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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 15 Novembre 2023
N° RG 22/00504 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FYVM
VD
Arrêt rendu le quinze Novembre deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 01 Février 2022 par le Tribunal de Proximité de Vichy (RG N°11-21-000061)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et Mme Céline DHOME, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
M. [G] [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Fabien PURSEIGLE de la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002574 du 13/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE
Société coopérative à capital variable et personnels variables régie par le titre V du Code Rural, dénommée Crédit Agricole Centre France
Immatriculée sous le n° 445 200 488 au RCS Clermont-Ferrand
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Claire BARGE-CAISERMAN de la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 21 Septembre 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUFAYET, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 15 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Céline DHOME, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Le 11 janvier 2018, M. [G] [P] a souscrit auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre-France (le crédit agricole) un crédit renouvelable d’un montant maximum autorisé de 800 euros.
Le 18 septembre 2018, il a souscrit un plan épargne boursière auprès de la même banque.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 août 2020, le conseil de M. [P] a demandé au crédit agricole de lui faire parvenir la somme de 789,99 euros correspondant aux prélèvements indus, outre la somme de 500 euros pour le coût de son intervention. Il a également sollicité la communication des pièces suivantes: historique complet du crédit renouvelable détaillant chaque échéance en capital, intérêts et frais ; les informations quant à la solvabilité de M. [P] pour la souscription du crédit ; un relevé de compte titres ; l’historique des frais et commissions prélevés pour la tenue de ce compte.
Dans un courrier daté du 9 octobre 2020, le crédit agricole a écrit au conseil de M. [P] et indiqué que ce dernier avait été reçu par sa conseillère le 24 septembre et qu’un remboursement de frais à hauteur de 700,44 euros lui avait été proposé.
Le 23 septembre 2020, M. [P] a déposé un dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers de l’Allier. Il a fait l’objet d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, entraînant notamment l’effacement des créances du crédit agricole.
Par exploit d’huissier en date du 20 janvier 2021, M. [P] a fait assigner le crédit agricole devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal de proximité de Vichy afin qu’il:
– prononce la déchéance du droit aux intérêts au titre du crédit souscrit,
– avant dire droit sur l’étendu des condamnations du crédit agricole :
– l’enjoigne à produire l’historique complet de son compte comportant l’ensemble des mensualités remboursées en distinguant le capital ainsi remboursé et les intérêts, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– se déclare compétent pour liquider l’astreinte,
– prononce la résolution du plan d’épargne boursier en date du 18 septembre 2018,
– condamne le crédit agricole à lui restituer l’intégralité des montants prélevés pour les besoins de ce contrat, en montants investis et frais de toute nature,
– avant dire droit sur l’étendu des condamnations du crédit agricole :
– l’enjoigne à produire l’historique complet des prélèvements, des frais et commissions prélevés pour l’alimentation et la tenue de ce compte, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– se déclare compétent pour liquider l’astreinte,
– condamne le crédit agricole à lui payer la somme de 789,99 euros de dommages-intérêts au titre des frais et intérêts indûment prélevés,
– condamne le crédit agricole à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– dise n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– condamne le crédit agricole à lui payer la somme de 1 800 euros en application de l’article 700 2° du code de procédure civile,
– condamne le crédit agricole aux dépens, dont distraction au profit de maître Fabien Purseigle, avocat.
Par un jugement du 1er février 2022, le JCP :
– a rejeté partiellement l’exception d’incompétence,
– s’est déclaré compétent pour statuer sur l’action en déchéance du droit aux intérêts encourue au titre du crédit renouvelable et sur la demande au titre des frais du compte courant de M. [G] [P],
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’action relative aux manquements du crédit agricole au titre de son plan épargne boursière et renvoyé M. [P] à saisir la juridiction compétence au regard du montant de sa demande,
– a déclaré recevable la demande en paiement de M. [P],
– a débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,
– a débouté le crédit agricole de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– a condamné M. [P] à payer au crédit agricole la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné M. [P] aux dépens recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
– a ordonné l’exécution provisoire.
