interdite compte tenu des douleurs lombaires qu’elle induit et que la douleur endurée à sa jambe droite l’empêche d’utiliser désormais un véhicule à changement de vitesse classique, aucun des deux experts ne conclut à la nécessité d’un aménagement de son véhicule en vue d’accéder à un véhicule avec changement de vitesse automatique et accélérateur au volant en lien avec l’accident du 28 juillet 2014, il ne peut qu’être débouté de cette demande, comme l’ont jugé les premiers juges.

III-10 le préjudice sexuel

Si M. [S] [Z] se prévaut pour le surplus d’un certificat médical du docteur [L], médecin de réadaptation fonctionnelle, lequel relève le 11 janvier 2019 que la dégradation neuro-périnéale évolue depuis 12 mois et s’aggrave depuis 6 mois, il doit être relevé que l’expert [O] a pris connaissance de cette information et a d’ailleurs attendu des éléments complémentaires portant sur un bilan urologique afin de donner un avis éclairé sur le lien éventuel entre les troubles urinaires du patient et l’accident du 28 juillet 2014, ainsi que cela ressort de son pré-rapport déposé le 16 septembre 2020.

Aux termes de son rapport définitif, l’expert [O] écarte sans équivoque l’existence d’un élément médical tangible qui permettrait de rattacher les troubles urinaires, médicalement constatés pour la première fois le 11 janvier 2019, soit près de 5 ans après l’accident du travail, à cet événement traumatique, ce d’autant plus, précise-t-il, que les troubles érectiles de l’intéressé lui étaient antérieurs.

Répondant d’ailleurs sur ce point à un dire du patient, le docteur [O], explique que la symptomatologie urinaire décrite par l’intéressé correspond parfaitement à la description clinique de l’adénome prostatique et que si M. [S] [Z] qualifie son adénome de “banal” il n’en demeure pas moins qu’un adénome protusif, tel que décrit dans les examens médicaux communiqués, est symptomatique et que la thérapeutique prescrite (Urorec) est précisément celle des troubles urinaires induits par une hypertrophie bénigne de la prostate.

L’expert confirme dans la réponse à ce dire sa conclusion précédente et exclut tout lien direct, certain et exclusif des troubles urinaires et sexuels avec l’accident du 28 juillet 2014.

Le jugement déféré qui l’a débouté de sa prétention à ce titre ne peut qu’être confirmé sur ce point.

IV- Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens et la Communauté d’agglomération de [Localité 4] sera condamnée seule à verser au conseil de M. [S] [Z] une indemnité de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation à l’aide juridictionnelle.

La Communauté d’agglomération de [Localité 4] supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

REJETTE la demande de jonction des instances enregistrées sous les n° RG 22/1221 et 22/1260.

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à la demande d’indemnisation au titre de l’assistance tierce personne temporaire, du préjudice esthétique temporaire et des déficits fonctionnels temporaire et permanent.

L’INFIRME de ces seuls chefs, statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE à la somme de 5 840 euros l’indemnité allouée au titre de l’assistance tierce personne temporaire.

FIXE à la somme de 500 euros l’indemnité allouée au titre du préjudice esthétique .

FIXE à la somme de 1 991,62 euros l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

FIXE à la somme de 25 785 euros l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire.

DEBOUTE M. [S] [Z] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la Communauté d’agglomération de [Localité 4] à verser à Maître Hubert VEAUVY, conseil de M. [S] [Z], la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

CONDAMNE la Communauté d’agglomération de [Localité 4] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize mai deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

 


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