M. [P] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 7 mars 2022.
Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 3 juin 2022, il demande à la cour, au visa des articles L.341-2 et L.312-16 du code de la consommation, l’article 1217 du code civil, les articles 1104 et 123-1 du code civil, les articles L.312-1-3 et R.312-4-3 du code monétaire et financier, de :
– le déclarer recevable et bien fondée,
– en conséquence infirmer le jugement en ce qu’il :
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’action relative aux manquements du crédit agricole au titre de son plan d’épargne boursière,
– l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,
– l’a condamné à verser au crédit agricole la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamné aux entiers dépens,
– statuant à nouveau :
– déclarer que le crédit agricole a manqué à son obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur,
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts au titre du crédit souscrit le 11 janvier 2018,
– condamner le crédit agricole à lui payer et porter la somme de 180,12 euros au titre des intérêts prélevés du crédit renouvelable,
– déclarer que le crédit agricole a manqué à son devoir de conseil s’agissant du plan d’épargne boursier souscrit le 18 septembre 2018,
– condamner le crédit agricole à lui payer et porter la somme de 500 euros de dommages-intérêts en réparation des manquements au devoir de conseil,
– condamner le crédit agricole à lui payer et porter la somme de 789,99 euros de dommages-intérêts au titre des frais et intérêts indûment prélevés,
– condamner le crédit agricole à lui payer et porter la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner le crédit agricole à payer et porter à la SELARL Abside Avocats la somme de 1 800 euros en application de l’article 700 2° du code de procédure civile, au titre des frais de justice d’appel,
– condamner le crédit agricole aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Fabien Purseigle, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, le crédit agricole demande à la cour, au visa des articles L.213-4-5 du code de l’organisation judiciaire, 750-1 du code de procédure civile, L.312-16 du code de la consommation, L.312-1-3 et R.312-4-3 du code monétaire et financier, de:
– faire droit à l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [P] recevable au titre de ses demandes concernant le plan d’épargne boursier, dans l’hypothèse où la cour réformerait le jugement entrepris s’agissant de l’exception de compétence,
– confirmer pour le surplus le jugement,
– en tout état de cause,
– condamner M. [P] à lui payer et porter la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [P] aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et moyens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2023.
Motivation de la décision
A titre liminaire, la cour observe que l’intimée ne reprend pas devant la cour sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Les dispositions du jugement ayant débouté la banque de cette demande sont donc définitives.
1/ Sur la compétence du JCP
Le JCP s’est déclaré compétent pour juger des prétentions relatives au crédit renouvelable et au compte courant, s’agissant d’un contentieux qui lui est spécifiquement dévolu aux termes de l’article L.213-4-5 du code de l’organisation judiciaire.
En revanche, s’agissant des prétentions relatives au plan épargne boursière, il a indiqué que la compétence relevait soit du JCP soit du tribunal judiciaire, en fonction du montant de la demande. Il a ensuite relevé que la demande sur ce point de M. [P] n’était pas chiffrée, de sorte qu’il lui appartient de choisir la juridiction de son choix en fonction du montant réclamé.
L’appelant estime que le JCP étant compétent sur le fondement de l’article L.213-4-4 du code de l’organisation judiciaire pour son action relative au prêt, il devait également se déclarer compétent pour ses autres demandes en raison de leur connexité.
L’intimée prétend au contraire que la demande relative à la résolution du plan d’épargne boursier ne fait pas partie des compétences du juge des contentieux de la protection et sollicite confirmation.
Sur ce, la cour rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 81 du code de procédure civile ceci :
‘ Lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.
Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente. Cette désignation s’impose aux parties et au juge de renvoi.’
Il appartenait donc au JCP qui se déclarait incompétent de désigner la juridiction compétente, ce qu’il n’a pas fait. Il ne pouvait pas renvoyer M. [P] à mieux se pourvoir. La décision sera infirmée sur ce point
Devant la cour d’appel, ce débat est sans objet, la cour étant en toute hypothèse compétente matériellement pour traiter de l’ensemble du litige.
2/ Sur l’absence de toute conciliation préalable
La banque intimée se prévaut des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile qui imposent une tentative de conciliation préalable pour les demandes n’excédant pas 5 000 euros, sous peine d’irrecevabilité des demandes.
Elle indique qu’elles s’appliquent aux demandes relatives au plan épargne boursier, même si elles ne s’appliquent pas aux demandes relatives aux crédits à la consommation, comme l’a relevé le JCP.
L’appelant n’émet pas d’observations sur ce point.
L’article 750-1 du code de procédure civile prévoit ceci :
‘En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants:
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution.’
Il résulte des pièces 9, 10 et 11 de l’appelant qu’il y a bien eu une phase amiable puisqu’une proposition indemnitaire a été faite à M. [P] avant la délivrance de l’assignation, proposition qu’il a refusée.
Le grief tiré de l’absence de conciliation préalable sera rejeté et la décision confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la demande en paiement de M. [P].
3/ Sur le manquement du prêteur à son obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moment de la souscription du crédit renouvelable
Il résulte des dispositions de l’article L.341-2 du code de la consommation que le prêteur qui ne vérifie pas la solvabilité de l’emprunteur est déchu du droit aux intérêts.
L’appelant estime que la banque n’a pas satisfait à cette obligation et sollicite ainsi qu’elle soit déchue du droit aux intérêts, soit une somme de 180,12 euros.
L’intimée répond que non seulement elle a respecté ses obligations en la matière, mais qu’en outre n’ayant pas elle-même initié une action en paiement, M. [P] ne peut présenter une telle demande, laquelle est un moyen de défense.
Sur ce, la cour observe que M. [P] sollicite à titre de sanction la déchéance du droit aux intérêts pour un montant de 180,12 euros. Or, il n’est pas contesté par les parties que M. [P] a déposé un dossier de surendettement et que la créance au titre du crédit ainsi souscrit a été effacée à hauteur de 284 euros. La restitution qu’il sollicite étant d’un montant inférieur au montant de la créance effacée, sa demande est sans objet, celle-ci s’imputant nécessairement sur le capital restant dû.
4/ Sur le manquement au devoir de conseil lors de la souscription du plan épargne boursière
L’appelant estime qu’en ce qui concerne le plan épargne boursière, la banque a manqué à son devoir de conseil. Il indique que le produit proposé, qui consistait en un plan de souscription régulière automatisé d’un montant de 15 euros afin d’acquérir chaque mois une fraction d’un fonds commun de placement dénommé ‘global silver age’, n’était pas adapté à sa situation. Il n’a pas eu conscience de souscrire un placement boursier. Il n’avait par ailleurs aucune épargne et ne dispose d’aucune capacité d’épargne. Des frais de garde lui ont été prélevés à hauteur de 34 euros, correspondant à deux mensualités. Une analyse sincère de sa situation aurait dû conduire à conclure à l’absence de capacité d’épargne. Il en veut pour preuve le dépôt d’un dossier de surendettement.
L’intimée rétorque que le placement n’est pas bloqué, qu’il peut en demander l’arrêt à tout moment, ainsi que le remboursement partiel ou total. Elle ajoute qu’il a réalisé une plus-value. Le décompte des frais lui est transmis tous les ans, de sorte qu’il n’y a rien de mystérieux. Les frais de garde de 34 euros ont uniquement été prélevés en 2019.
Sur ce, il résulte de la jurisprudence rendue sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil que la banque peut, dans certaines circonstances, être tenue d’un devoir de conseil envers son client, notamment en terme de placements lorsqu’elle est sollicitée à cette fin.
En l’espèce, il résulte de la fiche remplie sous le nom ‘entretien global épargne et assurances’ qu’au moment de la souscription de cette épargne, M. [P] avait des revenus mensuels de 934 euros et aucune épargne. Il n’avait aucun patrimoine immobilier. Dans la colonne ‘votre connaissance et expérience des instruments financiers’ il est indiqué ‘débutant’. Il est également indiqué qu’il envisageait d’épargner mensuellement la somme de 15 euros.
Par ailleurs, alors que ce contrat d’épargne a été souscrit le 18 septembre 2018, il apparaît que le 16 août 2018 soit un mois avant, le Crédit agricole avait adressé un courrier à M. [P] pointant l’existence répétée d’incidents de paiement ou d’irrégularités dans le fonctionnement du compte.
Sur la base de ces éléments, il est évident que le produit financier proposé à M. [P] n’était adapté ni à sa situation financière précaire, ni à ses connaissances en matière d’instruments financiers.
En lui proposant un produit d’épargne, qui plus est très spécifique en ce qu’il comporte une part de risque lié à la fluctuation des marchés financiers, la banque a manqué à son devoir de conseil, le budget de M. [P] ne lui permettant ni de dégager une épargne mensuelle systématique, ni d’absorber des fluctuations boursières.
Le préjudice qui en résulte pour M. [P] est une perte de chance de ne pas souscrire à ce contrat d’épargne s’il avait été mieux renseigné sur son fonctionnement.
Le dernier relevé relatif au montant de la somme ainsi placée est daté du 28 décembre 2021 et permet de constater que la valorisation est de 446,17 euros, soit une plus-value latente de 68,96 euros, ou 18,28%. Au regard de ces données, la perte de chance sera évaluée à la somme de 150 euros.
5/ Sur les frais du compte courant
L’appelant estime que la banque a manqué à ses obligations légales et contractuelles et a exécuté la convention de compte de manière déloyale. A compter de l’année 2019, elle a prélevé d’importants frais sur ce compte. Il estime qu’elle aurait dû lui proposer une offre spécifique de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident en application des articles L.312-1-3 et R.312-4-3 du code monétaire et financier. Il précise qu’il aurait dû bénéficier de ces dispositions en ce qu’elles visent les personnes en situation de fragilité. Il chiffre les frais et intérêts indûment prélevés à la somme de 789,99 euros et en demande le remboursement à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 1 000 euros en indemnisation du préjudice moral lié aux difficultés financières causées par les agissements de la banque.
L’intimée prétend avoir satisfait aux obligations du code monétaire et financier visées et indique produire les courriers adressés à M. [P] en ce sens.
Sur ce, il résulte des dispositions de l’article L.312-1-3 du code monétaire et financier ceci :
‘Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques.
Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard, notamment, au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.’
Selon l’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier :
‘I. A. Pour l’application de l’article L.312- 1-3, la situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par l’établissement teneur de compte à partir :
1° De l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ainsi que de leur caractère répété constaté pendant trois mois consécutifs;
2° Et du montant des ressources portées au crédit du compte.
Dans son appréciation, l’établissement peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte.
B. Pour l’application du II de l’article L.312-1 et de l’article L.312-1-3, sont également considérés en situation de fragilité financière :
1° Les personnes au nom desquelles un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire est inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques ;
2° Les débiteurs dont la demande tendant au traitement de leur situation de surendettement a été déclarée recevable en application de l’article L.331-3-1 du code de la consommation.
II. La proposition de souscrire à l’offre spécifique est formulée par écrit, quel qu’en soit le support. Les établissements de crédit en conservent une copie.
III. – L’offre spécifique comprend au moins les services bancaires suivants :
1° La tenue, la fermeture et, le cas échéant, l’ouverture du compte de dépôt ;
2° Une carte de paiement à autorisation systématique ;
3° Le dépôt et le retrait d’espèces dans l’agence de l’établissement teneur du compte;
4° Quatre virements mensuels SEPA, dont au moins un virement permanent, ainsi que des prélèvements SEPA en nombre illimité ;
5° Deux chèques de banque par mois ;
6° Un moyen de consultation du compte à distance ainsi que la possibilité d’effectuer à distance des opérations de gestion vers un autre compte du titulaire au sein du même établissement ;
7° Un système d’alertes sur le niveau du solde du compte ;
8° La fourniture de relevés d’identités bancaires ;
9° Le plafonnement spécifique des commissions d’intervention prévu à l’article R. 312-4-2 ;
10° Un changement d’adresse une fois par an.
IV. – L’offre spécifique est proposée pour un tarif ne pouvant dépasser trois euros par mois. Ce montant est revalorisé annuellement en fonction de l’indice INSEE des prix à la consommation hors tabac.
V. – Lorsque le titulaire d’un compte ayant souscrit l’offre spécifique souhaite ne plus en bénéficier et opter pour une autre offre, sa renonciation sur support papier ou sur un autre support durable est recueillie par l’établissement de crédit.’
Dans la mesure où la banque prétend avoir satisfait à ces obligations, il s’en déduit qu’elle reconnaît que M. [P] se trouvait dans la situation de fragilité exigée par les dispositions visées. Elle produit en effet des copies de courriers au nom de M. [P] en date des 16 août 2018, 27 octobre 2020, 12 janvier 2021et 13 avril 2021. Le premier est antérieur au dépôt de son dossier de surendettement, les autres sont postérieurs et visent d’ailleurs cette situation. Il est indiqué ceci :
‘Conformément à la réglementation en vigueur (article L.312-1-3 du code monétaire et financier), nous avons mis en place des solutions pour nos clients rencontrant des difficultés qu’elles soient passagères ou plus durables.
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Il a été dit plus avant que le 18 septembre 2018, M. [P] a été reçu par son conseiller bancaire pour un ‘entretien global épargne et assurances’, soit un mois après l’envoi du courrier ci-dessus. Il n’est pas justifié par la banque de la réitération à cette occasion d’une proposition adaptée à sa situation, mais au contraire, une épargne boursière lui a été présentée. Postérieurement, sa situation ne s’est guère améliorée, puisqu’il a dû déposer un dossier de surendettement.
La cour considère que la banque a ainsi manqué à son obligation et M. [P] est bien fondé à solliciter à titre de dommages et intérêts la somme de 402,64 euros correspondant aux frais et intérêts prélevés sur son compte à compter du mois d’août 2018, date d’envoi du premier courrier.
En revanche, sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera rejetée en l’absence d’éléments pour l’étayer.
6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le crédit agricole sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
En ce qui concerne les frais irrépétibles, la cour observe que le crédit agricole avait fait une offre amiable à M. [P] à hauteur de 700,44 euros qu’il a refusée. Cette offre a été réitérée devant le JCP qui a fait une tentative de conciliation à l’audience après avoir ordonné la réouverture des débats pour une comparution personnelle des parties. A cette occasion encore, la proposition pourtant de nature à réparer son préjudice, a été refusée.
Dans ces conditions, la cour estime qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Sur la compétence, infirme le jugement en ce que le juge des contentieux de la protection de la chambre de proximité de [Localité 5] s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’action relative aux manquements de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France au titre du plan épargne boursière de M. [G] [P] et a renvoyé M. [G] [P] à saisir la juridiction compétence au regard du montant de sa demande,
Statuant à nouveau de ce chef, constate que le débat sur la compétence est sans objet devant la cour d’appel,
Sur le fond, et dans les limites de sa saisine, confirme le jugement en ce qu’il a :
– déclaré recevable la demande en paiement de M. [G] [P],
– débouté M. [G] [P] de sa demande au titre du crédit renouvelable et de sa demande au titre de son préjudice moral,
Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
– condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre-France à payer à M. [G] [P] la somme de 150 euros de dommages et intérêts au titre du plan épargne boursier,
– condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre-France à payer à M. [G] [P] la somme de 402,64 euros au titre du compte courant,
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre-France aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier La Présidente